Le Corbeau. Livre 0 : Projet GLADIUS

Chapitre 15 : XV Fantôme Vs Corbeau

4522 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 13/04/2012 11:09

           CHAPITRE XV : FANTÔME Vs CORBEAU

 

           Gilles Chaldo plaça la boule de cristal sur un trépied supportant un logement prévu à cet effet. D’un coup de baguette, il alluma une lumière venant par-dessous. La lumière se redirigea à l’horizontale dans la boule et projeta une image sur un écran blanc. L’image était floue et bougeait de manière hasardeuse. Tout ce qu’on devinait de l’individu suspect, c’était un éclat violet au niveau de ses yeux.

« C’est très floue, dit Garde. Inexploitable.

-C’est normal, expliqua Chaldo. Ce jeune homme était sous le coup de l’émotion et il a fait un gros effort de concentration pour faire son travail comme il faut en interrogeant les témoins. Il s’est concentré uniquement sur la personne directement devant lui en faisant fi de tout ce qui se passait autour. En faite, il a agit avec professionnalisme.

-Et on fait quoi maintenant ? questionna Suzanne.

-Je pense pouvoir améliorer l’image, assura Chaldo. Ça risque de me prendre un peu de temps.

-C’est tout ce qu’on a de toute façon, dit Garde. A moins qu’il ne commette un autre meurtre et qu’il y fasse une erreur. Mais je n’ai pas trop d’espoir. »

           Gilles Chaldo se mit immédiatement au travail. C’était un vrai travail de fourmi. Au bout de plusieurs heures d’effort, il avait arrêté l’image à l’instant lui semblant la plus facile à éclaircir et commençait à peine à l’éclaircir. Gilles dut s’arrêter plusieurs fois pour ne pas craquer et lancer violemment la boule de cristal contre un mur. Il avait beau être un bon analyste, cette partie du travail ne lui plaisait pas. Il avait toujours l’impression de faire trois pas en arrière pour deux en avant. Il était tard quand il décida de s’octroyer quelques heures de repos. Et il revint au laboratoire avant les premières lueurs de l’aube.

           Il travaillait depuis trois heures quand il sursauta en sentant une main lui tapoter l’épaule. Il reconnut le sourire matinal de Françoise Cidal.

« C’est déjà l’heure de la pause déjeuner ? demanda-t-il.

-Oui, celle de la pause petit déjeuner, répondit-elle.

-Quoi ?

-Il est à peine sept heure. Tu es là depuis quelle heure ?

-Quatre heure.

-Et tu t’es couché à quelle heure ?

-Minuit, je crois.

-Je vois. Ça demande de la patience et du calme d’éclaircir une image, et avec si peu de sommeil, tout ce que tu vas arriver à faire, c’est t’énerver et perdre du temps.

-Je sais, mais il faut que j’y arrive sinon, cet assassin va nous échapper.

-Laisse-moi faire.

-Tu es sûre ?

-Tu n’as pas confiance en mes capacités ? questionna Françoise.

-Si bien sûr, mais… balbutia Gilles.

-Faisons un petit pari si tu veux bien. Si j’y arrive, tu m’invites à dîner, sinon, c’est moi qui t’invite. D’accord ?

-Et bien, fit Gilles prit au dépourvu. D’accord.

-Tiens, finis mon café, ordonna-t-elle en lui donnant sa tasse. Et laisse-moi ta place. »

           Françoise Cidal se mit immédiatement au travail. Elle sautait de détail en détail, rajoutant de la lumière ici, de l’ombre là, intensifiant les couleurs. Gilles devait se rendre à l’évidence qu’elle était plus efficace que lui dans cet exercice.

           Françoise ne décrocha pas de la boule de cristal durant plusieurs heures. Elle ne s’arrêta que pour déjeuner avec Gilles qui l’invita pour la remercier de la peine qu’elle se donnait. Elle se réattela à la tâche. Et à la fin de la journée, le résultat fut enfin exploitable. En posant les yeux sur l’image du suspect, Gilles écarquilla les yeux. Lui !

« Je l’ai déjà vu quelque part, fit Françoise.

-Merci pour ton aide, dit Gilles. Je te dois un dîner. Excuse-moi, je dois aller chercher Garde et Janis. »

           Les deux agents de la section S suivirent Gilles jusqu’à son labo.

« Françoise a réussi à éclaircir l’image jusqu’à un point où on peut identifier le suspect, présenta Chaldo. Mais…

-Il y a un problème ? questionna Garde.

-Voyez vous-même. »

Gilles fit apparaître l’image. Suzanne resta silencieuse mais ses yeux ne cillaient plus. Ce n’était pas possible !

« Kylian, souffla-t-elle. Non, impossible. Ça ne peut pas être lui ! Il est des notre ! Un chasseur ! Il n’a pas les yeux de cette couleur d’abord !

-Suzanne, calma François. Gilles, d’après toi, cette image est fiable ?

-Oui, répondit l’analyste. A plus de 90% je dirai. J’étais là durant tout le temps où Françoise travaillait et je lui fais confiance. De plus, je ne pense pas que ce policier ait été influencé, il n’avait aucune raison de connaître Névris. Si ce n’est pas lui, c’est qu’un mangemort utilise du Polynectar ou la Métamorphomagie. Mais alors, comment expliquer ses yeux ? »

           François Garde resta silencieux quelques secondes. Il se contentait de regarder le visage souriant d’un plaisir malsain de Kylian Névris. Etait-il devenu véritablement fou ?

« Je dois parler à Charles et Corvus, conclut-il en se dirigeant vers la porte.

-Attendez ! arrêta Suzanne. Vous ne croyez tout de même pas qu’il a vraiment fait ça ? Ce n’est pas possible !

-Suzanne, il reste quelques chances qu’il ne soit pas coupable. Si c’est le cas, nous trouverons les preuves pour l’innocenter. Mais pour le moment, il est le principal suspect. Et étant un chasseur, nous devons en référer à son chef de section et au directeur.

-Mais…

-Ce n’est pas la première fois qu’un chasseur passe à l’ennemi. Et à chaque fois, nous avons appliqué les mêmes règles pour nos anciens compagnons que pour les autres mages noirs. Si Kylian est devenu un mangemort, nous ferons de même. Nous sommes en guerre. C’est la seule vérité. »

Suzanne n’ajouta rien et laissa Garde sortir du labo. Elle continuait à regarder le visage de son ami projeter sur l’écran.

 

           La nouvelle de l’identité du principal suspect de cette série de meurtre surprit Maldieu. Mais il n’oubliait pas les actes de Névris lors de ses dernières actions sur le terrain. Cette nouvelle mettait le Département des Chasseurs dans une posture très inconfortable.

« Je vais devoir en référer au Ministre, dit Maldieu. Quand ça va se savoir, il risque de perdre encore des points dans les sondages. Mais le plus important est d’arrêter Névris.

-Le problème étant que nous ignorons où il est, rappela Garde.

-Nous allons le mettre sur la liste des mangemorts recherchés, indiqua Corvus. Je ne vois pas vraiment ce qu’on peut faire de plus. »

           François Garde retrouva Suzanne assise derrière son bureau. Son regard rougi se perdait dans le vide. Il s’approcha et allait tenter de la réconforter quand un homme du même âge que François entra en l’interpelant :

« François, la Police Magique vient de t’envoyer un message important. Il y a eu encore une attaque, ils pensent que c’est le même type que tu poursuis.

-Où ? questionna Garde.

-Place Viviane.

-Merci Andreo. Préviens Corvus s’il te plait, qu’il fasse envoyer des AI sur place. Suzanne, on y va. On a une chance de l’attraper.

-Mais… balbutia-t-elle.

-Tu as entendu ce qu’à dit Gilles ? Il se peut que ce ne soit pas Kylian. Mais qui que ce soit, c’est notre boulot de l’arrêter. »

Suzanne se leva, vérifia machinalement la présence de ses deux baguettes et suivit son mentor.

           La Place Viviane était un des lieux secrets les plus importants et surtout, un des plus fréquenté. La banque française des Sorciers, Glingot, s’y trouvait ainsi que plusieurs commerces. Donc commettre un meurtre à cet endroit sans se faire remarqué était normalement impossible. Et pourtant, au milieu de la place entourée d’un cordon de policier qui tentait de ramener le calme parmi les passants choqués, un cadavre sanguinolent gisait.

           François, Gilles et Suzanne n’eurent qu’à montrer leurs cartes de chasseur pour pouvoir s’approcher. Suzanne eut un hoquet d’horreur, la victime était un jeune garçon d’à peine dix ans. Son visage était tout ce qui restait de lui en bonne état. Le reste de son corps avait littéralement explosé. Ses membres avaient été projetés aux quatre coins du périmètre. La quantité de sang ayant éclaboussé les pavés et les passants s’étant trouvés à proximité était simplement magistrale. Non loin de là, assise par terre et enroulée dans une couverture, une femme qui devait être la mère du garçon fixait le vide, les yeux ouverts comme des soucoupes.

           Alors que Gilles commençait à inspecter le corps, un policier vint exposer les éléments recueillis pour le moment. Le garçon et sa mère se déplaçait normalement sur la place quand sans prévenir, le corps du garçon explosa. Aussitôt arrivés, les policiers ont bouclé le périmètre et envoyé un message au Département des Chasseurs. François et Suzanne regardèrent dans toutes les directions, espérant voir le coupable parmi les badauds. Mais s’il avait changé d’apparence, ils allaient avoir du mal.

« Alors ? questionna François quand Gilles s’approcha.

-Je pense qu’il a subit un sortilège Cofringo, indiqua Gilles.

-Personne n’a formulé d’après les témoins. Soit le tueur l’a lancé de manière informulée, soit il l’a murmuré.

-Alors on a affaire à un sacré type, faire un Cofringo informulé ou murmuré d’une telle puissance n’est pas donné à tout le monde.

-Personnellement, j’en connais qu’un capable de ça : Pierrick Corvus. Mais chez les mangemorts, je penserais à Malgéus.

-Il serait venu lui-même ici ! Ça ne peut être que déguisé car tout le monde connait son visage.

-Et moi vous m’oubliez, lança une voix cynique. »

           Les trois chasseurs se tournèrent vers Kylian Névris. Ce dernier leur souriait d’un air malsain. Ses yeux brillaient du même éclat violet vu sur l’image. François tendit immédiatement sa baguette vers lui.

« Voyons Garde, vous n’allez pas faire de mal à votre élève, dit Névris faussement.

-Prouve-moi que ce n’est pas toi qui a fait ça, ordonna Garde.

-Ce n’est pas Kylian ! contredit Suzanne. Il n’a pas cette couleur d’yeux.

-Suzanne, ce que tu peux être naïve, siffla Névris. Je suis sûr que vous avez compris Garde. Ce n’est pas la première fois que vous voyez ce phénomène.

-Une overdose de potion de Puissance a plusieurs effets : l’intensification du flux magique et de la force physique devient permanente, elle ronge l’esprit transformant celui qui en prend trop en psychopathe. Mais elle a aussi des effets sur l’apparence : la peau devient blafarde, la pilosité disparait et les yeux deviennent violets.

-Tout à fait. Je n’ai pas encore perdu mes cheveux, mais ce n’est qu’une question de jours. J’espère que la calvitie m’ira bien !

-Tu es devenu un mangemort. Ces meurtres, Malgéus te les a demandés pour prouver ta loyauté.

-Mon maître est prudent, il ne m’a accordé sa confiance qu’au bout du cinquième. J’ai fêté ça en tuant une fois de plus.

-Alors pourquoi ce gamin ?

-Pour vous voir tout simplement, annonça Névris. Pour être sûr que vous soyez au courant.

-Nous allons être obligés de t’arrêter.

-Vous pouvez toujours essayer, sourit Névris.

-Stupéfix, s’écria Garde. »

           D’un geste coulé, Névris sortit sa baguette et stoppa l’éclair rouge. Il continua son mouvement jusqu’à tendre sa baguette vers son ancien mentor et le propulsa en arrière avec violence. Garde percuta durement un réverbère et resta au sol. Gilles voulut s’attaquer à Névris mais il se retrouva désarmé sans pouvoir incanter et fut assommé par un coup de pied à la mâchoire. Les policiers encerclèrent Névris mais en quelques mouvements, ce dernier les envoya au sol, certains touchés par des éclairs verts mortels. La panique gagna les passants qui couraient en tout sens pour s’enfuir. Névris riait de ce spectacle en lançant ça et là quelques maléfices.

           Suzanne était comme figée. Son corps refusait de réagir. Névris s’approcha d’elle si près qu’elle pouvait sentir son souffle chaud contre son visage. Il sourit, du même sourire malsain avec lequel il était apparu quelques minutes auparavant.

« Alors, murmura-t-il. Tu ne m’arrêtes pas ?

-Pourquoi Kylian ? fut-elle seulement capable de dire.

-Pourquoi pas ?

-Tu es un chasseur.

-Plus maintenant.

-Tu vas me tuer ?

-Non. Car je veux que tu transmettes mon pire souvenir à ta charmante sœur. »

Suzanne n’eut pas le temps de réagir et se plia de douleur sous le coup de poing à l’estomac de Névris. Le souffle coupé, elle tomba à genoux sur les pavés froids.

           Névris entendit des pas précipité derrière lui. Plusieurs individus. Il reconnut cette façon de se déplacer sans même se retourner.

« Vous arrivez un peu tard je crois, Georges Nide, lança-t-il. »

Il se retourna, lançant son sourire malsain au groupe de la section AI qui s’approchait en arc-de-cercle avec au centre leur chef : Georges Nide.

« Kylian, fit le vieux chasseur abasourdi. Tu es un traître.

-Si vous voulez, fit-il. Mais je me demande si j’ai vraiment cru un jour en les valeurs que les Chasseurs se disent défendre.

-Tu as pourtant toujours combattu de toutes tes forces. Tu étais l’un des meilleurs.

-Au moins vous ne commettez pas la même erreur que Suzanne, elle n’y croit toujours pas.

-Que lui as-tu fait ?

-Rien d’important, et je ne lui ferai rien pour le moment. On verra plus tard, dans quelques années.

-Sûrement pas. Kylian Névris, tu es en état d’arrestation pour meurtre, acte de terrorisme et magie noire.

-Attrapez-moi donc. »

           L’éclair de Stupéfixion déchira l’air avant de s’arrêter contre la baguette de Névris. En un claquement de fouet, le mangemort se retrouva derrière le groupe. Les chasseurs n’eurent pas le temps de se retourner avant que deux d’entre eux n’explosent dans un Cofringo surpuissant. Nide fut projeté par le souffle de l’explosion. Un éclair vert tua un autre. Un chasseur ayant perdu sa baguette dans la confusion tenta d’attaquer le mage noir au corps-à-corps. Névris para son coup de poing avec une facilité déconcertante et lui brisa la nuque d’un geste sec. Au final, il ne fallut que quelques secondes à Névris pour se débarrasser du groupe.

           Il ne restait plus que Georges Nide. Ce dernier se relevait à peine. Névris s’approchait de lui, son sourire malsain toujours accroché à ses lèvres. Il connaissait par cœur les procédures des Chasseurs et savait donc qu’un deuxième groupe allait intervenir dans une poignée de secondes. Nide voulut lever son bras pour lancer un maléfice mais sa baguette vola hors de sa main sous l’impulsion d’un sortilège de désarmement. Un autre maléfice plaqua au sol le chef de la section AI.

« Je suis sûr que votre mort plaira à mon maître, dit Névris. Il est temps que votre carrière prenne fin, Georges Nide. »

Névris allait abaisser sa baguette sur Nide quand il dut plonger sur le côté pour éviter un éclair de stupéfixion, relâchant son étreinte. Il se tourna vers son agresseur et découvrit Suzanne de nouveau debout.

« Suzanne, voyons, fit faussement le mangemort. Ce n’est pas des manières d’attaquer par derrière !

-Rends-toi Kylian, lança-t-elle.

-Je vois que tu ne comprends pas encore tout.

-Stupéfix ! s’écria Nide en brandissant la baguette qu’il venait de sortir de sous sa tenue de combat. »

Névris esquiva facilement l’éclair, il propulsa Suzanne contre un mur avant de se tourner de nouveau vers Nide. Un éclair jaillit du bout de sa baguette et vint frapper l’épaule gauche de Nide. Du sang et des chairs éclaboussèrent les alentours, le bras gauche de Georges Nide, tenant encore sa baguette, avait été arraché net. Nide hurla de douleur en s’effondrant sur le pavé ruisselant de son propre sang.

           Le hurlement de douleur glaça le sang de Suzanne. Comment pouvait-il se montrer aussi sadique ? Elle ne pouvait plus bouger, sa colonne vertébrale avait sûrement été touchée durant son dernier vol plané. Elle vit avec horreur Névris s’approcher de nouveau de Nide. Allait-il tous les tuer ? Un claquement de fouet résonna près d’elle. Elle fut soulagée de voir la silhouette sombre de Pierrick Corvus. Ce dernier observait la scène d’un œil froid. Derrière lui, le deuxième groupe de la section AI s’avançait en éventail. D’un geste de la main, Corvus les obligea à s’arrêter.

« Occupez-vous des blessés, dit-il. Evacuez-les. Je m’occupe de Névris. Dés que je l’aurais éloigné de Nide, allez-le chercher.

-Bien monsieur, acquiesça le chef de groupe. »

           Pierrick Corvus s’approcha silencieusement dans le dos de Névris. Ce dernier ne semblait pas avoir senti sa présence. Le mangemort levait de nouveau sa baguette pour éliminer Nide. Corvus tendit sa baguette vers le bras armé de Névris, des cordes de feu jaillirent de l’extrémité de la baguette et vinrent enserrer le poignet du mage noir. Surpris, ce dernier ne put réagir et fut projeter en arrière sous la traction du chef de la section S. il put quand même se réceptionner sur ses pieds. Corvus vint immédiatement se placer entre lui et Nide, permettant à un homme de la section AI de venir auprès de son chef et de transplaner.

           Kylian Névris souriait encore malgré la fuite de sa proie. Il en avait une autre bien plus intéressante devant lui. Celui que l’on surnommait le Corbeau, la terreur des mages noirs, le plus jeune chef de la section spéciale des Chasseurs depuis sa création. Un adversaire de choix.

« Pierrick Corvus en personne ! Je suis flatté ! fit Névris.

-Tu devrais te rendre sans faire d’histoire Névris, dit Corvus calmement.

-Et sinon ?

-Si je n’ai pas d’autre choix que de t’éliminer, je le ferais sans hésiter. De toute façon, tu seras condamné au baiser du Détraqueur.

-Je le sais. Entre mourir totalement et devenir un cadavre vivant, que choisiriez-vous ?

-Je vois. Tu as donc décidé. Soit, tu vas donc mourir.

-Je me sens bien vivant pour le moment, lança le mage noir. Ne m’enterrez pas trop vite. Si vous voulez me tuer, venez. »

           En temps normal, Pierrick Corvus aurait attaqué tout de suite Névris. Après tout, il connaissait son niveau pour l’avoir vu s’entraîner et agir en opération. Mais ses yeux violets ne laissaient aucun doute sur le fait que beaucoup de choses avaient changé malgré sa trahison récente. Rien qu’à sa façon de bouger, Corvus comprit qu’il n’avait plus affaire au même homme. Deux éclairs verts jaillirent au même moment, s’annulant en un formidable embrasement. Le choc qui s’en suivit fut terrible et ce fut la puissance physique de Névris qui l’emporta, repoussant Corvus en arrière d’un coup de pied circulaire au corps. Malgré ce choc, Corvus parvint à se réceptionner sur ses pieds et garda toute son attention sur son ennemi. Ce dernier souriait en constatant qu’il avait l’avantage. Mais quelque chose le dérangeait : pourquoi Corvus ne démontrait aucune peur ? Il savait qu’il ne devait pas sous-estimer ce Corbeau. Mais la potion de Puissance lui donnait des capacités lui permettant de surpasser n’importe qui. Ce Corbeau ne tarderait pas à revêtir le masque de la frayeur.

           « Même toi tu ne peux rien contre moi, jubila Névris.

-J’attend, dit calmement Corvus, un masque froid sur le visage. »

Le sourire de Névris se transforma en rictus de haine. Ila allait lui faire ravaler ce visage impassible. D’un geste de sa baguette de bas en haut, Névris arracha les pavés du sol. Il les maintint en l’air autour de lui. Lorsqu’il tendit son artefact vers le chef de la section S, les pavés fusèrent. Pierrick attendit que les premiers pavés arrivent près de lui. Il en esquiva plusieurs d’un saut enchaîné avec une roulade au sol. Les pavés le frôlaient de si près qu’il en sentait les aspérités. Aucune pierre ne toucha Corvus malgré le fait que celles qu’il avait esquivées revenaient dans son dos. A croire qu’il avait des yeux partout. Névris augmenta alors la vitesse. Corvus ne démontra toujours aucune peur et parvint à suivre le rythme un moment. Mais il dut se rendre à l’évidence qu’il ne pourrait pas le faire éternellement. Il produisit des éclairs qui percutèrent les pavés, les faisant exploser en gravas. Rapidement, il ne restait plus des pavés qu’un nuage de poussière grise.

           Pierrick toisait Névris d’un regard glacial. Ses bras demeuraient le long du corps. Névris comprit alors ce qui le différenciait du chef de la section S. Lui devait encore se mettre en garde pour combattre et tendre son esprit vers son ou ses adversaires. Alors que ce Corbeau gardait les bras ballants et son esprit était comme détaché. Un état de non-garde. Un état d’esprit que seuls les experts et les combattants chevronnés atteignent au bout de plusieurs années de pratique ou de guerre. Névris se savait encore loin de ce niveau et il se rendait compte que malgré une puissance physique et magique surpassant celle du Corbeau, il ne pourrait le vaincre.

           « A moi maintenant, dit Corvus. »

Ces simples mots firent naître de la peur chez Névris. Il se força à garder les yeux rivés sur Corvus mais celui-ci transplana en un claquement de fouet. Corvus ne sentit sa présence sur sa droite qu’au dernier moment et il ne put éviter le coup de pied sauté latéral qui lui percuta la pommette. Névris recula sous la frappe il tendit le bras vers le Corbeau mais ce dernier avait déjà de nouveau transplané. Il ne le vit pas apparaître devant lui et pourtant, un coup de talon vint lui fracasser le nez. Le Corbeau s’était matérialisé juste au dessus de lui pour l’attaquer.

           Le nez en sang, Névris observait le Corbeau avec fureur. Et celui-ci conservait son attitude hivernale.

« Abandonne, fit simplement le chef de la section S. »

Névris n’avait pas le choix. Pierrick Corvus était bien meilleur que lui au combat. Son seul échappatoire était la fuite.

« On se reverra, dit-il en un rictus avant de transplaner. »

 

           Kylian Névris fut ajouté à la liste des mangemorts connus avec la mention « extrêmement dangereux ». Mais les conséquences ne se limitèrent pas à quelques articles dans les journaux rapportant qu’un chasseur de la section spéciale était passé à l’ennemi. Le tollé atteignit le Conseil Ministériel, entachant la politique de l’actuel Ministre. Un membre du Conseil Ministériel demanda même sa démission immédiate et l’organisation de nouvelles élections. La demande fit débat mais obtenu gain de cause.

           Et le favori dans la course au siège ministériel se nommait Erwan Riliam.

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