Les Premiers Chasseurs

Chapitre 36 : Epilogue

Chapitre final

1321 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 27/01/2024 14:45

ÉPILOGUE


Plusieurs jours étaient passés depuis la confrontation au fort de Wiechenzen.

Le clan Corvus de nouveau réuni était rentré en son domaine au cœur du Bois aux Corbeaux. Charlotte n’avait pas été touchée par le rituel d’amnésie mettant en place le Secret Magique. Philippe avait compris que la jeune femme et Mathias s’étaient liés par l’acte de magie que le ministre avait évoqué : le Serment des Mains Liées.

Aucune tristesse ne les emplit quand les deux hommes se quittèrent, l’amitié qui les liait était franche et forgée dans l’adversité. Avant qu’il ne parte, Philippe avait parlé de nouveau à Mathias du projet du Ministre de la Magie de créer une garde contre les mages noirs.

— Cela ne me mettrait-il pas sous les ordres du Ministère ? avait-il dit.

— D’une certaine manière, oui, avait répondu le comte. Mais j’ose croire que nous demeurerons libres de nos choix. Je compte bien m’en assurer quand j’irais voir le ministre, car je pense que c’est nécessaire. Nous serions les garants du bon droit et de la Justice, nous devons donc pouvoir agir si un mage noir devient ministre lui-même.

— Et s’il refuse ?

— Alors je rejetterai sa proposition. Je ferai de même s’il refuse de t’y intégrer si tu le désires. Que tu déclines est une chose, mais je veux que tu aies le choix.

— Si cette garde est sous ton autorité, alors tu pourras compter sur moi. C’est ma seule condition.

Philippe fut heureux d’entendre ça. Et après lui avoir promis de le tenir au courant, il le laissa rentrer chez lui.

Le comte attendit d’être convoqué au Ministère. Il avait envoyé un rapport détaillé des évènements de la nuit au fort de Wiechenzen, omettant de mentionner les Éternels. Ceux-ci avaient disparu aussi mystérieusement qu’ils étaient apparus, et il se doutait qu’il ne les reverrait jamais.

Lorsqu’il se rendit au Ministère, il fut immédiatement introduit dans le bureau du Ministre. Ce dernier ayant dû s’absenter, le secrétaire lui demanda de patienter quelques instants. Il fut rejoint par Odon Marchas.

— Monsieur le comte, j’ai appris que vous deviez venir aujourd’hui, dit-il.

— Je suppose que monsieur le Ministre veut des détails supplémentaires concernant la mort de Taran, avança Philippe.

— Je ne saurais vous le dire, je n’ai que très peu vu le ministre depuis la mise en place du Secret Magique, lui comme moi avons été très occupés. J’ai pu lire votre lettre narrant cette nuit, vous n’avez pas fait mention d’une quelconque intervention par de tierces personnes.

— En effet.

— Si les individus auxquels je pense étaient présents, je sais pourquoi vous le cacher. Entre nous – et je vous jure que personne d’autre ne le saura jamais –, étaient-ils là ?

— Entre nous, monsieur Corvus et moi serions morts sans leur intervention. Mais sachez que je n’ai rien inventé concernant la fin de Taran : il est bien mort sous la lame de Mathias.

Le ministre Étienne Courneuf entra à ce moment-là. Odon Marchas s’inclina et prit congé.

Le ministre posa quelques papiers sur son bureau et s’y installa. Il resta silencieux à effectuer quelques tâches avant de lever les yeux vers son visiteur.

— Veuillez me pardonner de vous avoir fait attendre, monsieur le comte, je ne me doutais pas que passer notre communauté sous la rose[1] générerait autant de problèmes administratifs. Cela étant, j’ai lu votre rapport… Vous n’avez pas essayé de dissuader monsieur Corvus de tuer Taran ?

— Si, je lui ai demandé, tout en lui assurant que je respecterai et comprendrai son choix, répondit Philippe. Taran a provoqué la mort d’une grande partie de sa famille, il avait le droit de se venger. Et puis…

— Je vous écoute, monsieur le comte.

— Qui sait ce qu’il se serait passé si Taran avait été gardé en vie ? Rien ne dit qu’il y aurait eu un procès, avec ses immenses pouvoirs et ses connaissances, il aurait pu s’enfuir. Et même s’il ne l’avait pas fait, était-ce prudent de lui donner le droit de répandre son fiel alors que notre société est si fragile en ce moment du fait du Secret Magique ?

— Empêcher une voix de s’exprimer, c’est ce que font les tyrans… philosopha Étienne Courneuf.

— Oui, c’est vrai, mais dans son cas, le tuer c’était surtout empêcher que la voix d’un tyran s’exprime, répliqua Philippe. Du moins, en propre, car nous n’avons pas éliminé tous ses adeptes.

— Et donc, sa voix continuera de se faire entendre dans la leur… D’où l’autre sujet dont je voulais m’entretenir avec vous : la formation d’une garde allouée à la lutte contre les mages noirs. Je me souviens de votre condition inhérente à cette proposition : demander à monsieur Corvus d’en faire partie. Il a démontré qu’il était prompt à la désobéissance et n’hésitait pas à faire cavalier seul, hors de tout contrôle.

— Je ne vois pas ça comme un problème, au contraire, cela pourrait être une force.

— En quoi ?

— Imaginez qu’un mage noir devienne Ministre de la Magie, expliqua Philippe, acquérant le pouvoir politique inhérent à cette fonction, il faudra pour le combattre des hommes tels que Mathias Corvus pour le déposer. Des hommes pouvant faire fi de son autorité.

— Je vois ce que vous voulez dire… Et je dois admettre que cet argument a du poids. Très bien, j’accepte vos conditions, monsieur d’Estremer. Recrutez des hommes et formez-les. Je vous donne un an pour que votre garde soit fonctionnelle et que vous me la présentiez.

Étienne Courneuf se saisit d’un parchemin sur lequel plusieurs paragraphes étaient déjà écrits. D’un coup de baguette, il modifia quelques passages. Puis il apposa sa signature et son sceau, et le tendit à Philippe.

— Je vous fais confiance pour trouver un nom à cette garde, conclut le ministre en le congédiant.

 

Une couche de neige recouvrait la cour du fort de Wiechenzen, dissimulant les stigmates de la bataille qui s’y était jouée quelques jours plus tôt. Il avait mis tout ce temps à se remettre de ses blessures et à trouver la force de revenir ici. Ses cicatrices, formant des sillons en forme d’éclairs sur sa peau, le picotaient toujours, mais la douleur était maintenant supportable.

Il était accompagné de plusieurs hommes qui, tout aussi étrangement, s’étaient retrouvés éparpillés aux quatre vents. Ils fouillèrent les lieux durant des heures. Lui, restait dehors, sous la neige qui recommençait à tomber à gros flocons.

— Aucune trace du Maître, dit un homme qui revenait du donjon.

L’homme aux cicatrices sortit sa baguette et souffla un courant d’air chaud sur le sol, faisant fondre la neige dans un rayon de deux mètres autour de lui. Il mit au jour la trace noire d’un bûcher où quelques os demeuraient. Il se saisit de quelques fragments et les présenta aux autres.

— Ils ont tué notre maître, mais nous continuerons son combat. Êtes-vous avec moi ?

FIN


[1] « Sous la rose » (ou « sub rosa » en latin) est une expression voulant dire « en secret », se dit souvent d’une conversation.


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