Les Premiers Chasseurs

Chapitre 33 : XXXII Le fort de Wiechenzen

5331 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 06/11/2023 12:51

CHAPITRE XXXII : LE FORT DE WIECHENZEN


Taran avait senti les sentinelles astrales s’agiter, réagissant à une présence indésirable. Il ne put s’empêcher de sourire : ses anciens compagnons l’avaient enfin retrouvé. Il ne leur avait pas facilité la tâche, voulant faire avancer sa lutte avant une éventuelle confrontation. Il avait pensé, à plusieurs reprises, qu’ils ne se montreraient pas, restant fidèles à leur serment de ne pas intervenir dans les affaires du monde.

Et finalement, ils allaient agir. Il attendait ce face-à-face depuis longtemps. Il leur prouverait qu’il avait raison, que leur expérience plurimillénaire devait servir à guider la masse ignorante des habitants de ce monde. Certes, il se servait des Sorciers pour asseoir cette domination, mais tout bon artisan a besoin d’outils. Et les Moldus avaient commis tant de crimes contre eux.

Il se doutait bien qu’ils ne se rangeraient pas à ses côtés, s’ils venaient, le combat serait inévitable et son issue, incertaine. Hermès, bien que plus cérébral qu’actif, n’en demeurait pas moins un mage redoutable, connaissant des sorts oubliés. Chan était la plus faible, mais Taran savait que la sous-estimer serait une erreur fatale, ses dons de prescience pouvant s’avérer décisifs. La plus dangereuse était Néféri, elle avait toujours été une redoutable guerrière. Taran avait passé les derniers siècles à s’entraîner pour lui tenir tête. Il espérait que cela suffirait.

Si ce combat a lieu, il scellera le destin de ce monde.

Taran sortit de sa chambre, se mêlant aux sorciers qui le suivaient dans sa rébellion. Il fut abordé par Hector Tiergill, un de ses fidèles lieutenants, le plus intégriste.

— Maître, il semblerait qu’il se prépare quelque chose à la Confédération Internationale des Sorciers, annonça-t-il. La promulgation du Secret Magique est imminente.

— Bien, qu’ils le fassent, il sera d’autant plus facile pour nous de nous imposer à des Moldus ignorant tout de notre existence et de nos capacités, dit Taran. Nous attaquerons le Ministère de France juste après, ce sera notre signal. Le reste du monde suivra.

— Je vais préparer les nôtres, sourit Hector avec délectation.

— Prépare-les aussi à recevoir de la visite, de vieux amis vont venir, je tiens à les accueillir de manière exceptionnelle. Ils n’en reviendront pas. Et ne repartiront pas.

— Oui, Maître.

Hector s’inclina et prit congé. Taran se rendit sur le chemin de ronde, son regard se perdant sur l’horizon.

— Il est temps que les Éternels disparaissent, qu’il n’en reste qu’un, et qu’il devienne un dieu.

 

La Carte d’Odin révéla en quelques secondes la localisation de Wiechenzen. Mathias demanda à voir la topographie alentour, requête que s’empressa d’exhausser Odon Marchas.

— Pensez-vous que ce sera le combat final ? demanda-t-il à Philippe pendant que le spadassin étudiait la carte.

— Nous allons faire en sorte que ce soit le cas, répondit le comte, mais nous ne pouvons le promettre. Tout combat est incertain.

— Bien sûr, surtout contre un ennemi aussi expérimenté que Taran.

— J’ai toujours du mal à croire qu’il jouisse d’une telle longévité, mais je dois admettre que si c’est vraiment le cas, cela explique beaucoup de choses…

— Si on en croit le récit de maître Flamel, c’est tout à fait plausible. Lui-même prouve tout ce que peut faire la Pierre Philosophale.

— Il y a quand même un détail étrange : maître Flamel vieillit, plus lentement que le commun des mortels certes, mais on sent le poids des années sur ses épaules. Ce n’est pas le cas de Taran, de ce qu’on a constaté.

— Vous soulevez un point intéressant, monsieur le comte. Peut-être aurez-vous une réponse bientôt, ou bien cela restera un mystère sur lequel nous ne pourrons que spéculer. N’hésitez pas à m’en faire part si vous le découvrez.

— Personnellement, je préfère lui donner la mort plutôt que savoir comment il prolonge sa vie, intervint Mathias en se détournant de la carte.

— Ce ne sera qu’en dernier recours que vous en viendrez à cette extrémité, monsieur Corvus, contredit le ministre de la Magie en entrant, Taran doit être jugé.

— Étienne Courneuf, je présume.

— Vous pouvez m’appeler « monsieur le ministre ». Monsieur le comte, je vous présente mes plus sincères condoléances. Connaissant votre droiture et votre sens de la Justice, j’espère que vous ne vous laisserez pas aller à la vengeance.

— Avec tout mon respect, monsieur le ministre, je ne peux rien vous promettre, dit Philippe avec raideur.

Étienne Courneuf parut décontenancé par cette réponse. Il ouvrit la bouche, mais fut coupé par Mathias :

— Vous vous attendiez à quoi ? À ce qu’il tende l’autre joue ! Si vous aviez perdu des proches à cause de Taran…

— J’ai perdu des proches ! s’exclama Courneuf. Chacun de nos concitoyens est sous ma responsabilité, chaque sorcier que Taran a tué ou a détruit la vie, c’est un proche que je perds. J’ai de la colère, mais je ne la laisse pas aveugler mon jugement. Je dois continuer de prôner la Justice.

— Faite comme bon vous semble, je ne suis pas ministre, et je ne travaille pas pour vous. Si je peux tuer Taran, je n’hésiterais pas, conclut le spadassin en quittant la pièce.

— Monsieur le comte, je compte sur vous pour essayer de le ramener vivant et contrôler votre ami, reprit-il en se tournant vers Philippe.

— Ce n’est pas en les influençant que je traite mes amis, monsieur le ministre, répondit-il sèchement. J’ai toujours été de votre côté, car vous êtes un homme bon qui souhaite le meilleur pour les nôtres. C’est donc avec regret que je tombe en désaccord avec vous aujourd’hui. J’espère que vous me pardonnerez. Taran doit mourir. Le juger avant serait lui donner une chance de faire entendre son message, de faire des émules, voire de s’échapper.

— Je souhaite vous confier une sorte de garde ayant vocation à combattre les diverses menaces qui pourraient peser sur notre communauté : les mages noirs, l’Inquisition… Ai-je tort ? Dois-je trouver quelqu’un d’autre ?

— À vous de voir, monsieur, j’accepterais cette tâche avec honneur si vous décidez de me la confier. J’aurais juste une faveur à vous soumettre.

— Que monsieur Corvus en fasse partie aussi, n’est-ce pas ?

— Au moins, que vous lui proposiez, le choix lui appartiendra ensuite. Je sais qu’il peut paraître un peu rustre, mais il est pétri de justice, il n’hésite simplement pas à tirer l’épée pour la défendre, ne se perdant pas en discours. Dans certaines situations, cela peut s’avérer utile, voire crucial.

— Je vais y réfléchir, si vous me promettez de faire de même avant d’éliminer Taran, accepta Étienne Courneuf.

— Très bien, mais vous devez être conscient qu’il est plus facile de tuer que de capturer vivant dans bien des cas.

Et sur ces mots, Philippe d’Estremer prit congé. Odon n’osait presque plus respirer, attendant que le ministre rompe le silence.

— Maître Marchas, à l’origine, je venais vous chercher, dit-il. Avez-vous oublié que nous devons aller en un certain lieu ce soir ?

— Non, monsieur, je voulais juste…

— J’ai compris, vous avez bien fait. Maintenant, prenez votre plume et vos parchemins. Cette nuit sera peut-être celle qui scellera l’avenir du monde pour les prochains siècles.

 

Le lieu le plus près de Wiechenzen que connaissaient Mathias et Philippe était le château de Malchauzen. Pour éviter toute confrontation avec d’éventuels hommes de Taran postés dans les parages ou avec le fantôme de Brunehilde Malchauzen, ils se matérialisèrent à plusieurs hectomètres avant de s’envoler en balais.

Mathias avait attentivement étudié les environs de Wiechenzen, il savait que le fort se trouvait au sommet d’une colline vierge de toute végétation avec un ruisseau serpentant à sa base. S’en approcher sans être repéré serait ardu, mais si un combat éclatait trop tôt, les otages risquaient d’être exécutés.

Ils posèrent à bonne distance et poursuivirent jusqu’à la lisière de la forêt qui bordait la colline nue. Ils observèrent les créneaux, notant les allées et venus des sentinelles.

— Ils sont nombreux… souffla Philippe. Avez-vous une idée ?

— J’y réfléchis… répondit Mathias. J’ai besoin d’une reconnaissance directe.

— Et comment comptez-vous… ?

Un croassement l’interrompit, ainsi qu’un froissement d’ailes alors qu’un corbeau planait en direction du fort.

— Comment est-il arrivé ici si vite ? questionna le comte. Cet oiseau est une vraie énigme.

— Certaines choses resteront toujours un mystère.

— Parlez-vous le corbeau ?

— Mon père le comprenait, il était animagus. Je n’ai jamais eu la volonté de m’astreindre l’entraînement pour le devenir.

— Alors, comment… ?

— Je ne peux vous l’expliquer, ne comprenant pas moi-même, mais j’ai l’impression d’avoir un lien plus fort avec Bran depuis quelque temps. Nous en reparlerons une autre fois, il revient.

En effet, l’oiseau vint se poser près d’eux, il poussa quelques croassements avant de repartir.

— Il y a quelques rochers sur lesquels le rempart repose de l’autre côté du fort, dit Mathias, une faille s’y trouve, nous pourrons peut-être passer par là.

— Tentons-le.

Discrètement, les deux hommes firent le tour du fort sans quitter le couvert des arbres. Ils eurent la chance de ne pas croiser de patrouille, à croire que tous étaient derrière les murs avec ordre de ne pas sortir.

Posant leurs baguettes sur leurs tempes, ils améliorèrent leur vue, contrôlant la présence de sentinelles sur le chemin de ronde. Ils cherchèrent l’anfractuosité repérée par Bran et la trouvèrent comme indiqué : au pied de la muraille, dans une masse rocheuse.

— Elle n’est pas large, dit Philippe. Nous allons devoir nous désillusionner pour traverser le découvert et ensuite nous ramollir pour nous infiltrer dedans. Le souci c’est que le sort de ramollissement annulera la désillusion.

— Ouais, il faudra être rapide et passer un par un dans la faille, acquiesça Mathias. Je vais assurer vos arrières, passez devant. Faites attention, on ne sait pas où cette faille va nous mener.

— Vous attendrez mon signal pour vous y infiltrer.

Les détails étant réglés, les deux amis se désillusionnèrent et traversèrent le découvert dans un silence absolu, baguettes à la main et les yeux surveillant les sentinelles en surplomb.

Une fois au pied du rempart, ils jetèrent un dernier regard vers les créneaux et les tours. Une sentinelle passait au sommet de celle située à leur droite, observant distraitement au loin, puis disparut en passant de l’autre côté.

— C’est bon, chuchota Mathias, allez-y.

Philippe réapparut. Il tapota sur sa tête avec sa baguette.

— Mollecorpus, incanta-t-il à voix basse.

Visuellement, aucun changement n’apparut, mais quand il s’approcha de la fissure, il parvint à s’y faufiler au prix d’une déformation de son corps. Bientôt, il disparut au fond de la cavité.

Mathias attendit de longues minutes avant de voir un fin jet d’eau jaillir de la fissure pour atterrir à ses pieds. Il vérifia une dernière fois qu’aucune sentinelle ne regardait vers lui et effectua la même opération que son ami.

Traverser le rocher lui prit une petite minute. Il déboucha dans une cave sombre où se trouvaient quelques tonneaux et caisses.

— Philippe ?

— Je suis là, lui répondit-il. Ce doit être une de leurs réserves de vivres.

— Non, c’est une poudrière, précisa Mathias en reniflant. C’est un fort moldu à l’origine, ce n’est pas étonnant. C’est une bonne nouvelle pour nous, les hommes de Taran ne doivent pas y descendre.

— Par contre, ils ont probablement condamné l’accès.

— Lumos, fit le spadassin pour créer de la lumière, allons voir.

La porte, lourde et bardée d’aciers, était en effet verrouillée. Rien d’insurmontable pour des sorciers. Mathias éteignit sa lumière pendant que Philippe la déverrouilla à l’aide du sort Alohomora. Avec précaution, ils la firent pivoter sur ses gonds, s’arrêtant au premier grincement, tendant l’oreille pour s’assurer que personne ne l’ayant perçu n’approchait.

Le couloir qui desservait la poudrière était désert et plongé dans le noir. Des portes disposées à intervalles réguliers se trouvaient de part et d’autre. En silence, les deux hommes le parcoururent jusqu’à un escalier droit remontant jusqu’à une nouvelle porte équipée d’une lucarne grillée par laquelle s’insinuait un rayon de lune.

De nouveau, ils se désillusionnèrent. Par la lucarne, ils repérèrent plusieurs hommes en arme, la plupart se tenant autour de braseros. Même invisible, traverser la cour sans être décelé s’annonçait ardu.

— Ils sont nombreux, dit Philippe.

— Ce n’est pas leur nombre qui m’interpelle le plus, chuchota Mathias. Ils ne boivent pas.

— Et alors ?

— Ceux sur les remparts sont de garde, mais ceux-là sont en repos. Je ne connais aucun homme de main ou mercenaire qui ne profiterait pas de ce moment pour ne pas partager un pichet de gnôle ou de vin.

— Donc vous en concluez qu’ils s’attendent à notre venue.

— Nous, ou quelqu’un d’autre.

— Cela ne change rien pour nous, nous devons d’abord trouver mademoiselle Lehel et les autres prisonniers. Ensuite, ce sera au tour de Taran.

La porte n’était pas verrouillée, Mathias actionna la poignée, provoquant un léger grincement.

— Octaire, c’est toi dans la réserve ? lança une voix proche. Tu sais qu’on a interdiction de boire !

Aussitôt, les deux infiltrés se reculèrent, se plaquant contre les murs. La porte s’ouvrit, inondant l’escalier de lumière sélène où se découpait la silhouette d’un homme.

— Octaire ? appela-t-il. Tu es là ?

L’homme descendit prudemment quelques marches. Tout d’un coup, le rayon lunaire disparut avec la fermeture de la porte. Il se retourna, portant la main à sa baguette, mais une autre vint s’en saisir avant lui alors qu’une troisième se plaquait sur sa bouche. Il se sentit tirer en arrière jusqu’au bas des marches. Une pression derrière ses jambes l’obligea à s’agenouiller.

— J’ai insonorisé, annonça Philippe.

— Tu as entendu ? Inutile de perdre ton temps à crier, dit Mathias à l’oreille de l’homme. Je vais retirer ma main pour que tu puisses répondre à quelques questions. Si tu coopères, tu vivras. Sinon…

Comme annoncé, Mathias retira sa main.

— Qui êtes-vous ? demanda le prisonnier.

— Peu vous importe, répondit le comte. Où sont vos captifs ?

— Nos captifs ?

— Des enfants enlevés il y a quelques mois au Bois aux Corbeaux, entre autres, précisa Mathias, et une jeune femme rousse il y a peu.

— Cette femme, elle est dans la prison du fort. Vous longez le mur de la cour par la droite et vous trouverez une porte comme celle-ci.

— Et les autres ?

— Il y a quelques autres prisonniers, mais j’ignore si ce sont ceux que vous recherchez. Je vous jure que c’est la vérité !

— Et Taran ? Où est-il ? continua Philippe.

— Dans ses appartements, je suppose, je ne l’ai pas vu ce soir. C’est Tiergill qui nous a transmis les consignes.

— Où sont ses appartements ?

— Dans la tour carrée, avant-dernier étage.

— Encore une question, reprit Mathias, quelles sont les consignes qui vous ont été données ?

— Rester sobre et alerte, le maître s’attendait à une attaque. Je dirais qu’il avait raison.

— Combien êtes-vous ?

— Une quarantaine, je dirais.

— Bien, merci de votre coopération, fit Philippe.

— Parce que j’avais le choix ? conclut l’homme avec sarcasme.

— Nous allons vous enfermer dans la poudrière.

Docilement, il se laissa mener jusqu’au magasin à poudre où il fut soumis aux sortilèges Silencio et Petrificus Totalus. Les deux infiltrés verrouillèrent la porte derrière eux.

— Nous savons où aller maintenant, dit Philippe. Occupons-nous d’abord des prisonniers.

Mathias acquiesça et ils retournèrent à l’huis donnant sur la cour. En douceur, ils l’ouvrirent et se faufilèrent. Faisant attention à ne pas faire de bruit ou ne toucher personne, ils longèrent le mur comme il leur avait été indiqué.

L’accès menant aux geôles était gardé par une sentinelle, et il était probable qu’il y en ait d’autres à l’intérieur. Mathias jeta un caillou, attirant son attention, l’éloignant de son poste. Ils profitèrent de cette distraction pour déverrouiller la porte – dont par chance, les gonds graissés ne grinçaient pas – et se glisser dans l’entrebâillement.

Des torches éclairaient l’escalier et le couloir, le différenciant de celui desservant les réserves. Les deux gardes présents somnolaient, appuyés nonchalamment contre les murs. Ils n’avaient même pas perçu le mouvement de la porte. S’approchant dans leur dos, ils les stupéfixèrent l’un après l’autre, à bout touchant pour que l’éclair ne soit pas visible. Ils lancèrent un Collaporta sur l’accès donnant sur la cour pour ne pas être pris à revers.

Derrière chaque porte du couloir, il y avait une pièce desservant une dizaine de cellules. Les premières s’avérèrent vides. À la quatrième entrée, le coup d’œil par l’ouverture montra la présence de deux nouveaux gardes, signifiant la présence de prisonniers.

Au total, trois séries de cellules étaient gardées. Ils décidèrent d’isoler magiquement deux d’entre elles pour s’occuper de la première sans en alerter les gardes.

L’action devait être menée vite et en silence.

Mathias allait entrer le premier, Philippe posa une main sur son épaule pour ne pas le perdre et toujours savoir où il se trouvait. Il ne faudrait pas qu’il lui lance un sort par inadvertance.

Le spadassin ouvrit la porte sans heurt. Les gardes se tournèrent vers l’ouverture, surpris de ne voir personne. Baguettes à la main, ils s’approchèrent pour inspecter la zone. Deux éclairs de stupéfixion informulés les frappèrent dans le dos.

Les prisonniers s’agitèrent, pour les calmer, ils se rendirent visibles de nouveau.

— Silence ! ordonna Philippe à voix basse. Nous sommes là pour vous délivrer, mais vous ne devez pas faire de bruit !

Alors que Mathias ligotait les gardes, le comte ouvrit les cellules et réunit les prisonniers. Ni Charlotte ni les Corvus enlevés ne se trouvaient parmi eux.

— Il faut qu’on fasse vite, qu’on s’occupe des autres cellules, rappela Mathias.

— Je les envoie à Estremer, Isabelle et Noé s’en occuperont.

— Faites vite.

Philippe prit un baquet vide traînant dans un coin et le posa sur une table.

— Portus, incanta-t-il.

Un halo bleuté entoura un instant le baquet avant de se dissiper.

— Ce portoloin part dans une minute, il vous emmènera loin d’ici.

— Merci mon seigneur, dit un des prisonniers. Ils nous ont pris nos baguettes, disant que nous étions la honte des Sorciers, car nous considérons les Moldus comme nos égaux. Ma femme a été tuée sous mes yeux… Mon fils, ils me l’ont pris… Sauvez-le, je vous en prie.

— Nous ferons tout ce que nous pourrons. Allez-y.

Le baquet disparut, emportant ses passagers. Aussitôt, les deux hommes se désillusionnèrent à nouveau et se dirigèrent vers la deuxième porte. Ils usèrent de la même tactique, seulement, cette fois-ci, un seul des gardes se déplaça.

— Qu’est-ce qui se passe ? lança la voix du second garde depuis une cellule au fond.

— La porte s’est ouverte toute seule, répondit le premier. Il n’y a personne, tu peux continuer tranquille.

— J’ai presque fini, tu veux en profiter après ?

— Ouais, mais faudra que je fasse vite, la relève est dans une heure.

— Bah, tu crois qu’ils se gênent pour ne pas en profiter !

La discussion se terminant, Philippe stupéfixa le premier garde pendant que Mathias se dirigeait vers la cellule où était le second. Il le trouva allonger face contre terre, remuant des hanches, occuper à violer une prisonnière qui ne faisait pas un bruit. Le spadassin rangea sa baguette et dégaina sa dague. Il vint saisir le violeur par les cheveux, l’obligeant à se redresser. Le garde poussa un rauque de douleur qui se tut quand la lame vint lui trancher les carotides d’un geste coulé. Le sang gicla à gros bouillon, arrosant la pauvre femme qui ne réagit pas plus, comme si elle ne sentait pas le fluide chaud lui couler sur son corps dénudé et son visage.

Mathias jeta le garde agonisant sur le côté, le laissant se répandre sur le sol sale en haletant. Redevenant visible, il regarda autour de lui et se saisit d’une couverture dont il recouvrit la prisonnière et l’aida à se relever.

Philippe amena le second garde en le faisant léviter et le déposa à côté du cadavre de son collègue.

— Comment va-t-elle ? demanda-t-il.

Mathias hocha du chef d’un air désolé : elle était dans un état catatonique, les yeux perdus dans le vide. Elle se laissa porter sans résistance alors que Philippe libérait les autres détenus et transformait un baquet en portoloin.

— Quelqu’un la connaît ? questionna Mathias.

Tous demeurèrent silencieux.

— Il faut quelqu’un pour s’occuper d’elle, vous, madame, continua-t-il en désignant une femme, assurez-vous qu’elle ne lâche pas le portoloin.

— D’accord, accepta la dame.

— Une fois arrivé, confiez-la à mon épouse, elle en prendra soin, ajouta Philippe.

— Avez-vous vu des enfants répondant au nom de Corvus ? demanda le spadassin.

— Les enfants ont été emmenés ailleurs dès notre arrivé ici, j’ignore où ils sont retenus, répondit un homme, j’ignore même s’ils sont encore en vie.

— Ils sont peut-être simplement dans les prochaines cellules, émit le comte, avec Charlotte.

— Espérons, conclut Mathias alors que le portoloin faisait son office.

Quand ils ouvrirent la troisième porte, un des gardes s’exclama :

— Enfin la relève !

— Déjà ! fit le second. C’est trop tôt !

— T’as raison, il n’y a personne… C’est quoi cet’embrouille ?!

— Je sais pas… Restons prudents… Je n’aime pas ça…

Les deux infiltrés les stupéfixèrent rapidement et s’attaquèrent aux cellules. Encore une fois, pas un enfant, pas plus que Charlotte.

— Savez-vous où sont les enfants ? interrogea Philippe.

— Non, monsieur, répondit un des prisonniers, ils nous ont séparés.

— Et une femme amenée il y a peu, jeune et rousse ?

— Je l’ai vue passer, elle était ici, mais elle a été emmenée ailleurs. J’ai entendu les gardes dire que leur maître voulait qu’elle soit enfermée dans la prison du donjon. Si j’ai bien compris, c’est en sous-sol.

— Les enfants y sont peut-être aussi, dit Mathias. Allons-y sans tarder.

— Nous allons interroger un des gardes, peut-être en savent-ils plus, décida Philippe.

Une fois les détenus évacués, ils s’approchèrent des gardes stupéfixés.

— Enervatum, incanta Philippe. Vous êtes ligoté magiquement, je vais vous rendre la parole, la pièce est insonorisée donc inutile de crier. Nous avons quelques questions à vous poser. Où sont les autres prisonniers ? Les enfants ? Et une femme rousse capturée il y a peu ?

— Et qu’est-ce que tu vas me faire si je ne te réponds pas ? Tu vas me tuer ?

— Oui, répondit Mathias, mais ta mort ne sera pas agréable, et ton agonie sera longue.

— Ouais, je demande à voir !

Mathias sortit sa dague et en posa la pointe sur l’entrejambe du garde.

— Pour l’avoir déjà vu, je sais que tu vas mettre un long moment à mourir, voyant ton sang se répandre et que tu vas souffrir. Et si tu ne parles pas, ce sera au tour de ton ami.

L’autre garde, encore bâillonné, tremblait d’effroi.

— T’auras pas les couilles ! cracha le garde.

— Bientôt, ce sera ton cas, dit calmement Mathias. Alors ? Où sont-ils ?

— Dans ton cul !

Sans hésitation, Mathias planta sa dague dans les parties du garde, lui arrachant un cri à soulever le cœur. Sa plainte se changea en véritable hurlement alors que la lame progressait et que du sang ocre se répandait entre ses cuisses. L’arme passa d’un côté à l’autre avant que le spadassin ne la retire.

— Je peux encore te sauver la vie et même te recoller tes attributs, si tu parles, dit-il.

— Il y a une porte, haleta le garde, dans les dernières cellules… au fond du couloir… il donne sur un boyau menant à la prison du donjon… C’est là que vous trouverez… la femme que vous cherchez… Argh…

— Et les enfants ?

— Je ne sais pas… On a interdiction de s’approcher… du donjon… Ce sont les hommes… de Tiergill qui s’en occupent…

— Et toi ? Tu as quelque chose à ajouter ? demanda Mathias au second garde en lui rendant la parole.

— J’ignorais qu’il y avait un boyau, je vous jure ! lança-t-il très vite. Les enfants sont dans le donjon aussi, je les ai vu y entrer, mais pas en sortir. Ne me tuez pas, s’il vous plaît !

— Silencio, fit Philippe. On a ce qu’on voulait savoir.

— Ouais, acquiesça Mathias, allons-y.

— Sauvez-moi… supplia le premier garde en gémissant de douleur.

— Je ne suis pas un rebouteux, finit Mathias en le laissant se vider, non sans l’avoir réduit au silence avant.

Suivant les indications du garde, ils trouvèrent le boyau qui s’enfonçait un peu plus bas et passait sous la cour. Il y régnait un noir total, et pour ne pas se faire repérer, ils n’allumèrent aucune lumière. Ce fut donc à tâtons qu’ils le parcoururent.

Au bout de longues minutes, ils arrivèrent en vue d’une lueur. En se rapprochant, ils virent que la lumière passait par l’interstice sous une porte. Ils s’assurèrent d’être de nouveau invisibles avant d’actionner la poignée et de la faire pivoter lentement sur ses gonds. Heureusement pour eux, la porte se trouvait dans un renfoncement à l’écart, ils purent se glisser sans éveiller les soupçons des gardes qu’ils entendaient à quelques mètres d’eux.

— Qu’est-ce que tu fais encore ? demanda l’un d’eux. Encore à la mater !

— Ouais, faut dire que c’est mon genre de catin, répondit un autre.

— Se taper de la moldue… eurk…

— Bah… Moldue ou sorcière, elles sont toutes pareilles sans leurs vêtements. Un trou est un trou ! J’aimerais bien qu’elle m’en montre plus.

— Le maître a ordonné de ne pas la toucher, rappela le premier.

— Ouais, c’est bon, je ne vais ni la toucher ni l’ensorceler, et pourtant ce que ça me démange… Si elle voulait bien me montrer ses seins…

Tout à leur discussion, et même à sa contemplation pour l’un, les gardes ne repérèrent pas les mouvements des deux infiltrés. Philippe stupéfixa le premier et le rattrapa avant qu’il ne tombe. Mathias fit de même avec le second. Un coup d’œil dans la cellule lui confirma la présence de Charlotte.

— Libérez-la, dit Philippe, je m’occupe d’eux.

Alertée par le cliquetis de la serrure, la jeune femme se releva et vint se mettre dos au mur du fond, faisant face à l’entrée. Quand la porte s’ouvrit, elle fut surprise de ne voir personne. Était-ce un piège ? Pouvait-elle sortir ? Elle sentit un frôlement près d’elle et une main vint la bâillonner. Elle s’agita pour tenter de se libérer, mais l’étreinte de l’inconnu invisible était puissante.

— Chut, entendit-elle à son oreille. Calme-toi, c’est moi. Ne fais pas de bruit.

Immédiatement, elle se détendit alors que son cœur s’emballait, ayant reconnu la voix. La main quitta sa bouche et Mathias reprit corps devant elle. Elle n’attendit pas pour lui sauter au cou et l’embrasser fougueusement.

— Je savais que tu viendrais, dit-elle.

— Désolé d’avoir été si long. Viens.

— Mademoiselle Lehel, heureux de vous voir en bonne santé, fit Philippe.

— Isabelle, elle va bien ? questionna-t-elle. Je veux dire… madame la comtesse…

— Elle va bien, sourit le comte. Nous avons eu des pertes, mais Isabelle va bien.

— Des pertes ! Qui ?

— Pas le temps, coupa Mathias, tu dois quitter cet endroit sur le champ.

— Il n’y a personne d’autre ici, informa le comte.

— Alors on continue de chercher.

Philippe fabriqua un portoloin avec un tabouret et indiqua la marche à suivre à Charlotte. La jeune femme embrassa une dernière fois son amant.

— Reviens-moi vite, supplia-t-elle.

— Je reviendrais, et nous pourrons… s’interrompit-il.

— Oui ?

— Plus tard, quand tout sera fini.

Le portoloin emporta la jeune femme, laissant les deux hommes qui déjà se dirigeaient vers la porte permettant d’accéder au reste du donjon.

— Vous alliez la demander en mariage ? demanda Philippe.

— Finissons ce que nous avons à faire, ça ne sert à rien de parler de ce que nous ferons après alors que nous ne sommes pas sûrs de survivre.


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