Le Corbeau. Livre 0 : Projet GLADIUS

Chapitre 12 : XII Kylian Névris

3005 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 30/03/2012 03:22

           CHAPITRE XII : KYLIAN NEVRIS

 

           Le projet GLADIUS devait demeurer en sommeil le temps que l’arme atteigne un âge lui permettant d’utiliser une baguette et des armes. Depuis le départ, les Gardiens de l’Epée savait que le projet mettrait du temps avant de donner les résultats attendus.

           Malgré cette attente, pour les Chasseurs, le relâchement était un luxe qui leur était interdit. Depuis quelques mois, un bouleversement secouait la sphère politique de la Communauté Magique française. Un membre du Conseil Ministériel montait en puissance et certains n’hésitaient pas à parler de lui comme prochain Ministre. Erwan Riliam s’attaquait à la politique de l’actuel chef du gouvernement magique français. Et en particulier aux mesures prises vis-à-vis du problème des Mangemorts. Il estimait la politique actuelle trop faible et demandait à ce que des mesures drastiques soient prises. Charles Maldieu sentait de grands changements arrivés. Et cela ne lui disait rien qui vaille.

« Qu’est-ce que tu en penses ? demanda-t-il à François Garde en prenant un café.

-Il y a de fortes chances qu’il devienne Ministre, répondit Garde. Et si nous devons appliquer la moitié des mesures qu’il préconise, ce sera combattre un mal pour un autre.

-Je suis d’accord.

-Erwan Riliam, c’est lui que Kylian a été chargé de protéger quelques jours il y a quelques mois de ça, n’est-ce pas ?

-Oui.

-Je trouve qu’il a légèrement changé depuis. Il est un plus cynique et j’ai dû le retenir plusieurs fois lors d’opérations pour éviter l’irréparable.

-J’ai appris qu’il s’était fiancé il y a peu de temps.

-Avec la sœur de Suzanne. Mais je me demande si ce sera suffisant pour le maintenir dans le droit chemin. Il me fait de plus en plus penser à Dakus. »

           Maldieu se remémora de vieux souvenirs. Yves Dakus avait été de la même incorporation que François et lui aux Chasseurs. Déjà du temps où il travaillait pour la section IRIA, il était connu pour son penchant violent, n’hésitant pas à torturer les mages noires durant les interrogatoires. Malgré tout, il parvint à entrer à la section S. Ce qui avait été pressenti durant son temps à la IRIA ne fit que se confirmer. Dakus ne ramenais jamais de mangemort vivant. Il se fit suspendre plusieurs fois pour désobéissance à une consigne stricte. Et un jour, le directeur du département le renvoya. Depuis, Dakus s’était montré discret. Mais…

« J’ai appris dernièrement que Dakus était un proche de Riliam, dit Maldieu.

-Ça ne m’étonne pas, fit Garde. Et connaissant Dakus, il va vouloir sa vengeance sur nous. C’est quand même grâce à notre rapport qu’il a été finalement virer. Il est du genre revanchard.

-Je sais. Je vais garder un œil sur cette affaire.

-Je te fais confiance là-dessus. Tu as le plus grand réseau d’informateur que je n’ai jamais vu. »

 

           Pierrick essayait de paraître toujours le même devant Julie avec qui il vivait depuis quelques mois. Mais depuis la mort de son ami Samuel Marus, rien n’était comme avant. Julie le comprenait bien et attendait patiemment. Ils étaient allés voir plusieurs fois Léa et les enfants. Sonia avait refusé de parler et même de se retrouver dans la même pièce que Pierrick durant plusieurs mois. Mais un jour, elle avait cédé. Alors que le couple se préparait à rentrer, Sonia s’était jetée dans les bras de son parrain.

« Tu vas revenir ? avait-elle demandée. »

Pierrick avait mis un genou à terre pour se mettre à sa hauteur. Il lui avait souri et lui avait déposé un baiser sur le front.

« Bien sûr, avait-il dit. Bientôt. Tu prends le train pour Beauxbâtons dimanche, n’est-ce pas ? Si ta mère est d’accord, je vous accompagnerais à la gare. »

Derrière Sonia, Léa acquiesçait en souriant.

           Le soir, Julie fut heureuse de revoir un sourire se dessiner sur le visage de son compagnon. Un sourire simplement heureux. Elle vint s’asseoir près de lui, lui prenant la main.

« C’est bien que Sonia veuille de nouveau te parler, dit-elle.

-Oui, répondit-il. Jusqu’à maintenant, je ne savais pas si j’arrivais à faire mon devoir de parrain comme il le faut. Je craignais de ne pas être à la hauteur des attentes de Sam.

-Que veux-tu dire ?

-Je me souviens du jour où Léa et lui m’ont annoncé qu’elle était enceinte. J’étais si heureux pour eux. Mais en même temps, j’ai eu peur. Je me suis dit que plus rien ne serait comme avant. Que maintenant, ils se consacreraient uniquement à leur famille et que je serais mis à l’écart. Surtout que Léa a un frère qui logiquement aurait dû devenir le parrain de Sonia. Mais quand ils m’ont dit qu’ils ne voulaient que moi comme parrain pour leur enfant, j’étais réellement euphorique. Léa m’a avoué ce jour là qu’elle se sentait plus proche de moi que de son vrai frère.

-Et comment a réagi le frère de Léa ?

-Il a fait la gueule. En fait, il a vraiment pardonné à sa sœur uniquement quand il est devenu le parrain de Jonas.

-Je ne l’ais jamais rencontré. D’ailleurs, il n’était pas à l’anniversaire de Jonas.

-Il a juste envoyé un cadeau. Il ne vient que rarement. En fait, il voulait être parrain mais il n’est pas capable d’en assumer les responsabilités. Surtout qu’on a eu une petite prise de bec. Sam lui a reproché son absence. J’étais venu avec lui ce jour là. Il a dit avoir autre chose à faire de plus important. Mais on savait pertinemment que c’était faux. Il m’a même reproché d’être le parrain de Sonia.

-Et qu’est-ce que tu lui as répondu ? demanda Julie.

-Que je me considérai aussi comme le parrain de Jonas à la vue de son incompétence. Il a voulu me lancer un maléfice.

-J’imagine qu’il n’a pas réussi.

-Lorsqu’on est reparti, Sam m’a dit que lui aussi me considérait comme le vrai parrain de Jonas. On n’a plus jamais revu le frère de Léa depuis. D’ailleurs, il n’est même pas venu à l’enterrement de Sam.

-Ah oui ! se rappela Julie. Léa m’a raconté qu’il avait essayé de s’imposer comme une « nouvelle autorité masculine » pour Sonia et Jonas. Je m’en souviens car ça m’avait surpris d’apprendre qu’elle avait un frère. Elle lui a dit d’oublier qu’il était parrain et que tu étais là pour ça.

-J’imagine que le vocabulaire de Léa a dû être un peu plus imagé.

-Je n’aurais jamais pensé l’entendre dire ce genre de chose un jour, finit Julie en riant. »

           Le dimanche du départ de Sonia pour l’Académie de Magie Beauxbâtons arriva. La jeune fille était nerveuse. Après tout, c’était sa première rentrée. Elle se jeta littéralement dans les bras de Pierrick quand celui-ci arriva. Pierrick se dit qu’elle voulait se faire pardonner de ces mois de silence. Mais jamais Pierrick ne lui en voudrait pour ça. Il lui caressa affectueusement les cheveux avant d’aller dire bonjour à Léa. Jonas faisait la tête dans un coin, assis sur les marches de l’escalier. Léa envoya à son vieil ami un regard éloquent. Comprenant pourquoi le garçon agissait ainsi, il s’approcha et s’assit à côté de lui.

« Tu vas bien Jonas ? demanda Pierrick.

-Oui, répondit Jonas hargneusement.

-Alors pourquoi tu fais la tête ?

-Je ne fais pas la tête !

-Tu es sûr ?

-Je… je ne veux pas être tout seul, avoua Jonas.

-Mais tu ne seras pas tout seul, ta maman va rester avec toi. Et puis, je viendrais te voir souvent.

-Mais Sonia.

-Elle t’écrira, n’est-ce pas Sonia ?

-Bien sûr, assura la fillette.

-Et puis dans deux ans, tu la rejoindras là-bas, rappela Pierrick. Allez, souris. Tu ne veux pas qu’elle soit triste pour le jour de son départ quand même ? »

           Le garçon releva la tête et se força à sourire. Sonia vint lui prendre la main pour le guider jusqu’à la cheminée. Léa remercia Pierrick d’un sourire avant de s’engouffrer dans l’âtre verdoyant.

           Le quai du Beauxbâtrain était bondé. Pierrick n’y était pas revenu depuis sa dernière année à l’Académie. Il tentait de se frayer un chemin entre les groupes familiaux se disant au revoir, une main tenant celle de Julie et l’autre celle de Sonia. La jeune fille monta sa valise dans le train et redescendit sur le quai pour embrasser tout le monde. Elle parla un peu avec son frère. Ce dernier acquiesça et sourit. Puis elle vint dire au revoir à Pierrick.

« Si tu as le moindre problème, quel qu’il soit, envois-moi une lettre, dit Pierrick.

-D’accord, fit Sonia.

-Allez, monte avant que le train ne parte sans toi. »

Sonia l’embrassa sur la joue et monta. Le train partit, emportant les élèves pour une nouvelle année scolaire.

 

           L’automne changeait les couleurs de la nature. L’émeraude laissait place à la topaze et au rubis. Si Kylian Névris a un jour aimé l’automne, cette époque était révolue depuis longtemps. Le spectacle annuel de la nature changeante ne l’atteignait plus. Mais il était vrai que pour le moment, il avait d’autres chats à fouetter. Il surveillait une maison depuis des jours, se relayant avec sa coéquipière : Suzanne Janis. Il la sentit se glisser dans les buissons à côté de lui. Il ne prit même pas la peine de se tourner vers elle.

« Je commence à en avoir ras le bol de surveiller cette maison pour rien, dit-il.

-C’est une mission importante, dit Suzanne. Cette maison est un point de repli des mangemorts. On ne sait jamais quand ils reviendront.

-Tu parles. Tout ça à cause d’un tuyau sûrement percé.

-Va le dire à Garde. C’est un de ses informateurs qui lui a dit que les mangemorts se serviront bientôt de cette maison.

-Je ne suis pas entré à la section S pour passer des jours et des nuits à me geler la gueule dans la terre.

-Et bien quand tu rentreras au Ministère faire ton rapport, ramène les bleus avec toi. Regarde. »

           Suzanne Janis désignait la maison. Plusieurs individus habillés de robes noires s’affairaient autour. D’un geste quasi synchrone, les deux chasseurs posèrent leurs baguettes sur leurs tempes. Zoomant sur les individus, ils purent en identifier quelques uns. Ils n’avaient plus de doute, c’était bien des mangemorts. Suzanne tourna les yeux vers son coéquipier. Il y avait dans son regard quelque chose de malsain, mais elle avait appris à ne pas s’en formaliser. Après tout, c’étaient les mages noirs qui en faisaient les frais.

« Va chercher Garde, ordonna Janis. Il nous faut la conduite à tenir.

-Je la connais la conduite à tenir, dit Névris. On y va et on se les fait tous.

-Il y a une procédure à suivre.

-Et bien suis-là. Moi je vais m’occuper d’eux.

-Kylian, appela Janis. »

Mais il n’écoutait pas. Il s’était déjà glissé vers la gauche et descendait vers la maison, la baguette à la main. Suzanne rageait intérieurement : quel imbécile ! Kylian avait toujours été d’un naturel fonceur mais il savait se retenir pour respecter les procédures et les règles d’engagement des Chasseurs. Mais depuis quelques semaines, il avait changé. Une lueur de folie avait germé au fond de son regard. Une lueur qui faisait peur à Suzanne quelques fois.

           La jeune chasseuse ne pouvait pas envoyer un Patronus sans risquer de se faire repérer par les mangemorts. Et si elle s’éloignait, elle craignait que son coéquipier commette l’irréparable ou pire : ne se fasse tuer. Elle enragea une nouvelle fois et s’engagea sur le même chemin que Kylian.

           Névris s’approchait à pas de loup. Il aimait cette sensation avant de passer à l’action. Son sang bouillonnait d’excitation dans ses veines. Il passa le regard sur chacun des visages visibles des mangemorts. Chacun d’eux étaient la promesse d’un agréable moment en perspective. Le seul point noir dans le paysage était qu’il devait faire en sorte de ne pas en tuer. Mais un accident était si vite arrivé. Il devait juste évité d’user de l’Avada Kedavra sauf en certains cas. Heureusement, il y a bien d’autres façons de tuer un être humain. Et souvent plus jouissives.

           Suzanne arriva près de lui. Encore une fois, il ne se tourna pas vers elle, se contentant de lui dire qu’il comptait faire mouvement par la gauche. Suzanne allait tenter de le résonner encore une fois quand Kylian lança un Cofringo sur la maison, faisant exploser un pan de mur, projetant des gravas à plusieurs mètres à la ronde. Un mangemort se trouvant trop près du cœur de l’explosion fit un vol plané et ne se releva pas. D’autres furent criblés d’éclats de pierre. Les mangemorts indemnes sortirent leurs baguettes et s’agitaient en regardant dans toutes les directions. Névris en stupéfixa un avant de sortir des fourrés. Son pied décrivit un arc-de-cercle pour venir percuter l’estomac du plus proche ennemi, le pliant en deux. Il le mit KO en écrasant son coude sur son crâne. Névris bloqua un maléfice d’un mouvement de baguette et contre-attaqua aussi sec d’un puissant Repulso, le mage noir s’écrasa contre un arbre avec une telle violence que le craquement de ses os se répercuta jusqu’aux oreilles de Suzanne.

           Tout avait été si vite que Suzanne, fascinée par la violence de son coéquipier, n’eut pas le temps d’agir. Elle sortit enfin des fourrés et se contenta de désarmer les mangemorts assommés. Elle vérifia en même temps le bilan des morts. Elle ne s’était pas trompée, l’ennemi ayant percuté l’arbre était bien mort. Et il fallait y ajouter un des mages noirs pris dans l’explosion. Pour les autres, certains étaient grièvement blessés. C’était un véritable carnage du fait qu’un seul individu était responsable de ça.

           Kylian Névris appréciait son œuvre comme un artiste après avoir fini une toile. Il examina celui qu’il avait assommé d’un coup de coude.

« Il a de la chance d’être encore en vie celui-là, dit-il. Je crois que je lui ai mis le crâne en miettes. »

Suzanne Janis s’approcha de lui d’un pas décidé et lui enfonça son index dans la poitrine. Ses yeux étaient furieux.

« Est-ce que tu réfléchis parfois avant d’agir ? s’écria-t-elle. Et si nous devions continuer la surveillance pour remonter le réseau ? Tu y as pensé ?

-Qu’est-ce qu’on s’en fout ! contredit Névris. L’important, c’est de faire du chiffre et d’en mettre un maximum hors d’état de nuire.

-Il y a des règles à suivre !

-Elles devraient bientôt changer. Aux prochaines élections ministérielles. Baisse-toi ! ordonna-t-il en la poussant sur le côté. Avada Kedavra ! »

L’éclair vert atteignit un mangemort qui c’était glissé derrière la chasseuse. Il devait se trouver de l’autre côté de la maison au moment de l’attaque. Sûr de son coup, Névris ne prit même pas la peine d’examiner le cadavre, il fit le tour de la maison pour vérifier qu’aucun autre mage noir ne se trouvait à proximité. Un sortilège de détection humaine lui confirma qu’il n’y avait plus personne dans les environs.

           « Maintenant tu peux prévenir Garde, dit-il à Suzanne en revenant vers elle. »

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