James Sirius Potter : L'Aîné - Saison 1
Luna et Rolf - qui poussait toujours le fauteuil de son grand-père, Norbert-, précédaient les Potter pour entrer dans la grande salle circulaire aux murs sombres, faiblement éclairés par des torches.
Ils stationnèrent Norbert à côté d’un siège à haut-dossier pourvu de chaînes sur ses accoudoirs.
Face à celle-ci, une cinquantaine de sorcières et sorciers en robe couleur prune sur lesquelles un M était savamment dessinées, étaient déjà installés sur des sièges surélevés. Hermione (qui d’un coup de baguette avait revêtu sa robe du Magenmagot) alla s’installer sur un fauteuil, au centre des auditeurs, elle n’accorda pas un regard à l’homme qui occupait le fauteuil à plus haut dossier à ses côtés. Un homme massif, aux cheveux drus, sans doute du même âge que Harry.
Dos à Norbert Dragonneau, les gradins pour le public étaient quasiment vides. Seule la silhouette massive de Rubeus Hagrid donnait une impression de remplissage. Il occupait la moitié d’une travée à lui seul. Il était assis entre le Directeur de Poudlard, Quintilius Everett, et Rose Weasley, avec qui il était en grande conversation. Quand les Potter pénétrèrent à leur tour dans la salle d’audience, Hagrid s’interrompit et fit de grands gestes avec ses mains, de la taille d’un couvercle de poubelle, pour saluer les Potter et signifier sa présence. Une exubérance qui sembla exaspérer quelques sorciers du Magenmagot, à en juger par les moues de réprobation qu’ils arboraient en observant le garde-chasse de Poudlard.
Rolf demeura debout aux côtés de son grand-père, quand Luna suivit les Potter et vint s’installer dans les gradins, à côté et devant Hagrid. James ne put s’empêcher de remarquer que, hormis Hermione et son voisin, qui vraisemblablement présiderait l’audience, l’assemblée magique était plutôt constituée de sorciers et sorcières encore plus âgés qu’Iggy Greengrass. Celui-ci s’était installé sur un des sièges du fond et il griffonait des notes sur un morceau de parchemin, l’air absent.
-Les Potter ! rugit Hagrid quand ils furent installés. Comment allez-vous ? En particulier toi, James ! Je suis allé voir Harry au Bureau ce matin …
Mais Ginny fit signe à Hagrid qu’ils discuteraient plus tard, l’audience allait démarrer.
L’homme massif aux cheveux drus lut un parchemin d’une voix placide :
-Audience de doléance au Magenmagot, nous sommes ici à la demande de Mr Norbert Artemis Fido Dragonneau, magizoologiste, résidant dans l’Ecrin des Niffleurs dans le Dorset.
Président de l’audience, moi même, Cormac Edwin Tiberius McLaggen, Directeur du Département de Contrôle et Régulation des Créatures Magiques, Mr Dragonneau …
-Rapportrice de la session, coupa la voix de la marraine de James, Hermione Jean Weasley-Granger.
-Oui, oui, approuva McLaggen, visiblement agacé, donc, Mr Dragonneau, vous avez envoyé plusieurs courriers à mes services ces derniers mois, mais, jugeant que vos affaires ne pouvaient attendre que mes services étudient vos demandes et vous formulent une réponse, vous avez donc demandé, ce qui est votre droit, une audience en présence du Magenmagot. Est-ce bien juste ?
Les mains, crispées par les rhumatismes de Norbert Dragonneau exerçaient une forte pression sur les accoudoirs de son fauteuil roulant. Rolf, toujours à ses côtés, posa une main sur son épaule pour encourager son grand-père.
-Oui, acquiesça à voix basse le magizoologiste.
-Et vous vous doutez, enchaîna McLaggen, que notre Département se doit de hiérarchiser l’urgence, et que, dans le cas de votre affaire des Augurey de Grande-Bretagne, nous n’avons peut-être pas jugé cet incident d’une importance capitale …
A l’évocation des Augurey, certains membres de la cour, dont un vieux sorcier moustachu hochèrent la tête d’un air désemparé. Certains ricanaient en observant le vieillard. Des bavardages s’élevaient même dans l’assistance, James fut soulagé de voir que Greengrass restait placide, tandis que McLaggen continuait :
-Mr Dragonneau, vous vous imaginez sans doute, qu’il n’est pas commode pour le Magenmagot de se réunir, au beau milieu du mois d’août, pour entendre parler d’Augureys …
-McLaggen ! interrompit Hermione. Que je sache, le Magenmagot n’a pas été réuni pour vous entendre passer un savon des plus malvenus à Mr Dragonneau. Il conviendrait plutôt de connaître l’objet de sa requête …
-Hein … Euh … Oui Mrs Granger …
-Weasley-Granger !
-Mrs Weasley-Granger (McLaggen était rubicond, fulminant de rage sur sa voisine), voilà; Donc, Mr Dragonneau, pouvez-vous rappeler à la Cour l’objet de votre requête ?
Toujours la tête baissée sur son fauteuil, Norbert Dragonneau commença à parler à voix basse, mais la taille de la salle, cumulée aux bavardages et ricanements de certains auditeurs rendaient le tout inaudible. Rolf tapota alors le bras de son grand-père, pointa sa baguette sur sa gorge, et prononça :
-Sonorus !
Bien que magiquement amplifiée, la voix de Norbert Dragonneau demeurait basse.Mais sa voix était douce, pas éraillée en raison de l’âge, il émanait de celle-ci une immense sagesse, cumulée à une modestie et une bienveillance qui donnaient à James l’envie d’écouter le vieux savant.
-Je vous ai en fait signalé, Mr McLaggen, le braconnage de plus en plus fréquent des colonies d’Augurey recensées sur le territoire de Grande-Bretagne et d’Irlande. Le braconnage semblait avoir cessé depuis le nouveau siècle. Les réserves de créatures magiques permettaient de protéger les plus vulnérables d’entre elle. Mais l’Augurey fait exception depuis peu. Il semble être prisé par une nouvelle génération de braconniers … Ces deux dernières années, nous déplorons plus de cinquante colonies ravagées. Les oiseaux sont capturés, et probablement vendus sur le marché noir, où que sais-je d’autre ... La situation aujourd’hui est que, parmi les mille deux cents individus protégés dans nos réserves ….
Les membres du Magenmagot continuaient de ricaner, une vieille sorcière vêtue d’épaisses lunettes en écaille s’exclama même à voix haute “un Augurey ? Cet oiseau de malheur !”, un autre sorcier, chauve et portant un monocle s’écria : “on ne peut même pas écrire avec leur plumes”.
-Je … Je sais que l’Augurey ne jouit pas d’une bonne réputation, reprit Norbert Dragonneau. Il est souvent associé à la mort à cause de son chant. Même de nos jours, alors que dès 1824, Gulliver Pockeby a démontré que leur chant annonce en fait… la pluie …Ils ont aussi un important rôle de régulation en se nourrissant de nuisibles, comme des gros insectes, et des fées …
Bien qu’une bonne partie des auditeurs ne l’écoutaient pas, Norbert continuait bravement son exposé. James sentit dans son dos, Rosie qui tapait violemment du pied contre le sol, tandis qu’Albus soufflait d’un air indigné chaque fois que Norbert devait s’arrêter de parler et attendre que le silence revienne.
-J’ai demandé à un de mes contacts du Bureau des Aurors, ce qu’il en était des dispositions prises pour lutter contre ce braconnage des Augurey, …
-Les Aurors ? s’interrogea McLaggen étonné. Mais, Mr Dragonneau, ils ne sont pas garde-chasse !
L’assemblée éclata d’un rire tonitruant à l'unisson. Le vieux sorcier moustachu s’écria d’un air narquois : “Pas encore !”, ce qui fit redoubler les rires, même Greengrass détacha ses yeux de son parchemin pour esquisser un vague sourire amusé. James entendit derrière lui Hagrid marmonner un juron, Luna observait la cour d’un air absent, et Ginny, Lily et Albus semblaient lancer des éclairs de leurs yeux vers McLaggen.
-Non, non, reconnut Norbert Dragonneau d’un air plus gêné que jamais. Mais, je n’ai pas trouvé ailleurs une oreille attentive à ce problème … Pardonnez-moi, mais j’ai l’impression que rien n’a été encore fait pour protéger les Augurey … Ce serait dommage que ce soit simplement dû à leur mauvaise réputation. Comme je l’ai expliqué, ils sont utiles …
-Nous savons, bien entendu, que les Augurey sont utiles. Nous connaissons notre domaine, Mr Dragonneau, maugréa McLaggen.
-Dans ce cas, coupa Norbert, pouvez-vous me détailler les mesures que vous allez prendre ?
Les mains toujours crispées sur ses accoudoirs, il semblait avoir repris consistance, et Rolf hochait la tête d’un air approbateur à ses côtés.
-Eh bien, Mr Dragonneau, nous avons énormément de dossiers sur le feu, quand viendra le tour du votre, nous allons prendre des mesures, mais nous devons étudier lesquelles …
James entendit le bruit de quelqu’un qui prenait appui pour se relever derrière lui. Et la voix du Professeur Everett retentit dans la salle :
-Mesdames, Messieurs les membres du Magenmagot, si je puis me permettre. Dans les correspondances que Mr Dragonneau a adressées à Mr McLaggen, il y faisait mention d’une possibilité que nous avions étudiée ensemble, et, qui pourrait, offrir une protection encore meilleure à cette espèce menacée …
-Ah, Professeur Everett, grogna McLaggen. Oui, dites-nous.
-En fait, j’ai proposé à Mr Dragonneau de me porter garant de ces spécimens restants. Je lui ai proposé de transférer les dix colonies restantes dans la Forêt jouxtant Poudlard, où, les Augurey seront confiés aux bons soins de notre Professeur Hagrid. Rolf et son épouse se chargeront eux-mêmes d’organiser la capture et le transfert des colonies. La mesure ne demande que votre aval !
Rolf souriait timidement au Professeur Everett, tandis que McLaggen semblait abasourdi. Sans doute outré que pendant son immobilisme, d’autres avaient fait son travail à sa place. Il tenta de reprendre la parole pour reprendre consistance :
-Hmm, eh bien … C’est quand même un sujet qui mérite que j’étudie votre solution …
-Allons, au diable McLaggen rugit le sorcier chauve au monocle, laissons-les faire. Qu’ils les prennent tous ces corbeaux de malheur !
Hermione se tourna vers le grossier sorcier, elle sembla vouloir le fusiller du regard,, puis elle aperçut Greengrass, au fond qui lui adressait un signe de tête approbateur, elle reprit donc la parole en se retournant à nouveau vers le vénérable savant :
-Bien, je pense donc que la cour va se proposer en faveur de la solution proposée par Messieurs Dragonneau, Everett et Hagrid. Mais je ne doute pas, Mr McLaggen, qu’en parallèle, vous allez mobiliser des enquêteurs pour tirer au clair cette histoire de braconnage …
-Oui, assurément, Mrs Gran … Weasley-Granger !
-Bien, conclut celle-ci. La séance est levée, merci Mr Dragonneau.
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Tandis que Norbert Dragonneau remerciait de sa douce voix Hagrid, Everett et Hermione dans l’atrium du Ministère, plus loin d’eux, Rose faisait les cent pas autour de James, Nancy, Lily et Albus.
-Ils sont infects, fulminait Rose. Vous avez vu comme ils ont traité Norbert Dragonneau ?
-C’est fou ce que ce McLaggen était hautain, et visiblement incompétant … compléta Albus.
-Les créatures n’intéressent pas ces haut-fonctionnaires … marmonna Lily.
-Des Augurey en plus ! s’exclama Nancy. Ils restent fixés sur leurs principes.
-Ce qui m'intrigue surtout, tenta James, c’est pourquoi les braconniers ciblent particulièrement les Augurey … Alb’, Rosie, vous avez une idée de pourquoi les Augurey sont ciblés ? Aussi massivement, ce ne peut pas être seulement à cause de leur mauvaise réputation …
-Leurs plumes n’acceptent pas l’encre, expliqua Rose. Je n’ai pas connaissance d’un pouvoir particulier qui leur soit propre … Il y a juste leur chant qui est particulièrement désagréable. Il était associé à un présage de mort au Moyen-Age, et s’y exposer longtemps peut rendre fou …
-C’est ça …approuva Albus dans sa barbe. Et je n’ai pas non plus connaissance de potions qui auraient besoin d’Augurey. J’écrirai à la cousine Lucy. Peut-être qu’elle aura une idée. Elle est parfois plus au fait de certaines pratiques farfelues qui nous auraient échappé.
“Farfelues” était un bon mot pour décrire les connaissances de Lucy Weasley. La dernière née de Percy et Audrey était à Serdaigle, de l’année de James. Il appréciait énormément sa cousine, elle était brillante,loyale et très douce avec ceux qu’elle aimait, mais tellement … lunaire. Il la croisait souvent le nez plongé dans ses livres. Elle était d'un caractère assez solitaire et froid au premier abord, mais c’était une armure à travers laquelle seulement sa famille et quelques rares chanceux pouvaient voir. Elle n'en était pas moins très intelligente, mais la jeune fille avait une faille. Elle avait du mal à saisir certains des concepts les plus simples, alors que les plus ardues théories d'Arithmancie n'avaient aucun secret pour elle. Elle avait du mal à comprendre le comportement de nombre de ses camarades, car elle partageait finalement si peu avec eux. Elle menait sa vie, lisait ses livres, et ne se souciait guère des ragots et autres évènements sociaux qui jalonnaient une année à Poudlard. Elle ignorait qui étaient les Rebel Werewolves, ne s'informait pas de l'actualité, avait du mal à comprendre quand un garçon lui tournait autour, et surtout, elle avait un don pour être désagréable sans le vouloir en société.
Elle réussissait toujours à aborder, sans s’en apercevoir, les sujets qui pouvaient fâcher, par exemple, son sens de l'observation surdéveloppé fait que lorsqu'elle se retrouve face à quelqu'un, elle devine immédiatement ce qu'il cache, ce qui le complexe, ce qu'il pense vraiment. Et elle n'hésite pas à le lui faire remarquer. De son point de vue, c’est une manière naturelle d’entamer une conversation. James se souviendrait toujours du jour où elle fit remarquer à Alice qu'elle trouvait sa poitrine tout à fait normale et qu'elle ne comprenait pas pourquoi Scott ne faisait que la regarder. Et ce, en présence de l'intéressé bien sûr. Mais c'est justement pour ça que James appréciait tellement sa cousine. Elle avait le don pour mettre le doigt sur le moindre détail qui clochait, où qui échappait aux autres. Et en ça, James approuva l’idée d’Albus de lui parler de cette affaire des Augurey..
Après avoir dit au-revoir à Rolf, Luna et Norbert Dragonneau, Ginny raccompagna Albus, Lily et Nancy à l’une des cheminées de l’Atrium d’où ils retrourneraient au Square Grimmaurd, tandis que leur mère accompagnerait James jusqu’au Bureau des Aurors avant d’aller s’affaire à récolter les informations pour la Gazette au Département des Jeux et Sports Magiques.
-Ce sera rapide, Marcus Flint est en vacances, estima Ginny. D’habitude, si mes récents articles ne lui ont pas plu, il demande à ses collaborateurs de ne pas me partager d’informations.
-Comment peut-il être vexé par des articles sur le Quidditch ?
-Oh, il est supporter de son ancien club, les Tornades de Tutshill, et s’il considère que j’ai été injustement critique, il boude, refuse mes interviews et fait de la rétention d’informations.
-Pourtant, les Tornades sont sacrément à la peine ces dernières années, remarqua James.
-Pour le plus grand plaisir de ton Oncle Ron, il les déteste, compléta Ginny.
-Il faut qu’il se calme, ajouta James narquoisement. C’est quoi le dernier classement des Canons de Chudley, déjà ?
Ils ricanaient encore des “exploits” du club de coeur de Ron Weasley quand ils tombèrent justement nez à nez avec celui-ci à l’entrée du couloir du Bureau des Aurors.
-Ah Ginny, James ! Vous tombez à pic. Greengrass vient … Pourquoi vous riez ?
Quand Ginny lui expliqua leur conversation, les oreilles de Ron prirent une douce teinte écarlate, et quand Ginny prit congé, il s’adressa à James.
-Tu as tout ce qu’il te faut ? Greengrass nous a donné les accréditations. Nous pouvons partir interroger un témoin.
-Il y en a un autre ?
-Pas vraiment. En fait, l'année dernière, le Bureau était inquiet de l'ampleur que prenaient des produits de magie noire. Des mains de gloire, des restes humains, des momies,ainsi que toutes sortes d'ingrédients permettant de confectionner des potions proscrites. Ces produits se trouvaient de plus en plus facilement sous la veste. Pourtant, nous étions sûrs que plus personne n'en produisait en Angleterre. Au fil de mon enquête, je me suis aperçu que les détenteurs de ces produits de magie noire parlaient tous d'une organisation : La Secte de Rame Tep.
Ron détaillait son enquête d'une voix claire, le regard légèrement absent, concentré sur les faits de l'époque.
-Après une longue enquête, j'ai pu remonter jusqu’à une filière égyptienne. Ceux-ci fournissaient à grande échelle les sorciers du monde entier désireux de pratiquer la magie dans ses recoins les plus sombres. Bien sûr, je n'avais pas le moindre pouvoir pour enquêter et arrêter la branche égyptienne des Rame Tep. Cependant, ils ont fait une erreur. Une grossière erreur même. Après m'avoir vu fouiner dans leurs affaires, ils m'ont envoyé un de leurs tueurs. Il m'attendait paisiblement dans l'atrium du Ministère, un soir où j'ai terminé très tard. Heureusement, j'étais allé saluer Harry en partant. Et j'avais vu le blanc des yeux des silhouettes qui apparaissaient sur sa Glace à l'Ennemi. J'étais donc sur le qui-vive en passant devant la conciergerie. Quand j'ai vu cet homme qui lisait le journal sous la Fontaine, j'ai immédiatement saisi ma baguette et j'ai pu contrer son sort. Il a essayé de fuir quand il a vu que le concierge se joignait à moi, mais j'ai réussi à l'arrêter. Une fois sous Veritaserum, il nous a donné le nom de l'acheteur anglais. Il n'y en avait qu'un seul, il se chargeait ensuite de fournir l'Allée des Embrumes et son important carnet d'adresses client. C'était un certain Bill Ethar. Un sorcier d'origine américaine qui avait trouvé là un moyen de faire fortune. Le tueur des Rame Tep n'a pas pu nous en dire plus ...
-Il s'est échappé ? demanda James. S'il est encore emprisonné, peut-être qu'il sait quelque chose sur Shafiq.
-Non James, continua Ron. Quand il s'est aperçu qu'il avait parlé sous l'effet du Veritaserum, il a blêmit. Lorsqu'il est revenu dans sa cellule, nous ne l'avions pas fouillé assez attentivement. Il cachait dans sa bague une fléchette imbibée d'un poison mortel. Le poison l'a fait délirer pendant cinq bonnes minutes. Il s'est mis à hurler en prétextant qu'il était attaqué par un vautour géant. Puis il a fini par rendre l'âme. S'il y avait bien une chose à savoir des Rame Tep. C'est qu'ils étaient jusqu'au boutiste. Plus tard, nous avons arrêté Bill Ethar, il nous a fourni la liste de tous ses clients. Un par un nous avons saisi les marchandises, fait fermer les boutiques et fait enfermer les propriétaires. Les autorités égyptiennes étaient aussi venues interroger Bill Ethar et elles nous ont assuré plus tard avoir démantelé les Rame Tep. Et ainsi se terminait l'une des affaires les plus importantes sur laquelle le Bureau avait travaillé ces dernières années, ajouta Ron d'un ton amer.
-Ce Bill Ethar, où est-il actuellement ? demanda James.
-Comme tu t'en doutes, il est toujours enfermé à Azkaban. Aussi, si je t'ai raconté tout ça en détail, c'est bien pour que tu comprennes le contexte. Le gardien-chef de la prison nous autorise à interroger l'américain.
James n'en crut pas ses yeux, il allait visiter la mythique prison des sorciers. Il n'était cependant pas totalement rassuré tant la prison avait mauvaise réputation. Bien que les Détraqueurs aient disparu, on racontait que cette prison était, plus que jamais, la représentation même de l'Enfer. Peu d'informations filtraient sur Azkaban. Hormis le fait qu'elle était désormais gardée par des sorciers et des créatures très puissantes ? James avait hâte de voir comment les Détraqueurs avaient été remplacés. L'oncle et son neveu arrivèrent rapidement devant l'une des cheminées de l'Atrium. James essayait de contenir son excitation, mais Ron avait très bien compris l'impatience de son neveu. Celui-ci avait été prêt à partir en moins de temps qu'il n'en fallait pour le dire. Il claquait la langue avec impatience en regardant Ronvérifier s’il avait pris toutes les affaires dont il avait besoin.
-Azkaban est accessible par le réseau de cheminées ? demanda James en comprenant au moment où il termina sa question que celle-ci était complétement stupide.
Ron sourit d'un air sinistre.
-Oh, tu te doutes bien que non James. Quelle heure est-il ? Midis ? J’espère que tu as pris quelque chose à grignoter, si nous jouons de malchance en chemin, nous risquons de ne même pas rentrer à temps pour dîner.
Puis Ron s'avança dans l'atrium et s'écria : -Docks 13 ¾, Liverpool ! avant de disparaître, emporté par les flammes vertes.
James fit de même et fut projeté dans le traditionnel tourbillon désagréable. Il atterrit à l'intérieur de ce qui semblait être une vieille maison en bois. La décoration autour ne laissait aucun doute sur sa proximité avec la mer. Mouettes empaillées, filets de pêche, harpons, marinières, cirets jaunes, rien ne manquait à l'attirail du parfait pêcheur. Ron l'attendait devant la cheminée. Il était en compagnie d'un vieil homme édenté que le poids des années avait fini par voûter considérablement.
-James, je te présente Alfie. Alfie, je te présente James.
-Ne serait-ce pas le fils de Potter ? demanda le vieil homme d'une voix ridiculement aiguë.
-Lui-même, assura Ron. Nous aurions besoin d'un bâteau pour Azkaban.
Alfie n'écoutait pas l'oncle Ron. Il s'évertuait à saluer James bien bas (ce qui était un exploit tant il était déjà voûté).
-Quel honneur de vous rencontrer. Vous ressemblez à votre père, à part vos yeux. Vous n'avez pas de lunettes non plus, ni de cicatrice, et le cheveu plus clair ! Je le connais très bien, j'étais là lors de ses premiers malaises en mer.
Ron sourit nostalgiquement à l'évocation de ce souvenir.
-Il est vrai que le trajet est toujours éprouvant la première fois, concéda Ron.
-Génial, persifla James. Et moi qui me suis servie deux fois du porridge au déjeuner.
-Ne t'inquiète pas, James. Alfie est le meilleur navigateur de Liverpool. Nous sommes entre de bonnes mains.
Le dénommé Alfie lui adressa un horrible rictus édenté, savoir que le vieillard allait être le capitaine de leur bateau n'était pas pour rassurer James. Malheureusement, il n'avait visiblement plus le choix. Alfie leur proposa un café en leur indiquant des tasses à la propreté douteuse, avant de se retirer pour aller préparer le bateau.
-Ne t'en fais pas, rassura Ron. Alfie est impressionnant dès qu'il est sur la mer. J'avais la même sensation que toi au début. Alfie est un sorcier qui a choisi de vivre parmi les Moldus. Il vit de la pêche, mais il rend service aux sorciers lorsqu'ils ont besoin de ses services. Tu verras que l'accès à Azkaban se fait par des eaux tumultueuses, accessibles à aucun navire Moldu. Quel qu'il soit. Les bâteaux sorciers possèdent des coques ensorcelées qui les rendent plus maniables en eaux agitées, et surtout, ils éloignent les monstres marins qui hantent les eaux proches d'Azkaban.
Ron indiqua à James la sortie de la cabane, quand il mit le nez dehors, il s'aperçut que la maison était en fait une vieille bicoque sur pilotis qui tenait quelque part entre les quais 13 et 14. Cette partie des docks rassemblait visiblement de nombreuses cabanes de pêcheurs similaires à celle d'Alfie. Bien que la sienne était de loin celle à l'aspect le plus misérable, James se doutait même que la magie permettait à l'ensemble de tenir tant le tout paraissait instable et prêt à s'effondrer dans la mer. Ils avancèrent le long du quai. Et à ce moment-là, la panique de James ne fit que s'intensifier. Leur bateau serait un ridicule petit esquif à voile, pourvu de deux pauvres rames. Le manque d'uniformité du bois sur la coque laissait penser qu'il avait été raffistolé au fil du temps avec du bois de récupération tandis que la voile était déchirée par lambeaux entiers. Pour couronner le tout, le ciel s'assombrissait, des nuages noirs envahissaient l'horizon. Une tempête se préparait.
Ron aida James à se hisser à l'intérieur du navire, avant d'y grimper lui-même, le faisant tanguer dangereusement. Il ne restait qu'une place minuscule pour le vieil Alfie. Celui-ci arrivait d'ailleurs, il venait d'enfiler un ciret jaune, des bottes et il portait une longue canne à pêche artisanale sur l'épaule. Malgré l'aide de Ron, celui-ci se hissa difficilement à l'intérieur -le bateau tanguait de plus belle-, et après s'être assuré que tout le monde était bien installé, il tapota les rames de sa baguette et celles-ci se mirent à tournoyer toutes seules, très lentement. James observa les docks de Liverpool s'éloigner. Peut-être était-ce parce qu'il n'avait aucune confiance en Alfie, mais il avait l'impression que le port restait toujours à la même distance d'eux, et ce depuis dix bonnes minutes.
-On ne serait pas en train de faire du sur-place ? demanda-t-il à Ron.
-Plus ou moins, je dois te l'avouer, on va très lentement. Mais attends quelques minutes.
James ricana narquoisement à l'idée que son père avait été malade à l'issue de son premier trajet, soit Alfie avait bien vieilli, soit son père était une vraie petite nature. Pressentant la longueur du trajet, James sortit une plume et un parchemin de sa sacoche. Les récents événements lui avaient fait oublier la proposition de sa mère. Scott et Alice, ses meilleurs amis à Poudlard, pourraient venir passer les deux dernières semaines des vacances. Bien sûr, James avait totalement oublié de leur proposer. De plus, il se devait de leur donner des nouvelles de son stage comme il leur avait promis.
Chers Alice et Scott,
Je dupliquerai ce courrier en deux exemplaires. Vous recevrez donc exactement le même, je ne pense pas avoir le temps de vous personnaliser à chacun un courrier. Si vous me lisez, c'est que j'ai pu rentrer chez moi sain et sauf. En effet, je suis actuellement bloqué au beau milieu de la mer sur un espèce de morceau de bois tout moisi piloté par un vieillard qui l’est tout autant. Cela fait partie de mon stage chez les Aurors en fait. Je ne peux pas trop vous en dire. Mais comme vous l'avez peut-être su par vos familles qui sont toujours bien informées, un bien étrange groupuscule de mage noirs (habillés en blanc) a fait son apparition. Le Bureau des Aurors est sur le qui-vive pour une fois. A croire que Merlin a souhaité que je m'amuse bien pendant mon stage. Pour vous expliquer ceci de vive-voix, mes parents sont d'accord pour que vous veniez passer le reste des vacances au Square Grimmaurd. Je pourrai m'arranger avec mon père pour avoir des horaires plus souples. Nancy est déjà là et Albus et Lily seront ravis de vous tenir compagnie pendant que je serai au travail.
Tenez-moi vite informés,
Votre James qui prie pour vous revoir un jour.
P.S : De l'eau s'infiltre de plus en plus dans le bateau !! On va couler !
James leva le nez de son parchemin. Il ne sut expliquer pourquoi, mais quand il voulut se saisir de sa sacoche, il dut tendre plus largement le bras. Sans doute avait-elle bougée quand l'eau s'était infiltrée. Il regarde de nouveau vers le port, celui-ci ne s'était que trop peu éloigné. Cependant quelque chose avait changé, Alfie s'était levé. Il se tenait debout à l'arrière du bateau. « Il va tomber, pensa James. ». Il semblait humer à plein nez l'air ambiant. Mais maintenant que James y faisait plus attention, le vieux avait un aspect bien moins voûté que lorsqu'ils s'étaient salués. James voulut demander à Ron s'il rêvait, mais un autre détail le frappa. La voile, auparavant en lambeaux, était à présent intacte. Celle-ci attrapait désormais le vent à la perfection. Et le port commençait à s'éloigner plus distinctement. Ron souriait.
-Et encore, ce n'est que le début, chuchota-t-il à James.
A mesure que le bateau s'avançait dans la mer, celui-ci semblait offrir plus d'espace à ses occupants. Ses planches rafistolées se mêlaient désormais à la totalité de la coque qui commençait même à briller comme si le bateau sortait juste du chantier naval. Le vieil homme se tenait désormais parfaitement droit, son regard, auparavant absent, était désormais vif et déterminé, ses cheveux paraissaient moins clairsemés et, -miracle-, ses dents étaient réapparues.
-C'est impossible, jura James.
-Fiston, le vieux parlait désormais d'une voix grave, comme venue des profondeurs de la mer. La mer est notre poumon, tu vois là la raison pour laquelle tous les grands navigateurs ont dépéri une fois rentrés dans leur soit-disant chez eux. Itaque n'était pas la demeure d'Ulysse, c'était la mer ! Magellan n'aurait jamais dû s'arrêter dans les Philippines, Barbe Noire n'aurait jamais dû s'approcher des rivages Caribéens. Tant que nous sommes en mer, la mort nous oublie. Ainsi sont fait les marins, fiston. Vos moyens de transport rapides vous l'ont fait oublier.
James était impressionné. Jamais il n'avait vu de telle magie. Ron souriait lui aussi. Appréciant ce moment, probablement l'un des plus prodigieux qu'il lui ait été donné de voir à lui aussi. Alfie observa un moment le ciel.
-Je vais avoir besoin d'aide pour garder le cap, expliqua-t-il.
Il s'approcha encore plus dangereusement du bord de la barque, joignit son pouce et son index, et les porta à sa bouche. Il en sortit un long sifflement strident, qui semblait, lui aussi, sortir du plus profond de la mer. Alfie répéta cette action trois fois. Puis il contempla de nouveau le ciel.
Une immense silhouette perça les ténèbres du ciel liverpuldien et s'approcha de l'embarcation. James et Ron se levèrent pour l'observer de plus près. C'était un immense oiseau, mi-aigle, mi-cormoran. Il restait en vol stationnaire près d'Alfie, son plumage blanc étincelant semblant éclairer à lui seul toute leur zone, du port, jusqu'à l'horizon.
-Le Liver Bird, murmura Ron. L'emblème de Liverpool. Ils sont deux. Ces oiseaux indomptables sont les gardiens de Liverpool. Je croyais que c'était un conte de fées pour Moldus … Hermione me l’avait raconté quand nous étions venus visiter.
Alfie étouffa un rire méprisant et s'approcha de l'oiseau.
-Ma belle, ces messieurs sont pressés, je compte sur toi pour nous montrer le chemin et nous épargner de la tempête.
L'oiseau poussa un doux rugissement, qui, James le savait, retentit jusqu'à des kilomètres à la ronde.
-Messieurs, je vous conseille de vous asseoir, annonça Alfie. La rigolade commence.
Les rames se mirent à tourner à toute vitesse, la voile se gonfla de plus belle, le bateau accélérait et tanguait de plus en plus, mais Alfie, impassible continuait de tenir le gouvernail en suivant le gigantesque oiseau. La tête de James commençait à tourner, au creux de son estomac, il sentait son petit-déjeuner pas encore digéré qui tournoyait à toute vitesse, le vent glacial venait le frapper en plein visage et surtout, il entendait Ron et Alfie ricaner. C'était sûr qu'ils se moquaient de lui. Ron, lui, paraissait tout à fait serein.
-Ca se voit que tu n'as jamais eu à voyager à bord de la Ford Anglia Volante de ton grand-père, James. Les sensations étaient encore plus extrêmes.
James voulut répondre, mais à peine eut-il ouvert la bouche qu'il sentit que le porridge menaçait dangereusement de remonter. Pris de nausée, il s'empressa de refermer la bouche et tenta de fixer le point le moins mobile de son champ de vision : l'horizon.
-Dis Alfie, reprit Ron. Comment as-tu réussi à nouer relation avec un tel animal ?
-Longue histoire fiston, dans ma jeunesse, j'étais mousse sur un chalutier. Un soir, nous avions décidé de faire la fête, sauf qu'après que nous eûmes bu toutes nos provisions de whisky, une tempête s'est déclenchée. Bien sûr, on faisait n'importe quoi. Le capitaine a tombé son compas dans la mer, et j'avais déchiré la voile en tentant de la replier. Et bien évidemment, je n'avais pas jugé utile de prendre ma baguette. Je ne m'en servais jamais au fond. Sur ce genre de chalutier, c'était plus drôle de naviguer à la Moldue, avec des Moldus. Mais quoi qu'il en soit, on était foutus. Quand on a désaoulé, on s'est mis à déprimer. Le capitaine voulait se jeter à la mer. Et puis, ma belle est arrivée. On a d'abord entendu son cri, et on a cru au Kraken. Mais elle s'est pointée devant nous, et on savait qu'on devait la suivre. On a rafistolé la voile avec nos propres vêtements, et on l'a suivie. On crevait de froid, faut dire que le vent du Nord en sous-vêtement, il faut pouvoir le supporter, mais on s'accrochait. Et après plusieurs heures de navigation. On amarrait à Liverpool. Depuis, elle vient souvent me saluer lorsque j'embarque. Et je sais que tant qu'elle est là, je ne risque rien. Pas sur la mer en tout cas.
-C'est une très belle histoire, remarqua Ron. Tiens, je crois qu'on tient là le digne fils de son père.
James s'était concentré sur le récit d'Alfie. Au cours du récit, il avait voulu tourner la tête pour observer Alfie. Ce mouvement était celui de trop pour son estomac. Voilà qu'il avait désormais penché la tête par-dessus le côté de l'embarcation et vomissait tout son saoul. Le tout sous l'hilarité de ses deux camarades.
-Le plus gênant dans tout ça, c'est que tu rates le panorama. Si Azkaban gagne à être vue, c'est bien de loin, dit Ron en se reprenant de son fou rire.
Tant bien que mal, James releva la tête vers l'horizon. A présent, il voyait se dessiner une tour majestueuse en forme de prisme à base triangulaire. Malgré la réputation qu'il connaissait de la prison, la vue de l'îlot et de sa tour, perdus au milieu de la mer, rendirent James admiratif de l'endroit. Et de son roulis, il comptait bien en faire abstraction, tant il ne voulait rien manquer de cet endroit, sinistre, certes, mais légendaire.
(1) Le Liver Bird est une vraie référence culturelle. Selon la légende, deux Liver Bird gardent Liverpool. Si les deux s'envolent, on dit que le malheur frappera la cité. D'ailleurs, je vous conseille de visiter Liverpool, c'est une ville magnifique. Surtout pour qui aime le foot, les Beatles et le poisson.