Contre tout espoir

Chapitre 15 : Bonus 1 : l'enfance de Tom

Catégorie: T

Dernière mise à jour 09/11/2016 23:14

Tom Elvis Jedusor n’était pas ce que l’on pouvait appeler quelqu’un qui commençait bien dans la vie. Né d’un père qui l’avait abandonné par honte, d’une mère morte en couche, pas assez forte pour l’élever, il aurait été rejeté à la fois par sa famille moldue qui l’aurait considéré comme un monstre, illégitime de surcroit, et son oncle sorcier qui n’aurait vu en lui qu’un sang mêlé indigne de fouler le sol de la maison des descendants de Serpentard, si seulement sa mère ne l’avait pas abandonné dans un orphelinat.

Et là, sa vie n’avait pas été à envier non plus. A l’orphelinat, il y avait des règles à retenir. Ne pas poser de question. Obéir. Eviter les plus grands. Se méfier des plus petits, car c’étaient les plus teigneux. Manger le plus vite possible pour éviter de se faire voler son repas. Essayer d’avoir des amis plus puissants que soit.

La dernière règle était celle dans laquelle il réussissait le mieux. Il possédait un charme certain, dont il se servait outrageusement, que ce soit vis-à-vis des employés comme des autres enfants. Mais la directrice de l’institut ne se laissait pas abuser par ses grands yeux. Elle, elle sentait que quelque chose n’allait pas. Et lui aussi.

Il en avait toujours était convaincu. Il n’était pas comme les autres, il y avait quelque chose de différent en lui, quelque chose qui faisait de lui un être exceptionnel. Un jour, alors qu’un de ses camarades lui avait volé son dessert, il avait réussi à attirer ledit dessert à lui. Depuis, il s’était servi de ce don pour se venger lorsque les gens lui faisaient du mal. Il avait ainsi réussi à voler quelques jouets aux autres enfants, vieux jouets abandonnés par quelques bourgeois qui cherchaient à se donner bonne conscience aux bonnes œuvres.

En faisant tourner sur la table une vieille toupie, il se demanda à quoi elle ressemblait lorsqu’elle était neuve. Sentait-elle encore la peinture, comme le mur Est lorsqu’il avait été repeint ? Etait-elle plus lisse, ou au contraire s’était-elle polie avec le temps ? Il se promit qu’un jour, il serait lui aussi un de ces bourgeois. Un jour, lui aussi pourrait acheter de beaux jouets, et aussi de beaux vêtements. Il ne manquerait jamais plus de rien.

Le temps passait et cette conviction ne le quittait pas. Il avait perdu espoir d’être adopté, après tout, il était déjà trop âgé et faisait fuir les familles. Il sentait au plus profond de chaque personne ses sentiments réels, il lui suffisait de la regarder dans les yeux, et il connaissait la vérité. Madame Cole, la directrice de l’orphelinat, lui avait souvent tapé sur les doigts en lui disant que cela ne se faisait pas de regarder les gens dans les yeux, mais il préférait rester à l’orphelinat que d’aller dans cette famille, là, qui n’avait déjà pas l’intention de lui donner des jouets et de belles choses. Ou encore celle-là, où le mari et la femme passaient leur temps à se disputer et cherchaient à adopter un enfant pour tenter de sauver leur couple.

Alors, il se contentait de survivre, au jour le jour, tout en accumulant les connaissances nécessaires pour pouvoir s’en sortir, un jour. Le frère qui venait leur faire la classe leur avait dit que s’ils travaillaient bien tant qu’ils étaient petits, ils auraient un bon emploi plus tard. Et ça, Tom en était convaincu. Alors il travaillait avec assiduité, en se répétant qu’un jour, lui aussi aurait droit à un bon emploi. Peut être aviateur, ou alors banquier. Il ne savait pas lequel gagnait le mieux sa vie, mais avait toujours voulu voler, et on disait qu’un banquier était quelqu’un de riche. Surtout celui qui venait régulièrement à l’orphelinat et qui se disputait toujours avec Madame Cole.

Les autres enfants avaient vite appris à ne pas l’embêter. Pour les faire fuir, il suffisait de faire voler quelque chose quand ils étaient dans la pièce, puis de leur dire de ne rien répéter, ou ce seraient eux qui voleraient. Ca marchait toujours, et même les plus courageux prenaient la fuite en sentant leurs pieds quitter le sol. Il n’avait pas de personnes en qui il faisait suffisamment confiance pour les appeler ses « amis ». Il y avait ceux qui étaient sous ses ordres, et puis les autres. Au fond de lui, Tom savait qu’il lui manquait quelque chose. Il ne savait pas aimer.

En ce qui concernait les adultes responsables des enfants de l’orphelinat, soit ils l’adoraient, et faisaient alors des alliés potentiels, soit ils se méfiaient, comme Madame Cole. Dans ces cas-là, il se contentait de les éviter le plus possible.

Le monde à l’extérieur de l’orphelinat était pour lui une énigme, quelque chose d’immatériel, jusqu’au jour où il serait majeur. Il se résumait à la plage sur laquelle ils allaient une fois par an, et au petit carré de lumière qui entrait par la fenêtre de sa chambre. Son petit monde se résumait aux murs de l’orphelinat, à la cour dans laquelle les autres allaient jouer, au réfectoire, à la salle d’étude. Il était un étranger à ce monde, et attendait seulement le jour où il pourrait en partir.

Telles avaient été les certitudes de Tom sur la vie, jusqu’à ses neufs ans, lorsqu’elle avait basculé.

Il avait tout de suite compris que Harry ne lui disait pas la vérité, lorsqu’il était entré dans la chambre. Mais cet homme avait tellement envie de faire bien, de le ménager, que Tom s’était tout de suite sentit en sécurité. Il émanait quelque chose de lui, quelque chose d’à la fois commun et surnaturel. Des années plus tard, il avait compris que c’était de l’amour.

Harry l’avait conforté dans son opinion qu’il était exceptionnel, et il avait été ravi que l’homme lui propose de devenir encore plus exceptionnel. Il lui avait proposé de lui apprendre la magie. Tom en était tout retourné. Sa vie allait enfin changer, et en mieux. Il le savait, le destin venait de l’aider à suivre sa voie, celle qu’il avait toujours pressentie comme la sienne. Il allait devenir un être hors du commun.

Lorsque Harry passa la porte de l'orphelinat, il n'avait absolument aucune idée de la façon dont il allait s'y prendre pour amener la directrice de l'orphelinat à lui confier la garde de Tom. Il prépara rapidement une histoire pas spécialement plausible, mais il n'avait jamais été doué pour cela. C'était Severus, l'expert en mensonges, pas lui.

Comme dans le souvenir de Dumbledore, une jeune fille débraillée, vêtue d'un tablier, l'accueillit lorsqu'il entra. Il demanda en balbutiant la directrice, expliquant qu'il était le cousin de l'enfant, se fustigeant d'être si peu convainquant. Mais la jeune fille devait sérieusement manquer de curiosité, car elle se contenta de crier le nom de son employeuse avant de se remettre à fixer le mur en face de sa loge, sans plus s'occuper du visiteur.

La directrice, Madame Cole, apparut enfin, avec l'air des gens toujours pressés, toujours occupés. Harry la regarda anxieusement, avant de lui répéter ce qu'il avait dit à sa secrétaire, de moins en moins clair. La femme, agacée, le conduisit dans son bureau, où elle se servit sans préambule un verre de gin, puis s'assit en face du jeune homme.

- Alors, vous affirmez être son cousin. Avez-vous une preuve de ce que vous avancez? Demanda-t-elle, très vive.

Le coeur d'Harry s'emballa un instant, puis il se souvint du souvenir de son mentor. Il avait été contraint d'utiliser la magie pour convaincre la directrice de lui confier l'enfant. Il se pencha donc sur son bureau, serrant sa baguette dans sa manche, et prit une feuille vierge, avant de jeter un sortilège de confusion sur Madame Cole, dont le regard se fit vague. Il ne connaissait que la théorie, pour l'avoir lue dans un livre de défense contre les forces du mal, mais ne l'avait jamais pratiqué. Aussi, se concentra-t-il attentivement sur le but qu'il souhaitait atteindre, la sueur coulant de son front. Lorsqu'il tendit la feuille à Madame Cole, qui le regardait d'un air intrigué, il se souvint tout à coup de Severus.

« Lorsque vous mentez, il faut jouer le jeu. Vous n'incarnez pas un personnage, vous êtes ce personnage. Soyez-en convaincu et celui que vous voulez flouer le sera également. »

Il lui avait dit cela un jour où Harry l'accusait d'avoir le mensonge dans la peau. Snape avait rétorqué qu'au contraire, c'était lui qui ne savait pas mentir, et que tout le monde pouvait apprendre. Il reprit alors confiance.

- Voilà les papiers qui prouvent mon identité et mon ascendance. Vous pouvez voir ici que je suis bien le cousin de Tom, et que son père m'a nommé pour m'en occuper si jamais il lui arrivait malheur. Ci-joint le certificat de décès du père.

Madame Cole lâcha les papiers, avant de dévisager Harry.

- Tout me semble en ordre, si vous voulez bien prendre quelques minutes pour remplir les papiers d'adoption...

Adoption... Harry n'avait pas songé que après cela, il deviendrait officiellement père. Père... Serait-il à la hauteur? Il n'avait pas la moindre idée de ce que devait faire un père, Oncle Vernon n'ayant pas été un excellent modèle. Il remplit les documents d'une main tremblante, acceptant que Tom puisse garder son ancien nom de famille, auquel il apposerait désormais celui de Prince.

Une demi-heure plus tard, il allait trouver Tom dans sa chambre, pour lui annoncer la nouvelle. Il lui parut si petit, assis sur son lit, si fragile. La peur l'assaillit lorsque Tom lui demanda de dire la vérité, et il essaya de lui mentir le moins possible, ne voulant pas le pervertir dès le début. Il se répéta qu'il était trop jeune pour savoir, et que Tom chercherait de toutes façons à en savoir plus lorsqu'il serait plus grand. Il aviserait à ce moment-là.

La chambre du chaudron baveur ne suffirait pas éternellement. Il se rendait tout à coup compte de ce que cette situation impliquait. A présent, il était adulte, définitivement, et devait se comporter comme tel. Plus personne pour le protéger, finie l'école. Il devrait travailler, gagner sa vie, sans diplôme justifiable, sans papiers d'identité. Si une moldue pouvait se laisser abuser par un sortilège de confusion, ce ne serait surement pas le cas d'un sorcier.

L'offre de l'apothicaire était une aubaine pour lui. Comme si le destin avait décidé de lui donner un petit coup de pouce. Malgré le salaire de misère, il était désormais capable de louer un petit appartement avec deux chambres, à Londres, et inscrit Tom à l'école pour enfants de Pré-Au-Lard.

Le garçon l'inquiétait. Toujours timide, réservé, il ne parlait que si Harry lui adressait la parole, se contentant de manger, dormir, faire sa toilette. Harry comprit enfin qu'il ne faisait que répéter ce qu'on lui avait enseigné à l'orphelinat. Faire ce qu'on te dit et ne pas causer de problème. Parfois, Tom lui jetait des regards perçants, détournant la tête lorsque Harry se tournait vers lui, comme s’il y avait quelque chose qu’il ne comprenait pas, mais qu’il n’osait pas demander. Regrettant encore une fois l'absence d'Hermione, il se décida à tenter de se sortir de ce mauvais pas tout seul.

Un beau soir, alors qu'il allait coucher Tom, il se décida à évoluer dans sa relation avec l'enfant. Il le borda dans le lit, comme à son habitude, puis s'assit au bord, lui ébouriffant les cheveux.

- Alors, mon garçon, qu'est-ce que tu as fait, aujourd'hui, à l'école? Demanda-t-il.

Il fut récompensé par un immense sourire sur le visage de l'enfant, qui se mit à parler, totalement surexcité.

- Aujourd'hui, on a dessiné avec la peinture qui change de couleur toute seule! J'ai voulu dessiner mon ours mais la peinture est devenue verte, alors ça ressemblait plus du tout à un ours.

Tom éclata de rire à ce souvenir, puis s'assombrit tout à coup.

- Mais Max il a dit que c'était pas beau.

- Qui est Max? Demanda Harry, un peu nerveux.

- C'est le plus grand de la classe, expliqua Tom, tout à coup anxieux. Il est méchant, mais je peux l'être plus, si je veux, dit-il, fanfaron.

Les pires craintes de Harry se réalisaient. Il respira un grand coup, sentant Tom se raidir devant lui.

- Ce n'est pas bien d'être méchant, Tom, tu sais. Si jamais ce grand t'embête, je veux que tu ailles parler à ta maitresse, au lieu de te disputer avec lui, d'accord? Elle est gentille, ta maitresse, non?

Le garçonnet prit le temps de réfléchir à la question.

- Oui, elle est gentille, elle m'aide à tenir ma plume, quand on écrit. Mais est-ce qu'elle est plus forte que Max?

La question fit sourire Harry, qui se souvint avec émotion de ses propres craintes d'enfant, lorsqu'il n'osait pas aller se plaindre à ses professeurs lorsque Dudley et sa bande l'attaquaient. Il était temps de ne pas réitérer les mêmes erreurs que par le passé.

- Elle est l'adulte, elle est là pour te protéger, pour protéger tous les élèves qu'on lui confie. C'est pour ça que tu n'as pas le droit d'être méchant avec Max, mais que lui n'en a pas le droit non plus. Si Max t'embête, tu essaies d'abord de discuter gentiment avec lui, sinon, tu vas voir ta maitresse, d'accord?

- D'accord, monsieur.

- Tu n'as pas à m'appeler monsieur, tu sais.

- Comment je dois t'appeler, alors, monsieur?

- Pour le moment, tu peux m'appeler Harry. Et autre chose. A l'avenir, je veux que tu me le dises si tu as quelque chose qui te tracasse, d'accord? Fit-il en tenant le menton du petit.

- D'accord, monsieur Harry.

Soupirant, Harry se releva, répondant par une grimace au sourire espiègle de Tom. Il lui souhaita bonne nuit, et quitta la chambre.

A partir de ce jour, il prit chaque jour un peu de temps pour parler avec Tom, lui raconter des histoires, même s'il paraissait déjà un peu grand pour cela. Il mettait chaque jour une partie de son salaire de côté pour acheter des vêtements et des jouets à Tom, même s'il manquait toujours un peu. Il se répétait que ce qui comptait vraiment était que le garçon soit heureux et aimé. Et Tommy le lui rendait bien. Même s’il manquait d’expérience, il essayait de lui montrer de l’affection, comme il pouvait.

La première fois que Harry avait pris l’enfant dans ses bras, il l’avait senti se raidir, mais s’était peu à peu détendu, s’abandonnant au plaisir de l’étreinte. Depuis, Harry essayait de toujours lui montrer qu’il l’aimait, multipliant les petites attentions, les gestes d’affection.

Car il se rendait compte qu'il s'était pris d'affection pour le petit bout de chou, malin et curieux à la fois, sans aucune méchanceté. Il se rendait compte que Severus avait raison : c'étaient eux qui avaient créé le monstre qu'était devenu Jedusor, la première fois qu'ils avaient modifié le passé.

Le premier Noël arrivait à grands pas et Harry n'arrivait pas à économiser suffisamment pour offrir à Tom un repas un peu plus élaboré et un ou deux jouets. Il songea à en fabriquer lui-même, mais n'avait jamais été très manuel. Alors, il demanda à son patron la possibilité de faire des travaux supplémentaires rémunérés. Ce dernier accepta, pensif.

La veille de Noël, alors que Tom rentrait tout excité de l'école, ravi d'avoir quelques jours de congés, Harry soupesa un peu désappointé les quelques pièces qu'il avait en poche. Tout juste de quoi acheter une toupie dans le magasin de jouets de Pré-Au-Lard. Il espérait que Tom ne serait pas trop déçu.

Harry travaillait trop pour se permettre de rencontrer des gens. Aussi, le soir, lorsqu'il entendit quelqu'un transplaner devant la porte, il crut tout d'abord à une erreur, et serra par précaution sa baguette dans sa main. Mais il n'y avait personne devant la porte. Personne, à part une caisse en bois portant le sceau de l'apothicaire. Surpris, Harry l'ouvrit.

C'est alors qu'il eut de nouveau la certitude que le destin aidait ceux qui en avaient besoin. La boite contenait un magnifique coffret contenant un assortiment de petits soldats de plomb, de la meilleure facture, et deux oranges. Emu aux larmes par la délicatesse de son employeur pourtant particulièrement bourru, incapable de pousser le sentimentalisme au point de remettre le colis en mains propres, mais reconnaissant du travail et du courage de son collègue , il alla les placer devant les chaussons de Tom, abandonnés dans le salon, les oranges sur le coffret de bois ouvragé, avec les images des soldats peints dessus.

Cette nuit-là, Harry fut tout aussi impatient que Tom de se lever pour fêter Noël. Lorsque le jour commença à poindre, il se leva et alla se préparer une tasse de café. Les petits pas de Tom résonnèrent dans le couloir, et une tête toute ébouriffée aux yeux endormis apparut dans l'encadrement de la porte.

- M'est avis que le père Noël est passé, cette nuit, fit Harry, l'air de rien.

- Arrête, Harry, je sais qu'il existe pas!

- Ah bon? Alors comment expliques-tu le colis que j'ai trouvé devant tes chaussons ce matin?

Les yeux de Tom s'agrandirent, et il partit en courant dans le salon. Harry le suivit, très fier de son effet. Ce fut un Tom ravi qu'il découvrit, un grand sourire aux lèvres.

- C'est trop génial! Merci papa!

Harry prit une grande inspiration, avant de serrer Tom dans ses bras. Papa, ça sonnait plutôt bien.

**********

Les mois passèrent dans une monotonie désormais établie pour Tom et Harry. Ce dernier travaillait énormément, ce qui laissait peu de place à des jours de congé, et donc passait peu de temps avec Tom. Mais il ne manquait jamais de lui demander de lui raconter sa journée, le soir, lorsqu'ils dînaient ensemble, c'était leur petit moment privilégié. Jamais Tom ne se plaignait de ce manque de disponibilité. Au contraire, il apparaissait toujours reconnaissant, comme s'il profitait pleinement de chaque moment passé avec quelqu'un qui prenait soin de lui, après les années à l'orphelinat.

Le garçon grandissait bien, commençait à se sociabiliser, faisant preuve d'un charme qui faisait craquer ses professeurs comme ses camarades. Il avait de bonnes notes à l'école, essayant toujours d'être le premier. Harry le soupçonnait d'essayer de tout faire pour le rendre fier. Il était amusé par la lueur de bonheur qu'il voyait dans les yeux de Tom lorsqu'il le félicitait de ses bonnes notes.

Le jour arriva enfin où Tom entra en âge d'entrer à Poudlard. Harry se demanda comment il occuperait ses soirées, maintenant que Tom ne rentrerait plus, le soir, pour dîner. Il se demanda longtemps s'il serait capable de sortir, de nouveau, de rencontrer des gens, peut être de séduire. Mais aucune femme ni aucun homme n'arriverait jamais à la cheville de Severus. Alors, le premier soir, lorsque Tom lui envoya une lettre pour lui annoncer son admission officielle à la maison de Serpentard, ce dont il se doutait, il prit une petite somme d'argent et se rendit au Chaudron Baveur. Là, il y rencontra son patron, qui lui offrit la première tournée. Ce fut la première fois que les deux hommes discutèrent en dehors du travail.

Son patron, qui s'appelait Eric Vangueveld, avait fait de courtes études de potionniste, qu'il n'avait pu mener à terme. Alors, il avait ouvert une boutique d'apothicaire, mettant en oeuvre ses connaissances des ingrédients. Il ne gagnait pas forcément bien sa vie, en tout cas pas assez pour se marier et fonder une famille, et de toutes façons il n'était pas assez sociable pour plaire aux femmes. L'homme le railla de son choix de vie, lui affirmant que lui, aurait laissé le gamin à l'orphelinat, cousin ou pas. Mais Harry l'avait bien compris, le jour où il avait laissé les soldats de plomb, l'homme était un tendre, sous son apparente carapace.

Tom grandissait bien, ramenant toujours de bonnes notes, revenant toujours pour les fêtes, lui racontant les amis qu’ils s’étaient faits, les Gryffondors avec qui, comme Harry dans une autre vie, il se disputait. Il avait retrouvé à Poudlard quelques jeunes sorciers avec qui il était allé à l’école de Pré-Au-Lard, et même s’il ne semblait pas réellement prêt à faire confiance à ses amis, au moins était-il cordial, et ne s’isolait pas. Le directeur de Serpentard, le professeur Slughorn, avait confié à Harry lors d’une réunion que Tom avait formé autour de lui une cour de jeunes gens ayant soif de réussite, et que son pupille aurait l’appui de leurs parents au ministère si un jour il souhaitait l’intégrer.

Tout d’abord, cette information avait inquiété notre jeune papa, qui avait peur que Tom ne reforme les mangemorts. Mais si les adolescents se faisaient de nombreux plans d’avenir, il semblait qu’ils ne comptaient que conquérir le monde financier. Et comment s’attendre à autre chose venant d’un Serpentard ? Mieux valait qu’il réussisse mieux dans sa vie que son père adoptif, se disait Harry, alors qu’il venait comme toujours chercher son fils à la gare de Londres pour les fêtes de Noël. Tommy lui adressa un sourire ravageur, qui eut pour effet de faire glousser tout un troupeau de filles de son âge, sur le quai de la gare, et tira sa valise jusqu’à son père, lui serrant la main.

C’est à ce moment-là que Harry s’en rendit compte. La reconnaissance autrefois présente dans son regard n'existait plus.

Ce fut alors que la dispute eut lieu.

Les fêtes de Noël approchaient, et Harry avait économisé sur son salaire pour offrir à son fils un livre qu'il avait vu pendant les vacances, mais qui coûtait trop cher. Alors, il lui avait acheté d'occasion, et l'expression déçue dans le regard de Tom ne lui avait pas échappé, lorsqu'il avait ouvert son cadeau. Le temps où un ours en peluche bancal suffisait pour l'émerveiller était passé depuis longtemps.

Tom lui avait demandé pourquoi il n'avait pas cherché un autre travail. Ce à quoi Harry avait répondu qu'il avait fait de son mieux pour l'élever. Mais cette question en avait entrainé une autre. Pourquoi l'avait-il élevé? Pourquoi s'était-il encombré d'un gamin qui n'était même pas de lui, qu'il avait élevé comme un sang mêlé, sans le faste nécessaire à tout Serpentard, passant ses soirées dans un bar miteux avec un autre miséreux comme lui ? Pourquoi son vrai père l'avait abandonné ?

Le jour fatidique était arrivé. Entre deux cris, Harry lui avait tout raconté, d'une voix froide, digne de Severus. Digne d'un Prince.

Tom avait fui, et Harry n'avait pas prévenu les autorités sorcières. Il savait qu'il reviendrait. Car le destin aide toujours ceux qui en ont besoin.

Et il était revenu, le lendemain, en larmes, en le suppliant de le pardonner. Harry l'avait accueilli à bras ouverts, et avait décidé de lui raconter l'histoire de Severus. De l'homme grâce à qui ils étaient vivants, tous les deux.

Tom avait passé ses ASPICs avec brio, comme prévu, puis avait travaillé quelques temps comme conjureur de sortilèges pour le ministère. Lequel s'était vite apperçu de l'utilité de cet homme dans les duels, de part son ingéniosité et sa vivacité d'esprit, et Tom était devenu auror, un auror brillant, surtout dans la résolution des enquêtes. Son père savait bien qu’il se rangerait en grandissant, mais que pour l’instant, il avait besoin d’un peu d’action, de travailler sur le terrain. Harry était ravi de le voir devenir cet homme adulé et plein de charmes qu'il avait élevé. Même si le garçon ne trouvait jamais femme. Un soir, alors que Harry discutait avec son patron, comme à son habitude, le soir, au Chaudron Baveur, il l'avait vu passer dans la rue, aux côtés d'un jeune homme charmant. C'est là qu'il avait compris. Mais peu importait les préférences de son fils, tant qu'il était heureux. Il avait mené à bien sa mission.

Et à présent, au crépuscule de sa vie, alors que la fièvre le rongeait, Severus lui revenait en mémoire. Y avait-il un paradis, un repos éternel pour les gens comme eux? Les paradoxes temporels, ceux qui avaient existé plusieurs fois, disparaissaient-ils seulement, ou bien avaient eux aussi droit à contempler les vivants, l’œuvre de leurs vie, du haut de leur ciel ? Il songea que Severus était né en 1960, il naitrait donc deux ans plus tard. Et lui, Harry, mourrait avant sa naissance. C'était mieux ainsi. Si le paradis existait, il y retrouverait son amant.

Alors que Tom lui faisait avaler d'horribles potions sans aucun effet, il lui raconta le plus grand amour de sa vie. Il lui raconta la grande vérité qu'avait découverte Dumbledore, au sujet de la magie de l'amour. De son pouvoir créateur. Sans doute délirait-il, et pourtant, il savait que le moment venu, Tom ferait ce qu'il ferait.

Parce que le destin aide toujours ceux qui en ont besoin.

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