Secrets de Serpentard (II) : Le Pensionnat Wimbley

Chapitre 3 : Les trois pensionnaires

6234 mots, Catégorie: G

Dernière mise à jour 20/03/2023 12:04

Les trois pensionnaires



Derrière la draperie violette brodée de fil d'argent, Andromeda se tenait dans l'encadrement de la porte et avait manifestement écouté toute la conversation qui venait d'avoir lieu entre Lucius, Narcissa et Eleanor.

– Rasseyons-nous, dit Eleanor Wimbley avec douceur.

Andromeda regarda vers la porte qui donnait sur le couloir, probablement tentée par l'idée de se lancer à la poursuite de sa petite sœur.

– Ce n'est pas le moment, Andromeda. De toute manière, Lucius vous empêcherait de parler paisiblement. J'ai eu une autre idée... Viens, écoute-moi.

Eleanor lui prit le bras, comme elle l'avait fait pour Narcissa quelques minutes plus tôt, et la ramena vers le petit salon dissimulé derrière la porte dérobée.

Dans cette deuxième pièce, les murs étaient également tendus de violet, et les fauteuils confortables arboraient la même teinte. Sur la table basse ronde en bois verni qui occupait le centre du salon, deux bougies dorées attendaient d'être allumées sur un gâteau au chocolat ; autour, cinq tasses de thé refroidissaient, et une bouteille de champagne couverte de gouttelettes d'eau attendait d'être distribuée dans six coupes vides.

Assis autour de la table, Ted Tonks tenait la petite Nymphadora sur ses genoux et essayait de l'empêcher d'entamer le gâteau à pleines poignées. À côté d'eux, un autre homme aux cheveux blond foncé arborait un insigne d'Auror et tenait dans la main une attestation frappée de son nom complet : Alastor Maugrey. Enfin, assise sur un minuscule tabouret, ses petits pieds se balançant dans le vide, Mrs Painswick souriait avec la plus grande des gentillesses. Son badge de sa librairie voyageuse Le Chat qui souris était épinglé sur son chemisier bariolé et elle tenait un cadeau rectangulaire sur ses genoux.

– Vous avez parlé de notre mère, n'est-ce pas ? demanda fiévreusement Andromeda à Eleanor Wimbley. Est-ce que Cissy a dit quelque chose à propos de moi ? Elle doit m'en vouloir terriblement...

– Du calme, Andromeda, tempéra Eleanor. Asseyons-nous.

Elle lui désigna la place qui se trouvait à côté de Ted, et s'assit à côté d'elle. Aussitôt qu'Andromeda fut assise entre eux, elle parvint à maîtriser un peu mieux son désarroi.

– J'ai pensé à quelque chose pendant que je bavardais avec elle, poursuivit Eleanor. J'espérais vous donner l'occasion de discuter toutes les deux dans un contexte plus apaisé... Et je crois avoir trouvé un moyen.

– Lequel ?

– Eh bien... Ce n'est pas facile. Nous savons de source sûre que depuis que tu t'es enfuie, Hector Crabbe continue de vous rechercher activement tous les trois, et de ce fait, nous devons absolument limiter vos sorties...

– Mais, Eleanor...

– Elle a raison, grogna Alastor Maugrey. Je vous confirme que cette enflure est toujours sur les dents. Si je ne l'avais pas lancé discrètement sur de fausses pistes, il vous aurait peut-être déjà trouvés ! Non, je vous assure, il faut redoubler de vigilance... Ce genre de petite réunion doit absolument rester exceptionnelle.

Ted et Andromeda échangèrent un sourire discret, amusés par l'humeur perpétuellement inquiète de leur ami Maugrey.

– Il dit vrai, renchérit à son tour Mrs Painswick d'une voix fluette. Il rôde sans cesse sur le Chemin de Traverse et ne se gêne pas pour intimider tous ceux qui seraient susceptibles de connaître votre adresse. C'est déjà la cinquième fois qu'il me rend visite et ses hommes surveillent la librairie en permanence.

– Nous ne pouvions pas rester chez nous, alors même qu'Alastor vient d'être nommé Auror de premier ordre, dit fermement Andromeda. Certains risques valent tout de même la peine d'être pris.

– Oui ! Risques, risques ! claironna Nymphadora en se tortillant sur les genoux de Ted.

– De toute manière, ce pensionnat est à l'abri de Crabbe, dit Ted en caressant la nuque soyeuse de Nymphadora. Personne ne peut franchir les Tentagriffes sans l'autorisation d'Eleanor.

– Il pourrait tout de même transplaner, ou arriver par la voie des airs...

– Seulement s'il sait que vous êtes ici, tempéra à nouveau Eleanor. Enfin, j'ai pensé à un autre moment... Un moment où vous avez déjà prévu de revenir ici, et où la sécurité du pensionnat sera triplement assurée par Dumbledore, par les Aurors et par moi-même...

– La fête de Noël ?

– Je ne suis pas pour, bondit aussitôt Maugrey. Trop de monde, trop de dangers ! Je suis très heureux de vous voir aujourd'hui, mais...

– Nous viendrons quoiqu'il arrive, coupa Ted. Le vingtième anniversaire du pensionnat... Je ne raterais cela pour rien au monde.

– De toute manière, l'invitation est déjà partie, dit Eleanor avec malice. Je l'ai glissée dans la cape de Narcissa.

Andromeda écarquilla ses yeux gris et Maugrey manqua de s'étouffer avec sa tasse de thé.

– Tu lui a rédigé une invitation ? Mais... quand ?

– Oh, à l'instant, pendant que Lucius me postillonnait au visage. Je l'ai écrite mentalement avec l'Encre Télépathique que Romeald m'a offerte, sur une petite carte qui traînait sur mon bureau, et je l'ai fait léviter jusqu'à la poche de Narcissa... Ils n'y ont vu que du feu !

Eleanor souriait, visiblement très fière d'elle.

– Tu crois qu'elle viendra ? demanda Andromeda avec un mélange d'espoir et d'appréhension.

– Elle semblait attendrie et intéressée par ce lieu, en tout cas, affirma Eleanor Wimbley. Nous verrons bien.

– Avez-vous parlé de moi dans cette lettre ? Lui avez-vous dit que je serai là ?

– Non, pas du tout. Mieux vaut être prudent : je ne doute pas de sa bonne foi, mais si Lucius ou son père venaient à lire cette lettre...

Eleanor était ravie de son petit tour de passe-passe. Mrs Painswick poussa un petit gloussement ravi, imitée avec brio par Nymphadora ; Andromeda se mit à contempler le fond de sa tasse de thé ; Ted regarda son épouse avec inquiétude et Maugrey marmonna quelque chose comme « Vigilanceconstantegrmblrmbl ».

– Merci infiniment d'avoir accepté de les accueillir, en tout cas, murmura finalement Andromeda. Ça n'était pas une visite très agréable.

– Oh, je n'aurais jamais accepté de recevoir Lucius seul, mais tu m'avais si souvent parlé de Narcissa que j'étais curieuse de la rencontrer. Je dois dire qu'elle est assez touchante, même si elle me semble un peu désorientée.

– C'est bien ce que je pensais, gémit Andromeda en secouant la tête. Et dire que j'avais confiance en Lucius pour prendre soin d'elle ! Je me suis lamentablement trompée... Et pourtant, malgré son caractère prétentieux, il était si attentionné envers elle à Poudlard, si prévenant... Il n'avait rien du grossier personnage que nous venons d'entendre !

– Pas besoin d'être un enquêteur de la Police Magique pour deviner qui est derrière tout ça, dit sombrement Alastor Maugrey.

– Tu veux dire... Tu penses au père de Lucius ? Abraxas ?

– Bien sûr. C'est une règle qui se vérifie trop souvent : chaque fois que quelque chose va de travers dans ce pays, on tire sur le fil et c'est lui qui se trouve au bout. Mais évidemment, il est intouchable : la famille Malefoy a financé si généreusement la reconstruction du monde sorcier après le passage de Grindelwald... Quasiment la moitié du Ministère leur appartient !

– Oh, misère, gémit Andromeda et enfouissant son visage dans ses mains. Quand je pense qu'elle habite sous le même toit que lui !

Eleanor lança un regard appuyé à Maugrey pour lui signifier que ses tentatives de réconfort n'étaient pas très adaptées ; Ted, lui, se contenta de poser timidement sa main sur l'épaule d'Andromeda.

– Tu ne pouvais pas deviner que ça se passerait comme ça, murmura Ted. Et elle non plus.

– Ma-ma, gazouilla Nymphadora en tendant les bras vers sa mère. Mama !

Andromeda regarda sa fille et sourit faiblement.

– Oui, mon ange, tu as raison, murmura-t-elle en embrassant son petit poing. N'y pensons plus.

Nymphadora avait tout juste deux ans. Ses cheveux roses chewing-gum hérissés autour de son visage joufflu résistaient à toute tentative de démêlage, et chaque fois que Ted ou Andromeda s'y risquaient, la petite se mettait à pousser des rugissements dignes d'une lionne adulte.

– Elle a eu du mal à se tenir tranquille, soupira Ted. J'avais tellement peur qu'on l'entende depuis le bureau... Heureusement, Alastor l'a distraite.

Alastor Maugrey leur adressa un demi-sourire, et Andromeda se confondit à nouveau en excuses.

– Désolée d'avoir interrompu ce petit goûter, je... Je voulais seulement entendre le son de sa voix.

– Pas de problème, grogna Maugrey avec son amabilité habituelle. Au contraire, je suis ravi d'en savoir un peu plus sur les méthodes de ce jeune Malefoy.

– Oh, là là... Vous croyez qu'il la maltraite ? s'alarma de nouveau Andromeda.

– Non, je ne pense pas, assura Eleanor Wimbley. C'est assez étrange, mais dès qu'il la regardait, je sentais... Comme si son regard s'adoucissait d'un coup. Non, vraiment, Andromeda, je pense qu'il prend soin d'elle... Autant que son père le lui permet.

– Comme c'est touchant, commenta Maugrey.

– Alastor, je suis vraiment désolée, soupira Andromeda. Je suis en train de gâcher cette belle après-midi, alors que nous devrions être en train de célébrer l'anniversaire de Nymphadora et ta promotion au sein des Aurors...

Pendant qu'Andromeda parlait, Ted se joignit à Eleanor pour fusiller Maugrey du regard.

– Euh... Voyons, Andromeda, tu ne gâches rien du tout, marmonna Maugrey, un peu embarrassé. Malgré cette petite visite intempestive, nous avons encore toute l'après-midi... Et puis, Adam n'est même pas encore là.

– Tiens, c'est vrai, dit Mrs Painswick en regardant sa minuscule montre. Il tarde à venir.

– Comme d'habitude, grogna Maugrey.

Comme pour le contredire, à l'instant même où il prononçait ces mots, la cheminée qui se trouvait au fond de la pièce se mit à crépiter, puis à produire de grandes flammes vertes, et une silhouette élancée se dessina dans la cheminée.

– Adam, te voilà, dit Eleanor avec tendresse.

Un jeune homme de l'âge de Ted venait de rentrer dans la pièce. Il se distinguait de ses deux amis – blonds et d'humeur plutôt placide – par ses cheveux noirs de jais et par la fougue flamboyante qui animait chacun de ses gestes.

En l'occurrence, il semblait particulièrement agité. Vêtu d'une cape violet foncé, il regarda un à un Eleanor, Andromeda, Maugrey, Ted et Mrs Painswick avec suspicion, l'index tendu devant lui.

– Qui ? articula-t-il simplement. Qui a fait ça ?

– Que se passe-t-il, Adam ?

– Eleanor, c'est toi ?

– Mais enfin, calme-toi un peu, je t'en prie. De quoi parles-tu ?

Sans répondre, le dénommé Adam extirpa de sa cape une enveloppe froissée et parcheminée frappée du sceau de Gringott's.

– Regardez ça, murmura-t-il.

Maugrey s'empara de l'enveloppe, et entreprit de l'examiner sous toutes les coutures.

– Elle n'est pas ensorcelée, dit Adam, exaspéré. Je l'ai déjà ouverte.

– On ne sait jamais, grogna Maugrey. C'est la procédure.

Il poursuivit son examen minutieux, puis l'ouvrit et se mit à la lire avec attention, avant d'écarquiller les yeux avec stupeur.

– C'est une plaisanterie, murmura-t-il.

– Que se passe-t-il ?

Le jeune homme aux cheveux noirs les scruta du regard, essayant vainement de détecter la moindre trace de mensonge dans leur comportement.

– Ce n'est donc pas l'un d'entre vous, dit-il, déboussolé. Mais alors qui...

– Ça suffit, Adam, le coupa Eleanor avec fermeté. Assieds-toi tout de suite, et explique-nous ce qu'il se passe.

Eleanor était bien la seule à pouvoir lui parler avec une telle autorité. Adam accepta de cesser de remuer dans tous les sens et s'assit à la place que lui désignait Eleanor, entre Maugrey et Mrs Painswick.

– Soit, dit-il en se tordant nerveusement les mains. Bon, vous n'êtes pas sans savoir que depuis des années – depuis l'incendie, en fait... La banque Gringott's se permet de m'interdire d'accéder complètement à mes comptes pour de prétendues enquêtes, et que je dois me contenter de retirer quelques gallions par-ci par-là, sans avoir accès à l'intérieur du coffre...

– À mon avis, ce sont Piscus Crabbe et Orion Black qui sont derrière tout ça, corrigea Maugrey. Ils lancent ces alertes pour entraver leurs ennemis dans leurs mouvements financiers.

– Peu importe, car je viens d'obtenir gain de cause, coupa Adam. Après avoir examiné à plusieurs reprises chaque gallion qui se trouvait dans mon coffre, Gringott's a décrété que personne n'y avait dissimulé quoique ce soit d'illégal.

– Excellente nouvelle ! se réjouit Ted en levant sa tasse de thé.

– Sauf que...

– Il est vide ? demanda anxieusement Eleanor.

Adam éclata de rire.

– Oh non, loin de là.

Nymphadora le regardait avec de grands yeux craintifs, soudain intimidée. Adam prit la lettre de Gringott's à Maugrey et la fit passer à Eleanor, qui la lut à son tour.

– Mon dieu, dit-elle au bout de quelques secondes. Adam, c'est énorme !

– Combien y a-t-il ? demanda Ted avec impatience.

– Plus de cent mille gallions, dit Adam avec un sourire.

Tout le monde écarquilla les yeux avec stupeur.

– Cent mille !

– C'est incroyable...

– Mais d'où vient tout cet argent ? De tes parents ?

À cette question, Adam s'assombrit aussitôt.

– C'est là que je suis perplexe, dit-il. Je n'en ai pas la moindre idée, mes parents n'avaient pas un sou et leurs amis non plus. D'après le relevé de Gringott's, cet argent est arrivé petit à petit sur mon compte : à peu près cinq mille gallions par an depuis vingt ans, déposés par ce mystérieux bienfaiteur aux environs de Noël... Et par le moyen d'un contrat strict qui exige l'anonymat le plus complet. Le premier dépôt d'argent date d'il y a vingt ans... C'est-à-dire quelques jours après l'incendie.

– Adam, quoiqu'il arrive, c'est une excellente nouvelle...

– Peut-être, mais qui que ce soit, pourquoi se cacher de moi ? Pourquoi ne m'avoir rien dit, pendant tout ce temps ?

– Tu n'as trouvé que des gallions dans le coffre ? Pas un mot, pas un indice ?

– Si, il y avait... cette enveloppe violette, dit Adam. Eleanor, j'étais sûr que c'était toi...

– Adam, enfin, rit Eleanor. Premièrement, la somme dont tu me parles est complètement en dehors de mes moyens ; et deuxièmement, si je possédais une telle fortune, penses-tu que je la réserverais à un seul de mes pensionnaires ?

Adam haussa les épaules, un peu renfrogné. Il ouvrit lentement l'enveloppe violette, en extirpa un parchemin assorti et le posa sur la table afin que tout le monde puisse le voir. Une écriture élégante avait tracé ces mots à l'encre argentée :

 

Tel le phénix

L'espoir renaît de ses cendres

 

– C'est ce qu'il y avait écrit sur le parchemin, dit Adam d'une voix blanche. Sur le morceau de parchemin que je serrais dans la main, cette nuit-là, quand Eleanor m'a trouvé dans le jardin.

– Oui... Oui, je me souviens.

– Qui d'autre avait connaissance de ce billet ?

– Personne d'autre que nous, assura Eleanor.

Ils s'échangèrent des regards troublés, renvoyés vers de lointains souvenirs.

Vingt ans auparavant, alors que le pensionnat venait tout juste d'être construit et que Ted était encore le seul enfant résidant sur les lieux, Eleanor Wimbley avait accueilli Adam Claring et Alastor Maugrey coup sur coup, juste après l'un des plus sinistres évènements de l'histoire du monde magique.

À cette époque, les regrettés parents d’Adam étaient de fervents défenseurs de l'égalité de tous les sorciers, sans qu'aucune distinction ne soit faite en fonction de leur statut de naissance. Tous deux avaient même créé une fondation dans ce but – la Fondation pour l'Égalité des Sorciers et la Protection des Moldus.

Ayant jugé la méthode douce insuffisante pour lutter contre les discriminations coriaces qui régissaient le monde magique, certains membres de la Fondation avaient commis quelques exactions notables : l'empoisonnement de quelques banquets « réservés aux Sang-Pur », le sabotage de locaux servant de ralliement à des groupuscules particulièrement agressifs envers les Moldus...

Ces méthodes avaient immédiatement été condamnées par le Magenmagot, qui, à l'époque, était en immense majorité constitué de sorciers issus d'anciennes familles aussi renommées que conservatrices. Jakob et Sarah Claring, ainsi que quelques-uns de leurs proches associés, avaient donc été poursuivis et contraints de se cacher avec leur fils pour échapper à ce semblant de justice.

L'ensemble des Sang-Pur avait fait corps pour supprimer la menace qu'ils représentaient, les contraignant à changer de cachette régulièrement ; et par une froide nuit de Noël, l'immeuble vétuste où la famille Claring avait trouvé refuge avait été victime d'un incendie criminel et dévastateur. Seul Adam en avait mystérieusement réchappé et avait été déposé par un bienfaiteur anonyme devant la porte du pensionnat Wimbley tout juste construit – avec, pour seul indice concernant l'identité de son sauveteur, une sorte de dicton griffonné à la hâte sur un morceau de parchemin...

Quant à Maugrey, ses deux parents étaient à l'époque des Aurors chevronnés : lorsque l'alarme avait été donnée, tous deux s'étaient précipités sur les lieux de l'incendie et avaient perdu la vie en essayant de maîtriser les flammes qui ravageaient l'immeuble. N'ayant pas de famille proche, le jeune Alastor Maugrey, alors âgé de dix ans, avait été conduit au pensionnat par Albus Dumbledore, faisant de lui le troisième enfant accueilli par Eleanor – suivant Ted et Adam de près.

– C'est fou, c'est complètement fou, soupira Adam. Plus de cent mille gallions, rendez-vous compte ! Qui pourrait bien se délester d'une telle fortune sans que personne ne le remarque ?

– Peut-être un ancien ami de tes parents qui souhaite rester anonyme, supposa Ted. Que de mystère !

– Les anciens amis de mes parents sont tous morts, exilés ou bien décidés à ne plus rien avoir à faire avec moi, grinça Adam. Je les ai déjà contactés auparavant... Non, je ne crois pas que l'un d'entre eux y soit pour quelque chose.

– En tout cas, qui que ce soit, c'est une excellente nouvelle...

– Oui, je suis reconnaissant... mais aussi en colère. J'aimerais tellement savoir qui se cache derrière tout ça.

– Est-ce si important ?

– Évidemment que c'est important ! Si c'est cette même personne qui m'a sauvé des flammes... J'aimerais au moins qu'on me raconte cette nuit-là ! J'aimerais savoir pourquoi je suis le seul à avoir survécu... Et à quoi ressemblaient les criminels...

– Et moi donc, murmura Maugrey.

– Et l'idée que quelqu'un, quelque part, sait quelque chose sur tout ça...

– Il – ou elle – finira peut-être par se révéler, dit Eleanor avec douceur. Nous l'espérons tous autant que toi.

Ils restèrent silencieux quelques instants, tous perdus dans leurs pensées.

– Et maintenant... que vas-tu faire de tout cet argent, Adam ?

– J'en ai déjà dépensé une partie aujourd'hui, avoua-t-il.

– Vraiment ?

– Oui, d'où mon retard. Mais... Ça devrait vous plaire, regardez.

Il tendit la main vers son sac, qui passa au-dessus de la tête de Maugrey pour se poser sur ses genoux. Avec l'expression d'un petit enfant qui ouvre un cadeau de Noël, il ouvrit la fermeture éclair et extirpa du sac une grande robe satinée de couleur prune, avec un grand M brodé de fil d'or sur la poitrine...

Maugrey eut un petit rire, Ted poussa une exclamation impressionnée que Nymphadora essaya timidement d'imiter, Mrs Painswick gloussa avec ravissement et Andromeda ouvrit de grands yeux ronds.

– Tu as finalisé ton inscription au Magenmagot ! s'écria Eleanor. Adam, c'est incroyable ! Félicitations !

– Les Greengrass ont fini par convaincre tout le monde, confirma Adam. Il ne me manquait plus que les frais d'adhésion. Vous avez devant vous le remplaçant du vieil Albertus Giblett, qui prend sa retraite dans quelques semaines !

– C'est formidable ! Tu dois être le plus jeune membre depuis longtemps... Si ce n'est depuis toujours !

– En effet, je vais fortement abaisser la moyenne d'âge... Il était temps ! Et ce n'est pas tout, regardez...

Il sortit de son sac une liasse de parchemins sur laquelle était inscrit : Fondation pour l'Égalité des Sorciers et la Protection des Moldus.

– Ne me dis pas que...

– La Fondation est de retour, dit Adam avec émotion. Un nouveau coffre de Gringott's porte son nom, et j'ai réussi à obtenir des locaux au Ministère.

– Oh, Adam...

– Tu vas faire sensation !

– C'est le but.

– Et les Collinards ne vont pas apprécier...

– C'est le but aussi, figure-toi.

– Fais bien attention à toi, tout cela est risqué. Dans l'esprit des sorciers, la Fondation n'a pas bonne presse : elle est encore associée à leurs méthodes musclées.

– Cela changera. Pas d'empoisonnement, pas de sabotage, c'est promis. Les Greengrass m'aideront à lui donner un nouveau visage... Je serai vigilant là-dessus.

Ted fit un clin d'œil en direction de Maugrey :

– En tout cas, quoiqu'il arrive, tu auras un Auror de premier ordre dans ta garde rapprochée...

– Pardon ?

Adam interrogea Maugrey du regard, qui lui désigna timidement son attestation nouvellement obtenue, posé sur un coin de la table.

Adam en laissa tomber sa liasse de parchemins.

– De premier ordre ? Déjà !

Sans retenue, Adam se jeta sur lui et le serra dans ses bras avec force.

– Alastor, mon ami ! Toi, Auror de premier ordre ! Je suis si heureux ! Et vous ne me l'avez même pas dit !

– Tu ne nous en as pas donné l'occasion, marmonna Maugrey en essayant de repousser légèrement l'étreinte étouffante d’Adam.

– Nous avons tant de choses à fêter, résuma Eleanor.

– Oui, et à propos... si nous mangions le gâteau ? Je crois que Nymphadora s'impatiente, dit Andromeda en essayant d'empêcher sa fille de lui arracher une mèche de cheveux.

– Tu ne lui as même pas dit bonjour, Adam, fit remarquer Ted.

– C'est vrai, excuse-moi. Cette histoire me met dans tous mes états.

Adam se redressa dans le canapé de cuir, défroissa un peu ses vêtements et fit un petit signe de la main à Nymphadora. Il paraissait soudain beaucoup plus détendu.

– Coucou, petite Nymphadora, dit-il timidement. Tu es belle comme tout, dis donc ! Et tu grandis à vue d'œil... Tu seras bientôt plus grande que ton père !

– Pfff... C'est malin.

Ted leva les yeux au ciel avec amusement, et Nymphadora se blottit contre lui en regardant Adam du coin de l'œil.

– Elle a peur de moi, soupira-t-il. Je dois parler trop fort.

– C'est vrai que tu l'impressionnes, sourit Andromeda. Ne t'inquiète pas, mon cœur, c'est un ami de papa...

– Elle est vraiment adorable, dit Adam. Félicitations à tous les deux.

Ted lui adressa un regard reconnaissant. D'un geste délicat de la main, Andromeda alluma les bougies ; Eleanor claqua des doigts et les lumières de la pièce s'éteignirent. Tous en chœur, ils entonnèrent une petite chanson d'anniversaire pour Nymphadora, qui savourait avec ravissement tous ces regards béats posés sur elle.

Lorsque la chanson s'acheva, Andromeda lui présenta le gâteau au chocolat et ses deux bougies. Nymphadora souffla maladroitement sur les deux petites flammèches ; la première s'éteignit, mais elle dut reprendre son souffle pour venir à bout de la seconde. Une odeur agréable se répandit dans la pièce, les lumières se rallumèrent, tout le monde applaudit gaiement et Nymphadora éclata de rire.

Alors que les applaudissements s'amenuisaient, Nymphadora frappa dans ses mains et les deux bougies se rallumèrent aussitôt, sous les exclamations admiratives des adultes qui l'entouraient.

– Bougies ! s'écria-t-elle.

– Oui, mon ange, c'est exactement ça... Des bougies.

Nymphadora souffla sur les bougies, les ralluma une troisième fois en frappant dans ses mains et les éteignit à nouveau en postillonnant partout sur le gâteau. Tout le monde applaudit à nouveau en riant.

– Quel talent, s'enthousiasma Maugrey, les yeux brillants. À ce rythme-là, je vais devoir lui réserver une place chez les Aurors !

Nymphadora leva ses grands yeux sombres vers lui et battit des bras, entremêlant ses doigts dans ses cheveux roses.

– Au-'or ! piailla-t-elle avec enthousiaste. Moi, Au-'or !

– Alastor, je t'en prie, ne lui donne pas de mauvaises idées, protesta gentiment Andromeda.

Ted se contenta de sourire et de prendre Nymphadora contre lui pendant qu'Andromeda découpait le gâteau d'anniversaire.

– Je lui ai apporté un petit cadeau, dit Mrs Painswick.

– Moi aussi, dirent Adam et Maugrey en chœur.

– Et moi aussi, murmura Eleanor.

– Oh, c'est adorable... Il ne fallait pas...

– Eleanor, à toi l'honneur, proposa Mrs Painswick.

Eleanor Wimbley leur tendit un petit paquet. Andromeda aida Nymphadora à l'ouvrir : il s'agissait d'un tee-shirt blanc, tout simple.

– C'est Romeald qui l'a fait, expliqua Eleanor. Sa couleur changera en fonction de celle de ses cheveux.

Nymphadora plaqua le tissu contre elle, et il prit aussitôt la même teinte rose vif que sa chevelure. Constatant cela, Nymphadora donna à ses cheveux une teinte violette ; et la couleur du tissu suivit presque simultanément.

– C'est formidable, s'émerveilla Ted. Tu vas être ravissante, Dora...

Mrs Painswick leur tendit ensuite son paquet rectangulaire : il s'agissait d'un livre pour enfant, avec de superbes illustrations finement réalisées qui firent briller les yeux de Nymphadora.

– Pour les Livres Voyageurs, il faudra attendre encore un peu, précisa Mrs Painswick avec malice.

Puis ce fut le tour d’Adam. Il mit son sac sur ses genoux, mais hésita un instant avant d'en sortir son cadeau.

– Ne vous moquez pas de moi, d'accord ?

– Enfin, Adam...

Il finit par sortir du sac une grosse peluche grise d'hippopotame. Elle était vieillie, décolorée ; l'une de ses oreilles avait disparu, remplacée par un cratère brûlé.

– Voilà, dit-il.

Ted et Maugrey le regardaient avec un drôle d'air.

– C'est le tien, grogna Maugrey.

– Tu ne pouvais pas dormir sans, renchérit Ted. Une nuit, alors que tu l'avais oublié dans le jardin, nous avons passé des heures à le chercher près des Tentagriffes.

– Oui, je me souviens. C'était le seul objet qui ait résisté à l'incendie. La seule chose qui me restait de ma vie d'avant... Et de mes parents.

– Tu es sûr que...

– Je n'en ai plus besoin, assura Adam. Et je serais ravi qu'il dorme en bonne compagnie. Tu vas bien t'en occuper, Nymphadora, n'est-ce pas ?

Il tendit la vieille peluche à Nymphadora, qui, d'abord craintive, finit par accepter de la prendre. Elle aussi semblait comprendre l'importance de cet objet, car elle le manipulait avec le plus grand soin.

– Potam ! déclara-t-elle finalement.

Et elle le serra fort contre sa poitrine. Ted et Andromeda lui sourirent avec attendrissement ; et Maugrey donna une tape sur l'épaule d’Adam, qui semblait très ému.

– Après ça, mon cadeau va faire bien pâle figure, dit Maugrey en sortant de sa poche une forme cylindrique maladroitement emballée dans du papier.

– Ooh, regarde, Nymphadora... Qu'est-ce que c'est ? chantonna Ted en lui présentant le cadeau.

Nymphadora déchira le papier avec impatience et saisit la baguette miniature qui se trouvait à l'intérieur. À l'instant où elle la brandissait, trois étincelles dorées en jaillirent et elle poussa une exclamation émerveillée.

– Ooh ! Maman ! 'egarde !

– C'est fantastique, ma chérie, dit Ted.

– Oui, c'est superbe, mais... Est-ce vraiment autorisé ? demanda craintivement Andromeda.

– Oui, comme les petits balais volants, affirma Maugrey. Elle ne pourra pas lancer des sorts avec, seulement produire ces quelques étincelles inoffensives.

Pour une petite sorcière brillante et enthousiaste, lut Ted sur le petit mot qui l'accompagnait. C'est toi, ça, Dora ? Hmm ?

Nymphadora éclata de rire et battit des cils, les joues roses.

– Elle comprend très bien, rit Eleanor.

– Quelle adorable petite fille, renchérit Mrs Painswick.

– Je sers le champagne, ou bien je vais me mettre à pleurer, annonça Adam.

– Oh, Adam...

Pendant qu'il remplissait les coupes, Eleanor se leva pour prendre une des photos qui siégeaient sur la commode, et revint s'asseoir.

– Regardez ça, dit-elle avec émotion.

– Oh, vous êtes très beaux, commenta Mrs Painswick.

La photo avait été prise au même endroit que la première, où seul Ted se trouvait ; cette fois-ci, un beau bâtiment blanc se dressait derrière eux et deux nouveaux garçons entouraient Eleanor Wimbley.

Ted se trouvait sur la gauche et souriait timidement, le menton baissé ; de l'autre côté d'Eleanor, Maugrey était plus grand que lui et se tenait très droit, avec cet air grave et préoccupé qu'il conserverait avec le temps. Il posait une main sur l'épaule d’Adam, qui, à l'époque, était beaucoup plus petit que lui. Les bras croisés, le petit garçon aux cheveux noirs de jais fixait l'objectif avec hargne et défi. La photo avait été prise à peine quelques mois après le tragique incendie qui avait emporté leurs parents : Adam portait d'ailleurs quelques marques de brûlures au niveau du cou.

– Et regardez-vous, aujourd'hui, dit Eleanor en leur souriant tendrement. Un jeune papa, un Auror de premier ordre et un membre du Magenmagot ! Vous avez fait tellement de chemin, tous les trois... Et si vous saviez à quel point je suis fière de vous... Vous avez fait preuve d'un courage extraordinaire, après toutes les épreuves que vous avez traversé.

– C'est grâce à toi que nous les avons surmontées, 'Leane, dit Adam en levant sa coupe vers Eleanor. C'est pour toi que nous devrions trinquer.

– Je suis d'accord, approuva Ted en levant sa coupe à son tour.

– Allons, allons... N'en faites pas trop, mes chéris. Vous savez bien que j'ai la larme facile.

– À ce pensionnat, alors... Qui nous a permis de nous épanouir sereinement.

– Exactement, conclut Maugrey avec un sourire. Longue vie au pensionnat Wimbley, à ses pensionnaires et à toutes leurs petites familles.

– Et à mon mystérieux ange gardien, ajouta Adam, pensif.

Les coupes de cristal s'entrechoquèrent. Nymphadora réclama la sienne à grands cris, mais n'eut droit qu'à quelques gorgées de jus de citrouille ; et les autres vidèrent leurs coupes avec enthousiasme, ranimés par toutes ces joyeuses nouvelles.

 

***

 

Dans la voiture qui s'éloignait du pensionnat, Lucius harcelait Narcissa de questions. Sa voix était devenue tendue et sèche : il savait qu'il allait devoir annoncer son échec à son père, et le redoutait grandement.

– Pourquoi as-tu accepté de visiter le pensionnat avec elle ? demanda-t-il à Narcissa. Si cela se savait...

Narcissa resta silencieuse. Toute cette tension lui avait donné le tournis.

– Tu as été manipulée, poursuivit Lucius, furieux. Elle a très bien deviné que tu étais mon point faible, et elle s'est servie de toi ! Tu es trop naïve ! Je n'aurais pas dû t'emmener avec moi.

Narcissa le fusilla du regard.

– Avoir peur de ton père n'est pas une excuse valable pour me parler sur ce ton, dit-elle d'une voix tranchante.

– Je n'ai pas peur de lui, se récria Lucius.

– Oh, Lucius, s'il te plaît... Il te terrorise ! Tu lui obéis au doigt et à l'œil, sans jamais protester !

– Je proteste quand il s'agit de toi.

– Eh bien, dans le cas présent, il s'agit justement de moi ! Quand allons-nous passer un peu de temps tous les deux ? Je sais que tu prends beaucoup de plaisir à interférer dans les affaires du Ministère, mais moi aussi, j'ai besoin de ta présence ! J'en ai assez de m'endormir dans un lit vide, et de boire le thé avec les pimbêches que tes amis affectionnent tant !

Lucius mit du temps à répondre. Il se trouvait dans une douloureuse impasse : le bonheur de Narcissa lui tenait à cœur – presque autant que l'opinion de son père. Et lorsque ces deux éléments rentraient en conflit, comme c'était le cas depuis plusieurs mois, Lucius avait beaucoup de mal à trancher...

– Je veux juste lui montrer que je ne suis pas un incapable, comme il semble tellement le croire, dit finalement Lucius.

Très lasse, Narcissa haussa les épaules et se tourna résolument vers la fenêtre.

– Je sais que tu attends désespérément d'être enceinte, dit doucement Lucius. Mais ton impatience ne doit pas te pousser à être attendrie par le moindre enfant ! Ne t'en fais pas, ajouta-t-il en voyant l'air attristé de Narcissa, je te promets que nous en aurons bientôt un. Et tu ne penseras plus à eux, conclut Lucius en faisant un geste vers le pensionnat.

– Tais-toi, s'il te plaît, répondit Narcissa.

Elle pensa aux hautes haies hostiles du pensionnat qui ne faisaient que s'éloigner d'elle. Elle ne parvenait pas à décider ce qui la tentait le plus entre emporter un de ces enfants avec elle pour le chérir et le gâter, au mépris de toutes les règles de bienséance qu'on lui avait inculquées depuis le berceau ; ou bien redevenir elle-même une enfant et se joindre à eux pour n'avoir plus d'autres soucis que d'attraper des Courges Sauteuses et recevoir des médailles de courage.

Pendant le trajet, elle trouva l'invitation qu'Eleanor Wimbley avait glissé dans sa poche et la déplia discrètement pour que Lucius ne la voie pas.

 

Chère Narcissa,

Si vous le souhaitez, sachez que je serais ravie de discuter avec vous plus longuement, à l'occasion, par exemple, de la fête de Noël qui a lieu au pensionnat le soir du 24 décembre. Vous y serez la bienvenue, ainsi que votre amie Daisy, que je connais de réputation et que je me ferais un plaisir de rencontrer.

Si par bonheur vous acceptez cette invitation, présentez en arrivant ce morceau de papier ou la médaille que je vous ai donnée, et les Tentagriffes s'ouvriront aussitôt devant vous.

À bientôt j'espère,

Eleanor.

 

Narcissa froissa la lettre et la fourra bien au fond de sa poche, furieuse de constater qu'Eleanor Wimbley arrivait parfaitement à semer le trouble dans son esprit.

En rentrant au manoir, Narcissa monta dans leur chambre sans dire un mot. Elle s'assit devant l'écritoire en bois verni incrusté d'ivoire, prit sa plume, ouvrit son journal, et resta ainsi durant plusieurs minutes, ne sachant si elle devait critiquer ce qu'elle venait de voir ou en faire l'éloge. Elle repensa au grand jardin, au petit groupe d'enfants, à la voix douce du dénommé Romeald et au sourire bienveillant d'Eleanor Wimbley ; mais en posant sa plume sur le carnet rose, elle se souvint des premières pages qu'elle y avait écrites à l'âge de neuf ans, de toutes les mises en garde que son père lui avait faites à propos des Nés-Moldus, et tout ce que celui-ci lui avait enseigné ressurgit. En admettant qu'elle avait été éblouie par le pensionnat et par sa directrice, Narcissa avait l'impression de trahir son père, et pire encore, de trahir une part d'elle-même.

Toujours indécise, elle referma son journal sans avoir écrit un mot. Puis elle prit une feuille de parchemin, et sans trop savoir ce qui l'avait décidée, elle écrivit à Daisy. Elle n'avait quasiment pas adressé la parole à son amie depuis son mariage, car elle lui en voulait de lui avoir caché la grossesse d'Andromeda ; mais la raison de leur dispute lui apparaissait désormais totalement puérile.

 

 

Chère Daisy,

J'espère que tu vas bien et que ton projet de créer un nouveau modèle de balai se passe comme tu le souhaites. Si tu es d'accord, j'aimerais beaucoup aller faire un tour avec toi sur la côte, afin de prendre des nouvelles de nos dragons.

Viens me rendre visite dès que tu le pourras.

Je t'embrasse,

Cissy

 

Narcissa ne jugea pas utile de s'excuser, estimant que sa proposition parlait d'elle-même ; mais elle griffonna tout de même un petit gnome à côté de sa signature, en souvenir de la Grotte des Gnomes Fous du jardin des Goyle, où Daisy et elle avaient passé de longues heures à rire et à discuter pendant leur enfance. Narcissa plia donc son parchemin en quatre et le plaça dans l'enveloppe bleue. Elle y écrivit l'adresse des Goyle – Sommet de la Colline d'Émeraude – et dessina un autre petit gnome avec amusement, puis descendit de sa chambre. En passant dans le hall d'entrée sur la pointe des pieds, elle entendit les remontrances acerbes qu'Abraxas Malefoy adressait à son fils à propos du refus qu'il avait essuyé au pensionnat Wimbley. Puis elle sortit et se rendit dans la volière pour envoyer sa lettre, en prenant bien soin de passer le plus loin possible de l'entrée du vivarium.

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