Ariana Potter, Premier Cycle : Dans l'Ombre des Secrets

CHAPITRE IX : LE TRIUMVIRAT

Ariana se souvenait des entrainements avec Alex et de ses conseils : toujours rester calme en toute circonstance. Son regard passait d’un homme à l’autre. Elle put analyser la situation précisément. Ils étaient encerclés par huit hommes tous habillés de tenues sombres semblables à des capes, les yeux cachés derrière des lunettes équipées de bonnettes. Certains tenaient des baguettes visiblement assez vieilles. D’autres étaient armés de vieilles armes à feu moldues. Ariana en identifia datant de plus d’un siècle. Et il y en avait, équipés seulement d’armes blanches voir désarmés. Deux tenaient en respect Justin qui ne bougeait plus, plaqué au sol. Ariana croisa son regard plein de haine à son égard. A tous les coups, il pensait qu’elle était fautive.

Alex se décida à essayer de communiquer avec ces hommes.

« Qui êtes-vous ? questionna Alex.

-Je crois que vous n’êtes pas en position de poser des questions, lança un des hommes les encerclant. Nous, par contre, nous le pouvons. Et je vous retourne votre question.

-Je m’appelle Alexandre Chaldo. Voici Christianus Féndès et Ariana Potter. Et l’espèce de chose qui est au sol, c’est Justin Potter.

-Lâchez-moi ! hurla Justin. Vous allez le regretter ! J’appartiens au Ministère de la Magie !

-Silencio, lança Ariana. »

Le sortilège fit taire Justin qui continuait à ouvrir la bouche avec hargne. Les encapés furent abasourdis par ce geste mais se reprirent assez vite en avançant d’un demi-pas pour intimer à Ariana de ne plus rien faire.

« J’aurais dû faire ça dés le début, fit-elle.

-Surtout qu’il disait que des conneries, acquiesça Alex. Ce Justin travaille pour le Ministère comme il vous l’a dit. Mais il n’a rien à voir avec nous. Il nous a suivis sans notre accord.

-Le Ministère de la Magie, dit celui qui devait être le chef. Nous allons devoir vous tuer. Personne ne doit savoir où nous nous trouvons.

-Pourquoi ça ? Qui êtes-vous ? La bombe de Diagon Alley était votre œuvre ?

-J’ignore de quoi vous parlez. Je ne sais qu’une chose, vous n’avez rien à faire ici. Mais comme vous êtes venu jusque là, vous ne pouvez repartir. Tuez-les. »

Tout se passa très vite. Le chef pointa son pistolet sur Alex. Ce dernier bondit les deux pieds en avant, écartant l’arme de son pied droit et venant percuter la mâchoire de son pied gauche. Il enchaîna en stupefixant un des hommes tenant en respect Justin et frappa un autre d’un coup de pied retourné circulaire au crâne. Christianus tira le premier, détruisant la baguette du plus proche agresseur avant que celui-ci ne l’abaisse. Il entra immédiatement au contact, le pliant d’un coup de coude au creux de l’estomac. Il bondit au dessus de lui, s’en servant comme appui pour venir frapper un autre d’un coup de pied en pleine face. Ariana stupefixa le second des hommes s’en prenant à son frère. Elle para un coup de poing d’un autre et contre-attaqua d’un coup de pied à l’estomac. Sans reposer sa jambe, elle la tendit immédiatement sur sa droite, percutant la mâchoire du dernier. En faisant revenir son pied, elle faucha le second qui s’assomma au sol. Elle pétrifia le dernier d’un coup de baguette.

Justin se releva. Il n’en revenait pas que sa sœur soit devenue si forte. Malgré tout, il s’avança vers elle d’un pas décidé, agitant ses bras de manière grotesque. Il était toujours sous le coup du sortilège de silence de sa sœur. Ariana comprit qu’il exigeait qu’elle lève son maléfice et qu’elle lui rende sa baguette. Pour toute réponse, elle lui imposa un bloque-jambes qui le fit tomber lourdement sur son séant.

« Attend là bien gentiment, ordonna-t-elle. »

Alex eut un léger sourire en coin à cette scène mais il se détourna pour se porter près du chef du groupe. Il le réveilla d’un Enervatum et le maintint sous la menace de sa baguette.

« Maintenant, vous allez peut-être répondre à nos questions, dit Alex. Qui êtes-vous ? Et avez-vous le moindre lien avec la bombe qui a explosé à Diagon Alley ?

-Diagon Alley, une des rues secrètes de la Surface, n’est-ce pas ? J’en ai entendu parler par les anciens. Mais aucun de nous n’y est allé depuis des décennies. Nous ne sortons jamais d’ici.

-L’Underground, n’est-ce pas ?

-Vous connaissez.

-C’est quoi l’Underground ? demanda Ariana.

-Une légende urbaine vieille de presque quatre cents ans, répondit Alex. Une cité dans le sous-sol de Londres. Elle porte différents noms : l’Underground, la Cité Cachée, la Cité des Ténèbres,… Ainsi elle existe vraiment.

-Reste à savoir quel est le lien entre l’attentat et cette Cité des Ténèbres, fit remarquer Christianus.

-Je viens de vous dire qu’aucun habitant de l’Underground n’est allé à la Surface depuis des décennies, rappela le chef.

-Il faut que nous en apprenions plus. Vous avez un chef, une autorité avec qui nous pourrions parler.

-Je ne peux pas vous emmener. Vous êtes du Ministère de la Magie.

-Non, pas du tout. Nous agissons à un autre niveau, bien plus élevé. Christianus Féndès travaille pour le Vatican. Je le connais, si vous voulez qu’il jure de ne rien dire et que vous ne représentez aucun risque, il ne dira rien. Ariana et moi travaillons pour une division secrète de l’ONS, l’Organisation des…

-Des Nations Solaires, je sais. Mon père est arrivé à l’Underground il y a quarante ans. Il connait et m’en a parlé.

-Notre division fait le lien entre les deux mondes. Quand à Justin Potter, je me chargerais personnellement de lui effacer la mémoire. Etant donné qu’il n’est pas censé être au courant de notre existence. Comme je vous l’ai dit, il ne devrait pas être là.

-Quelle garantie avons-nous que vous ne direz rien sur nous ?

-Aucune, mais nous sommes des gens qui avons l’habitude des secrets. »

Le chef regarda attentivement Alex, comme s’il souhaitait déceler la moindre trace de mensonge dans ses traits.

« Au moindre doute, vous mourrez, finit-il par dire.

-Ça me va, acquiesça Alex. On les réveille. Et débloque les jambes de Justin. Mais pas sa langue. »

Ariana s’exécuta. Dés qu’il fut libéré du bloque-jambes, Justin voulut se jeter sur sa sœur mais elle pointa sa baguette sur son front et le toisa d’un regard sans faille.

« Donne-moi une seule raison, fit-elle. »

Justin se recula sans demander son reste. Ariana se mit à réveiller les gardes autour d’elle.

Une fois ça fait, les quatre surfaciens suivirent une équipe de trois gardes dirigées par le chef dans le tunnel qu’Alex avait ouvert précédemment. Le boyau faisait une centaine de mètres. Il débouchait sur une grande cave illuminée par des sphères lumineuses. La cave devait faire dans les dix kilomètres carré. Ariana et les autres furent impressionnés, devant eux se découvrait une véritable petite ville avec ses maisons, ses rues et même son église dont le clocher était l’édifice le plus haut, frôlant le plafond de l’immense cave. Ils descendirent dans la rue. Les habitants de l’Underground les dévisageaient. Certains les toisaient avec défi, d’autres semblaient effrayés par leur présence. Des enfants cessèrent de jouer pour regarder ces nouveaux visages. Ariana fut impressionnée par la pâleur des gens résidant ici-bas. L’absence de soleil était flagrante sur eux. Elle pensa tristement que ces enfants ne devaient même pas savoir ce qu’étaient le soleil et le ciel.

Le chef de la garde les emmena jusqu’au centre de la cité. En passant devant l’église, Ariana remarqua que Christianus se signa. Elle avait appris à reconnaître les différents signes religieux durant sa formation à la DE. Elle regarda autour d’elle sur cette place centrale et remarqua aussi un minaret indiquant l’emplacement d’une mosquée et une synagogue. Elle vit même un temple hindouiste. Un véritable centre-ville œcuménique. Et en face de ce groupement d’édifices religieux, se trouvait ce qui faisait office d’assemblée des habitants de l’Underground.

Le chef leur demanda de patienter un moment. Il disparut derrière une porte durant dix minutes. Lorsqu’il revint les chercher, il les invita à entrer. Les trois surfaciens se retrouvèrent face à un Triumvirat d’individus âgés d’au moins soixante ans chacun, deux hommes et une femme. La femme était visiblement d’origine indienne, un point violet marquait son front. Un des deux hommes avait le teint noir et les cheveux poivre et sel. Le dernier, visiblement le plus ancien, ne gardait que quelques rares cheveux blancs semblant pouvoir tomber en poussière à n’importe quel moment. Ses yeux bleus délavés ne lui permettaient plus de voir clair.

« Nous n’avons pas eu de nouveaux arrivants depuis longtemps maintenant, dit le plus ancien d’une voix essoufflée.

-Nous ne restons pas, fit Alex. Nous ne sommes là que pour les besoins d’une enquête.

-Malheureusement pour vous, nous avons une règle ici : quiconque vient jusqu’à nous doit soit rester, soit mourir.

-Je ne vous conseille pas d’essayer de nous empêcher de partir après que nous en ayons fini ici. D’ailleurs, nous vous jurons d’ores et déjà que nous garderons le secret de l’existence et de la localisation de cet endroit. Ceci étant, je suppose que votre garde en chef vous l’a déjà dit : nous sommes des agents de l’ONS et du Vatican. Il n’y a que cet homme qui n’est rien, fit-il en désignant Justin. Nous comptons lui effacer la mémoire une fois de retour en surface. Nous sommes ici pour enquêter sur un attentat qui a eu lieu dans un des lieux magiques de Londres. La piste nous a menés jusqu’ici. Avez-vous des éléments séditieux envers la surface ici ?

-Les seuls qui se souviennent de la surface sont ceux qui y ont vécu avant. Avec le temps, ils ont cessé de penser aux raisons qui les ont obligés à venir se réfugier ici. Leurs enfants ne connaissent rien de la surface si ce n’est ce que leurs parents leur ont raconté. Personne ici n’a de haine envers la surface. Nous avons choisi de nous en tenir éloigné, c’est tout. Nous n’avons aucun intérêt à commettre un attentat.

-C’est logique, acquiesça Alex.

-Personnellement, je voudrais savoir pour quelles raisons en êtes-vous venu à vivre sous terre ? questionna Christianus.

-Les premiers habitants de cette cité sont arrivés il y a presque cinq siècles, raconta l’homme noir. Il y a eu une guerre chez les moldus comme vous dîtes vous autres sorciers. Une guerre terrible. Londres était bombardée. Pour se protéger des bombes, certains habitants se réfugièrent dans les tunnels du métro et dans les égouts. Certains ne retrouvèrent jamais la sortie et se retrouvèrent ici. Ils s’organisèrent et fondèrent leur cité. Plusieurs décennies après, une autre guerre obligea d’autres gens à venir ici. Cette fois-ci, c’était au sein de la population sorcière que se déroulait le conflit. En arrivant ici, les réfugiés racontèrent que même le Ministère censé les protéger était devenu leur ennemi. Certains ne croyaient pas en le seul espoir qu’on leur avait présenté : un jeune homme seul face au plus terrible mage noir de l’Histoire sorcière. Au cours des siècles suivants, des gens sont venus, soit par hasard, soit par volonté de fuir la surface. Mais ici, on ne demande jamais la raison. Les gens en parlent s’ils veulent.

-Si vous le permettez, nous voudrions parcourir la cité et interroger les habitants, demanda Alex.

-Comme je vous l’ai dit, reprit l’ancien. Vous ne quitterez jamais cet endroit maintenant.

-Pour le moment, nous ne souhaitons pas repartir. Mais nous partirons, je peux vous l’assurer.

-Je crois que vous ne comprenez pas très bien, dit la femme. Les gens vivant ici ne veulent pas voir des habitants de la surface modifier leur façon de vivre. C’est pourquoi le secret de cette cité doit demeurer.

-Je vous comprends très bien et je vous répète qu’avec nous, votre secret sera gardé. Nous sommes habitués aux secrets. Nous ne resterons que le temps nécessaire pour notre enquête.

-Je tiens à vous préciser qu’ici, le transplanage et les portoloins ne fonctionnent pas, précisa l’ancien.

-Ce n’est pas un problème. Et je vais vous avouer quelque chose avant que nous allions visiter la cité : nous sommes tous les trois équipés de moyens de transmissions et de localisations implantés dans nos corps. En clair, nos organisations respectives savent très bien où nous sommes et n’ont rien raté de nos discussions. »

A cette annonce, le Triumvirat et le garde blêmirent. Ariana connaissait assez Alex pour savoir qu’il trouvait la situation à son goût. Il prenait un malin plaisir à manipuler les gens dans l’intérêt de la mission. Le principe était condamnable, mais Ariana avait compris dés le début que la fin justifiait souvent les moyens. Et dans ce cas, il en allait de la sécurité de la population civile innocente de la Surface, mais également peut-être de celle de la Cité des Ténèbres.

Alex salua le Triumvirat avant de sortir, suivit par Christianus et Ariana.

« Tu leur as foutu les jetons, dit Ariana.

-Il le fallait, assura Alex. Comme ça, ils nous surveillerons mais nous serons tout de même libre de nos mouvements.

-Tu as quand même menti, dit Christianus. Je sais pertinement que Fred a brouillé mes liaisons. Mes supérieurs au Vatican ne sont au courant de rien.

-Si ton dieu existe, il me pardonnera d’avoir voulu protéger des innocents.

-Ce n’est pas encore prouvé qu’ils sont innocents.

-Ouais, acquiesça Alex. Alors on va juste appliquer la présomption d’innocence. Je sais que c’est une notion que l’Inquisition ne connait pas vraiment mais tu devrais essayer.

-Toujours cette vieille rengaine. Je te l’ai déjà dit : l’Inquisition n’existe plus. »

Alex n’ajouta rien si ce n’est son habituel sourire cynique et ils partirent à la découverte de la Cité des Ténèbres.