Le Corbeau. Livre 0 : Projet GLADIUS

Chapitre 13 : XIII Le Fantôme aux yeux violets

3061 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 09/11/2016 17:23

           CHAPITRE XIII : LE FANTÔME AUX YEUX VIOLETS

 

           Charles Maldieu avait convoqué Pierrick Corvus. En tant que chef de la section S, il était responsable des actes de ses subordonnés. Maldieu lui passa un savon en lui rappelant que leur travail était basé sur un règlement et des procédures à suivre. Au bout de plusieurs minutes, le directeur du Département des Chasseurs fit entrer Suzanne Janis, Kylian Névris et François Garde. Garde étant leur formateur, la responsabilité lui incombait également.

« Je peux savoir ce qu’il vous a pris ? lança Maldieu dont le visage n’avait rien de souriant aujourd’hui. Vous aviez une mission claire et simple : surveiller cette maison et rendre-compte de tous mouvements. Lorsque les mangemorts sont arrivés, il fallait nous prévenir. Vous avez agi comme des imbéciles. Qu’avez-vous à dire ? »

Suzanne garda la tête baissée. Ce n’était pas entièrement de sa faute même si elle aurait dû tout faire pour empêcher Névris d’agir. Maintenant, elle allait devoir en payer les pots cassés, elle aussi.

« Monsieur, dit Névris. Je tiens à dire que j’ai agi seul et de ma propre initiative. Je dis ça pour que vous ne punissiez pas Suzanne pour rien.

-Elle ne vous a pas empêché d’attaquer donc elle est elle aussi responsable, fit Maldieu.

-Elle a essayé. Mais je pensais que notre mission première était de combattre les mages noirs.

-Ne jouez pas à ça avec moi Névris. Ce n’est pas à moi que vous allez apprendre ce métier. Nous avons des règles et des procédures à suivre. Et surtout, nous aurions pu nous servir d’eux pour remonter jusqu’à Malgéus. Cela fait des mois que nous n’avions pas eu une piste aussi sérieuse. Vous l’avez gâchée par votre bêtise. Qui sait combien de temps devrons-nous attendre avant d’en dégoter une autre ? Tout ce que nous avons c’est quelques mangemorts à interroger mais connaissant le sens du secret de Malgéus, ils ne sauront rien. Surtout qu’il doit être déjà au courant que nous avons ses hommes. Et les morts ne parlent pas.

-Je n’avais pas le choix, justifia Névris.

-Au que si, vous deviez rester en observation, nous rendre-compte et attendre les consignes. »

           Maldieu marqua un temps de silence. Suzanne gardait les yeux baissés. Kylian fixait d’un regard sans faille le directeur.

« Votre chef de section décidera de votre punition mais ce fait sera porté à vos dossiers, soyez-en sûrs, finit-il par dire. Sortez de mon bureau. »

Kylian et Suzanne suivirent Pierrick dehors. François resta et s’assit devant son vieil ami.

« S’il continue comme ça, il va suivre le même chemin que Dakus, dit Maldieu.

-J’ai même l’impression qu’il peut devenir pire, ajouta Garde. Mais il n’est pas encore irrécupérable. La preuve, il n’a pas hésité à se mouiller entièrement pour limiter la responsabilité de Suzanne.

-Surveille-le. »

           La sanction n’était pas du goût de Kylian Névris. Suzanne et lui étaient interdits de terrain durant une période indéterminée. Et en plus, François Garde devait reprendre avec eux l’ensemble du règlement et des procédures en vigueur chez les Chasseurs, toutes sections confondues. Rapidement, Névris démontra des signes de lassitudes. Et il ne pouvait pas compter sur les entrainements au combat pour se défouler, ceux-ci lui étaient également interdits. Son esprit réclamait sang et mort. Il savait qu’il ne tiendrait pas longtemps. Depuis qu’il prenait cette potion de Puissance, ses forces magiques et physiques avaient augmenté mais également sa soif de violence. Loin d’y résister, il se laissa emporter par la violence de ses pulsions.

           Au bout d’une semaine de mise à pied, il ne tint plus. Aussitôt après avoir quitté le Ministère, il errait dans les bas-quartiers de la France magique. Et quand il soupçonnait quelqu’un d’être un mage noir, sa sentence était sans appel : il tuait. Peu importe que sa victime ne soit qu’un petit arnaqueur, un simple trafiquant ou une fille se prostituant ; rien ne pouvait arrêter son envie d’ôter la vie.

           Mais rapidement, la Police Magique fit le lien entre les différents meurtres. D’après leurs conclusions, cela ne pouvait être l’œuvre que d’un seul et même assassin. Mais était-ce un mage noir ou un simple déséquilibré ? Le chef de la Police Magique, Josselin Jura, vint donc en informer Charles Maldieu.

« Nous ignorons s’il s’agit d’un simple fou sanguinaire ou d’un mage noir commettant ses meurtres dans un but précis, dit-il. Nous n’avons pas trouvé de but précis à cette série de morts. Et pour les indices, nous n’avons que des témoignages plus ou moins recevables évoquant un homme habillé de noir rôdant dans les alentours et fuyant les lieux des crimes aussi mystérieusement qu’il était arrivé. Qui que ce soit, il sait bouger sans attirer l’attention.

-Je vois, fit Maldieu. As-tu amené une copie du dossier ?

-Bien sûr. Tiens, ajouta-t-il en tendant un feuillet de parchemins. Il n’y a pas grand-chose comme tu peux le constater.

-Nous allons étudier ça de notre côté. Je te tiens au courant.

-Je vais faire de même si nous découvrons de nouveaux éléments. Au revoir. »

           François Garde salua cordialement Josselin Jura en le croisant. Il entra dans le bureau de Maldieu qui feuilletait le dossier apporté par le chef de la Police Magique. En voyant Garde s’approcher, il lui tendit le dossier.

« Du travail pour toi et tes apprentis, dit-il.

-Tu veux les remettre de service ? fit Garde.

-A toi de juger s’ils en sont aptes. Si tu as le moindre doute sur eux, ils seront sûrement renvoyés. Il est temps de les tester je pense.

-Pourquoi pas. »

 

           Kylian Névris trouvait ça ironique de devoir enquêter sur des mises à mort qu’il avait lui-même commises. Mais il savait qu’il ne devait rien en démontrer. Garde leur avait expliqués qu’ils jouaient leurs carrières sur leur comportement dans cette mission. Mais d’un autre côté, il ne pouvait s’empêcher de penser qu’il pourrait dissimuler des preuves compromettantes s’ils en trouvaient. Et pourquoi pas, de nouvelles proies.

           Les investigations commencèrent par la visite des différentes scènes de crimes. Les policiers les avaient déjà passés au peigne fin mais il fallait qu’ils s’imprègnent de l’ambiance de ces lieux pour comprendre la mentalité de l’assassin. Et pourquoi pas, trouver des indices que la Police Magique n’aurait pas remarqués. La première constatation fut que les meurtres avaient tous été commis dans un coin sombre et discret. Le tueur mettait toute les chances de son côté pour ne pas être dérangé durant ses forfaits, et ainsi, évitait d’être démasqué. D’ailleurs, les rares témoins n’avaient vu qu’une silhouette drapée de noir quitter les lieux sans se précipiter outre mesure. Pour les enquêteurs, ce détail signifiait une chose : le meurtrier était habitué à tuer et savait ne pas paniquer après son crime commis. Un véritable professionnel. Et dans l’esprit des Chasseurs, cela éliminait la thèse du déséquilibré.

           Malgré cette épée de Damoclès au dessus de sa tête, Kylian Névris ne cessa pas d’arpenter les bas-quartiers à la recherche d’une nouvelle victime. Tuer était devenu une drogue comme lui, tout comme cette potion de Puissance dont il s’abreuvait régulièrement. Quand il repensait au temps où il avait douté avoir besoin de cet élixir, il se traitait d’idiot. C’était tellement jouissif de posséder une telle force. Il avait le sentiment que rien ni personne ne pouvait lui résister. Il ne s’était jamais senti aussi bien. Mais il savait qu’il se sentirait encore mieux lorsqu’il aurait tué ce soir.

           Une vieille femme décrépie se déplaçait en lançant des regards suspicieux autour d’elle. Il faut dire que depuis qu’un homme s’était fait tué dans une impasse du quartier, la Police Magique passait plus régulièrement. Qu’est-ce qu’elle croyait ? Que le tueur allait réapparaître quand ils étaient là ? Ils étaient si faciles à repérer. Et ce tueur semblait bien trop malin pour se laisser prendre ainsi. Le seul problème, c’était que la présence des policiers n’était pas bonne pour ses affaires. Les clients préféraient se passer de ses produits plutôt que de risquer de se faire prendre en pleine transactions. Elle se demandait si elle ne prenait pas un risque pour rien à se promener avec sa calebasse pleine de potions de contrebande.

           Elle allait se convaincre de rentrer chez elle quand un homme habillé de noir et dont elle ne voyait pas le visage lui fit signe. Elle le suivit jusqu’à un passage reculé à l’abri des regards. Elle n’était pas surprise de cette envie de conserver l’anonymat, après tout, acheter comme vendre ce genre de potion était parfaitement illégal.

« Que voulez-vous monsieur ? demanda-t-elle d’un ton aimable. Une potion du marionnettiste pour contrôler l’esprit de quelqu’un sans user de l’Imperium ? Ou un poison pour vous débarrasser d’un rival ?

-Ce genre de potion n’est pas facile à fabriquer ou à trouver dans les commerces habituels, dit l’homme.

-Ne vous en faites pas, je travaille en association avec un des meilleurs maîtres de potion qui existe. Il ne commet jamais aucune erreur dans leur conception.

-Qui est-ce ?

-Désolé, c’est un secret. Vous poser beaucoup de questions je trouve. On pourrait croire que vous êtes un de ces gardes-chiourme de policiers.

-Ne m’insultez pas ! s’exclama-t-il.

-Je ne le voulais pas, s’excusa tout de suite la femme prise d’une pointe de terreur. Je… alors que voulez-vous ?

-Juste ta mort. Avada Kedavra. »

L’éclair vert se refléta un instant dans les yeux surpris et apeurés de la vieille femme. Celle-ci s’effondra sans de déparer de sa dernière expression.

           Kylian Névris resta quelques instants à regarder le cadavre encore chaud. Un sourire malsain marquait son visage. Qu’il aimait cette sensation au moment d’ôter la vie ! Rien au monde n’égalait ce moment.

« Alors c’était toi ! lança une voix. »

Kylian Névris leva sa baguette et envoya immédiatement un nouveau sortilège de mort. Mais sa cible n’avait rien à voir avec ses victimes habituelles et plongea pour esquiver l’éclair vert. Névris allait réitérer son attaque quand l’homme cria :

« Du calme Névris, je suis de ton côté.

-Qui êtes-vous ? demanda Névris.

-Tu as dû déjà entendre parler de moi, je m’appelle Yves Dakus.

-Tu étais un chasseur. Renvoyé pour actes de violence et comportement intolérable pour un chasseur.

-Ne dis pas ça avec un tel dégout, tu es mal placé pour me faire la leçon.

-Qu’est-ce que tu me veux ?

-Nous avons un ami commun : Erwan Riliam. »

Névris se montra plus attentif, depuis sa rencontre avec Erwan Riliam, sa vision des choses avait changé. Il ne considérait plus vraiment la Magie Noire comme un mal. Il la trouvait aussi naturelle que les autres formes de Magie. A vrai dire, il partageait l’opinion de celui qui briguait le fauteuil de Ministre de la Magie : la Magie n’est ni noire ni blanche, tout a dépendu du point de vue étriqué de quelques peureux, il y a des siècles de ça. Ce fut Erwan Riliam qui le convainquit qu’il pouvait devenir encore plus fort en ingérant de la potion de Puissance. Et c’est d’ailleurs lui qui lui fournissait le breuvage. Pour le moment, le politicien n’avait rien demandé en échange. Il semblait que cela allait changer.

           « Que me veut monsieur Riliam ? demanda-t-il.

-Il a besoin de toi pour une très importante mission, dit Dakus. Une mission qui durera sûrement plusieurs années et qui te forcera à tourner le dos à tes amis. »

Névris ne saisissait pas tout. Qu’attendait de lui Erwan Riliam ?

« Je ne comprend pas, avoua Névris.

-Tu ne considères plus la Magie Noire comme hors-la-loi, n’est-ce pas ?

-Non, mais je n’ai pas envi de voir ce genre de vermine continuer à exister, ajouta-t-il en donnant un coup de pied dans le cadavre de la femme qu’il avait tuée quelques minutes plus tôt. Ils salissent le nom de Sorcier.

-Monsieur Riliam est bien d’accord avec toi. Il veut réformer toute notre société pour lui rendre sa vraie place dans le monde. Et pour cela, il veut rendre toute sa fierté aux branches obscures de la Magie, et nous imposer aux Moldus. Mais avant cela, plusieurs étapes doivent être franchies et plusieurs obstacles éliminées.

-Que veut-il que je fasse ?

-Tu devras sûrement quitter les Chasseurs.

-Je l’avais compris, s’impatienta Névris.

-Non, je ne crois pas que tu comprennes, contredit Dakus. Tu vas devoir devenir un de ceux que tu combattais : un mage noir et plus précisément un mangemort.

-Vas-tu me dire ce qu’il attend de moi ou me laisser deviner ?

-Il veut que tu infiltre les mangemorts de Malgéus, que tu deviennes un de ses lieutenants pour mieux l’espionner et le contrôler.

-Ça risque de me prendre plusieurs années pour atteindre ce niveau. Malgéus est connu pour sa parano.

-Notre maître en est conscient et est très patient. »

           Le mot « maître » résonna aux oreilles de Névris. Il était donc entrain de devenir un mage noir au service d’un Maître des Ténèbres. Cette idée ne le dérangeait pas. Il en ressentait même une certaine fierté.

« Je suppose qu’Erwan Riliam n’est pas le véritable nom de notre maître, fit Névris.

-Tu n’as pas à en savoir plus pour le moment, cracha Dakus un peu irrité par le manque de respect du chasseur.

-Je ne suis pas un imbécile. Si je devais nommer notre maître d’un nom de mage noir connu pour se genre de plan, je dirai qu’il est Janus. »

L’expression de Dakus à ce moment lui confirma son intuition.

« Ainsi donc il n’était pas disparu, continua Névris. Il ne faisait qu’attendre son heure. Et il continue d’attendre tout en la préparant. Tu lui diras que je vais m’atteler à cette tâche sans attendre.

-Bien. Mais ne fait pas trop le fanfaron. Les Chasseurs vont te prendre pour cible. Et tu es bien placé pour savoir qu’ils sont loin d’être inefficaces.

-Et justement, je connais toutes leurs méthodes. »

           Yves Dakus sortit une fiole de sa poche et la lança à Névris qui la rattrapa au vol.

« Un cadeau de notre maître, dit Dakus. Avec cette potion, tu atteindras ton plein potentiel. Mais attention, les premiers instants sont assez douloureux à ce qu’il parait. »

Névris ne répondit rien et se contenta d’avaler le contenu d’un trait. Dakus l’observa attentivement. Le chasseur tomba à genoux en grognant de douleur. Il frappa le sol à s’en briser les os, fendant les pavés sous ses coups. Il se retenait d’hurler, n’oubliant pas que des passants circulaient à quelques mètres de lui dans les rues adjacentes. Dakus ne fit rien pour le soulager. La torture dura au moins un quart d’heure. Névris resta immobile de longues secondes après ses derniers soubresauts de souffrance avant de se relever. Dakus savait que cette potion modifiait également légèrement l’apparence tout en amplifiant le flux magique mais il ne s’attendait pas à ça. La peau de Névris avait perdu tout son teint. Mais le plus impressionnant était ses yeux : ils brillaient maintenant d’un éclat violet.

           Kylian Névris n’eut qu’une seule réaction, il se mit à rire, d’un rire de dément. La puissance démesurée qu’il sentait couler dans son corps lui donnait l’impression d’être réellement invincible maintenant. Plus rien ne l’arrêterait…

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