Le journal de Neville Londubat
8 mars 1996
Ce soir, tout s’est effondré.
Quand j’ai ouvert la porte de la Salle sur Demande, j’ai senti tout de suite que quelque chose n’allait pas. L’air y était différent. Plus lourd, presque électrique, comme avant un orage. Personne ne riait, personne ne lançait de sorts à l’essai comme d’habitude. Les discussions se faisaient à voix basse, des regards se croisaient sans s’arrêter.
Harry se tenait au centre, les bras croisés, les traits fermés. Hermione était à côté de lui, immobile, et sur son visage, il y avait une expression que je n’avais jamais vue : une colère glaciale, mais aussi… une lueur étrange. Comme si, malgré la situation, elle avait prévu quelque chose.
C’est alors que je l’ai vue : Marietta Edgecombe.
Elle était debout, légèrement en retrait, tremblante, la tête baissée. Un foulard violet entourait ses cheveux, mais il ne couvrait pas complètement son front. Et là… je l’ai lu.
Des lettres rouges, gonflées comme des brûlures : SNEAK. Traîtresse. Gravé dans sa peau comme une marque au fer rouge.
Hermione l’a observée sans un mot. Je n’avais jamais compris pourquoi elle insistait pour garder une liste signée des membres. Maintenant, je sais. C’était un sortilège. Un sortilège qui venait de se déclencher.
Et puis j’ai compris.
Marietta nous avait dénoncés. Elle avait parlé à Ombrage.
Tout est allé très vite après ça. On a entendu des pas précipités dans le couloir. Des voix. La porte s’est ouverte brusquement, et Dolores Ombrage est entrée, suivie d’une demi-douzaine de membres de la Brigade Inquisitoriale. Malefoy avait ce sourire satisfait qui me donnait envie de lui lancer un sort dans les dents. Montague, Crabbe et d’autres ricanaient déjà.
Mais avant qu’Ombrage ne puisse nous accuser, Dumbledore est arrivé. Il semblait parfaitement calme, presque comme s’il s’attendait à être là. Il a écouté Ombrage exposer "les preuves irréfutables" de l’existence de l’AD, puis il a dit, de sa voix douce :
"L’Armée de Dumbledore était mon idée."
Je crois que personne n’a respiré pendant plusieurs secondes. Même Ombrage est restée figée, bouche ouverte.
Il a ajouté qu’il avait créé ce groupe pour se préparer à une éventuelle attaque, que les élèves n’avaient fait qu’exécuter ses instructions. Et puis, il a dit qu’il devait partir.
Ils ont essayé de l’arrêter. Shacklebolt et Dawlish ont avancé, mais avant qu’ils ne puissent l’atteindre, il y a eu un éclat de lumière, un mouvement si rapide que je ne l’ai presque pas vu. Et Dumbledore n’était plus là. Parti. Comme s’il n’avait jamais été présent.
En quelques minutes, tout a basculé.
La Salle sur Demande a disparu derrière nous. Notre seul refuge n’existe plus. Et Ombrage a gagné plus de pouvoir encore. Je sais que la surveillance va se renforcer. Que les punitions vont empirer.
Je suis en colère. Contre Marietta, évidemment. Contre Ombrage, contre le Ministère. Mais aussi contre moi-même. J’avais commencé à croire que l’AD durerait toujours. Que cet endroit, cette famille qu’on s’était construite, était invincible.
En quittant la pièce, j’ai croisé le regard de Ginny. Elle aussi serrait les mâchoires. Elle non plus ne regrette pas. Personne ne regrette. On a appris à se défendre. On a grandi.
Ce soir, je repense à mes parents. À ce qu’ils ont sacrifié. À ce qu’ils ont perdu. Et je sais une chose : je ne laisserai pas Ombrage nous briser.
Elle peut détruire nos murs.
Mais pas ce que nous avons appris.
Pas ce que je suis devenu.