Le Corbeau. Livre 0 : Projet GLADIUS

Chapitre 6 : VI Les Gardiens de l'Epée

2771 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 09/11/2016 20:01

           CHAPITRE VI : LES GARDIENS DE L’EPEE

 

           Jamais journée ne lui avait paru aussi grise. Pierrick Corvus ne pleurait pas mais son cœur saignait. Il venait de perdre celui qu’il aimait comme un frère. Son meilleur ami depuis leur premier jour à Beauxbâtons. Ils avaient toujours ri de tout, y compris de la Mort. Mais aujourd’hui, c’était la Mort qui riait. Il lui semblait entendre son rire guttural et moqueur autour du cercueil de son ami. A ses côtés se trouvait Léa, toute habillée de noir, tenant précieusement les mains de ses enfants. Sonia avait les yeux secs d’avoir trop pleuré. De ceux de Jonas, les larmes continuaient de ruisseler silencieusement. De l’autre côté se trouvaient Charles Maldieu et Georges Nide. S’il s’était tourné, il aurait vu plusieurs rangs derrière lui Julie Denier.

           Les mots du maître de cérémonie ne l’atteignirent même pas. Il ne cessait de revivre ces quelques secondes qui avaient mené à la mort de Samuel. Si seulement il avait neutralisé Malgéus au lieu de vouloir l’arrêter tout simplement. Si seulement il avait été moins scrupuleux. Si seulement il avait pu voir son maléfice arriver et ainsi l’éviter. Si seulement il avait été plus puissant. Pierrick s’en voulait d’avoir été si faible à ce moment là.

           Une fois la cérémonie terminée, Pierrick resta auprès du cercueil. Léa, Sonia et Jonas se tenaient juste à côté de lui. Sonia se tourna vers lui, les yeux de nouveau prêts à lâcher ses larmes. Elle fonça sur Pierrick et frappa son torse désespérément.

« Pourquoi ? criait-elle. Pourquoi tu ne l’as pas sauvé ? Pourquoi je n’ais plus de papa ? Je te déteste ! Je ne veux plus jamais te revoir ! Jamais ! »

Sonia partit en courant et pleurant. Son frère la regarda partir puis tourna les yeux vers Pierrick. Le chasseur lisait dans les yeux du garçon qu’il lui en voulait de faire pleurer sa sœur. Jonas se libéra de sa mère et partit la rejoindre.

           Pierrick n’osa pas tout de suite lever les yeux vers Léa. Lorsqu’il le fit, il fut surpris d’y voir un pâle sourire.

« Ne t’en fais pas, ça lui passera, dit-elle. Il lui faudra un peu de temps c’est tout.

-Elle a raison, dit-il. J’aurais dû le sauver.

-Et ce serait peut-être toi que Sonia pleurerait maintenant. Vous avez choisi un métier dangereux. Samuel le savait aussi bien que toi. Mais surtout, il savait qu’il faisait quelque chose d’utile. Pour l’avenir de ses enfants et de tous les autres. Sur ce point, vous êtes… étiez pareil, finit-elle en étouffant un sanglot. »

Pierrick s’approcha d’elle et la pris dans ses bras. Elle se laissa aller totalement sur l’épaule de Pierrick. Combien de temps pleura-t-elle ? Peu importe.

« Je vais rentrer, finit-elle par dire.

-Si tu as besoin de quoi que ce soit, appelle-moi, dit-il.

-Je sais. Comme toujours. »

 

           Julie Denier avait raccompagné Léa et ses enfants chez elle. La jeune veuve l’avait invitée à prendre un café. Léa cassa trois tasses avant que Julie ne décide de venir à son aide.

« Laisse-moi faire, fit Julie. Va t’asseoir.

-Je suis vraiment bonne à rien aujourd’hui, dit Léa dépitée. »

Julie ne savait pas quoi répondre. Elle se contenta de réparer les tasses d’un coup de baguette et de préparer deux tasses de café. Dans celle de Léa, elle versa un doigt de whisky. Cela ne pouvait pas lui faire de mal et d’ailleurs, elle ne le remarqua même pas.

           Le silence demeura durant un long moment. Julie n’osait pas le briser, de peur de dire un mot qu’il ne fallait pas.

« Tu n’es pas obligé de rester, finit par dire Léa.

-Ne t’en fais pas, assura Julie. Je veux t’aider.

-Ça ira. Je n’aurai pas le temps de penser à Sam, je dois m’occuper de Sonia et Jonas. Je dois rester forte pour eux. Mais j’en connais un qui va sûrement avoir besoin de soutien.

-Pierrick.

-Il peut paraître fort comme ça, mais il a ses faiblesses comme tout le monde. Tu devrais le rejoindre, je suis sûre qu’il ne l’avouera pas mais il tient à toi. Et toi aussi tu tiens à lui, n’est-ce pas ?

-Je crois.

-Alors vas-y. Et reviens quand tu veux.

-Je reviendrai demain. »

Julie fit la bise à Léa. Elle aurait aimé dire au revoir aux enfants mais ses derniers avaient disparu quelque part et ne voulaient sûrement pas être trouvés.

           Julie trouva Pierrick dans son bureau. Elle entra sans frapper. Il ne lui adressa pas un regard ni un mot. Elle lui servit une tasse de café qu’elle apporta juste devant lui après avoir contourné son bureau. Il leva enfin les yeux et la regarda comme-ci il venait à peine de remarquer sa présence.

« Vous étiez chez Léa ? questionna t-il.

-Oui, répondit-elle. »

Le silence s’installa encore. Pesant. Julie observait son visage de nouveau baissé. Elle n’y vit aucune expression mais devinait toute la tristesse que dissimulait ce masque. Elle posa la tasse sur le bureau. Elle s’approcha davantage et le serra contre son cœur. S’il fut surpris d’une telle démonstration, Pierrick n’en démontra rien. Puis, sans vraiment savoir ce qu’il faisait, il passa ses bras derrière le dos de Julie pour la serrer un peu plus contre lui.

           Le soir, Julie invita Pierrick à dîner chez elle. Elle n’espérait pas revoir son sourire aujourd’hui mais elle ne voulait pas le laisser seul. Le dîner fut silencieux. Et après le plat de résistance, Pierrick se leva.

« Je vais rentrer, dit-il sobrement.

-Vous ne voulez pas de dessert ? questionna Julie.

-Excusez-moi, je n’ai plus faim.

-Je comprends. Je…

-A lundi, au bureau.

-Oui, à lundi. »

Elle se leva pour lui faire la bise. Mais la bise se transforma en timide baisé.

« Excusez-moi, fit-elle. Je ne sais pas ce qui m’a pris. »

Elle ne put rien ajouter, Pierrick venait de poser ses lèvres sur les siennes. Julie l’enlaça.

Ce soir là, il ne rentra pas chez lui…

 

           « Il y a quelque chose que je me suis toujours demandé, dit-il.

-Quoi ? demanda-t-elle.

-Tu n’aurais pas quelques origines asiatiques ?

-Qu’est-ce qui te fais dire ça ?

-Tes yeux. Parfois, ils prennent la forme d’amande.

-Ma grand-mère était indochinoise. Mon grand-père l’a ramenée avec lui après un long voyage là-bas. J’ai hérité de ses yeux d’après ma mère. Je ne l’ai jamais connu malheureusement. Mais sur les photos, elle parait si heureuse et magnifique.

-Elle était moldue ?

-Oui. Je suis née-moldu. Tu ne le savais pas ?

-Je ne m’intéresse pas à ça quand je lis les dossiers du personnel. La seule chose que je veux connaître, ce sont les aptitudes professionnelles.

-Même pour les secrétaires ?

-Il fallait que je sache si tu pouvais assumer mes disparitions. Mais nous avons dépassé le cadre professionnel et je veux te connaître mieux.

-On a toute la journée pour ça. Voir plus.

-Je dois aller voir quelqu’un ce matin. Mais je reviendrai vite, je te le promets.

-Je sais. »

 

           Pierrick eut du mal à se décider de quitter les bras de Julie et sa douce chaleur. Mais il se força. Il devait y aller. Il avait pris une grave décision. Il s’en voulait d’avoir eu besoin de la mort de son meilleur ami pour changer d’avis. Ou peut-être était-ce le fait de s’être autant rapproché de Julie qui le poussait dans cette voie ? Il ne voulait pas qu’elle vive dans un monde en proie aux ténèbres durant toute sa vie. Il voulait lui offrir un monde en paix. Et si pour cela il devait s’enfoncer dans la Magie Noire sans espoir d’en revenir indemne, il ne devait pas hésiter. L’hésitation lui avait déjà tant coûté. Maintenant, il était prêt à tout.

           Pierrick frappa à la porte de Charles Maldieu. Le directeur du Département des Chasseurs fut surpris de le voir un samedi matin, d’autant plus en de telles circonstances. Il le fit entrer malgré tout et lui offrit un café.

« Qu’est-ce qui t’amène ? demanda Maldieu.

-Vous voulez toujours mener à bien votre projet avec le professeur Faros ? questionna Pierrick, décidé à aller directement au but.

-Oui. A vrai dire, je ne lui ais toujours pas dit que tu avais refusé d’y participer. Et sans toi, le projet ne se concrétisera pas.

-Comment s’appelle ce projet ?

-Projet GLADIUS.

-J’en suis, finit par dire Pierrick au bout de quelques secondes de silence. Mais je veux savoir, qui d’autres est sur ce projet actuellement et qui comptez-vous embarquer dedans en plus ? »

 

           Pierrick passa le reste du dimanche avec Julie. Ils se rendirent ensemble au Ministère le lundi matin. Pierrick prétexta une réunion avec Charles Maldieu pour quitter son bureau. Il refusait de la mêler à ce projet. Il s’était juré de ne rien lui dire.

           Charles Maldieu mena Pierrick Corvus au Département Secret et dans une salle à l’écart du reste. Quand ils y arrivèrent, François Garde était déjà là, accompagnés de Gilles Chaldo et Françoise Cidal. Juste après que Pierrick ait accepté de participer au projet GLADIUS, Garde et Maldieu étaient allés voir les deux agents de la section IRIA pour leur présenter le projet. En cas de refus, ils étaient prêts à modifier leurs mémoires. Gilles Chaldo avait réfléchit comme il avait l’habitude de le faire, en pesant le pour et le contre. Et il en était venu à la conclusion qu’il fallait agir, quitte à se salir les mains. Françoise Cidal fut plus frileuse quand à l’extrémité à laquelle son directeur souhaitait la pousser. Mais elle avait perdu plusieurs membres de sa famille et des amis dans cette guerre, alors qu’ils n’avaient rien à voir là dedans.

           Un homme ayant à peu près le même âge que Pierrick était présent. Il avait l’air à peine sortie d’un laboratoire avec ses lunettes rondes. Il était accompagné d’une jeune femme aux cheveux auburn. Pierrick devina qu’ils devaient être tout deux du Département Secret. Pierrick devina que le laborantin devait être Julien Faros et la femme, son assistante, Mélina Sarla. En fait, il ne manquait plus que l’instigateur du projet GLADIUS : le professeur Antoine Faros.

           La porte s’ouvrit derrière Pierrick, laissant entrer le fameux professeur. Pierrick le connaissait de vu pour l’avoir déjà dans les couloirs de l’Académie de Magie Beauxbâtons. Il était toujours décrit comme un homme respectable et érudit. Comment imaginer qu’il puisse aller aussi loin dans la Magie Noire pour soi-disant protéger ce monde ?

« Messieurs et mesdemoiselles, je vous remercie à tous d’être venus et surtout d’accepter de vous lancer dans ce projet avec moi, dit-il. Je tiens à vous mettre en garde, nous allons aller si loin dans les plus profondes ténèbres des sciences magiques que nous serons peut-être un jour jugé comme mages noirs. Mais il le faut. Malheureusement. Nous allons devoir faire quelque chose que toute morale réprouve. Nous irons à l’encontre des principes de la nature elle-même. Nous allons créer une vie qui ne servira qu’un seul objectif : apporter la mort à Voldemort. »

Plusieurs frissonnèrent à ce nom. Le professeur Faros évaluait-il les forces de ceux qui avaient acceptés de les suivre ? Il fut d’ailleurs satisfait de voir que Pierrick Corvus ne cilla pas.

« Nous avons encore des recherches à faire avant de lancer réellement le projet GLADIUS, continua-t-il. Pour cela, j’aurais besoin de votre total concours Pierrick Corvus. Maldieu, il faudrait que vous fassiez une petite recherche pour nous. Discrètement cela va sans dire.

-Que vous faut-il ?

-Nous allons créer un double biologique de monsieur Corvus. Mais ce double sera créé au stade embryonnaire. Il nous faut une mère porteuse. Cela va vous paraître cruel, mais nous allons devoir détruire une vie pour en sauver beaucoup d’autres. Car cette porteuse devra subir beaucoup de… désagréments durant sa grossesse. Car il n’y a que durant le développement aux stades embryonnaire et fœtale que nous pourrons agir pour forger notre arme. Au mieux, la porteuse sera handicapée à vie et ne pourra sûrement plus jamais avoir d’enfant. Au pire… »

Antoine Faros ne finit pas sa phrase mais tous avait compris. C’était le moment fatidique. Si quelqu’un faisait machine arrière, ce serait maintenant. Françoise Cidal parut bouleversé par ce qu’elle venait d’entendre et il sembla au professeur Faros qu’elle allait dire quelque chose. Mais elle se ravisa. François Garde prenait toute la mesure de son engagement et comprenait qu’il le regretterait un jour. Mais ce fut encore la réaction de Pierrick Corvus que surveilla surtout le professeur. Mais ce dernier ne broncha pas, gardant un visage glacial.

           « Nous chercherons, acquiesça Maldieu. Malheureusement, les gens qui ne manqueront plus à personne sont monnaie courante de nos jours.

-Parfait, fit Antoine Faros. Pour aujourd’hui se sera tout. Tant que le projet n’est pas réellement lancé, il ne faut pas éveiller l’attention. Tâchez de continuer vos activités comme si de rien n’était. Personne ne doit découvrir ce que nous allons faire. Nous autres, les Gardiens de l’Epée, devons garder le secret sur cette arme que nous allons forger. Corvus, je vous contacterais dans la semaine pour faire des tests et des analyses.

-Très bien, se contenta de dire Pierrick avant de se diriger vers la sortie. »

           Françoise Cidal et Gilles Chaldo lui emboitèrent le pas sans un mot. Julien Faros dit un mot à son père et quitta aussi la pièce avec Mélina Sarla.

« Pourquoi a-t-il accepté ? questionna le professeur Faros.

-Il a perdu son meilleur ami vendredi, renseigna Maldieu. En fait, il avait d’abord refusé quand on lui a présenté ce projet. Mais la mort de Samuel Marus a tout changé.

-Je vois. Il a donc une bonne raison.

-Nous avons tous une bonne raison de se lancer dans ce projet démoniaque, lança Garde. Mais comme disent les Moldus : l’Enfer est pavé de bonnes intentions. »

 

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