Le Corbeau. Livre 0 : Projet GLADIUS

Chapitre 11 : XI 18 août 1961

2211 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 30/03/2012 03:18

           CHAPITRE XI : 18 AOUT 1961

 

           L’attente dura des heures qui parurent éternelles à François Garde. Il se traita mentalement d’idiot : il était entrain d’attendre qu’on lui annonce la naissance d’un monstre et la mort d’un ange. Comment être impatient en une telle situation. Charles Maldieu le rejoignit.

« Cela fait plus de deux heures que ça a commencé, dit Garde. »

Garde était nerveux. Il en vint même à se demander combien de temps il fallait pour qu’une jeune fille meure en donnant la vie.

           Et soudain, alors qu’aucun son n’avait filtré de la pièce, un cri éclata dans l’air sans qu’on sache s’il s’agissait d’une promesse pour de jours plus radieux ou plus sombres. Les pleurs d’un bébé. Ce n’était pas la première fois que les deux chasseurs entendaient ça, mais ces pleurs la avaient quelque chose d’étrange. Il leur semblait que le son les pénétrait jusqu’à l’âme, la troublant comme la boue trouble l’eau d’un ruisseau. Ce cri était plus qu’un simple cri. Plus que l’annonce de la naissance de leur arme. Ce cri était chargé de magie et prouvait que la deuxième partie du projet GLADIUS avait réussi : ils avaient doté un enfant d’un immense pouvoir. Garde et Maldieu touchèrent du doigt l’angoisse qui avait grandi en eux durant ces derniers mois : pourraient-ils contrôler une telle puissance ?

           La porte s’ouvrit. Julien Faros, la mine fatiguée, la passa en titubant. Sa blouse était couverte de sang. Garde avait vu beaucoup de sang couler durant sa carrière mais ce fut ces quelques éclaboussures qui le marquèrent à tout jamais. Sans attendre, il entra, suivi de Maldieu. Mélina Sarla se trouvait dans un coin de la pièce et s’affairait près d’une petite baignoire. Le professeur Antoine Faros se trouvait penché à une table, notant quelque chose sur un morceau de parchemin. Il s’arrêta en remarquant la présence des deux chasseurs. Maldieu s’approcha de lui.

« L’arme est-elle viable ? demanda le directeur du Département des Chasseurs.

-Il est trop tôt pour le dire, répondit Faros. Nous allons l’observer quelques jours avant de nous prononcer. Ensuite, nous évaluerons ses capacités. Il faut que nous sachions si elle nous sera réellement utile. Mais je n’en doute pas, son cri à lui seul à suffit à briser le sortilège d’insonorisation que j’avais mis en place.

-Et la fille ?

-Elle est encore en vie. Mais ce n’est qu’une question de minutes. Julien l’a examinée et il a dit qu’il n’y avait rien à faire. »

           François Garde n’écouta que discrètement ce que se disait les deux hommes. Il s’approcha vers la table d’opération sur laquelle se trouvait Hélène. Elle était si pâle. Sa respiration était faible. Garde avait vu tant de gens mourir qu’il ne pouvait se tromper en reconnaissant les signes de l’agonie. Elle n’avait plus que quelques instants à vivre. Il tira un tabouret et s’assit près d’elle. Il dégagea une mèche de cheveux de son visage. Comme éveillé par ce simple contact, la jeune fille ouvrit difficilement les yeux. Elle sourit maladivement en reconnaissant François. Elle leva légèrement le bras mais il retomba. François lui prit la main.

« Ne fais pas cette tête, lui dit-elle. Souris, j’ai fait ce que j’avais à faire. Maintenant je peux partir.

-J’aurais voulu te redonner gout à cette vie, dit-il. Que tu vois ton enfant grandir.

-Il n’est pas mon enfant. Je n’ais fait que le porter. Il est votre arme. Servez-vous en comme il faut. Pour qu’un jour, plus personne ne souffres. Pour qu’aucune autre jeune fille ne vive ce que j’ai vécu. Promet-le moi. »

François se força à sourire. Il ne voulait pas qu’elle meurt dans la tristesse.

« Je te le promet, dit-il.

-Alors je sais que tout ira bien, fit-elle en intensifiant son sourire. Merci pour tout ce que tu as fait pour moi. »

Un dernier sourire, une dernière œillade. La main de la jeune fille glissa de celle du chasseur. Ses yeux se fermèrent une dernière fois. C’était fini.

           François n’arrivait pas à détourner ses yeux du corps sans vie d’Hélène. Il sentit une main se poser sur son épaule, mais ce contact avait quelque chose d’irréelle pour lui.

« Je vais m’occuper d’elle, dit Garde. Je dois le faire.

-Je comprends mon ami, assura Maldieu. »

           Garde recouvrit le visage de la jeune fille d’un drap. Lorsqu’il quitta enfin des yeux la table d’opération, il vit Mélina Sarla s’avancer vers le professeur Faros en tenant dans ses bras un linge blanc où remuait paresseusement une forme toute rose. En temps normal, François se serait émerveillé devant cette nouvelle vie. Mais rien n’était normal dans la naissance de ce bébé. Sa mère porteuse était morte. Mais surtout, il n’avait pas été conçu naturellement. Il n’était pas le fruit de l’amour de deux personnes. Il était un double, un être créé à partir de quelqu’un. Le fruit d’une expérience de magie noire. Et c’était en lui que les espoirs de toute la Communauté Magique voir de l’Humanité contre la menace de Voldemort étaient actuellement réunis. Même si l’Humanité l’ignorait.

 

           18 aout 1961. Cette date resterait à jamais gravée dans la mémoire des Gardiens de l’Epée. Le fruit du projet GLADIUS venait de naître. Les Gardiens de l’Epée se réunirent pour voir leur arme. S’ils ne savaient pas ce qu’il était, ce petit garçon leur aurait paru si normal. Mais il ne l’était pas. Le professeur se décida à parler :

« Voilà le fruit de nos efforts. Nous avons notre arme mais nous ne pourrons pas l’utiliser avant plusieurs années. Il nous faudra encore être patient. Il peut sembler fragile comme ça, mais selon nos premiers examens, il est ce que nous voulions. Sa puissance est grande. Nous l’évaluerons plus tard avec plus de précision.

-Nous n’aurions pas dû, souffla Françoise Cidal. Nous sommes devenus des mages noirs.

-Mademoiselle Cidal, nous savions à quoi nous en tenir en lançant ce projet. Je ne tolèrerai pas les girouettes parmi nous. Vous devez être pleinement avec nous. »

Françoise Cidal n’osa rien ajouter. Elle était consciente d’être allé trop loin en acceptant de participer à ce projet mais elle ne pouvait plus reculer. Les conséquences pourraient être bien pires pour elle.

« Quel sera son nom ? demanda Pierrick Corvus.

-Gladius, répondit Antoine Faros. »

 

           Les premiers jours sur terre de Gladius ne furent qu’une période d’observation. Ayant été conçu artificiellement, il fallait d’abord s’assurer qu’il survivrait et qu’il ne souffrait d’aucune tare. Pour cela, Julien Faros et Mélina Sarla passait parfois des heures à l’observer, l’ausculter ou à tester ses réflexes nerveux.

           Sarla et Faros fils venaient de finir une série de tests sur le bébé qui les observait avec un regard intrigué. Le regard du bébé était en adéquation avec son très jeune âge. Il ne semblait pas se contenter d’être curieux de ces visages devant lui ou des gestes qu’ils faisaient.

« Comment va-t-il ? demanda Antoine Faros en s’approchant du berceau.

-Il est en parfaite santé, répondit Julien. Je n’ai jamais vu un bébé aussi en forme deux jours après la naissance. Ça fait presque peur.

-Pourquoi ?

-Quand il nous regarde, on sent qu’il ne nous regarde pas distraitement comme un simple bébé. On sent qu’il nous scrute plus profondément que la simple enveloppe physique. Et il est déjà très éveillé.

-C’est normal, les traitements magiques que nous lui avons fait subir avaient un triple but : augmenter ces capacités magiques, physiques et mentales. Il nous faut au plus vite les évaluer.

-Demain, nous effectuons les premières analyses complètes. »

           Le lendemain, Julien et Mélina attachèrent le bébé à un siège pour ne pas qu’il bouge. Ils effectuèrent plusieurs sortilèges de type médical permettant d’évaluer les capacités de l’arme. Ils venaient de terminer quand Antoine Faros entra dans la pièce. Il s’approcha du bébé et le regarda un instant. Gladius le fixait intensément.

« Quels sont les résultats des premières analyses ? demanda-t-il.

-Il est toujours en parfaite santé, répondit son fils. Aucune forme de dégénérescence d’aucune sorte. Il s’éveille plus vite que nous l’avions prévu mais ce n’est pas flagrant.

-Et au niveau du flux magique ?

-Il est aussi puissant que prévu. Voir plus. Je me demande si ce n’est pas un peu trop dangereux.

-Tout ira bien Julien. Nous connaissions les risques en nous lançant sur ce projet. Et surtout, nous avons pris toutes les dispositions pour éviter les mauvaises surprises. Tout ce que nous pouvons faire maintenant c’est attendre.

-Je sais papa. Mais parfois, je me dis que nous avons peut-être fait quelque chose que nous n’aurions pas dû.

-Nous vivons une période sombre et violente. Pour survivre, il nous faut arriver à d’extrême mesure malheureusement. Dumbledore est quelqu’un de sage mais un peu trop timoré dans ses actes. En suivant sa méthode, nous ne réussirons jamais à vaincre Voldemort.

-Tu pourrais éviter de dire son nom ! gémit le jeune homme.

-Je n’ai pas peur de lui. »

Un silence s’installa quelques secondes. Julien avait toujours respecté son père pour son intelligence et sa force de caractère. Mais n’était-il pas devenu trop vaniteux et confiant avec le temps ?

« Quand sera-t-il prêt ? questionna Julien.

-Il nous faut attendre encore quelques années, répondit son père. Mais ne t’en fais pas, les Chasseurs se chargeront de le former au combat. Je compte sur Garde et Maldieu pour ça, et également sur Chaldo et Cidal pour lui apprendre à analyser n’importe quelle situation comme il le faut. Mais c’est surtout ce que Pierrick Corvus lui apprendra qui sera important.

-Voudra-t-il seulement participé à son éducation ? Leurs rapports risquent d’être un peu compliqués.

-On ne lui demande pas de devenir son père mais son formateur.

-Je m’en chargerais, lança une voix sombre. »

           Personne n’avait remarqué que Pierrick Corvus était entré. Il s’approcha et posa les yeux vers Gladius. Aucun sentiment ne transpirait de son visage.

« Quand il pourra tenir une baguette, je commencerai son entrainement, dit Pierrick.

-Parfait, acquiesça Antoine Faros. Il ne nous reste plus qu’à attendre. »

 

           Une semaine après la naissance de Gladius, les Gardiens de l’Epée se réunirent une nouvelle fois. Antoine Faros tenait à immortaliser les différentes étapes de leur projet. Depuis le début, il prenait des clichés des différentes phases. Mais cette photo la aurait quelque chose d’officiel. Elle prouvait la réussite de l’expérience. Restait plus qu’à atteindre le but du projet GLADIUS : faire de cet enfant une arme redoutable et vaincre Lord Voldemort.

           Les Gardiens de l’Epée prirent la pose autour du berceau où remuait tranquillement Gladius. Aucun sourire n’illumina cette photo. Tous étaient conscients de l’horreur et des sacrifices que leur avaient coutés la naissance de cette vie. Et tous redoutaient la suite.

           Mais au final, le temps serait leur seul juge.

 

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