Le Corbeau. Livre 0 : Projet GLADIUS

Chapitre 14 : XIV L'Assassin

3150 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 06/04/2012 04:23

           CHAPITRE XIV : L’ASSASSIN

 

           Cela faisait plusieurs jours que Kylian Névris avait disparu. Tout le monde était inquiet mais surtout Suzanne Janis. Malgré son attitude, Kylian était un ami et surtout son futur beau-frère. Elle était obligée de mentir à sa sœur, lui assurant que Kylian était en mission et ne pouvait pas donner de nouvelles pour le moment. Elle espérait que son ami soit retrouvé rapidement pour ne pas à dire la vérité à sa sœur qu’elle savait sensible. Et pourtant, la vérité était là, il avait disparu sans explication et sans laisser de trace. François Garde et Suzanne Janis avaient laissé tomber l’enquête en cours pour le rechercher. Mais malgré leur implication personnelle, ils demeuraient professionnel et n’omettaient aucune possibilité. Bien sûr, leur principale supposition était qu’il avait été enlevé par des mangemorts pour être interrogé sur les connaissances actuelles des Chasseurs sur eux. Cela était déjà arrivé. Et la plupart du temps, le chasseur était torturé avant d’être assassiné.

           Même Charles Maldieu activa ses informateurs pour retrouver Kylian Névris. Georges Nide se disait prêt à intervenir avec sa section. Il faut dire que Névris avait été son élève à la section AI et un des chefs de groupe sous ses ordres. Mais rien. Aucune trace. Comme s’il avait tout simplement disparu de la surface de la Terre.

           Le matin, Suzanne était la première arrivée au Ministère et le soir, elle partait en dernière. Quand elle partait. Il n’était pas rare de la retrouver endormie à son bureau. Et sa première question était toujours :

« Il y a des nouvelles ? »

Mais non. Aucune nouvelle.

           Une semaine passa. Puis une seconde. Et lorsqu’un mois fut écoulé depuis la disparition de Kylian Névris, Suzanne dut se résoudre à dire la vérité à sa sœur. Elle ne pouvait pas lui cacher plus longtemps. Jannick s’écroula en larme en apprenant que son fiancé avait disparu. Ayant déjà entendu quelques récits de sa sœur sur ce qui pouvait arriver à un chasseur disparu, elle s’imagina les pires tortures. Ce soir là, elle dut être transporté d’urgence à Gardevie parce qu’elle fit une crise dépressive chronique.

           Malgré les jours de congé que lui octroya Charles Maldieu pour qu’elle puisse rester avec sa sœur, Suzanne vint au Ministère pour participer aux recherches.

 

           Les mois continuèrent à passer sans qu’aucune nouvelle ni rumeur ne parviennent aux oreilles des Chasseurs à propos de Névris. La plupart des Chasseurs qui s’étaient lancés sur l’affaire étaient passés à autre chose. Seuls François Garde et Suzanne Janis continuaient à y passer tout leur temps, parfois rejoint par Georges Nide.

           Et un jour, Pierrick Corvus appela Garde et Janis dans son bureau. Le chef de la section S avait la mine grave. Suzanne devina tout de suite qu’elle n’allait pas aimer ce qu’il s’apprêtait à leur dire.

« Je veux que vous vous chargiez d’une affaire de meurtres que vient de nous transmettre la Police Magique, annonça Corvus.

-Nous ne pouvons pas monsieur, refusa immédiatement Suzanne. Nous sommes déjà sur une affaire.

-Il faut se rendre à l’évidence Janis, vous avez plus de chance de retrouver Névris mort que vivant maintenant. Même si les mangemorts ne se sont pas vantés d’avoir éliminé un chasseur, c’est le plus probable et vous le savez aussi bien que moi. Il faut que vous passiez à autre chose.

-Mais…

-Suzanne, interrompit Garde. Il a raison. Nous devons passer à autre chose. Personnellement, je ne pense pas que Kylian soit mort. Ne me demandez pas comment je le sais. Je le sens c’est tout. Mais il est clair que ce n’est pas en continuant ainsi qu’on le retrouvera plus rapidement. Et puis, on a besoin de nous sur une autre affaire. Mais je demanderais une faveur Pierrick.

-Si nous recevons la moindre information pouvant mener à Névris, vous en serez informés et vous êtes maintenus sur l’affaire, dit Corvus avant-garde, devinant ce qu’il allait lui demander.

-Très bien, acquiesça Garde. Alors pouvons-nous avoir le dossier de cette affaire de meurtres ? »

           Le dossier comptait déjà six meurtres étalés sur une période assez brève. Toutes les victimes étaient des nés-moldus, des sang-mêlés ou des sang-purs s’étant mariés à des moldus. La première chose qui frappa Garde et Janis fut l’envie de rendre ces morts les plus démonstratives possibles. Les cadavres avaient été exposés dans des lieux de forte affluence du monde magique et même du monde moldu pour deux d’entre eux. De plus, aucun n’avait été éliminé par un Avada Kedavra. L’assassin semblait avoir recherché à chaque fois le moyen d’extirper le maximum de sang et autres fluides de sa victime, tout en lui octroyant le maximum de douleur. Gilles Chaldo qui s’occupa des autopsies et de l’analyse des éléments de la scène de crime rapportés par la Police Magique estima que certaines mises à mort avaient duré plusieurs heures. Ce tueur était un vrai sadique. La Police Magique avait passé l’affaire au Département des Chasseurs parce que la Marque des Ténèbres fut retrouvé flottant au-dessus des lieux du dernier meurtre. La question demeurant pourquoi elle n’apparaissait pas sur les cinq premières scènes de crimes alors que la certitude que ce soit le même tueur était avérée ?

           Pour tenter de répondre à cette question, Gilles Chaldo émit une hypothèse :

« Je pense qu’il s’agit d’une sorte d’examen d’entrée.

-Je ne comprends pas ce que tu entends par là, avoua Garde.

-Je pense que le tueur a été testé avant de devenir un mangemort, expliqua Chaldo. Imaginons qu’une personne veuille devenir un mangemort. Malgéus décide de tester sa motivation en lui demandant d’assassiner plusieurs nés-moldus, sang-mêlés et traitres à leur sang comme ils disent. Il aura fallut cinq meurtres pour que Malgéus soit convaincu. Le sixième, c’était juste pour « fêter » son entré dans le club en l’annonçant au monde par l’apposition de la Marque des Ténèbres. Car il aime tuer. On l’a vu à son Modus Operandi, il ne se contente pas de tuer par le maléfice de Mort, il fait horriblement souffrir sa victime avant de daigner la mettre à mort.

-Que ce soit un sadique d’accord, dit Suzanne. Mais pourquoi Malgéus testerait quelqu’un de cette façon avant de lui tatouer la Marque des Ténèbres sur le bras ? Il ne l’a jamais fait avant.

-Je ne sais pas, fit Gilles. Nous ne pouvons que supposer que Malgéus ne s’attendait pas à ce qu’il le rejoigne. Les témoignages ne nous apprendrons rien sur les cinq premiers meurtres. Même si les corps ont été découverts rapidement après la mort, personne n’a rien vu. Par contre, le dernier nous offre plus de chance. La victime était encore vivante quand elle a été découverte par un passant et quand les policiers sont arrivés.

-Le tueur n’a pas eu le temps de finir son œuvre, lança François.

-Je ne pense pas, contredit Gilles. Je pense plutôt qu’il voulait que sa victime meure dans les bras de ceux qui essayaient de la sauver. Je pousserais même la réflexion jusqu’à dire qu’il était sûrement présent à ce moment là.

-Je vois ce que tu veux dire, acquiesça Garde. Alors il nous faut commencer par celui qui a découvert la victime.

-J’ai son nom et son adresse. »

           Le témoin vivait en banlieue de Paris, dans une cité dortoir construite par le gouvernement moldu pour les travailleurs immigrés. Des ghettos d’après-guerre. La porte de son appartement était comme toutes les autres : dénuée de personnalité. François frappa à la porte. L’homme qui leur ouvrit était assez petit et son crâne était dégarni à son sommet. Ses yeux étaient ouverts comme des soucoupes et il était encore blême. Son regard passa sur chacun des trois individus attendant sur le pas de sa porte.

« Que puis-je pour vous ? demanda-t-il d’une voix éteinte.

-Monsieur Jura, je suis l’agent Garde et voici les agents Chaldo et Janis, nous sommes des Chasseurs, présenta Garde en montrant sa carte sur laquelle tournoyait un dragon noir autour d’une baguette et d’une épée croisée. Nous voudrions vous poser quelques questions sur hier.

-Bien sûr. Entrez. »

           L’appartement était bien rangé. L’habitant les guida jusqu’à la salle de séjour et les invita à s’asseoir sur le canapé. Les gestes de Jura étaient approximatifs, il semblait encore fébrile de sa macabre découverte de la veille.

« Je ne vois pas très bien ce que je pourrais vous dire pour vous aider, dit-il sans hausser sa voix très faible. J’ai déjà tout dit aux policiers.

-Pouvez-vous nous raconter comment ça s’est passé ? demanda Garde. »

Jura soupira de lassitude, il voulait oublier cette histoire mais ne le pourrait pas pour le moment. Il se résigna et raconta :

« Je sortais de la librairie Biblimagique et j’ai tournée dans cette allée parce que je sais qu’en passant par là je pouvais atteindre plus rapidement la cheminée publique. Et je suis tombé sur elle. C’était si horrible. Je n’en ai d’abord pas cru mes yeux. Il y avait tellement de sang. Et des choses gluantes sortaient de son ventre. Je n’ai compris qu’après qu’il s’agissait de ses viscères. Je suis resté figé sur place. Ce n’est pas moi qui ais appelé la police. Je n’ais repris mes esprits que quand un policier s’est planté devant moi en me demandant de reculer. J’ai vu les policiers tenter de la sauver. Ils l’ont décrochée et ont fait tout ce qu’ils pouvaient. Mais elle est morte quelques instants plus tard. Moi je suis resté dans un coin à attendre. Un médicomage est arrivé mais il n’a pu que constater la mort. Les policiers ont commencé à recenser les témoins et à nous poser quelques questions. Je leur ais dit la même chose qu’à vous.

-Avez-vous remarqué quelqu’un s’enfuyant du lieu du crime avant d’y arriver ?

-Non, personne.

-Un détail suspect ?

-Non plus. C’était une journée normale.

-Bien. Nous n’allons pas vous déranger plus longtemps, conclut Garde. Au revoir monsieur Jura. »

           Les trois chasseurs firent le tour des autres témoins. Mais ils n’obtinrent pas plus d’éléments.

« Soit l’un d’eux est un sacré bon acteur, soit aucun d’eux n’a rien remarqué, dit Garde. Et je ne pense pas non plus que l’un d’eux soit l’assassin.

-Ce n’est pas étonnant que personne n’ait remarqué quelque chose, fit Chaldo. Ils ne sont pas habitués à ce genre de chose, ils étaient tous obnubilés par la scène de cette jeune femme agonisante.

-Donc les seuls qui pourraient nous dire quelque chose se sont les flics, lança Suzanne.

-Allons leur rendre une petite visite, acquiesça Garde. »

           Le Bureau Central de la Police Magique se trouvait également dans l’aile est du Ministère de la Magie et occupait tout le rez-de-chaussée. Une certaine rivalité existait entre les Policiers et les Chasseurs depuis la création de ces derniers. Car avant, la lutte contre les mages noirs faisait parti des prérogatives de la Police Magique. Mais devant le besoin d’une unité spécialisée dans ce genre d’affaire, les Chasseurs furent créés et la Police Magique se retrouva dessaisie de certaines affaires. Chose que les policiers ont eu beaucoup de mal à digérer.

           Les trois chasseurs n’eurent aucun mal à passer le bureau d’accueil en présentant leurs cartes de chasseurs. Ils furent tout de suite dirigés vers le responsable de l’équipe de première intervention qui était allée sur les lieux dés réception de l’appel. C’était un brigadier-chef totalisant plus de trente ans de service. Il en avait vu des choses durant sa carrière, mais jamais aussi… sanglante.

« Je peux vous le dire en toute franchise : le type qui a fait ça est un vrai malade, dit-il tout de suite. Il faut l’être pour charcuter quelqu’un ainsi. Ou alors, faut être sacrément remonté contre elle.

-Nous pensons que le tueur ne connaissait pas la victime avant de s’attaquer à elle, informa Chaldo. Son choix a été simplement arbitraire.

-Vous voulez dire qu’il la prise au hasard ?

-Oui.

-Quelle époque de folie !

-Vous étiez le premier sur les lieux avec votre équipe, rappela Garde. Avez-vous remarqué quelque chose ?

-Nous avons tout écrit dans le rapport, avança le brigadier-chef.

-Vous avez assez d’expérience pour savoir que certaines choses ne peuvent être transcrites dans un rapport. Quelle impression la scène de crime vous a-t-elle faite ?

-C’était oppressant. Je ne vois pas d’autre mot. Ce malade avait tout mis en scène pour nous donner la gerbe en un minimum de temps. Elle était accrochée au réverbère central de la petite place. Il y avait du sang et des entrailles jusqu’aux murs des maisons. Je me demande encore comment elle pouvait être encore en vie.

-Rien d’inhabituel ?

-A part du sang et des tripes partout ! Nous sommes habitués à trouver des victimes de meurtres, mais dans la grande majorité des cas, ce sont des morts par Avada Kedavra ou par empoisonnement. Ce meurtre en lui-même était inhabituel.

-Et parmi les passants et les badauds ? Personne ne vous a paru suspect ?

-Vous voulez dire qu’il était là pendant que nous tentions de la sauver ?

-C’est possible.

-Je ne me suis pas occupé des témoins, j’essayais de maintenir un semblant de logique dans tout ce merdier. Ce sont deux de mes hommes qui s’en sont chargés. Le brigadier Fréourd et le policier Digaud, un nouveau.

-Nous aimerions leur parler, dit Garde. »

Ce n’était pas une requête mais un ordre, le brigadier-chef le savait. Comme il savait qu’il ne pouvait le refuser. De toute façon, lui et ses hommes n’avaient rien à cacher.

           Le brigadier Fréourd ne leur appris rien que les chasseurs ne savaient déjà. Leur ultime chance était don le policier Digaud. C’était un tout jeune policier sortant fraîchement de sa période de formation. Il ne devait pas avoir encore vingt ans. Les cernes noirs marquant ses yeux laissaient imaginer qu’il n’avait pas beaucoup dormi voir pas du tout.

« Vous avez interrogé les témoins, dit Garde, entrant immédiatement dans le vif du sujet. Avez-vous remarqué quelqu’un de suspect ?

-Non, répondit directement le policier. Tout le monde a coopéré. Ils étaient tous très choqués. Moi aussi d’ailleurs. J’ai eu du mal à me concentrer sur mon travail.

-Vous êtes absolument sûr de vous : personne de suspect, insista Garde. Réfléchissez bien. »

Le jeune policier baissa les yeux pour se rappeler le moindre détail. Et un éclair lui traversa l’esprit. Comment pouvait-il avoir oublié ça ?

« Il y avait un homme, annonça-t-il. Je ne l’ai pas très bien vu. Je l’ai à peine remarqué alors que je commençais à recueillir les témoignages. Je n’ai pas vraiment fais attention à lui et je viens à peine de me souvenir qu’il est parti avant que je n’arrive à lui.

-Et en quoi était-il suspect ? questionna Suzanne.

-Je suis quasi-sûr de l’avoir vu sourire. C’était rapide et je ne l’ai vu que du coin de l’œil mais il avait l’air d’apprécier la scène.

-Pouvez-vous nous le décrire ? interrogea Chaldo.

-Je ne l’ai pas bien vu, répéta le policier.

-Ce n’est pas grave, assura le chasseur de la section IRIA. Vous allez vous concentrer sur cet homme, retirez le souvenir de votre esprit et le déposez dans cette boule de cristal. »

Le jeune homme s’exécuta. Le mince filament argenté pendant au bout de sa baguette fut déposé sur la boule de cristal de Gilles Chaldo. Aussitôt, le chasseur rangea l’artefact dans sa poche.

           Les trois chasseurs prirent congés des policiers. Mais au moment de partir, le brigadier-chef les interpela.

« Attendez, lança-t-il. Nous voulons voir ce souvenir.

-Désolé mais ce n’est pas possible, interdit Garde.

-Et pourquoi ?

-Parce que c’est une enquête du Département des Chasseurs, pas de la Police Magique. Voila pourquoi. »

Le brigadier-chef parut sur le point d’ajouter quelque chose mais Garde ne lui en laissa pas le temps, préférant quitter les lieux pour poursuivre l’enquête.

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