Le Corbeau. Saison 1

Chapitre 19 : V Les Professeurs

2675 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/11/2016 05:12

           CHAPITRE V : LES PROFESSEURS

 

           Le lendemain matin, au petit-déjeuner, Pierrick commença à jauger du regard les autres professeurs. Il connaissait leurs dossiers par cœur et François Garde lui avait parlé de chacun d’eux. Il avait déjà vu Zabulon Tréveune et Olympe Maxime. De plus, il se réservait pour plus tard Thomas Radus.

Richard Rodés, un homme de taille moyenne au crâne dégarni entouré d’une couronne de cheveux noirs et aux yeux noirs cachés derrière de grosses lunettes occupait la fonction de professeur de potion. Il était un spécialiste reconnu des potions expérimentales. Il participait d’ailleurs aux recherches concernant le véritaserum avec le Département de Magie Expérimentale du Ministère. S’il devait tuer, il serait plutôt du genre à empoisonner qu’à avoir recours au sortilège impardonnable de la Mort. Mais Pierrick doutait qu’il soit un mangemort, il était connu pour avoir soutenu l’ancien ministre lorsque Erwan Riliam faisait pression pour l’évincer et n’hésitait pas à dénigrer les actions des mangemorts publiquement. Mais cela ne constituait en aucun cas une preuve, Pierrick en était conscient.

La jeune professeur de métamorphose Anne Itulgo était une belle femme de trente ans à la chevelure sombre et aux yeux verts. Elle enseignait depuis deux ans. Selon Garde, elle était encore assez peu confiante face à ses élèves mais conservait l’entrain de la jeunesse.

Jessica Tarbleu enseignait l’astronomie. Elle était du genre discrète, ne descendant à la grande salle que pour les festins de Noël, du nouvel an, de début et de fin d’année. Depuis vingt ans elle habitait (hantait selon certaines mauvaises langues) la tour d’astronomie. Elle ne s’est jamais mariée. Les rares fois où Pierrick l’avait croisée dans les couloirs, elle faisait en sorte de regarder dans la direction opposée. Au début Pierrick cru qu’elle avait quelque chose à cacher mais un élève lui appris qu’elle avait même peur de ses propres élèves. Par contre il était incontestable que sa connaissance du ciel était au dessus de la moyenne des sorciers.

Lionel Mateux était un homme d’une quarantaine d’année, blond, qui occupait le poste de professeur d’arithmancie. L’arithmancie était une des sciences magiques les plus complexe, se basant sur des calculs et des formules extrêmement compliquées pour dévoiler les mystères des arts magiques. Mateux était l’archétype de celui qu’on s’attend à voir pencher sur une feuille couverte de chiffres et de symboles étranges. Ses yeux marron étaient grossis par des lunettes qui semblaient plus faite pour lui permettre de distinguer les signes que de voir. Ses cheveux étaient constamment en bataille, il devait considérer ce détail physique comme inutile, ce qui le faisait ressembler à un savant fou. Pierrick avait du mal à le cerner. Mateux avait l’air de toujours garder quelque chose qu’il ne voulait pas montrer aux autres, scrutant autour de lui constamment avec des airs inquisiteurs.

Sonia Marus enseignait la botanique. Elle était la sœur aînée de Jonas avec qui elle partageait les cheveux blonds. Par contre, ses yeux étaient marron. Elle était très intelligente et faisait de ses cours des moments de plaisir. La majorité des élèves masculins de l’Académie fantasmaient sur elle. Le fait qu’elle soit la sœur d’un chasseur ne la disculpait pas. Elle était une sorcière très douée.

Le dernier professeur se nommait Mickaël Jassu et enseignait le soin aux créatures magiques. Il avait des cheveux poivre et sel où se trouvait quasiment en permanence des brins d’herbe et des feuilles, certains élèves disaient même une colonie d’insectes. Il lui manquait plusieurs doigts aux deux mains et même un morceau d’oreille. Cible de railleries à cause de sa démarche boitillante, il demeurait un professeur apprécié des élèves pour sa haute connaissance des créatures peuplant les réserves magiques et parce qu’il se montrait toujours prêt à aider un élève dont l’animal était malade ou s’était blessé. Il était loin du cliché du mangemort expert en magie noire mais Pierrick savait qu’il fallait rester vigilant.

Restait Thomas Radus, le nouveau professeur de défense contre les forces du mal. Sa candidature rapide à ce poste en faisait le principal suspect ou complice. Pierrick l’observait plus que les autres. Le visage du jeune professeur le troublait. Il lui rappelait quelqu’un mais n’arrivait pas à savoir qui. A chaque fois, le chasseur se demandait s’il ne l’avait pas déjà rencontré. Pierrick ne tarda pas à remarquer que Radus observait une élève plus que les autres, celle qu’il avait vue avec son petit ami la nuit dans le parc du palais : Laura Jiraud. Cela avait l’air de courroucer son petit ami qui avait vu que Laura ne s’était pas trompée. Cette jeune fille était-elle sa cible ? Pierrick se promit de demander un complément d’information sur elle à Vinol.

 

Après le déjeuner, Pierrick avait cours avec les sixième année. Ceux-ci passaient leur examen d’Histoire en juin, ils étaient donc attentifs et Pierrick s’attendait à être bombardé de questions. Dés qu’ils entrèrent dans la salle de classe, Pierrick reconnut le petit ami de Laura Jiraud. Prenant pour excuse de vouloir mettre un visage sur leur nom, il fit l’appel et découvrit que le garçon se nommait Hans Friedrich.

« Bonjour, fit Pierrick. Comme vous le savez, je suis le professeur Dochal et je remplace le professeur Garde pour une période indéterminée. Vous passez cette année votre épreuve d’Histoire de votre certificat académique de magie. Cette matière n’a pas beaucoup de coefficient mais chaque point est bon à prendre. Le professeur Garde m’a expliqué où vous en étiez restés et ce qu’il avait prévu pour la suite. Je me tiendrais à ce programme. Sachez que la semaine prochaine vous aurez un examen blanc. Avant de commencer le cours proprement dit, avez-vous des questions ? »

Quelques mains se levèrent, dont celle de Hans Friedrich. Pierrick lui donna la parole.

« Quel âge avez-vous monsieur ? demanda t-il. Vous paraissez bien jeune pour enseigner.

-Mon âge n’est pas important. Une autre question ? Mademoiselle Trisse.

-Vous avez l’air très jeune et pourtant je ne me souviens pas vous avoir vu à Beauxbâtons durant les années précédentes.

-L’explication est simple : je n’ai pas fait mes études ici. Je les ai faites à Ayer School en Australie. Si vous n’avez pas de questions sur les cours ou un sujet plus scolaire, nous allons commencer. »

           Le cours se passa bien. Les élèves, de niveau assez inégal, restaient attentifs, espérant ainsi grappiller quelques points qui feraient la différence lors de l’examen. Ils n’hésitaient pas à poser des questions dés qu’un point leur semblait obscur. Hans Friedrich demeura silencieux. Peut-être avait-il tout simplement compris ?

 

           Le soir, Chun raconta à Pierrick sa journée. Madame Tréveune avait fini de lui faire visiter le palais. De plus, elle lui avait présentée madame Rodès et madame Jassu ainsi que la fiancée du professeur Mateux, une jeune femme se nommant Marie Sirdouin.

« Je n’ai rien remarqué de suspect pour le moment, dit-elle. Mais demain, je vais avec elles à un village sorcier des alentours.

-Parfait, dit Pierrick. Reste très prudente.

-Et de ton côté ?

-J’ai peut-être quelque chose. L’élève que j’ai vu la nuit dans le parc avec son petit ami, Laura Jiraud, j’ai l’impression que Radus s’intéresse à elle plus qu’il ne devrait.

-Tu crois qu’elle est sa cible ?

-C’est possible. Je vais demander à Franck de faire une recherche approfondie sur elle. On découvrira peut-être la raison de cet intérêt. Il faut le découvrir avant que Hans Friedrich, son petit ami, ne décide d’agir. Ça à l’air de l’énerver un peu.

-Je vois. Au fait, tu as entendu parler d’un certain Antoine Faros ?

-Ce nom me dit quelque chose. Qui est-ce ?

-C’est l’ancien directeur. Il n’est resté en poste que cinq ans mais le plus intéressant c’est qu’il a travaillé étroitement avec le Ministère par le passé.

-Qui t’as dit ça ?

-C’est madame Tréveune quand on est passé devant son portrait. Il était professeur d’arithmancie et est devenu directeur il y a quinze ans. En devenant directeur, il a cessé définitivement de travailler avec le Ministère.

-Tu sais avec qui il travaillait ?

-Il travaillait étroitement avec les Chasseurs semble t-il. Et surtout avec certains membres de la section S. Mais personne n’a jamais vraiment su sur quoi il travaillait vraiment. Peut-être que Maldieu le sait ?

-C’est possible. Mais ça ne concerne pas notre enquête actuelle.

-C’est vrai, je voulais juste te le dire comme ça, pour parler. »

           Pierrick prit pour excuse de devoir parler à Franck Vinol pour ne pas continuer cette discussion avec Chun. Il ne comprenait pas pourquoi mais au nom de Antoine Faros, un visage flou lui était apparu, comme surgissant d’un coin reculé de sa mémoire tel une créature des profondeurs avant de disparaître à nouveau.

 

           Maldieu vint voir comment avançait le travail à la section IRIA. Un agent de la section au dragon rouge tenait sa baguette à deux mains en une position crispée. Un épais jet de lumière jaune surgissait de l’extrémité de sa baguette, arrosant le parchemin trouvé dans les appartements de Sazeau. A quelques mètres derrière lui, se trouvait Luc Fabre.

« Ça avance ? demanda Maldieu.

-L’enchantement est très puissant, expliqua Fabre. J’ai étudié le dossier de Sazeau, je ne pense pas qu’il ait été capable de pratiquer ce genre d’enchantement.

-Comment ça ?

-L’enchantement est à la fois puissant et discret, il faut une grande maîtrise des arts magiques pour obtenir ce résultat. Ça ne m’étonne pas que la Police Magique n’ait rien pu faire. J’ai mis quasiment tous mes agents sur cette dissipation, je m’y suis mis également, et elle résiste. De plus, nous pensons que c’est la première page d’un feuillet ou d’un dossier. Elle a été visiblement arrachée.

-Un dossier dont le titre aurait été caché.

-Peut-être que tout le dossier est caché.

-Et concernant Radus ?

-Vinol attend toujours les infos des espagnols. Charles ? »

Maldieu s’était arrêté en plein mouvement. Il n’écoutait plus Fabre. Il semblait fasciné par le parchemin inondé de lumière.

« Charles ?

-Hein ! fit-il.

-Vous allez bien ?

-Oui. J’ai juste cru…Rien d’important. Je vais voir Vinol. Continuez. »

           Maldieu entra dans le bureau de Franck.

« Quelles nouvelles ? questionna Maldieu.

-J’attend toujours la réponse des espagnols. Et sûrement un appel de Pierrick.

-Je suis là, dit Pierrick dont la tête apparut dans l’âtre de la cheminée. Toujours rien ?

-On attend. Et de ton côté ?

-J’ai une piste à vérifier. Il faudrait que tu me trouves tout ce que tu peux sur une élève de quatrième année, Laura Jiraud. Et aussi son petit ami, un sixième année, Hans Friedrich.

-Pas de problème. Ça sera plus facile que pour Radus. Pourquoi as-tu besoin de ses infos ?

-Radus a l’air d’observer Laura Jiraud plus qu’il ne devrait. Pour Hans Friedrich, c’est juste au cas où il y aurait quelque chose.

-Je te rappelle dés que j’ai ça.

-Et sur le parchemin ?

-Fabre pense que ce n’est pas Sazeau qui a enchanté la deuxième partie du parchemin, répondit Maldieu. Et ce serait la première page arrachée d’un feuillet ou d’un dossier.

-Je vois. J’attends ton appel Franck, dit Pierrick avant de disparaître dans les braises.

-Mince, fit Franck. J’ai oublié de lui demander comment s’en sortait Chun.

-Je suis sûr qu’elle va bien. Je vous laisse. »

 

           Maldieu ressortit de la section IRIA. Il pensait encore à cette étrange sensation qu’il avait ressentie près du parchemin. Il ne remarqua même pas la présence de François Garde avant que celui-ci ne l’interpelle.

« Charles, ça va ?

-Oui, je réfléchissais. Que fais-tu ici ?

-Je ne peux pas aller à l’école et je préfère avoir un œil sur cette affaire.

-Sur l’affaire ou sur Chaldo ?

-Les deux. Quelles sont les nouvelles ?

-Allons dans mon bureau. Nous n’avons pas grand-chose, dit Maldieu en refermant la porte de son bureau. Le parchemin résiste toujours à la dissipation et on attend les infos du ministère espagnol. Concernant le parchemin, est-ce que Sazeau avait des talents exceptionnels en magie ?

-Non. C’était un sorcier d’un niveau normal. Pourquoi ?

-L’enchantement qui protège l’autre partie du parchemin est assez puissant pour résister aux agents de la IRIA, Fabre compris. Mais il est également discret. Il faut vraiment se concentrer dessus pour ressentir la présence de la magie.

-Sazeau était incapable de faire ça.

-Ce qui veut dire qu’il a peut-être récupéré ce parchemin on ne sait où, et qu’il ne contient aucune information concernant notre affaire.

-Ou alors il est directement concerné par cette affaire.

-D’après Fabre, ce serait la première page d’un dossier. Un dossier illisible.

-Un dossier traitant de quoi ?

-On ne le saura qu’en dissipant l’enchantement.

-Tu sais ce que ça pourrait être.

-Oui. Surtout que j’ai cru, un instant, ressentir une vibration provenant du parchemin. Une vibration que j’avais déjà ressentie par le passé.

-Il ne faut surtout pas que Chaldo tombe dessus.

-Si ce dossier est bien ce qu’on pense, et ce n’est pas sûr, il doit être totalement dissimulé. Nous n’avons rien à craindre. Chaldo ne pourra pas le lire.

-Ne soit pas si confiant ! Le temps approche où nous devrons payer pour ce que nous avons fait. En es-tu conscient ?

-Oui.

-Et tu ne regrettes rien ?

-Non. Tu sais très bien pourquoi nous avons agi ainsi. Si c’était à refaire, dans le même contexte, je le referais sans hésiter.

-Nous avons eu tort. Combien de vies ont été sacrifiés pour rien ? Combien seront encore sacrifiés ?

-Nous ne pouvions savoir que nos efforts ne seraient pas récompensés. Du moins pas comme nous l’espérions.

-Que veux-tu dire ?

-Je suis sûr que Chaldo pourra vaincre Malgéus.

-Et s’il découvre la vérité avant ?

-Il la découvrira un jour ou l’autre. Et ce jour, nous payerons.

-Tu ne comptes rien lui dire, n’est-ce pas ?

-Il doit le découvrir par lui-même pour l’accepter.

-Je comprends. Mais il ne se passe pas un jour sans que je ne regrette ce que nous avons fait.

-Je sais. »

 

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