Sauvetage imprévu

Il fallut près d’une semaine à Harry pour se détendre complètement et se laisser légèrement aller. Pour ne plus sursauter à chaque éclat de voix ou geste brusque.

Lorsque Severus revint, il fut surpris d’être accueilli par un large sourire du petit garçon. Il n’avait plus cet air de bête traquée, il avait l’air plus calme.

Il se laissa examiner sans bouger, se montrant curieux au sujet des baumes que Severus utilisait pour le soigner.

Bien que décidé à ne pas se laisser attendrir par le fils Potter, Severus ne réussit pas à rester renfermé face aux yeux verts et à la confiance qui lui était accordée sans restriction.

Avec un soupir résigné, il tendit au petit garçon une fiole de potion pour corriger ses carences dues à la malnutrition, se reprochant sa faiblesse d’en avoir modifié le goût pour que ce soit plus agréable.

Cependant, le gamin se jeta spontanément contre lui, enlaçant ses jambes. Malgré lui, il lui passa la main dans les cheveux, les ébouriffant un peu plus et récoltant un regard brillant.

*

Narcissa envoya les deux garçons jouer, avant de se tourner vers Severus, levant un sourcil parfaitement dessiné.

   — J’ignorais que tes potions avaient changé de goût, Severus. Tu te laisses attendrir ?

Il grogna, et fusilla l’épouse de Lucius d’un regard noir, celui qui effrayait ses élèves. Cependant, la femme face à lui était loin de se laisser apeurer pour si peu. Après tout, elle était une Black et avait épousé un Mangemort.

Finalement, il haussa les épaules, sèchement.

   — Il est mal en point, je ne vais pas aggraver son cas en prenant le risque de le faire vomir.

   — Bien entendu.

Severus roula des yeux, mais préféra rester silencieux. Il connaissait Narcissa et il savait que lorsqu’elle avait ce sourire malicieux aux lèvres, elle était redoutable. Il ne tenait pas à entrer dans son jeu, où elle finirait par lui faire avouer qu’il appréciait le satané gosse avant même qu’il ne s’en rende compte.

Après un instant, Severus soupira.

   — Qu’allez-vous faire de lui ?

Narcissa pinça les lèvres, et se redressa, lissant son chemisier du plat de ses mains.

   — Ce n’est pas… un animal qu’on peut prendre et laisser, Severus. Nous l’avons recueilli et je compte bien m’assurer de son bien-être !

L’homme grogna, et secoua la tête sèchement.

   — Je n’ai jamais suggéré de le renvoyer d’où il vient ! Je ne pensais pas… Il s’agit plutôt de savoir où il va grandir. Compte tenu de l’allégeance de ta famille…

Une lueur de colère passa dans le regard clair de Narcissa et elle se tendit.

   — Les enfants n’ont aucun lien avec nos opinions. Harry sera traité comme l’égal de Drago et il sera bien plus en sécurité au sein de notre foyer qu’entre les mains de Dumbledore.

Severus soupira.

   — Comment réagira le monde magique lorsque ça sera connu ?

Loin de protester, elle haussa les épaules, ne semblant pas inquiète.

   — Je m’en moque, pour la bonne raison que sa présence ici ne sera pas connue. Crois-tu que nous exposons Drago ? Nos réceptions se font sans enfants, ils seront à l’abri de notre vie publique. Et personne ne viendra le chercher ici.

Severus fronça les sourcils, se perdant dans ses pensées. Il hésita.

   — Je le conçois. Personne n’oserait imaginer que Harry Potter est hébergé au Manoir Malefoy. Mais… sa disparition pourrait…

Narcissa le coupa brusquement, perdant son calme.

   — Sa disparition ? Crois-moi, Severus, personne ne s’en rendra compte ! Personne ne devinera qu’il a disparu parce que Dumbledore s’est débarrassé de lui et s’en est lavé les mains. Il compte probablement venir à son secours juste avant l’entrée à Poudlard, pour… pour le rallier à sa cause ! Sauf qu’il aura une belle surprise, parce que je compte bien lui apprendre à ne compter que sur lui-même et à savoir se défendre seul !

   — Narcissa…

Elle continua, implacable.

   — Je sais quel est le rôle que veut lui donner ce vieux fou. Je n’ignore pas qu’il est considéré comme le seul capable de mettre fin à… à son règne. Ça ne change rien à mon envie de faire de lui un jeune sorcier fort et indépendant.

Severus soupira, toujours hésitant. Il savait que Narcissa n’avait pas besoin de son autorisation, puisqu’il avait accepté de jurer sur sa magie et il ne pourrait pas révéler la présence de Harry Potter au sein du foyer Malefoy. Pas sans y laisser la vie.

Voyant ses doutes, Narcissa eut un bref sourire et déclara calmement.

   — Bien évidemment, je compte sur tes visites régulières. Non seulement tu pourras t’assurer que les garçons sont en pleine santé, mais tu pourras également voir que Harry ne souffre pas à nos côtés. J’espère même qu’il sera heureux.

Severus abdiqua.

   — Très bien. Fais comme tu l’entends.

Narcissa eut un sourire.

   — Je vais voir les garçons, c’est l’heure du goûter. Souhaites-tu rester ? Ou préfères-tu rejoindre Lucius dans son bureau ?

*

Bien évidemment, Severus avait choisi de rejoindre Lucius, même s’il était curieux d’observer les réactions du fils de Lily. Son ami était plongé dans une pile de parchemin qu’il repoussa en l’entendant entrer.

   — Severus. Je suppose que Narcissa t’a fait part de sa décision ?

Le maître des potions roula des yeux.   Puis, il fixa l’homme avec attention.

   — Et toi ? Qu’en penses-tu ? Après tout… il est ton ennemi, non ?

Lucius haussa les épaules.

   — Il est difficile de refuser quoi que ce soit à ma charmante épouse. Sans compter que… C’est un enfant de l’âge de mon fils. Cissa a eu raison de me le rappeler.

   — Je t’ai connu plus impitoyable, mon ami…

   — Je pourrais continuer de l’être, bien évidemment. Saboter l’éducation du gamin, l’exposer. Ou le tourner vers les ténèbres. Mais… ensuite si je survis à ma tendre femme… Il voudra marquer Drago un jour ou l’autre. Je suis convaincu que les moldus nous sont inférieurs. Que le monde magique a besoin de retrouver ses traditions et de se fermer à l’arrivée massive des sang-de-bourbe. Pourtant, je refuse d’infliger à mon fils unique une vie de meurtres et de danger. J’étais adulte lorsque j’ai pris la marque. J’ai suivi les conseils de mon père, évidemment, mais… je savais que j’aurais à me salir les mains, que je devrais tuer sans… sans hésiter. J’ai accepté pour le futur de mon fils, parce que je pensais que sans cette guerre le monde magique courrait à sa perte. Mais tout ce sang versé… pour au final se rendre compte que nous servions un fou prêt à assassiner des bébés…

Severus ferma les yeux, le visage de Lily flottant dans son esprit, et il hocha la tête. Peut-être que la présence de Harry Potter chez les Malefoy marquerait un tournant décisif dans cette guerre qui durait depuis trop longtemps…