Le Corbeau. Livre 0 : Projet GLADIUS

Chapitre 10 : X Neuf Mois

2989 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 23/03/2012 04:57

           CHAPITRE X : NEUF MOIS

 

           François Garde confia la jeune fille à Julien Faros et Mélina Sarla au Département Secret. Ils lui avaient préparé des appartements dans la zone qu’ils avaient isolée pour le projet GLADIUS. Elle n’en sortirait plus jamais, si ce n’est morte ou infirme. Antoine Faros était venu aussitôt prévenu ainsi que Charles Maldieu. Il laissa son fils et Mélina s’occuper des examens médicaux et autres évaluations pour voir si elle était apte à porter l’arme.

« Bien joué Garde, félicita Antoine Faros.

-Elle ne souhaite que mourir, dit François. Mais elle veut que sa mort soit utile. Ne gâchez pas son souhait.

-Je vous le jure.

-François, fit Maldieu. As-tu effacé ses traces ?

-L’homme qui l’avait recueilli a subi un sortilège d’amnésie, rapporta François. Ainsi que la concierge. Je vais aller au refuge du Secours Catholique pour m’occuper du reste des bénévoles.

-Repose-toi après. Tu as fait ce qu’il fallait. Je vais m’occuper de l’acte de décès. Ainsi, elle sera officiellement morte. »

           François Garde s’en alla finir son travail. Il croisa Pierrick Corvus qu’il se contenta de saluer par un hochement de tête. Corvus observa à son tour la jeune fille puis se tourna vers le professeur Faros.

« Quand commençons-nous ? demanda-t-il.

-Dés que nous aurons la certitude qu’elle peut mener à terme une grossesse en subissant tout ce que nous avons prévu pour renforcer l’arme, renseigna Faros. Cela devrait prendre un peu de temps. Vous n’aurez plus à agir avant l’entraînement de cette arme. Ensuite, ce sera la mise en œuvre sur le terrain.

-Ne brûlons pas les étapes. Attendons de voir ce que donnera le résultat de ce projet.

-Vous ne nous faîtes pas confiance ?

-J’attends de voir. »

 

           Les tests conclurent qu’Hélène Barton était tout à fait apte. Ils avaient fallu plus de trois mois pour en être sûr et maintenant, décembre de l’année 1960 commençait. Il était temps pour les Gardiens de l’Epée d’entrer dans le vif du sujet. Julien Faros apporta lui-même le résultat des tests à son père. Ce dernier les parcourut attentivement.

« Demain, nous commencerons, annonça-t-il. Et dans neuf mois, notre arme naîtra.

-Mais il faudra encore des années avant de pouvoir l’utiliser, dit Julien Faros. Combien de crimes et de malheur le Seigneur des Ténèbres va-t-il encore commettre ?

-C’est vrai. Mais nous n’avons pas d’autre choix. Il nous faut être patient. Au moins, nous agissons. »

Le regard de Julien se perdit dans le vide. Son père le connaissait assez pour savoir que quelque chose le tracassait. Ils avaient les mêmes mimiques pour exprimer leurs pensés.

« Quoi d’autre ? questionna le père.

-Avons-nous le droit d’aller aussi loin ? fit le fils. Ne devenons-nous pas des mages noirs ?

-Tu as raison de te poser ces questions. Mais je t’en poserais une autre en retour : pouvons-nous laisser faire Voldemort sans agir ? Même si la solution nous pousse à devenir aussi méprisables que le problème, au moins nous aurons agi. J’aurai la conscience tranquille sur ce point.

-Je comprends. A demain papa.

-A demain. »

           Les Gardiens de l’Epée étaient réunis au complet pour la deuxième fois. C’était plus une réunion pour la forme, car les seuls qui devaient rester pour la suite étaient le professeur Faros, son fils, Mélina Sarla et Pierrick Corvus. Le professeur Antoine Faros prit la parole :

« J’ai voulu tous vous réunir une dernière fois avant de lancer concrètement le projet GLADIUS. Il faut que ce soit bien clair dans vos esprits qu’à partir du moment où l’insémination sera effective, on ne pourra plus revenir en arrière. Donc, si quelqu’un souhaite quitter les Gardiens de l’Epée ou s’opposer au lancement de l’opération, qu’il le dise maintenant. Nous n’avons plus le droit au doute. »

Le professeur Faros attendit quelques instants en passant sur chaque visage. Françoise Cidal semblait soucieuse mais elle ne prit pas la parole.

« Bien, reprit le professeur Faros. Tout est clair alors. Vous pouvez repartir. Seuls ceux nécessaire à l’insémination doivent rester. »

           Françoise Cidal et Gilles Chaldo sortirent. Charles Maldieu échangea quelques mots avec le professeur et se dirigea à son tour vers la sortie. Il invita François Garde à le suivre mais ce dernier refusa.

« J’ai ramené cette fille en sachant très bien que je la condamnait à une mort lente et douloureuse, dit-il. Je veux être témoin de ses souffrances du début à la fin. Je pense que l’un de nous se doit de devenir le témoin de ce qu’elle va faire pour ce monde.

-Je comprends votre point de vu Garde, assura le professeur Faros. Vous pouvez rester. »

 

           La première partie de l’opération ne nécessitait pas la présence d’Hélène Barton. François Garde préféra laisser les scientifiques entre eux avec Pierrick Corvus. Il rejoignit la jeune fille. Celle-ci attendait patiemment en lisant un livre que lui avait apporté Garde.

« Bonjour, dit-elle.

-Bonjour, fit-il. Comment trouves-tu ce livre ?

-Il me change les idées. C’est une histoire légère et amusante.

-Je t’en apporterais d’autres. »

Un silence lourd s’installa. L’adolescente observait le visage fermé et sérieux de François.

« C’est pour aujourd’hui, n’est-ce pas ? dit-elle. Julien me l’a dit hier.

-Oui, confirma François. Ils sont avec Corvus en ce moment.

-Il ne me reste donc plus que neuf mois à vivre. Enfin. »

Rien que ce dernier mot horrifia François. Comment pouvait-on souhaiter autant la mort ? Mais il n’en montra rien. Comme l’avait dit le professeur Faros, ils ne pouvaient plus revenir en arrière. Et surtout, ils ne le devaient pas.

 

           Pierrick Corvus était allongé sur une table d’opération. La partie le concernant était la plus facile, sa mission étant de fournir un peu de sang. Pour ce faire, Julien Faros appliqua une méthode venant de la médecine moldue : la prise de sang. A l’aide d’une seringue, il extrait la quantité de sang souhaité. Il tenait la seringue de verre précieusement. Et alors que Mélina Sarla appliquait un coup de baguette sur le bras de Corvus pour arrêter le léger saignement, il déposa la seringue sur un plateau. La première partie était finie. La seconde serait l’extraction d’un ovule des ovaires d’Hélène Barton.

           Mélina Sarla prépara la jeune fille pour l’opération. Elle resterait endormie jusqu’à la fin. Lorsqu’elle se réveillerait, elle serait enceinte. Le professeur Faros s’occupa personnellement de l’extraction de l’ovule. Il usa d’un sortilège de passation de matière et d’un de désillusion, il put ainsi passer à travers la peau et les organes de la jeune fille comme s’ils étaient faits d’air. Il put ainsi accéder sans mal jusqu’aux ovaires. Avec d’infinis précautions et un sortilège permettant de zoomer jusqu’au niveau microscopique, il récupéra plusieurs des précieuses cellules.

           Le plus délicat restait à faire. Il mit les ovules extraits dans un bocal contenant un fluide conservateur et isolé de l’air ambiant et n’en prit qu’un. Il devait retirer le noyau de la cellule pour en faire une cellule vide pouvant accueillir le noyau prit d’une cellule de Corvus. Les dits noyaux avaient été préparés par Faros fils. Le premier essai fut un échec mais Faros père ne se démonta pas. Il savait que ce qu’il faisait était inédit, de la médicomagie au niveau microscopique, les meilleurs médicomages de Gardevie et d’ailleurs n’y avaient encore jamais pensé. Ce ne fut qu’au cinquième essai qu’il réussit. Le plus dur étant fait, le professeur Faros soupira de soulagement. Il laissa le soin à son fils de placer sa création dans l’utérus de la porteuse.

           Lorsqu’Antoine Faros ressortit de la salle d’opération, il tomba sur François Garde qui le toisait gravement.

« C’est fini, dit le professeur. Maintenant il faut attendre quelques jours de voir si l’insémination a réussi et que l’embryon commence son développement. Si tout va bien, dans un mois, nous pourrons commencer à travailler sur l’arme pour lui donner toute sa puissance.

-Et la fille ? questionna Garde.

-Elle va bien. Elle dort encore. Nous n’allons pas la réveiller et laisser les effets de la potion s’estomper d’eux-mêmes. Si vous voulez rester avec elle, je n’y vois aucun inconvénient. »

 

           Les semaines suivantes, les deux Faros et Mélina Sarla se contentèrent d’observer le début de la gestation d’Hélène Barton. La jeune fille se portait bien. François Garde venait souvent la voir. Ils discutaient longuement et il lui apportait des livres pour qu’elle ne s’ennui pas. Il la surprit une fois à se regarder dans un miroir, soulevant ses vêtements pour mieux voir son ventre et y passer la main. L’adolescente se retourna vivement, rougissante.

« Euh… je… je… balbutia-t-elle.

-Tu n’as pas à en avoir honte, assura-t-il. C’est normal.

-Je ne sais pas vraiment pourquoi je fais ça. Ce bébé n’est pas mon fils. Je ne fais que le porter sans lui avoir rien donné. Il n’aura pas mes yeux, ni mon nez. Il ressemblera trait pour trait à Corvus. Et je ne l’élèverais même pas.

-Tu n’es pas obligé de mourir.

-Le professeur Faros m’a dit qu’il y avait peu de chance pour que je survive à l’accouchement. A cause de tout ce que je vais subir durant la grossesse.

-Peu de chance ne veut pas dire pas du tout. Si tu survis…

-Je ne veux pas survivre. Je vous l’ai dit, je veux que ça s’arrête. Je veux mourir. Plus rien ne me raccroche à la vie maintenant. »

           A chaque fois qu’il quittait Hélène, François se sentait si inutile et impuissant. Il se sentait responsable de cette fille et de sa vie. Lui qui n’avait jamais eu d’enfant. Et il ne pouvait rien faire. Il ne pouvait que la regarder durant ses derniers mois à vivre. Et même participer à ce qui la tuera. Une seule chose était sûre pour lui maintenant : l’Enfer l’attendait au bout du chemin. A moins qu’il ne soit déjà en Enfer.

 

           Le mois s’écoula sans qu’il n’y ait de problème notable avec l’embryon. La gestation avait débuté tout à fait normalement. Il fallait maintenant commencer le travail visant à forger cette Epée à partir de ce métal brut. Les traitements magiques que devaient subir l’embryon et donc Hélène seraient de plusieurs types : des potions à ingérer, à appliquer sur la peau ou parfois même à injecter directement dans le sang ou l’utérus, des sortilèges divers et des rituels.

           Mélina Sarla s’occupait de certaines potions. Le professeur Antoine Faros vérifiait chaque potion d’une manière quasi inquisitrice, n’hésitant pas à les refaire lui-même au moindre doute. Mélina commençait à se demander s’il lui faisait vraiment confiance.

« Tu as l’air soucieuse. »

Mélina était dans la petite salle de repos qu’ils s’étaient installés, sirotant un thé. Julien Faros venait d’entrer et se servit un café.

« C’est ton père, dit-elle. La couleur de ma potion ne lui allait pas donc il a décidé de la refaire. Il ne fait confiance à personne ou quoi ?

-Ne lui en veux pas, dit Julien. Il a toujours été maniaque la dessus. Dés que ça concerne ses recherches, il veut tout faire lui-même. S’il avait pu, il n’aurait jamais accepté le moindre assistant par le passé.

-Alors pourquoi nous-a-t-il embarqué avec lui ?

-Pour ce projet, il sait très bien qu’il ne pourra rien faire seul.il a besoin de notre aide. Ne t’en fais pas, je sais qu’il apprécie ton travail. Il ne t’aurait jamais prise s’il ne te faisait pas confiance pour le travail qu’on te demande. Il faudra juste accepter qu’il fasse son maniaque quelques fois. »

Mélina posa sa tasse vide et se leva.

« Si tu le dis, acquiesça-t-elle. Je vais aller voir si je peux travailler un peu à une prochaine potion. »

           Les rituels provenaient de vieux grimoires écrits dans des langues inconnues ou mortes. Dans la plupart d’entre eux, Hélène Barton n’avait rien à faire, se contentant de s’allonger sur un autel. Elle ressentait d’étranges sensations durant ces séances et souvent même des douleurs qu’elle ne pouvait retenir et devait exprimer par des hurlements. Elle pensa plusieurs fois demander pitié et arrêter là cette torture. Mais elle ne voulait pas que sa mort soit inutile. Et cet enfant représenterait un espoir pour le reste de la population sorcière à une époque où le Malheur frappait plus fort chaque jour. Elle se devait d’être forte durant encore huit mois. Ensuite, tout s’arrêterait. Elle le souhaitait. Le professeur Faros lui avait dit que les chances qu’elle meurt durant l’accouchement étaient très fortes. Et si elle survivait malgré tout, il ne lui resterait plus qu’à le faire elle-même.

           Les mois s’écoulèrent. Hélène Barton s’affaiblissait. Les potions et les rituels lui brûlaient toutes ses réserves d’énergie à tel point que Mélina Sarla dut rajouter à la liste de potions qu’elle ingurgitait des revigorant et des renforçant pour s’assurer qu’elle aille au bout des neuf mois. Son visage était amaigri et elle aurait au moins perdu dix kilogrammes si un bébé ne grandissait pas dans ses entrailles. Au sixième mois, elle ne pouvait plus sortir de son lit, ses jambes refusant de la supporter.

           François Garde passait parfois toute la journée à lui tenir compagnie. Il lui faisait la lecture car ses yeux ne parvenaient plus à déchiffrer les mots qui s’alignaient sur leurs pages. Il lui parlait et parvenait même parfois à la faire rire. Lui-même se forçait à sourire et à garder un ton enjoué. Mais il ne faisait que jouer un rôle.

           Les deux derniers furent particulièrement pénibles pour Hélène Barton. Elle était si faible qu’elle ne ressentait plus la douleur et le mal-être provoqué par tous les traitements magiques qu’elle subissait. Elle ne mangeait plus, son estomac rejetant toute nourriture solide.

« Tu devrais manger un peu quand même, lui disait François Garde une fois de plus.

-Si c’est pour tout vomir dans la foulée je ne vois pas ce que ça peux faire, dit Hélène. J’arrive enfin à la fin du voyage. Et j’aurai fait quelque chose d’utile pour ce monde avant de partir.

-Tu ne veux pas plutôt essayer de vivre.

-Plus rien n’a d’importance pour moi ici-bas. Je sais que tu voudrais que je survive, que je reprenne des forces pour reprendre une vie normale. Mais tu dois accepter mon choix. S’il te plait, n’essaye pas de me retenir. »

Il n’eut pas le temps de lui répondre. Hélène venait de se plier en deux sous une violente douleur. Aussitôt, Garde appela Julien Faros. Ce dernier l’examina et sortit chercher son père et Mélina Sarla. Ils emmenèrent Hélène dans la salle médicalisée.

Garde comprit que le temps était venu…

Laisser un commentaire ?