Le langage des fleurs
Harry flânait dans les couloirs de Poudlard, profitant d’un moment de libre. Hermione et Ron étaient occupés à roucouler quelque part, et lui avait eu un soudain besoin de solitude.
Parfois le poids de la guerre l’écrasait, et il se retrouvait le cœur battant, oppressé, oubliant qu’il était désormais libre.
Parfois, il se sentait perdu, désœuvré. Toute sa vie avait été conditionnée autour du combat qu’il devait mener, autour de ses responsabilités écrasantes et cette soudaine liberté l’effrayait, alors qu’il ne savait plus ce qu’il pourrait faire de sa vie. Il n’avait jamais appris à être insouciant après tout…
Il soupira, et secoua la tête avant de s’immobiliser brusquement bouche entrouverte. Un peu plus loin, dans un coin de couloir se tenait Drago Malefoy.
Ce n’était pas vraiment surprenant, puisque le Serpentard était libre de ses allées et venues comme tous les étudiants.
Ce qui était inhabituel par contre était de voir que le blondinet souriait doucement. Il n’était pas seul et son interlocuteur lui parlait, une main posée sur son bras.
Harry soupira en voyant le couple étrange. Luna Lovegood était bien la dernière personne qu’il imaginait proche du jeune homme. Pourtant, elle lui parlait doucement, lui souriait et le touchait. Face à elle, Drago Malefoy l’écoutait avec ce sourire doux qu’il n’avait pas l’habitude d’afficher.
Il les observa longuement la cœur battant. Luna était douée pour briser la plus solide des carapaces. Elle pouvait être aussi excentrique que possible, elle avait un cœur immense et ne s’embarrassait pas de préjugés.
Finalement, il tourna les talons, se sentant mal à l’aise de les épier. Après tout, il se démenait pour que les Serpentard puissent vivre normalement, pour tourner la page de la guerre. Ce n’était pas en les espionnant sans cesse comme des bêtes curieuses qu’ils iraient mieux…
Ses pas le menèrent à la tour d’Astronomie.
Nostalgique, il s’assit en tailleur sur la plateforme, observant le paysage. Le lac noir scintillait doucement sous le soleil timide, comme s’il était saupoudré de joyaux. De temps en temps, les mouvements du calamar géant provoquaient une gerbe de gouttelettes, semblables à des diamants.
L’herbe du parc était d’un vert tendre, et il n’y avait plus la moindre trace des combats qui s’étaient tenus à cet endroit. Harry se souvenait que le lendemain de la bataille, la pelouse avait arboré de larges marques brunes, comme des cicatrices, aux endroits où la terre avait été retournée par des sorts.
A l’horizon, la forêt interdite formait une barrière sombre, menaçante. Malgré tout, Harry ne pouvait pas imaginer Poudlard sans la forêt interdite.
Il prit conscience qu’à la fin de l’année, il devrait quitter Poudlard pour de bon et entamer sa vie d’adulte. Et pour l’instant, l’école était le seul foyer qu’il ait connu.
Il n’était pas inquiet de devoir se débrouiller seul. Après tout, il avait toujours été livré à lui même, depuis sa plus tendre enfance. Les Dursley n’avaient pas été des tuteurs attentifs ou attentionnés.
Il savait également que ses amis de toujours seraient présents pour lui. Il ne serait pas isolé, et abandonné.
Mais hors des murs de Poudlard, il ne serait plus protégé. Il ne serait plus dans son cocon familier. Il devrait faire face au monde magique dans son ensemble.
Harry soupira et sursauta lorsqu’une voix douce le surprit.
- Je peux m’installer avec toi ?
Il tourna les yeux et ne fut pas vraiment étonné de découvrir une Luna souriante. Il hocha la tête et reporta son attention sur le paysage.
Luna posa la tête sur son épaule et murmura.
- Tu vas faire quoi après Poudlard ?
Harry hésita.
- Lorsque j’ai découvert les Aurors venus m’escorter pour partir de chez ma famille moldue, j’ai… j’ai été fasciné et j’ai décidé que c’était ce que je voulais faire. Protéger les gens.
- Mais tu as changé.
L’affirmation tranquille de Luna le fit sourire et il souffla doucement.
- J’ai changé oui. Je ne suis pas certain de vouloir d’un quotidien empli de souffrances. Traquer les méchants, consoler les victimes… Je…
- Alors pourquoi tu en parles comme si c’était ce que tu voulais faire ?
- Parce que je ne sais rien faire d’autre, Luna. Je… Je me débrouille en Quidditch mais pas assez pour être dans une équipe. Et de toutes façon, je ne veux pas que les projecteurs soient encore braqués sur moi. Je voudrais juste une vie paisible avec la personne que j’aime.
Luna eut un rire joyeux.
- Bien évidemment. Et tu as pensé d’en parler à la personne que tu aimes ? Peut être que ça t’aiderait à y voir plus clair ?
Harry resta un moment silencieux puis il haussa les épaules doucement.
- Je n’ai pas dit que j’avais trouvé l’amour.
- Ton sourire ne ment pas, Harry. Tu es amoureux et tu as peur que ça ne soit pas réciproque. Mais… parfois, lorsqu’on attend de trop, le bonheur nous file entre les doigts.
Harry eut un rire doux et enlaça Luna, la serrant contre lui.
- Tu es une amie précieuse Luna.
Sans un mot de plus, la jolie blonde déposa un baiser sur sa joue, et repartit de son pas léger, de nouveau perdue dans son monde. Harry se leva, toute sa tristesse oubliée. Luna avait cette faculté rare de le remplir d’espoir.
Lorsqu’il descendit de la tour, il tomba sur Hermione et Ron. Ses amis semblaient surexcités, et Ron lui attrapa le bras, avec un large sourire.
- Tu as manqué une scène épique ! Tu sais Daphnée Greengrass ? Celle qui est en binôme de travail avec Neville ? Elle a une petite sœur, As… Astia un truc comme ça.
Hermione le coupa pour le corriger.
- Astoria.
- Peu importe. Elle s’est jetée sur Malefoy pour lui avouer que les fleurs qu’il recevait venaient d’elle.
Harry leva un sourcil surpris.
- Vraiment ?
Hermione le dévisagea et intervint de nouveau.
- Tu n’as pas l’air étonné.
Le brun haussa les épaules et afficha un petit sourire malicieux.
- Peut être que j’attends la suite de votre fabuleuse histoire, parce que je suppose que ce n’est pas ça qui vous met dans cet état…
Ron le bouscula en ricanant et hocha la tête.
- Bien vu mon pote. La fouine la remballée sèchement et il l’a traitée de menteuse sans la moindre hésitation.
Harry afficha un air amusé et répéta.
- Vraiment ?
Hermione se pencha vers lui avec un air de conspiratrice.
- Il a dit qu’il savait qui lui envoyait ces fleurs.
Harry gloussa, amusé, les yeux brillants.
- Je m’attendais à une grande révélation… Bien évidemment que Malefoy sait ! Je suis certain qu’il a deviné depuis un moment même.
Ron cligna des yeux.
- Et toi tu sais ?
Harry eut un sourire amusé et leva les yeux au ciel.
- Je ne suis pas dans la tête de Malefoy, Ron. Et il ne me confie pas ses petits secrets.
Le repas du soir fut particulièrement animé. Poudlard dans son ensemble semblait commenter la scène qu’il y avait eue entre Drago Malefoy et Astoria Greengrass. Cette dernière boudait, isolée à une extrémité de la table de sa maison.
Drago Malefoy lui, mangeait tranquillement, sans un mot. Il regardait de temps à autres autour de lui, sans pour autant fixer quelqu’un en particulier. Il semblait dans son monde, détaché, comme si les bavardages autour de lui ne le concernaient pas.
À la table des Gryffondor, Harry mangeait lui aussi tranquillement, écoutant les suppositions de ses camarades, souriant parfois à leurs hypothèses. Cependant, il n’y prenait pas part, restant spectateur.
Neville lui donna un léger coup de coude, avec un petit clin d’œil.
- Au final, qui que soit l’admirateur secret de Malefoy, il a réussi à faire oublier ses erreurs passées.
Harry gloussa et hocha la tête.
- Effectivement.
Le jeune homme se pencha vers son ami, et sourit.
- J’ai hâte de découvrir quelle sera la fleur de demain matin.
Harry se mit à rire, et secoua la tête.
- Méfie-toi, Neville, je vais croire que tu commences à adorer les ragots !
Neville se redressa, et posa une main sur sa poitrine, prenant un air dramatique.
- Moi ? Jamais ! Je suis juste… époustouflé du romantisme de cette… cour ? Et surtout, j’ai hâte de découvrir le fin mot de cette histoire… Je suis certain que ça restera dans l’histoire de Poudlard.
- Et bien… c’est quand même une plus jolie histoire que tous les drames que l’école a pu connaître…
Le lendemain matin, en se réveillant, Harry repensa à la conversation qu’il avait eu avec Neville. Il sourit, impatient lui aussi de découvrir ce qui allait se passer pendant le petit déjeuner. Il était surtout heureux de découvrir que désormais, plus personne ne parlait de la marque sombre sur le bras de Malefoy…
Il attendit ses camarades avec impatience, avant de rejoindre la Grande Salle. Les Serpentard étaient déjà installés, et Malefoy était au milieu de ses amis.
Contrairement à son habitude, il n’était plus isolé et muet, mais il semblait plaisanter avec Blaise Zabini.
Harry le dévisagea avec attention et se rendit compte qu’il avait meilleure mine. Il croisa le regard argent un instant, et leurs yeux s’accrochèrent, comme autrefois. Harry sourit, et hocha lentement la tête pour le saluer.
Après une légère hésitation, le Serpentard répondit, et eut un bref sourire.
Personne ne fut surpris de voir une chouette majestueuse apporter un bouquet de fleurs ce matin là. Il était plus surprenant cependant que ce soit un énorme bouquet de roses rouges, d’un rouge vibrant, ardent.
Malefoy le serra contre lui, les joues écarlates. Il y eut des exclamations de surprise dans la Grande Salle. A la table des Gryffondor, Neville gloussa, un peu rouge lui aussi.
- Pas besoin de dire que ce sont des roses rouges, tout le monde connaît cette fleur.
Hermione l’interrompit.
- Et on sait aussi que ça symbolise l’amour ! Ça même dans le monde moldu on le sait.
Il y eut quelques rires amusés, et Neville hocha la tête. Il précisa cependant, avec un sourire en coin.
- La rose rouge précisément symbolise l’amour passionnel. Charnel.