Le Corbeau. Saison 1

Chapitre 29 : XV Froid comme la Mort

2418 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/11/2016 09:54

CHAPITRE XV : FROID COMME LA MORT

 

La fête battait son plein dans toute l’académie. Etant vendredi soir et ayant été étudiant par le passé, Tréveune autorisa les festivités à durer jusqu’à deux heures du matin. Les dortoirs étaient, pour l’occasion, transformés en véritable discothèque. Certains professeurs n’hésitèrent pas à venir se mêler aux élèves, étant eux-mêmes amateurs de Quidditch et dans le cas du professeur de métamorphose, Anne Itulgo, véritable supportrice des Anges. Il faut dire qu’elle fut elle-même poursuiveuse dans cette équipe du temps où elle était étudiante.

          Les fêtards s’amusaient insouciants. A l’image de Sophie Fasa qui dansait dans les bras de son fiancé en souriant. La tête sur son épaule, elle ne remarqua même pas le visage inquiet de Maximilien. Le regard du jeune homme croisait souvent celui glacial et déterminé de Pierre Hargus.

           Nul ne savait ce qui allait se passer cette nuit la…

 

           L’aube arriva. Les oiseaux chantonnaient gaiement au dehors. Comme souvent quand il fait beau, Pauline Tréveune sortit dans le parc de l’école faire une ballade matinale. La rosée perlait sur les brins d’herbe, étincelant sous les rayons du soleil levant. Madame Tréveune apprécia la caresse du vent de printemps sur son visage. Elle s’approcha d’un bosquet où elle savait qu’elle y trouverait de délicieuses mûres qui égayeraient le petit-déjeuner.

L’ombre du bosquet était fraîche. Mais alors qu’elle s’avançait vers le buisson en question, elle devina une forme allongée dans l’herbe. Une silhouette humaine. La femme s’approcha et fit un bond en arrière, sa main sur le cœur en découvrant le corps de Sophie Fasa gisant dans l’herbe humide, à demi nue, les yeux grands ouverts.

 

           L’unité criminelle de la Police Magique dépêcha sur place une équipe dirigée par Albert Chergnieux. Ce dernier boucla le périmètre pour pouvoir recueillir les indices tranquillement. Lorsqu’il était arrivé, Chergnieux repéra Pierrick parmi la foule qui les regarda passé avec le directeur de l’Académie. Connaissant sa mission, il ne fut pas étonner de voir un oiseau noir se poser près de lui alors qu’il étudiait la scène de crime. Le chasseur reprit sa forme humaine sous les yeux surpris d’un des policiers.

           Le jeune policier, voyant qu’aucun de ses collègues ne réagissaient, s’approcha de l’un d’eux.

« Qui c’est ? demanda t-il.

-C’est vrai que tu es nouveau, fit son collègue. C’est Pierrick Chaldo, membre de la section S des Chasseurs. Tu as dû entendre parler de lui déjà, c’est lui que l’on surnomme le Corbeau.

-Ha oui ! Et ils se connaissent bien, lui et l’officier Chergnieux ?

-Oui. On pourrait penser en les voyant qu’ils se haïssent, mais je pense qu’ils sont plus rivaux que ennemis. Chergnieux était un chasseur de la section AI en même temps que Chaldo. Ils ont postulé en même temps pour la section S. Malgré le fait qu’il avait plus d’expérience, ce fut Chaldo qui l’intégra. Chergnieux quitta les Chasseurs pour entrer dans la Police Magique. Ils sont rivaux, mais je pense qu’au fond, Chergnieux respecte beaucoup Chaldo.

-Et lui ?

-Je ne sais pas. C’est quelqu’un de très introverti, on ne sait jamais ce qu’il pense. »

           Pierrick regarda attentivement le corps de la jeune fille. L’humidité de la nuit perlait sur sa peau d’une blancheur d’albâtre. Elle était allongée sur le dos. Sa chemise de nuit déchirée laissait entrevoir sa poitrine ferme par la rigidité cadavérique et s’était relevé (sûrement dans sa chute) découvrant son intimité de manière impudique. Il n’y avait aucune trace de sous-vêtements. Les avait-elle enlevés seule ou lui avait-on arrachée ? Ses yeux étaient grands ouverts, Pierrick y vit des restes de sa terreur, le dernier sentiment qu’elle ait ressenti de son vivant.

           « Qu’est ce que tu as découvert pour le moment ? demanda Pierrick.

-Elle est morte en ayant subi un Avada Kedavra, répondit Chergnieux. Il semble qu’elle est subie des violences sexuelles avant sa mort, mais ça ne s’est pas passé ici.

-Le corps aurait été déplacé ?

-Non. Elle est morte ici mais elle a été violée ailleurs. Elle s’est défendue d’après les marques sur son corps mais il n’y a aucune trace sur la végétation environnante ou sur le sol. Je pense qu’elle a réussi à s’enfuir et que son agresseur l’a poursuivie jusqu’ici et la tuée. Peut-être pensait-elle pouvoir se cacher dans ce bosquet.

-Je vois.

-Tu devais empêcher ce genre de chose d’arriver.

-L’enquête stagnait. On ne pouvait plus avancer avec le peu d’indice laissé par le meurtre de Sazeau. Maintenant je crois savoir où chercher. Si ce meurtre a un rapport avec celui de Sazeau.

-Et il aura fallut la mort d’une élève pour ça !

-Malheureusement.

-Tu… Casses-toi, je n’ai rien de plus à te dire. Si je découvre autre chose, je te le ferai savoir. »

Pierrick reprit sa forme de corbeau et s’envola en direction du palais.

           Comment pouvait-il être si froid ? A croire que la Mort ne le touchait pas.

 

           Chun et Thomas écoutèrent attentivement Pierrick leur décrire la scène de crime. Chun était habituée aux scènes de crime, ce n’était pas les détails décrits par le chasseur qui la troublait. Non. C’était le fait qu’elle avait vu cette fille évolué sur son balai avec tant de grâce et de légèreté qu’elle avait du mal à l’imaginer avec la lourdeur et la rigidité d’un cadavre.

« J’ai remarqué que Maximilien Harris était souvent avec Pierre Hargus à la bibliothèque, ajouta Pierrick. Jusque la, rien d’anormal. Mais je les ai vu ensemble avant le match de quidditch, Harris n’avait pas l’air d’accord avec Hargus. Malheureusement, j’étais trop loin pour entendre ce qu’ils se disaient.

-Hargus est sur la liste des membres du Club du Serpent ? demanda Thomas.

-Oui, mais cette liste n’est pas une preuve. Il va falloir parler à Harris.

-Il doit être détruit par la nouvelle, fit remarquer Chun. Ils devaient se marier dans deux mois.

-Nous n’avons pas le choix, trancha Pierrick. Et puis tu sais aussi bien que moi que c’est dans ce genre de cas que les langues se délient les plus vite. »

Chun ne put qu’acquiescer, elle avait vu si souvent des proches de victimes avouer des secrets de familles inavouables alors qu’ils étaient encore sous le choc de la perte.

« Si ça ne te dérange pas, je vais essayer de trouver Laura et veiller sur elle, dit Thomas. Je ne suis pas rassuré avec ce nouveau meurtre. Et puis, je ne pense pas pouvoir vous aider.

-D’accord. Reste sur tes gardes. »

 

           Chun et Pierrick se rendirent dans les dortoirs. Ils croisèrent plusieurs élèves, la mine déconfite, certains avaient visiblement pleurés, et d’autres pleuraient encore. Parmi eux, Chun reconnut ses coéquipiers de l’équipe des Vautours Ecarlates.

           La porte de la chambre de Maximilien Harris était fermée. Pierrick frappa mais personne ne répondit. Des garçons sortirent dans le couloirs, attirés par le bruit des coups contre le bois. Ils furent surpris de trouver le professeur d’Histoire et sa compagne.

« Professeur Dochal, qu’est-ce que vous voulez ? demanda l’un d’eux.

-Je veux parler à Harris, répondit simplement Pierrick.

-Il ne veut voir personne. C’est compréhensible, sa fiancée a été tuée.

-Je dois absolument lui parler. »

Pierrick sortit sa baguette et la pointa vers la serrure. Le cliquetis du verrou se fit entendre et Pierrick ouvrit la porte.

           Harris était allongé de côté sur son lit, le regard fixant une photo représentant Sophie. L’image de la photo lui lançait des baisers et des gestes de la main en souriant. Il ne pleurait pas mais les traces sur ses joues démontraient qu’il avait dû pleurer toutes les larmes de son corps.

           Chun referma la porte derrière elle. Pierrick s’assit sur une chaise à côté du lit de Harris. Le jeune homme ne bougea pas les yeux. Avait-il seulement entendu les deux enquêteurs entrer ?

« Monsieur Harris, dit Pierrick. Je veux savoir qui a violé et tué Sophie Fasa. Est-ce que vous savez quelque chose ?

-On ne peut rien faire, souffla Harris.

-Vous savez quelque chose ?

-On ne peut rien faire. Il est le mal. »

La même phrase que celle laissée par Sazeau sur le parchemin. Il y avait donc bien un lien.

« Qui est-ce ? Un mangemort ?

-Non. Il n’a pas la marque. Il n’est pas mangemort.

-Certains mangemorts n’ont pas de marques, on les appelle les non-marqués.

-Il n’en est pas un. Il est le mal, c’est tout.

-Qui est-ce ? Pierre Hargus ? »

Les yeux de Harris se fermèrent de peur.

« C’est bien lui, n’est-ce pas ? Pourquoi a-t-il tué le professeur Sazeau et Sophie ?

-Il a tué Sazeau parce qu’il le gênait. Sazeau avait découvert qu’il préparait une expérience de haute magie noire. Il a voulu prévenir le professeur Tréveune mais il ne lui en a pas laissé le temps. Il l’a poursuivi quand il a découvert qu’il lui manquait une partie du dossier qu’il possède.

-Quel dossier ?

-Je ne sais pas où il l’a eut. Il est protégé par un charme extrêmement puissant d’après ce qu’il m’a dit. Il a seulement réussi à dévoiler quelques passages.

-De quoi parle t-il ?

-Je ne sais pas trop. Il ne me l’a jamais dit. Il a juste parlé d’une arme terrible.

-Et pourquoi a-t-il tué Sophie ?

-Parce qu’elle a résisté. Je ne sais pas pourquoi mais il a dit avoir besoin de Sophie pour mener son projet à bien. Il m’a demandé de la convaincre et si je n’y arrivait pas de la forcer par tout les moyens. J’ai refusé. Je voulais avoir plus de pouvoir, il m’avait promis que l’on aurait tout ce qu’on voudrait. Mais je ne voulais pas que Sophie soit impliquée. Mais la soif de pouvoir a été la plus forte. Je lui ai donné Sophie. Je devais monter la garde pendant qu’il faisait ce qu’il avait à faire. J’ai entendu des cris. La porte s’est ouverte d’un coup et j’ai vu Sophie surgirent, sa chemise de nuit déchirée. Elle m’a lancé un regard de dégoût. Elle avait compris que je l’avais livré à lui. Elle est partie en courant. Je n’ai pas eu la force de la rattraper, son regard m’avait figé sur place. J’ai à peine remarqué Hargus qui s’élançait à sa poursuite. Je savais qu’il la tuerait. Mais je n’ai rien fait. Rien fait. »

           Harris fondit en larme. Chun était horrifiée. Pierrick restait neutre. Il tenait le tueur. Restait à savoir si la mort de Sophie Fasa avait mis fin à son projet.

« Où est-il ? questionna Pierrick.

-Je ne sais pas, sanglota Harris. Il cherche peut-être la deuxième.

-La deuxième ?

-La deuxième sur la liste de filles pour son expérience.

-Qui est la deuxième ?

-Je ne sais plus.

-Parle ! s’écria Pierrick en se dressant. Une vie est en jeu ! Parle ! Qui est la deuxième ?

-Laura Jiraud. »

Pierrick se tourna vers Chun qui parut paniquée. Elle vérifia que son arme était chargée et allait suivre Pierrick en dehors de la chambre quand la voix de Harris s’éleva à nouveau.

« Qu’allez-vous faire ? demanda t-il.

-L’arrêter, répondit Pierrick.

-Vous ne pouvez pas, il est le mal !

-Je ne laisserai jamais l’ombre se jeter sur ce monde.

-Vous ne comprenez pas. Il est trop fort, et il ne recule devant rien.

-Moi non plus je ne recule devant rien.

-Mais qui êtes-vous ?

-Quelqu’un qui n’est pas assez lâche pour laisser une innocente mourir. Quelqu’un qui n’offrira jamais la fille qu’il aime à un autre pour qu’il la viole. »

           Laissant Harris seul avec sa peine et sa culpabilité, Pierrick et Chun allèrent à la chambre de Hans Friedrich, plus proche, voir si Laura Jiraud n’y était pas. Puis ils montèrent jusqu’à celle de la jeune fille. Mais elle n’y était pas non plus.

 

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