Le Corbeau. Livre 0 : Projet GLADIUS

Chapitre 9 : IX Recherche

3042 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 23/03/2012 04:56

           CHAPITRE IX : RECHERCHE

 

           Pierrick Corvus rentra chez lui. Il se glissa silencieusement jusqu’à sa chambre. Officiellement, il vivait seul mais Julie venait dormir régulièrement chez lui. Ils pensaient même bientôt officialiser leur relation en s’installant totalement sous le même toit. Pierrick savait que garder le secret du projet GLADIUS serait sûrement plus compliqué mais il devait penser à continuer à vivre. C’est ce qu’aurait voulu son ami Samuel.

           Un rayon de lune filtrant par un rideau lui montra le visage endormi de sa belle. Il sourit en la voyant. Cela lui arrivait moins souvent depuis la mort de Samuel. Il se glissa sous les draps à ses côtés. Il pensait avoir réussi à se coucher sans l’éveiller mais ses bras graciles l’étreignirent doucement. Il y répondit en la prenant aussi dans ses bras.

« Je t’ai réveillé ? demanda-t-il.

-Non, souffla-t-elle. Je t’attendais. Qu’est-ce qui s’est passé ?

-On en parlera au bureau si tu le veux bien. Je n’ai pas envie de mélanger travail et plaisir.

-Plaisir ? sourit-elle. Je me demande ce que tu entends par là.

-Et bien, vu que tu ne dors pas, autant en profiter, dit-il en faisant descendre sa main le long du corps de Julie.

-Pourquoi pas. »

 

           Pour François Garde, la nuit n’était pas finie. Il devait retrouver Hélène Barton au plus vite. Sa vie en dépendait peut-être. Mais elle était surtout nécessaire au bon déroulement du projet GLADIUS. Pierrick Corvus était rentré chez lui. Gilles Chaldo voulait rester avec le vieux chasseur mais ce dernier ne le souhaitait pas. Le pistage était une affaire de spécialiste. Il préférait le faire seul sans avoir à s’expliquer tout le temps.

           Pour ce faire, Garde devait repartir du point de départ. La maison des Barton était sous scellé magique. L’enquête étant confié aux Chasseurs, Garde fut arrêté par une équipe de la section AI qui gardait la maison. Il montra sa carte pour prouver son identité. Il n’entra pas dans la maison, c’était inutile. Il examina l’entrée et les alentours. Il y avait eu beaucoup de passage. Il dut élargir son champ d’action. Heureusement, la route bitumée construite par les moldus était suffisamment loin et pour la rejoindre, le chemin était en terre.

Contrairement à beaucoup de ses collègues, Garde n’avait pas besoin de recourir à la magie pour relever les traces. Il examina les empreintes de pas sur le sol. Il avait étudié le dossier médical d’Hélène Barton qu’avait envoyé Beauxbâtons. Il connaissait ainsi sa taille et son poids. Deux indications importantes pour un pisteur. Mais il n’en eut presque pas besoin. Une série d’empreintes de pas lui sauta aux yeux. Des pieds nus. La taille et l’enfoncement correspondaient aux informations biométriques de la jeune fille. Elle avait rejoint la route bitumée. De là, où pouvait-elle bien être allée ? La logique voulait qu’elle soit partie en direction de la ville la plus proche : Rouen. Garde fronça les sourcils, Rouen n’était pas une petite ville. Surtout s’il prenait en compte le côté moldu. Dans les lieux secrets du monde magique, elle aurait été retrouvée par la Police Magique qui, comme le veut la procédure, la recherchait activement dans les premiers jours de sa disparition, en particulier dans les alentours de chez elle. Mais leur action se limitait à ces lieux secrets. Sans baguette, elle pouvait facilement se fondre dans le monde moldu.

           La nuit ne faisait vraiment que commencer…

 

           Simon emmena Hélène Barton dans une maison banale. Il l’avait habillé avec des vêtements qu’elle n’avait pas l’habitude de porter. Elle ne se sentait pas bien mais elle n’avait pas la volonté de retourner en arrière. Simon parla à l’habitant de la maison. Ce dernier jaugea la jeune fille du regard d’un regard concupiscent. Il acquiesça en hochant la tête et donna une liasse de billets à Simon. Ce dernier fit signe à Hélène d’approcher.

« Tu vas aller avec lui, dit Simon. J’attends ici. »

Hélène ne répondit pas. Elle se contenta de suivre l’homme jusqu’à sa chambre. Il referma derrière elle.

« Déshabille-toi, ordonna-t-il. »

Lui-même était entrain de retirer ses vêtements. Elle se déshabilla, découvrant son corps juvénile. Il l’attira jusqu’au lit, lui prenant la main pour la guider jusqu’à son sexe.

 

           Le jour arriva. Garde avait passé la nuit à parcourir la ville sans rien trouver. Il fallait qu’il réfléchisse. S’il n’agissait pas logiquement, il n’arriverait pas à la retrouver. Il décida de faire une pause pour prendre un café et manger un morceau. Il s’arrêta dans un café. Tout en mangeant son croissant, il se remémora ce qu’il savait d’Hélène Barton. D’après les recherches menées par Gilles Chaldo, elle n’avait pas de famille à Rouen. Si elle était ici, elle devait errer dans les rues comme une âme en peine. Après tout, c’est ce qu’elle était. Pour n’importe quel individu, arriver à ce constat n’était pas très reluisant. Mais pour un chasseur formé à connaître le monde moldu aussi bien que le monde sorcier et surtout, s’y intéressant un minimum, cela donnait quelques voies à explorer. Si les moldus l’avaient reconnue comme une mineure errante, la police moldue aurait été alertée. C’était la meilleure option pour Garde. Il lui suffisait d’aller au commissariat de Rouen. Mais il y avait une autre possibilité, qu’elle ne soit prise que comme une simple SDF. Alors il fallait se concentrer sur les associations d’aide aux miséreux. Et il y en avait bien plus.

           François Garde décida de commencer par la police. Le plus simple et le plus logique. Il se rendit au commissariat central de Rouen. Ce n’était pas la première fois qu’il devait infiltrer un organisme officiel du monde moldu. La chasse aux mages noirs mène parfois dans des endroits où on ne les attend pas en temps normal. Il se souvenait que durant la dernière guerre que s’était livrée les moldus français et allemands, il avait dû se glisser dans une Kommandantur pour y chercher un mage noir se faisant passer pour un SS. Il avait revêtu un uniforme de la Wehrmacht[1] ce jour là. Et depuis, il se montrait intéressé par les différents uniformes militaires et par cet aspect du monde moldu. Il s’était dit à plusieurs reprises que s’il avait été moldu, il aurait aimé faire carrière dans l’armée. Et si la Confédération Internationale des Mages et Sorciers n’avait pas interdit aux Sorciers de prendre part dans le conflit, il aurait volontiers donné un coup de main aux résistants.

           A côté de la Kommandantur, entrer sans se faire remarquer dans ce commissariat de police fut une vraie partie de plaisir. Il n’eut plus qu’à éloigné le policier de permanence pour pouvoir accéder à la main courante où tout était noté. D’un geste discret de sa baguette, Garde fit s’écrouler une étagère. Les dossiers qu’elle supportait se répandirent avec fracas. Les policiers se précipitèrent pour voir. François s’assura que la voie était libre et se saisit du registre de main courante. Il le parcourut rapidement depuis la date de la disparition d’Hélène Barton, jetant par moment des œillades vers les policiers. Rien. Elle n’avait pas été signalée à la police et encore moins emmenée par celle-ci. Sans jeter un regard en arrière, François Garde sortit du commissariat. Il devait maintenant faire le tour des associations et des refuges ayant pour vocations d’aider les gens vivants dans les rues.

           Pour ce faire, François Garde se rendit à une cabine téléphonique et « emprunta » un annuaire. Il n’avait plus qu’à se rendre à toutes les adresses les unes après les autres en montrant la photo d’Hélène Barton. Les premières associations ne lui donnèrent rien. Et les gens à qui il s’adressait semblaient tout faire pour l’aider. Il faut dire, qu’il se faisait passer pour un inspecteur de police recherchant une fugueuse. Il avait bien fait de modifier sa carte de chasseur pour faire illusion. Et s’il doutait sur un de ses interlocuteurs, il userait de Legilimancie. Son utilisation était, normalement, strictement réservé aux interrogatoires en salle. Mais comme il n’enquêtait pas dans le cadre d’une opération des Chasseurs, il pouvait prendre quelques libertés. Il agissait en tant que Gardien de l’Epée. Il lui semblait que cela le faisait agir en mage noir. Mais ne dit-on pas combattre le feu par le feu ?

           L’association suivante s’appelait « Secours Catholique », nom venant d’une des religions moldues. Pour s’être intéressé à l’Histoire militaire moldue, Garde savait que la religion était l’une des principales sources de conflit dans le monde. Combien de guerre menée pour asseoir la domination d’un dieu sur un autre ? L’ironie, c’était qu’aucun moldu n’avait la moindre preuve de l’existence du divin. Se battre pour rien, c’est d’un ridicule. Et le comble de l’hypocrisie était que la plupart des religions exhortaient leurs fidèles à la non-violence et à l’Amour du prochain. Oui, tant qu’il est de la même religion. Les Chrétiens, comme certains se faisaient appeler, n’hésitaient pas à se battre entre eux juste à cause d’une divergence sur le sens à donner à un bouquin écrit par des hommes et non par leur dieu.

           François Garde rencontra une jeune femme qui s’occupait de l’accueil de ce refuge. Elle lui demanda si elle pouvait l’aider. Garde présenta sa fausse carte de police puis la photo d’Hélène Barton. La bénévole regarda attentivement la photo. Son visage démontrait qu’elle fouillait dans ses souvenirs.

« Je l’ai déjà vue ici, dit-elle au bout d’un moment. Elle vient presque tous les soirs pour manger et se reposer. On pensait qu’elle était majeure.

-Savez-vous si elle viendra ce soir ? questionna François.

-Possible. Je sais à qui vous devriez demander. Elle est souvent avec un de nos bénévole : Simon Dieubon. Il n’est malheureusement pas là pour le moment.

-Pouvez-vous me donner son adresse ?

-Bien sûr. Attendez une minute. »

La bénévole chercha dans un carnet d’adresse et nota sur un morceau de papier les coordonnées de Simon Dieubon. François la remercia et prit congé.

           Simon Dieubon habitait un appartement dans un quartier populaire. Au rez-de-chaussée de son immeuble, François Garde fut arrêté par la concierge. Il présenta sa fausse carte de police. La concierge se montra tout de suite plus aimable.

« Excusez-moi monsieur l’inspecteur mais par les temps qui court on ne sait jamais, fit-elle.

-Ce n’est rien madame, assura Garde. Je préfère voir une concierge prudente qu’insouciante. Au moins vous faîtes votre travail. Je cherche un certain Simon Dieubon. Suis-je à la bonne adresse ?

-Oui. Il n’a pas d’ennui j’espère.

-Non. Mais que pouvez-vous me dire sur lui ?

-C’est un garçon très gentil et très généreux. Il travaille bénévolement pour une association pour les clochards. D’ailleurs, il a recueilli une jeune fille qui trainait dans la rue.

-Est-ce elle ? questionna Garde en montrant la photo d’Hélène Barton.

-Oui. Elle est recherchée ?

-C’est une fugueuse. Sa famille la cherche désespérément.

-Le jeune Simon ne risque rien au moins.

-Je ne pense pas. Surtout s’il a pris soin d’elle. Quel est son appartement ?

-Deuxième étage, porte 202.

-Merci madame. »

           François Garde monta et frappa à la porte de Simon Dieubon. Il devina au point de lumière qui filtrait par le judas que le propriétaire vérifiait qui lui rendait visite. La porte s’entrouvrit, retenue par une chaînette.

« Que puis-je pour vous ? demanda-t-il.

-Monsieur Simon Dieubon ? questionna Garde.

-Oui.

-Police, fit François en présentant de nouveau sa fausse carte. Puis-je entrer ? »

Simon Dieubon sembla jauger la situation un instant. Garde conserva un visage impassible. Simon referma la porte pour enlever la chaînette et fit entrer le chasseur.

« Je recherche une fugueuse qui a disparu de chez elle depuis quelques jours, mentit Garde. Voici sa photo. »

Les yeux de Simon s’écarquillèrent légèrement en reconnaissant Hélène. Ainsi elle avait fugué et avait de la famille à sa recherche. Si elle était dénommée comme fugueuse alors cela signifiait qu’elle était mineure. Et il l’avait plus ou moins forcé à se prostituer. Proxénétisme de mineur. Cela pouvait lui valoir de longues années derrière les barreaux. Il essaya de garder une constance mais cela ne trompa pas Garde, habitué à déceler le moindre signe de culpabilité.

« Je ne la connais pas, mentit Simon. Et je ne vois pas ce qui vous ferait dire qu’elle est ici.

-Je vous conseille de ne pas me mentir, prévint Garde.

-Serais-ce une menace ? Je pourrais porter plainte devant la police des polices.

-Vous pourriez, si j’étais flic. »

           François Garde sortit sa baguette et la pointa sur Simon, le mettant sous sa volonté. Il l’obligea à s’asseoir sur un fauteuil.

« Maintenant monsieur Dieubon, vous allez me dire où se trouve la fille et ce que vous lui avez fait ? interrogea Garde. »

Sous Imperium, Simon avoua tout. François Garde ne démontra aucune surprise. Ce monde avait cessé de le surprendre depuis bien longtemps. Il effaça la mémoire de Simon Dieubon et l’endormit. Il alla à la chambre que lui avait indiqué Simon. Il trouva la jeune fille endormie sur le lit. Elle avait l’air si paisible. S’il ne connaissait pas son histoire, il ne l’aurait pas deviné.

           François Garde s’approcha du lit et secoua doucement Hélène Barton. Celle-ci se réveilla et eut un mouvement de recul en découvrant le chasseur penché au-dessus d’elle.

« Vous êtes un client ? demanda-t-elle.

-Non, répondit Garde. Je m’appelle François Garde, je suis un chasseur.

-Vous voulez m’aider ?

-Oui.

-A quoi bon. Tous ceux à qui je tenais sont morts. Je suis seule. Je ne veux que la mort me prenne vite pour pouvoir les rejoindre.

-Alors pourquoi ne pas te suicider ?

-Je ne sais pas. Je n’y arrive pas.

-Ta vie ne vaut peut-être plus rien pour toi. Mais je représente un groupe pour qui ta vie peut être utile.

-Pourquoi ?

-Pour combattre le Seigneur des Ténèbres. Mais pour cela tu souffriras plus que tu ne peux l’imaginer.

-Je ne sais pas me battre.

-Ce n’est pas ce qu’on te demande. Nous avons besoin de ton corps pour créer une arme. Nous t’expliquerons plus tard.

-Est-ce que vous aider me rapprochera de ma mort ? »

Garde était effrayer par cette question. Comment quelqu’un pouvait souhaiter autant mourir ? Ces jeunes avaient vraiment mérité de mourir pour avoir détruit une vie si pure et innocente. Et lui ne voulait pas détruire plus. Mais restait-il seulement quelque chose à détruire en elle ? Il décida de lui dire la vérité :

« Oui. Il y a de grande chance que tu meurs prochainement. Mais au moins, ta mort servira à quelque chose. Elle permettra que d’autres ne vivent pas les mêmes malheurs que toi. »

Hélène se leva. Même sans user de Legilimancie, François devinait déjà la réponse qu’elle allait donner. Il en fut à la fois rassurer et triste.

« J’accepte. »


[1] Nom donné à l’armée allemande. A ne pas confondre avec les SS, les sections de sécurité. Les SS étaient des nazis alors que la Wehrmacht était composé de militaires servant leur pays comme tout bon soldat. Certains, comme le général Rommel, ont même tenté d’assassiner Hitler. Une armée est apolitique, c’est ce qu’on appelle le devoir de réserve.

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