Les Premiers Chasseurs

Chapitre 30 : XXIX Le château de Malchauzen

6705 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 19/06/2023 15:40

CHAPITRE XXIX : LE CHÂTEAU DE MALCHAUZEN


Le soir, après un repas assez consistant pour tenir la nuit, les deux hommes firent leurs adieux.

— Reviens-nous, je suis trop jeune pour être veuve, chuchota Isabelle à l’oreille de son époux en l’embrassant.

— Je reviendrai, dit-il, incapable d’ajouter autre chose.

Et alors qu’il se tournait vers sa mère, Mathias descendait l’escalier après être allé voir son neveu et sa belle-sœur. Charlotte, oubliant toute convenance, l’embrassa amoureusement. Ils ne se dirent rien, ils n’en avaient pas besoin.

Philippe posa sa main sur l’épaule de Mathias et ils transplanèrent. Ils réapparurent à un carrefour plongé dans les ténèbres. Ils ne discernèrent que le calvaire dressé à proximité et la silhouette d’une forêt proche. Autour d’eux, il n’y avait pas âme qui vive.

— Nous n’y voyons goutte, dit Philippe, comme prévu. Ils ne nous verront pas approcher, mais nous allons devoir voler près l’un de l’autre.

— Ne perdons pas de temps, invectiva Mathias. Je prends la tête.

Les deux hommes enfourchèrent leurs balais et s’envolèrent en rasant la cime des arbres. L’air glacé leur fouettait le visage malgré les cache-nez qu’ils portaient. La nuit dépourvue de lune ne facilitait pas leur progression. Plusieurs fois, ils évitèrent de justesse une branche dépassant de la masse des sapins ou un oiseau nocturne volant en quête d’une proie.

Mathias avait bien étudié la topographie de la région sur la Carte d’Odin. Dans cette forêt serpentait une rivière qui quittait le couvert des arbres pour s’engouffrer dans des gorges, entre deux falaises. C’était au bord de la plus haute des deux que se trouvait perché le château de Malchauzen. En continuant dans cette direction, ils devraient bientôt atteindre le cours d’eau et ils n’auraient plus qu’à le suivre.

En regardant vers l’est, ils virent les feux des braseros brûler au loin, là où campaient les armées se faisant la guerre dans ce coin du monde. De là, ils ne pouvaient distinguer les uniformes ou les étendards, ignorant donc si ce camp abritait l’armée du roi Louis XIV ou celle de l’empereur Leopold Ier. Le roi de France s’était lancé dans ce conflit pour augmenter son territoire, dans le but de lui octroyer des frontières naturelles.

Philippe avait toujours considéré les guerres territoriales comme une preuve de la cupidité des dirigeants. Pourquoi vouloir toujours plus ? De quel droit s’imposer à des peuples qui ne sont pas le sien ?

— Nous arrivons à la rivière ! annonça Mathias. Redoublons de prudence et de discrétion, le château n’est plus très loin.

En effet, comme un serpent légèrement plus clair se faufilant dans la masse noire des arbres, la rivière se dessinait devant eux. Ils plongèrent vers elle, rasant ses flots calmes. Ils passèrent sous l’arche d’un petit pont de pierre à la lisière de la forêt, et bientôt, ils furent dans les gorges.

La silhouette grise du château de Malchauzen se détachait à peine sur le ciel noir moucheté d’étoiles. Aucune lumière ne filtrait de ses meurtrières.

S’arrêtant en vol stationnaire juste sous le promontoire, à l’aplomb du donjon carré, les deux hommes tinrent conseil en chuchotant pour décider de la suite de la manœuvre.

— On peut sûrement monter jusqu’au sommet, proposa Mathias, on peut se désillusionner, il faudra faire tout de même attention aux meurtrières, les éviter au maximum.

— Il serait logique qu’il y ait une ou plusieurs sentinelles qu’il nous faudra neutraliser, ajouta Philippe. Ensuite, nous aurons une vue sur la cour, les remparts et les alentours.

— C’est le but. Nous pourrons ensuite nous infiltrer dans le donjon par le haut et descendre étage par étage. Ils ne devraient pas s’attendre à une attaque par cet axe. Allons-y.

D’un coup de baguette sur le sommet du crâne, ils s’appliquèrent le sort de désillusion, ils ne se voyaient plus que par le flou de leurs silhouettes. Lentement et silencieusement, ils montèrent le long du mur, évitant de passer dans l’angle de vue des meurtrières. Mathias osa jeter un coup d’œil par une ouverture à mi-hauteur : il ne vit rien ni personne. Il trouva ça étrange.

Ils redoublèrent d’attention en atteignant le crénelage qui coiffait le sommet du donjon, l’abordant baguette à la main, prêts à toutes éventualités.

Il n’y avait personne. Seul le vent glacé sifflant entre les parapets les accueillit.

Avec légèreté, ils se posèrent sur le donjon. Ils se penchèrent aux merlons pour regarder vers la cour et l’enceinte. Personne non plus. Ils annulèrent leur sort de désillusion.

— C’est étrange… dit Philippe. On dirait qu’il n’y a personne.

— Nous n’en sommes pas sûrs, restons prudents, fit Mathias. Descendons.

Laissant leurs balais dans un coin, ils s’approchèrent de la trappe permettant d’entrer dans la tour. Avec d’infinies précautions, ils l’ouvrirent, Mathias se penchant pour vérifier qu’aucun ennemi ne les attendait en embuscade. Ils se glissèrent à l’intérieur, refermant la trappe derrière eux sans la verrouiller.

Prudemment, ils descendirent étage par étage, ne rencontrant personne. Ils descendirent étage par étage, ne rencontrant personne. Ils trouvèrent des traces d’occupation récentes, des restes de nourriture s’amoncelaient par endroit et des cendres froides formaient de petits monticules gris dans l’âtre des cheminées.

Le château avait été visiblement fouillé. Le mobilier, vétuste et ancien, avait été brisé et renversé.

Au bout d’une heure, ils se rendirent à l’évidence qu’ils étaient seuls. Taran, s’il avait vraiment occupé ces murs, était parti depuis longtemps.

— Soit, Lenier nous a menti, mais j’en doute… dit Mathias.

— Soit, Taran a changé d’endroit après que nous l’ayons fait prisonnier, compléta Philippe. C’était peut-être prévu dans ses plans, ou alors décidé après avoir perdu contact avec lui, ils communiquer de façon régulière.

— C’est logique… Ce qu’il faut essayer de savoir maintenant, c’est ce qu’il cherchait et l’a-t-il trouvé ? À moins que ce soit ses hommes qui ont juste joué les pillards. Vous aviez dit que le château avait appartenu à un sorcier qui y faisait des expériences, Marchas vous a-t-il dit de quel genre ?

— D’après les quelques témoignages de l’époque qu’il a pu trouver, il essayait de percer les secrets de l’antique magie druidique. Il aurait consigné ses découvertes, des rituels et d’autres éléments dans un grimoire.

— Il aurait ?

— Mis à part ces témoignages, il n’y a aucune preuve de l’existence de ce grimoire, précisa Philippe. Certains érudits disent qu’il n’a jamais existé, d’autres que Malchauzen l’aurait caché avant de mourir.

— Serait-ce ça que cherchait Taran ? questionna Mathias. À supposer qu’il cherchait réellement quelque chose…

— Oh que oui il cherchait ! lança une voix éthérée qui surprit les deux hommes.

Ils sursautèrent en se tournant vers le nouvel arrivant, baguettes pointées sur lui. La silhouette vaporeuse d’une femme en robe du moyen-âge traversa le mur devant eux. Ils baissèrent leurs bras quand ils comprirent que leur visiteuse était morte depuis longtemps. S’ils ne pouvaient rien contre elle, la réciproque était vraie également.

— Qui êtes-vous pour troubler mon tourment éternel ? questionna-t-elle.

— Veuillez pardonner notre intrusion, madame, s’excusa le comte d’Estremer. Nous ignorions que vous hantiez ce lieu. Je suis le comte Philippe d’Estremer, et voici mon compagnon, monsieur Mathias Corvus. À qui avons-nous l’honneur ?

— Je suis Brunehilde Malchauzen, se présenta-t-elle, et vous êtes ici dans ma demeure ! Pourquoi personne ne me laisse à ma solitude et à ma peine ?

— Qui est venu avant nous ? interrogea Mathias abruptement. Était-ce Taran ?

— Oui, il se nomme ainsi. Il est venu il y a quelques mois, s’installant avec ses sbires, des brigands peu recommandables et mal éduqués. Au début, je me suis caché, par peur.

— De quoi avez-vous peur ? Vous êtes déjà morte.

Dans la seconde, Brunehilde se planta devant Mathias, son visage éthéré frôlant le sien et prenant une expression de colère intensifiée par sa pâleur fantomatique, ses yeux devenant profondément noirs et une ombre s’installant dans ses traits.

— Oui ! hurla-t-elle. Je suis morte ! Je ne crains ni les vivants ni le temps ! Mais j’ai eu peur, car cet homme, si c’en est un, est toujours vivant et le temps ne semble pas avoir de prise sur lui ! Donc oui ! J’ai eu peur ! Et je me suis cachée !

Le visage furieux du fantôme demeura figé devant Mathias qui restait de marbre malgré cette présence glacée. Comprenant qu’ils pouvaient se fixer longtemps comme deux statues de sel, Philippe décida d’intervenir pour désamorcer la situation :

— Que voulez-vous dire, madame, par « il est toujours vivant » ? L’aviez-vous déjà vu autrefois ?

Le visage de Brunehilde reprit son apparence normale et elle s’éloigna de Mathias, flottant dans la pièce en regardant le comte.

— Il était déjà venu, il y a longtemps, répondit-elle. Du temps où mon époux et moi vivions ici, il est venu pour s’entretenir avec lui au sujet des druides germains. Finalement, il est resté plusieurs jours. Ils s’enfermaient tous deux durant des heures dans l’étude.

— Quand ça ? demanda Mathias.

Le fantôme lui lança un regard peu amène.

— Ce que veut demander mon ami c’est : à quelle époque avez-vous rencontré Taran ?

— Au temps où je vivais ici avec mon mari, Lidoric, il y a un peu plus de sept siècles.

Philippe et Mathias échangèrent un regard, les paroles du spectre pouvaient leur confirmer que Taran arpentait ce monde depuis des siècles, voire plus. Le comte décida d’encore interroger Brunehilde Malchauzen :

— Êtes-vous sûre que l’homme qui est venu il y a peu, déranger votre quiétude, et celui venu il y a si longtemps sont la même personne ? Ne pourrait-il s’agir de quelqu’un lui ressemblant trait pour trait ? Comme un descendant ?

— Dans les premiers instants, c’est ce que j’ai pensé, je l’avoue, répondit-elle. Mais j’ai reconnu ses yeux, ses gestes… Je sais que c’est lui. J’ignore comment il peut être encore en vie après tant d’années, je ne peux que constater.

— Que cherchait Taran ? questionna Mathias. Vous disiez qu’il cherchait quelque chose, savez-vous quoi ?

— Taran est un dangereux criminel, nous cherchons à le mettre hors d’état de nuire, expliqua Philippe. Votre aide nous serait précieuse, madame.

— Il cherchait le grimoire de mon époux, informa-t-elle.

— Et l’a-t-il trouvé ?

— Après ma mort, mon mari a décidé de le cacher, estimant qu’il était trop dangereux, j’ignore où. Taran pensait qu’il était dans le château, je savais qu’il se trompait…

— Vous sous-entendez que le grimoire de votre mari et ses expériences sont responsables de votre mort !

— Suivez-moi, conclut-elle en glissant à travers le plancher vers les étages inférieurs.

 

Charlotte n’arrivait pas à dormir. Les bras chauds et puissants de Mathias lui manquaient. Le souvenir de leur étreinte de l’après-midi était encore bien présent en elle, et au-delà du plaisir charnel, c’était surtout l’union de leurs âmes qu’elle chérissait dans ces moments.

Comprenant qu’elle ne parviendrait pas à s’endormir, elle passa une tenue plus chaude et se mit à arpenter les couloirs glacés du château d’Estremer, une chandelle à la main. Elle aperçut une lueur chevrotante filtrant par l’entrebâillement des portes donnant sur le petit salon. Quelqu’un d’autre veillait.

Charlotte poussa doucement la porte et découvrit la comtesse Isabelle assise dans un fauteuil, regardant distraitement par la fenêtre, ses yeux se perdant dans la noirceur de la nuit. Elle dut percevoir la présence de la jeune femme, car elle tourna son visage dans sa direction.

— Vous aussi vous ne parvenez pas à dormir, sourit-elle d’un air compatissant.

— Oui, madame, confirma Charlotte. Je ne peux m’empêcher d’attendre son retour.

— Venez donc vous asseoir.

— Je ne voudrais pas vous déranger…

— Votre compagnie me fera du bien, nous pourrons nous soutenir l’une l’autre dans l’attente du retour de nos maris. Oh ! Pardon, j’oubliais que Mathias et vous n’êtes pas mariés.

— Ce n’est pas grave, prétendit la rousse en prenant place.

— C’est que vous semblez si en phase qu’on pourrait croire que vous l’êtes. Ça se voit que vous êtes heureux ensemble.

— Mathias ne le montre pas vraiment…

— Au contraire, c’est juste qu’il est plus discret que vous, et moins démonstratif.

Charlotte rougit en se souvenant du baiser qu’elle lui avait donné avant son départ. L’avait-il gêné ? Ce n’était pourtant pas son souhait.

— Je sais que votre histoire est récente, dit Isabelle, mais vous n’avez jamais parlé mariage entre vous ?

— Si, avoua la jeune femme, lorsqu’il m’a expliqué certaines choses sur le Secret Magique. Comme je suis moldue, comme vous dîtes, ma mémoire sera effacée si Mathias et moi ne sommes pas mariés.

— Et donc ?

— Nous n’en avons pas discuté plus. Je crois qu’il n’est pas encore sûr de lui concernant ses sentiments pour moi ni de l’avenir qu’il veut donner à nous. Et puis, en ce moment…

— Son combat et la recherche des siens occupent une grande partie de ses pensées, compléta la comtesse. Si tout se passe bien, et que cette affaire se conclut cette nuit, vous pourrez peut-être convoler.

Charlotte ne répondit pas, laissant son esprit flotter vers ce doux rêve. Elle remarqua à peine les premières silhouettes passées devant la fenêtre. Les secondes attirèrent son attention. D’un geste vif, elle éteignit les deux chandelles et attira la comtesse derrière le canapé.

— Il y a des hommes dans la cour, chuchota-t-elle, s’évertuant à contrôler sa peur. Ils sont armés !

— Vous êtes sûre ?

Des éclats de voix se firent entendre, les deux femmes y reconnurent la voix du palefrenier Flavius :

— Eh ! Qui êtes-vous ? Et que faites-vous là ? Vous êtes sur le domaine du comte d’Estremer !

Un éclair vert mit fin à son injonction. Aussitôt, les deux femmes se précipitèrent dans le vestibule où elles tombèrent sur Noé.

— Madame ! Nous sommes attaqués ! dit-il.

— Ce sont des sorciers ! compléta-t-elle. Je crois que Flavius vient de se faire tuer…

— Vous ne devez pas rester ici. Fuyez.

— Lanéa… Et Rose et Nathaël ? Et le père Mathérius ?

— Je m’occupe de madame la comtesse. Et Désirée se charge de madame Corvus et son fils.

— Bien, réunissez-les dans la chambre de Rose. Je vais mettre Charlotte à l’abri et je reviens vous chercher.

Isabelle sortit sa baguette et lança un sort d’impassabilité sur la porte d’entrée.

— Ça devrait les ralentir un peu, dit-elle. Donnez-moi votre main, Charlotte.

La comtesse tenta de transplaner, sans succès. Elle réessaya, mais rien ne se produisit.

— Un champ antitransplanage ! Ils nous ont piégés !

— Fuyez par le souterrain, madame, nous vous suivons avec les autres ! dit Noé.

Isabelle allait suivre le conseil de son majordome quand un premier coup heurta violemment la porte.

— Fuyez, madame !

Isabelle guida Charlotte vers la cuisine alors que d’autres coups résonnaient. Elle ouvrit un passage secret et força la jeune femme à s’y glisser.

— Suivez le souterrain, ordonna-t-elle. Il mène à une petite chapelle abandonnée, restez-y cachée.

— Et vous ? demanda Charlotte paniquée.

— J’attends les autres et l’on vous rejoint. Allez !

Et alors que la rousse disparaissait dans les ténèbres du tunnel, un fracas se fit entendre dans le vestibule : la porte venait de céder. Isabelle perdit quelques secondes à se demander quoi faire, elle n’était pas habituée à ce genre de situation, la panique commençait doucement à s’insinuer en elle. Elle prit une grande inspiration pour se calmer. Elle savait qu’il ne servait à rien de se laisser aller, elle devait garder le contrôle de ses nerfs, après tout, elle avait eu des cours de défense contre les forces du mal à Beauxbâtons, et, sans être la meilleure, elle n’était pas non plus la dernière dans cette matière.

Tenant plus fermement sa baguette, elle se dirigea avec conviction vers la porte donnant sur le hall principal du château. À peine eut-elle ouvert la porte qu’elle fut accueillie par plusieurs éclairs qui claquèrent contre les murs et le linteau. Elle tenta de répliquer par quelques maléfices lancés à l’aveugle en passant par l’entrebâillement, sans succès.

Soudain, elle fut brutalement repoussée en arrière quand un des assaillants enfonça la porte d’un grand coup de pied. D’un Expelliarmus, il la désarma sans attendre. Elle essaya de ramper vers son artéfact qui avait roulé plus loin, mais sa main fut arrêtée violemment, clouée au sol par l’épée de son agresseur.

Son cri de douleur résonna dans tout le château, glaçant le sang des autres occupants, sa belle-mère, Lanéa d’Estremer, en resta figée alors qu’elle aidait Rose à préparer le petit Nathaël.

— Madame la comtesse… balbutia Noé qui se trouvait dans la même pièce. Que faisons-nous, madame ?

— Prenez Rose et le bébé et passez par la chambre de service, ordonna Lanéa en se reprenant.

— Mais… et vous madame ?

— Je vais les retarder autant que je le peux.

— Madame… blêmit le majordome. Je ne peux vous laisser faire, c’est à moi de…

— En l’absence de mon fils et avec la posture dans laquelle se trouve ma belle-fille, c’est à moi de commander ici, Noé, je suis chez moi. Mettez Rose et Nathaël à l’abri, répéta-t-elle, intransigeante.

— Bien, madame, s’inclina-t-il. Suivez-moi, ajouta-t-il à l’adresse de la jeune mère.

Celle-ci tourna des yeux larmoyants vers la comtesse mère.

— Madame la comtesse… fit-elle. Merci pour tout.

— Je ne suis pas encore morte, madame Corvus, ne m’enterrez pas trop vite, sourit l’aristocrate. Allez !

Suivant le majordome, son fils en écharpe contre elle, Rose sortit de la chambre. Le père Mathérius, resté en retrait lors de cet échange, s’approcha de Lanéa, posant sa main sur son bras.

— Permettez, madame, que je vous assiste dans cette dangereuse tâche, dit-il.

— Mon père, vous devriez fuir aussi, conseilla-t-elle.

— Je n’ai plus mes jambes d’antan ! Et puis, je suis un des ambassadeurs de Dieu sur Terre, je suis donc là où il a besoin de moi.

— Merci mon père. Allons-y, je m’inquiète pour Isabelle.

Lorsqu’ils se présentèrent sur le palier, ils furent accueillis par plusieurs spadassins menaçants. Lanéa resta de marbre devant leurs armes et baguettes, cachant son effroi derrière la dignité de son rang.

— Je suis la comtesse mère d’Estremer, se présenta-t-elle. Vous êtes chez moi. De quel droit osez-vous vous introduire en ce lieu ?

— La ferme la vioque ! lança un des hommes. Où sont les autres ?

— Veuillez rester poli quand vous vous adressez à une dame de qualité, je vous prie ! invectiva Mathérius. Il n’y a personne d’autre ici.

— Amenez-les-moi, ordonna une voix impérieuse venant du vestibule. Et fouillez le reste de cette demeure et ses alentours.

Les hommes de main s’exécutèrent sans attendre. En bas de l’escalier, Lanéa et Mathérius découvrirent Isabelle toujours maintenu au sol, l’épée en travers de la paume. Plusieurs porte-baguettes s’y trouvaient, les observant d’un air patibulaire. Taran se tenait au milieu de cette scène.

— Isabelle ! s’écria Lanéa. Ça va ?

La jeune comtesse répondit par une grimace douloureuse.

— Tu peux la lâcher, ordonna Taran, elle ne s’enfuira pas.

D’un geste sec, le sbire retira son épée maculée de sang, arrachant une nouvelle plainte à la jeune femme. Taran s’approcha d’elle alors qu’elle se relevait à peine. Il lui prit la main.

— Permettez.

Il enveloppa la main blessée avec les siennes et resta silencieux et immobile quelques secondes. Quand il se retira, la blessure avait disparu, ne restait que des traces du sang qui avait coulé.

— Je ne suis pas là pour faire un massacre, annonça Taran. Tant que vous ne m’y obligez pas. Surtout que je ne compte pas tuer une sorcière, vous êtes des nôtres, une de celles qui donneront naissance à la prochaine génération, celle qui dominera ce monde. Vous êtes importante.

— Je ne suis pas des vôtres ! cracha Isabelle en retirant sa main. Je ne tue pas d’innocents pour atteindre mon but.

— Des innocents ! Si vous parlez des moldus, ils sont tous potentiellement nos ennemis, l’expérience m’a appris qu’ils sont enclins à aider l’Inquisition. Même ceux que l’on penserait naturellement de notre côté.

— Nous l’avons trouvé, maître, intervint un des sbires de Taran en arrivant.

Il était suivi de deux autres qui supportaient Phéléas Lenier.

— Voilà un exemple, reprit Taran. Ce bon Phéléas, rejeté par sa famille moldue, car sorcier, alors qu’elle aurait dû le protéger. Allongez-le là, je vais m’en occuper.

— Maître… souffla Phéléas une fois au sol. Ai-je fait ce que vous attendiez de moi ?

— Non, tu es allé bien plus loin que je ne le voulais et l’espérais. Tu ne souffriras plus, je te le promets.

Taran sortit sa baguette et la passa d’un geste léger au-dessus du corps meurtri de son homme de main. Ses blessures se refermèrent, ses contusions s’effacèrent, et la douleur disparut. Il l’aida à se relever et fit signe à deux de ses hommes de l’emmener se reposer.

— Vous faites d’un exemple une généralité, dit Mathérius. Nous pouvons aussi jouer à ce jeu. Voyez madame d’Estremer, elle n’a jamais imaginé une seule seconde livrer son fils et sa belle-fille à l’Inquisition. Et si je puis me présenter comme un exemple, tout homme d’Église que je suis, jamais je ne ferais cela.

— Pouvez-vous, tous les deux, me jurer que vous n’avez jamais imaginé le monde sans sorcier ?

— Jamais, répliqua Lanéa. Mon fils est un sorcier, mais cela n’est qu’accessoire. Il est mon fils, c’est tout. Et Isabelle est comme mon propre sang, comme ma fille. Jamais je ne leur ferai de mal.

— Vous me rappelez ma mère… Et vous, curé ?

— J’ai fait des erreurs par le passé, je n’en suis pas fier, avoua-t-il. Depuis, j’expie.

— Vous étiez de l’Inquisition, si je comprends bien… Certains de mes fidèles ont perdu des proches à cause de l’Inquisition. N’est-ce pas, Hélarion ?

Sans attendre d’ordre de la part de son maître, l’homme, la haine brûlant dans ses yeux, s’avança sur Mathérius.

— Qu’avons-nous fait pour mériter votre haine ? demanda-t-il.

— Je ne demanderai pas votre pardon, répondit Mathérius, car je ne me suis pas pardonné moi-même. Si vous voulez me tuer, faites-le, je comprendrai et ne vous en voudrai pas. J’ai passé les années suivantes à expier mes fautes.

— Ma fille n’avait commis aucune faute… Elle voulait juste vivre en paix.

— Je vous présente mes plus sincères condoléances pour votre perte. Je ne peux rien faire de plus. J’ai quitté l’Inquisition il y a longtemps, j’ai même dû m’en cacher.

— Croyez-vous que ce sera suffisant ? cria Hélarion.

— Non… Ce ne sera jamais suffisant, confessa Mathérius. Dieu me jugera, et j’accepterai ma peine. Tout comme j’accepte que vous m’envoyiez devant lui.

Hélarion leva sa baguette et tua Mathérius sans plus de cérémonie d’un sortilège de mort. Lanéa hurla en voyant le corps sans vie tomber à ses pieds. L’assassin tourna sa baguette vers elle, mais Taran le temporisa.

— Elle est moldue, certes, mais pas membre de l’Inquisition, dit-il.

— Son fils travaille pour le Ministère, justifia Hélarion. Ceux qui n’ont rien fait pour nous protéger. Il est juste qu’il ressente ce que cela fait de perdre un être cher sans n’avoir rien pu faire.

— Comme tu veux, accepta Taran. Mais épargne cette jeune femme. Elle est sorcière, ses enfants seront des nôtres. C’est une faveur que je te demande.

Avec autant de froideur que pour le curé, Hélarion tua la comtesse mère. Il jeta un regard dégoûté à Isabelle, toujours à genoux par terre, qui avait assisté impuissante à toute la scène.

— Je m’étonne que tu ne les aies pas torturés avant, reprit Taran.

— Je ne suis pas un monstre, contrairement à ces chiens de l’Inquisition, répondit Hélarion avant de sortir.

— Personne d’autre dans le château ? questionna-t-il.

— Non, maître, répondit un des sbires. Ils ont dû prendre la fuite. J’en suis désolé.

— Ce n’est rien, nous avons fait ce que nous voulions : laisser un message au comte d’Estremer.

— Quel message ? demanda Isabelle.

— Qu’il ne se mette pas en travers de ma route, explicita Taran. Je vous laisse en vie pour qu’il ait encore quelqu’un à perdre s’il ne comprenait pas. Je sais que rien n’arrêtera Corvus, les Brandrez ont toujours été ainsi, je m’occuperai de lui. Mais si je peux limiter les pertes parmi les bons sorciers, ceux qui domineront bientôt ce monde, alors je le fais. J’espère vous voir, vous et votre mari, me rejoindre prochainement parmi les seigneurs du nouvel ordre que je compte établir.

— Jamais mon époux ne vous rejoindra !

— Nous verrons… La perte de sa mère le fera réfléchir, ou alors enflammera un désir de vengeance. Dans ce cas, c’est qu’il n’est pas si intelligent que le suppose la devise de sa famille. Partez, j’ai une dernière chose à faire puis je vous rejoins.

 

À des centaines de lieues d’Estremer, Philippe et Mathias suivaient la silhouette éthérée de Brunehilde Malchauzen dans les méandres du château. Ils étaient descendus loin en dessous du donjon, dans des caves aménagées. Celles-ci, à l’instar du reste de l’endroit, avaient été visiblement fouillées.

Brunehilde passa au travers d’une lourde porte de bois cloutée de fer. Comme toutes les autres, elle n’était pas verrouillée et les deux hommes purent la passer. Ils découvrirent derrière une large pièce circulaire au centre de laquelle trônait un autel de roche brute. À la lumière de leurs baguettes, ils découvrirent que les murs étaient recouverts de symboles étranges et païens.

— C’est ici que mon époux se livrait à ses expériences en magie druidique, expliqua le fantôme. Les connaissances des druides, quel que soient leurs origines, ont toutes plusieurs points communs, mais le plus important pour comprendre est qu’elles n’ont aucun support pour leur transmission, tout se fait de bouche à oreille. Les quelques traces écrites venaient de rares documents souvent écrits par des érudits romains s’étant intéressés au sujet. Mon époux a passé des années à compiler ces textes pour en différencier le vrai du faux. Il a aussi retrouvé et interrogé des descendants des druides. Ce ne fut pas facile, ils cachaient leur identité depuis les purges romaines et ne se livraient pas facilement quand il les trouvait. Je suppose qu’il existe certaines lignées encore aujourd’hui…

— Et il ne se contentait pas de réunir ces connaissances dans un ouvrage, n’est-ce pas ? demanda Philippe.

— Non, il les testait. Le plus souvent, à cause d’un détail manquant – oublié et perdu à jamais selon lui –, il n’y parvenait pas. Cela ne l’empêchait pas de chercher ce détail, d’expérimenter, avec parfois des résultats, pas forcément ceux qu’il escomptait, mais, qu’importe, il avançait selon lui. Il s’enfermait ici des semaines entières parfois. Surtout après la visite de Taran. J’ignorais comment à l’époque, mais il avait des connaissances très étendues sur les druides. J’ai compris récemment, en le revoyant, qu’il en était simplement un. Pas un druide germain comme ceux dont mon mari cherchait à faire revivre l’héritage, mais il en était un, vivant depuis des siècles.

— Et pourquoi est-il revenu ? questionna Mathias. Vous avez dit qu’il cherchait le grimoire de votre mari, mais qu’espérait-il y trouver ?

— Je lui ai parlé… Je lui ai dit qu’il n’avait apporté que le malheur ici. C’est après sa visite que Lidoric a travaillé sur un dernier rituel, qu’il l’a testé durant des semaines, avançant pas à pas. Et que finalement, réussissant en partie, il provoqua ma mort. Ici même… ajouta-t-elle en désignant l’autel de pierre. Lidoric fut inconsolable. Il reporta ses dernières découvertes – un érudit reste un érudit –, puis décida de cacher son grimoire. Il ne pouvait se résoudre à détruire l’œuvre de sa vie. J’étais déjà revenue sous cette forme, ajoutant à la peine de mon aimé. Il m’a fait promettre de ne pas le suivre pour que je ne sache pas où il dissimulait son grimoire. Je ne l’ai plus jamais revu. Et depuis, je suis seule dans cette demeure.

Un silence sépulcral tomba dans la cave après les derniers mots du spectre. Ce fut Mathias qui le brisa :

— Donc, Taran n’a pas trouvé le Grimoire de Malchauzen… Si c’est bien ce qu’il cherchait, mais en vérité, je ne vois pas quoi d’autre pourrait l’intéresser.

— Il doit y avoir dans ses pages, quelque chose, des connaissances qu’il souhaite acquérir, compléta Philippe. Acquérir et utiliser…

— S’il ne l’a pas trouvé, tant mieux pour nous. Par contre, s’il l’a… Nous ignorons tout de ce qu’il contient et de ce que Taran serait capable d’en faire.

— Mieux vaut pour vous tout abandonner, dit Brunehilde. Quitter ces terres et ne pas le combattre.

— Contrairement aux fantômes, je n’ai pas appris à faire preuve de lâcheté face à la mort, asséna Mathias.

De nouveau, un silence tendu s’installa alors que Brunehilde toisait Mathias avec colère.

— Vous dîtes que j’ai été lâche, peut-être avez-vous raison… finit par dire l’esprit. Mais je ne compte pas rester fantôme pour l’éternité.

— Je ne comprends pas, intervint Philippe. Comment pourriez-vous changer d’état ? Un fantôme est une âme coincée entre la vie et la mort, il n’existe aucun moyen de continuer son chemin pour une âme ayant arrêté son voyage entre les deux.

— C’est ce que je croyais aussi, mais Taran m’a dit qu’il était en son pouvoir de me faire passer le tissu séparant les mondes. Il m’a promis de m’en faire profiter, qu’ainsi je pourrais retrouver mon cher Lidoric et que ma peine s’estomperait.

— Et que vous a-t-il demandé en échange ? questionna Mathias.

— Au début, comme je vous l’ai dit, il voulait savoir où se trouvait le grimoire. Et quand il a compris que je ne pourrais lui donner cette information, il m’a demandé un service.

— Lequel ?

— Il a quitté ma demeure, mais des hommes à lui sont restés cachés aux alentours. Il voulait que je les prévienne si deux hommes s’introduisaient dans le château.

— Taran savait que nos investigations nous mèneraient ici ! s’exclama Philippe. Vous deviez juste les prévenir ?

— Et vous guidez ici… finit Brunehilde en souriant d’un air conspirateur.

Aussitôt, un éclair rouge passa entre les deux amis. Ils se jetèrent à couvert derrière l’autel de pierre. Plusieurs maléfices ricochèrent autour d’eux.

— On est dans une vraie souricière ! s’écria Mathias. Elle nous a dupés !

— On n’a pas le choix, il va falloir se battre !

Mathias risqua un coup d’œil rapide vers la porte : ils n’en voyaient que quatre qui s’approchaient lentement sans cesser de les canarder. Pour venir les déloger, ils devraient forcément passer la porte.

— Laissons-les approcher, dit-il. J’ai de quoi les accueillir.

Mathias fourragea dans une de ses sacoches et en sortit un objet sphérique tenant dans sa paume. Il lança un nouveau regard vers les assaillants et utilisa sa baguette pour allumer la mèche qui dépassait de l’objet. D’un geste précis, il le lança à travers le pas de la porte. La grenade atterrit aux pieds des agresseurs et explosa avant qu’ils n’eurent le temps de l’identifier.

La fumée envahit la pièce souterraine et le couloir. Se protégeant par un sortilège de têtenbulle, les deux amis sortirent, leurs baguettes et épées à la main, au cas où d’autres ennemis les attendaient. En passant près des corps sanguinolents, criblés d’éclats, Mathias remarqua qu’un d’eux remuait encore. Il n’en avait plus que pour quelques minutes à vivre, il abrégea ses souffrances en plantant sa broadsword en plein cœur.

Ils remontèrent avec prudence, s’attendant à tomber dans une embuscade au moindre angle de mur ou en débouchant en haut de chaque escalier. Finalement, ils arrivèrent au niveau de la porte donnant sur le hall principal. Un Stupéfix frappa le chambranle quand Mathias se pencha pour vérifier si la voie était libre.

— Mathias Corvus ! Philippe d’Estremer ! interpella un des assiégeants. Rendez-vous, vous êtes faits comme des rats !

— Les seuls rats dont je sens la présence, ce sont les sbires de Taran que vous êtes, lança Mathias.

— Peu importe, le maître veut que nous vous amenions à lui, morts ou vifs.

— Alors ce sera mort, car il est hors de question que nous nous laissions prendre vivants, répliqua Philippe. Laissez-nous sortir que nous puissions avoir un combat équitable. Si vous nous tuez, vous disposerez de nos cadavres.

Un silence uniquement troublé par quelques murmures s’installa, les hommes de main se concertaient.

— Bien ! reprit-il. Vous pouvez sortir, nous vous accordons votre combat.

Mathias et Philippe sortirent, découvrant qu’ils seraient confrontés à cinq adversaires.

— Peut-on savoir à qui avons-nous l’honneur ? questionna le comte. Vous connaissez nos noms, nous aimerions connaître les vôtres.

— Mes hommes ne souhaitent pas être connus, pour ma part, je me nomme Hector Tiergill, je suis le lieutenant de Maître Taran.

— Donc c’est vous que Taran estime si peu qu’il a chargé de garder un vieux château délabré dans ce coin perdu dans l’espoir que nous y venions ? provoqua Mathias. Vous ne devez pas être trop dangereux…

— Je viens de vous dire que je suis son lieutenant ! s’emporta Tiergill. Il m’a chargé de cette importante mission pendant qu’il s’occupait des vôtres.

— Comment ça des nôtres ? questionna Philippe, blême.

— Disons que si par hasard vous vous en sortiez vivants, vous ne trouveriez que ruine et désolation en rentrant à Estremer, sourit-il d’un air mauvais. C’est ainsi que l’on châtie les traîtres à la cause des Sorciers, les vendus aux Moldus, les…

Une explosion s’épanouit au milieu du groupe de Tiergill, les projetant de tous les côtés. Sonnés, deux d’entre eux ne purent éviter les sortilèges mortels qui les frappèrent, et les deux autres n’opposèrent qu’une défense molle quand Mathias et Philippe les assaillirent.

Quand ils se tournèrent vers l’endroit où aurait dû se trouver Hector Tiergill, celui-ci prenait la fuite sans se retourner. Un sortilège et une balle claquèrent à quelques centimètres de sa tête alors qu’il passait la porte principale du château de Malchauzen, ne l’arrêtant pas.

Mathias et Philippe se lancèrent à sa poursuite, mais au moment de passer la porte, ils furent surpris par l’apparition soudaine de Brunehilde Malchauzen, surgissant au travers du sol. Ils bondirent en arrière par réflexe, lançant plusieurs maléfices qui ne firent que passer dans son corps éthéré.

— Non ! hurla-t-elle d’une voix d’outre-tombe. Vous deviez mourir ou être capturés ! Il ne me fera pas passer dans la mort s’il ne vous a pas !

Soupirant de rage, Mathias se remit à courir, traversant la défunte comme un rideau d’eau glacée. Mais quand il fut sur le parvis donnant sur la cour, il ne put que constater que Tiergill s’était enfui.

— Trop tard, dit-il, faisant fi des vociférations du fantôme. Rentrons au plus vite à Estremer.

— Oui, un autre combat nous y attend sûrement, conclut Philippe en rejoignant son ami sous les injures.

Ils sortirent du château et transplanèrent.


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