Ariana Potter, Premier Cycle : Dans l'Ombre des Secrets

CHAPITRE X : LA CITE DES TENEBRES

Les travaux de Joshua et Julia continuaient d’avancer. Ils cherchaient à rendre définitif le traitement par la potion porte-courant dont Joshua avait eu l’idée de se servir pour améliorer la conductivité des nerfs artificiels. Mais de nouveau, ils piétinaient. Julia savait que le chemin serait long et ardu. Elle ne perdait pas espoir. Elle voulait revoir son frère marcher et s’exprimer. Une chose était tout de même encourageante, les réactions des membres artificiels avec les nerfs traités dépassaient les espérances. Selon les estimations de l’ordinateur, le traitement n’avait une durée de vie que de quelques jours.

Julia jeta une œillade à son collègue. Il était concentré, des plis marquants son front. Il agitait sa baguette dans le vide sans gestuelle particulière. Malgré l’ordinateur qui lui avait été alloué et dont il avait appris à se servir de manière optimale très rapidement, il griffonnait de sa main gauche sur une feuille de papier. Parfois, sa main s’accélérait pour écrire quelques mots quand un éclair traversait ses yeux. Julia était curieuse de savoir quel cheminement prenait sa réflexion mais avec son idée de la potion porte-courant, elle avait compris qu’il était du genre à s’isoler totalement pour trouver une idée et la mettre en œuvre.

Les heures passèrent. Il était temps de faire une pause pour déjeuner. Julia ferma les yeux en se laissant aller sur le dossier de son siège, étirant ses muscles endoloris par les heures d’immobilité. Elle se dit qu’elle devrait faire un tour à la salle de sport le soir même. Cela faisait longtemps qu’elle n’avait pas fait un tao[1], frapper dans un sac ou faire un petit combat d’entrainement. Joshua était toujours dans sa réflexion. Julia sourit en se demandant combien de temps il pouvait continuer ainsi sans s’arrêter. Un record pourrait être établi.

Julia se leva et posa délicatement la main sur l’épaule de son collègue pour le sortir de sa réflexion le plus doucement possible. Joshua eut un léger soubresaut et tourna les yeux vers Julia.

« Si on allait manger, fit-elle.

-Il est déjà l’heure du déjeuner ! s’exclama Joshua en regardant sa montre. J’étais perdu dans mes réflexions.

-J’ai vu, rit Julia. J’ai l’impression que si on ne t’arrête pas, tu peux oublier de te sustenter sans même le remarquer.

-Je ne saurais te le dire. A Hogwart, Ariana s’arrangeait toujours pour me déranger quand je voulais travailler. »

Les deux scientifiques discutèrent de leurs avancés sur le chemin de la cafétéria. Julia exprima sa déception de ne pas avoir encore trouvé de solution concernant le traitement des nerfs artificiels. Joshua lui avoua n’avoir rien encore trouvé de concret mais quelques idées non-abouti germaient ça et là dans son esprit. Il ne préférait pas encore en parler. Julia comprit qu’il ne voulait pas ajouter à sa déception et elle apprécia l’attention.

Une fois assis à table, une voix timide interpela Joshua. Mei-Lin Zhao vint vers eux en souriant à Joshua, son plateau à la main.

« Bonjour Joshua, fit-elle. Bonjour docteur Chaldo.

-Bonjour mademoiselle Zhao, répondit Julia. Voulez-vous vous joindre à nous ?

-Je ne voudrais pas déranger.

-Pas le moins du monde. Venez. »

Mei-Lin s’assit à côté de Joshua.

« Et je pense que vous pouvez oublier le « docteur Chaldo », dit Julia. Appelez-moi Julia tout simplement.

-Alors appelez-moi Mei-Lin, accepta la chinoise.

-Comment s’est passé ta matinée ? questionna Joshua. »

Julia ne put s’empêcher le tutoiement. Leur relation avait donc évolué.

« Rien de spécial, répondit Mei-Lin. Tu sais aux archives, il ne se passe jamais rien de mirobolant. Et toi, ou plutôt vous, vos recherches avancent. J’ignore sur quoi vous bossez mais ça à l’air important.

-Ça l’ait, acquiesça Julia. Mais pour le moment, on fait un peu de surplace. C’est fréquent dans la recherche. Mais on ne perd pas espoir. Je suis sûre que Joshua va encore nous trouver une idée de génie comme hier.

-Je n’ai rien fait d’exceptionnel, se défendit humblement Joshua. Je me suis juste souvenu de mes cours de potion.

-Tu nous as quand même fait faire un sacré bon en avant.

-C’est vrai ! fit Mei-Lin. Ça ne m’étonne pas de toi. Tu es intelligent.

-Je t’assure que je n’ai rien fait d’extraordinaire. »

Julia souriait de voir Joshua essayé de convaincre Mei-Lin que ce qu’il avait fait était normal. La chinoise le regardait avec admiration, des étoiles dans les yeux. Il était clair que ces deux là vivraient de belles choses dans l’avenir. Les pensés de Julia Chaldo glissèrent vers un autre couple. Enfin, façon de parler car elle ne pouvait pas les imaginer ensemble. Surtout avec Alex qui faisait tourner Ariana en bourrique et démontrait à chaque fois qu’il n’avait aucun état d’âme. Et pourtant, Julia savait très bien pour quelle raison il agissait ainsi. Elle espérait malgré tout qu’il redevienne comme avant.

Julia se demandait où ils étaient tout les deux. Fred leur avait appris qu’Ariana avait rejoint Alex et qu’ils s’étaient engouffrés dans un ancien tunnel du métro londonien. Quelles Ténèbres les attendaient encore dans les profondeurs de la Terre ?

Alex et Christianus marchaient devant Ariana et Justin. Alex venait d’autoriser Ariana à lever le sortilège de silence et à s’expliquer avec son frère si elle le désirait.

« De toute façon, on lui modifiera la mémoire en revenant à la surface, avait ajouté Alex en guise de conclusion. »

Ariana jaugea son frère du regard avant d’agiter sa baguette pour lui rendre la parole.

« Un seul mot de trop et je te rends silencieux à vie, menaça Ariana.

-J’aimerais juste comprendre tout ça, dit Justin. Pour qui tu travailles ?

-Comme l’a dit Alex, on va te modifier la mémoire en sortant d’ici. A quoi ça te servirait de savoir ?

-Je veux comprendre pour le moment. Tant que j’en ai conscience.

-Très bien. Je travaille pour l’ONS. Je suppose que tu sais ce que c’est.

-L’Organisation des Nations Solaires. Mais c’est un organisme moldu.

-L’ONS possède une branche non-officielle qu’on appelle Services Secrets. Et dans cette branche, une division encore plus secrète existe : la Division Esotérique. Elle est gérée en commun avec la Commission de Sauvegarde de la CIMS. C’est un des liens entre le monde Moldu et le monde de la Magie. Les seules personnes au courant sont les dirigeants des états moldus et magiques.

-Et cette Division Esotérique est donc composée de sorciers travaillant pour les Moldus.

-Non. C’est une unité mixte. Moldus, Sorciers et autres Créatures magiques travaillent ensemble, se complétant. Alex est sorcier, mais le troisième membre de notre équipe, notre analyste est moldu.

-Depuis quand tu travailles pour eux ?

-Cela va faire trois mois. Ça m’est un peu tombé dessus par hasard. Mais tu dois comprendre que c’est la sauvegarde des deux Mondes qui est en jeu. Sans la DE, ce monde aurait sombré depuis longtemps.

-Quel est ton travail exactement ?

-Je suis agent spécial à ce qu’on appelle le DIS, le Département Investigation Spéciale. Nous sommes la pointe de la DE, les agents les plus exposés, ceux qui enquêtent et qui dirigent toutes les autres actions de la DE. Parfois nous devons nous battre, mais ce n’est pas notre prérogative principale.

-Je voudrais savoir aussi, Sarah.

-Il y a trois mois, avant que j’entre à la DE, Joshua est revenu de son voyage. Il était poursuivi. Nous sommes allés voir Alastor.

-Weasley ? Alastor Weasley ?

-Oui, confirma Ariana. Peu de temps après, nous avons rencontré Alex qui enquêtait sur les poursuivants de Joshua. C’est à ce moment là que nous avons appris l’existence de la DE. Joshua a été sidéré par leur département scientifique et leur nouvelle science : la Technomagie.

-Ils ont fusionné la Magie et la Technologie moldue !

-Ils essayent du moins. Alastor et moi avons participé à une mission avec Alex au Tibet. Lors de cette mission, nous avons rencontré un couple de chercheurs italiens et leur fille. Ils sont malheureusement morts ce soir-là et Sarah a perdu la mémoire. C’est aussi ce soir-là qu’est mort Alastor.

-Je vois. Sa mort a l’air de te toucher particulièrement.

-Je ne l’avais encore dit à personne, mais nous étions ensemble depuis quelques semaines.

-Je vois que tu as une vie bien rempli. Mais je ne peux m’empêcher de penser que l’existence même de cette Division Esotérique est une violation des Lois de la Communauté Magique. Vous travaillez avec des moldus qui, je suppose, ne sont pas tous liés à des sorciers. C’est contraire au Code du Secret Magique.

-J’étais sûre que tu dirais quelque chose de ce genre. Mais je préfère penser que cette petite violation est utile pour protéger notre monde et notre façon de vivre. Je ne m’attends pas à ce que tu comprennes. Tu as l’esprit trop étroit pour ça. Et je dois avouer que je doute souvent du bien fondé de nos actions. Mais c’est ainsi. La DE existe depuis des siècles. Tu ne peux imaginer la somme de ses actions. Le monde serait bien différent sans elle. Et pas en mieux. »

La Cité des Ténèbres, comme certains l’appelaient à la surface, pensant qu’elle n’était qu’une légende, portait très mal ce nom. Un système ingénieux d’origine magique assurait l’éclairage de la ville. Mais c’était surtout qu’aucune manifestation maléfique n’était décelable dans ses rues. A part l’absence de ciel, on l’aurait allègrement confondue avec une ville de la surface. Une seule chose manquait, les échoppes et autres magasins n’affichaient aucun prix.

« Ils n’ont pas de système économique basé sur de la monnaie, dit Alex. Tout est commun. Le bon sens oblige les habitants à ne pas consommer plus qu’ils n’ont besoin.

-Une forme de communisme poussée à l’extrême, fit Christianus.

-Je ne dirais pas ça. J’appellerai plutôt ça une forme d’économie communautaire des biens de consommation. Un vrai nom à coucher dehors ! Ils produisent pour la communauté. A une échelle aussi réduite et en autarcie, ça marche bien. Mais ce n’est pas applicable à une échelle plus grande. Même un département français ne pourrait mettre ça en application. A partir d’une certaine taille, une communauté ne peut plus vivre en autarcie. En fait, la taille réduite de cette cité permet sa survie sans avoir besoin de la surface.

-Je comprends ce que tu veux dire. Reste à savoir s’ils sont maléfiques ou non.

-Ma première impression est que non. Ce ne sont que des gens souhaitant vivre en paix. Mais nous devons en être sûr, je suis d’accord avec toi sur ce point. »

La cité semblait prospère et en paix. Ils remarquèrent qu’en dehors de la place centrale où se trouvaient les établissements religieux et dirigeants, le reste de la cité était des plus quelconque et sans réel intérêt pour la mission. Mais cette cité avait une ambiance particulière. Les gens se regardaient sans haine, qu’ils soient sorciers ou moldus. Ils remarquèrent même des créatures magiques comme des gobelins ou des vampires. Alex observait les scènes de vie courante avec intérêt.

Ils retournèrent vers le centre. En chemin, ils passèrent près d’une sorte de terrain de jeu où des enfants jouaient à la balle. Un des enfants tapa trop fort et le ballon atterrit aux pieds d’Alex. Ce dernier s’en saisit. Les enfants demeuraient silencieux, ne sachant comment se comporter avec ces étrangers. Alex sourit et alla jusqu’à eux pour leur rapporter le ballon. Mais quand il fut assez près, les enfants eurent un mouvement de recul. Alex s’accroupit sans s’offusquer.

« C’est un beau ballon que vous avez là, dit-il. Prenez-en soin.

-Mon grand frère peut le réparer d’un coup de baguette, dit l’un des enfants.

-Tu es sorcier ?

-Oui. Mais je ne fais pas encore de magie.

-Et tes copains, ils sont tous sorciers ?

-Non, Guillaume et Dave sont moldus. Et Anna est une vampire. Merci pour le ballon. »

L’enfant prit le ballon et courut rejoindre ses amis pour reprendre leur jeu. Un sourire paisible se dessina sur le visage d’Alex. Ariana le rejoignit. Jamais elle ne lui avait vu une telle expression. Pour la première fois, elle le voyait sourire sans cynisme.

« C’est tellement simple ici, dit Alex. Tout le monde vit ensemble. Il n’y a pas les Moldus d’un côté et les Sorciers de l’autre. Ils sont tous ensemble. Même les Créatures magiques ne sont pas mises à part comme c’est le cas dans le monde de la Magie. C’est ainsi que ça devrait être chez nous aussi.

-Je ne savais pas que c’était ton opinion, dit Ariana.

-Cet idéal est partagé par une majorité de membre de la DE. Et c’est aussi une sorte de crédo dans ma famille. Le Code du Secret Magique a isolé deux mondes qui devraient se compléter. J’aimerais un jour voir ce Code disparaître. Mais je suis conscient que ce n’est pas pour tout de suite. En attendant, je pourrais m’installer ici, plaisanta Alex. Mais ça manque de soleil. »

Ariana sourit.

« Je découvre toujours quelque chose de nouveau sur toi, dit-elle. Parfois des choses tristes, souvent des choses qui me font enrager. Mais heureusement, tu as aussi tes bons côtés. Dommage que tu ne les montres pas plus souvent.

-Je n’aime pas les câlins, je préfère qu’on me méprise. Ça évite que je sois déçu en retour.

-Vous aimez ce genre de scène, fit Justin qui avait suivi la conversation. Mais ça ne se fera jamais chez nous donc autant ne pas y penser.

-C’est sûr qu’en pensant comme ça, les choses ne changeront jamais, répliqua Alex en se tournant vers l’anglais.

-Le Code du Secret Magique a été établi par des sorciers bien plus sage que nous et pour des raisons précises. Nous nous devons de le respecter et de le faire perdurer.

-Le Code a eu une utilité par le passé. Mais maintenant, je souhaite le voir devenir totalement obsolète et qu’on ne parle plus des deux mondes mais d’une Humanité. Ce Code ne pourra survivre éternellement, j’en ai la conviction.

-Qu’arrivera-t-il à notre peuple ? A nos traditions si nous nous mêlons aussi ouvertement aux Moldus ?

-Nous évoluerons. Et ce ne sera pas un mal pour certains. »

Ils arrivèrent à la place centrale. Un attroupement visiblement apeuré et énervé. Les membres du Triumvirat faisaient leur possible pour maintenir le calme.

« Tu crois que nous sommes la cause de cette agitation ? questionna Alex innocemment.

-Ça ne m’étonnerait pas, répondit Ariana en toute franchise. Nous sommes la dernière nouveauté ici.

-Et si nous allions voir de quoi il retourne, proposa Christianus. »

Ils n’avaient même pas fait trois pas que le Triumvirat cria après eux.

« Vous ! Vous avez amené le malheur sur notre cité !

-Expliquez-vous, demanda Alex.

-L’équipe de garde dans le tunnel est morte. Ils sont tous morts ! Pourquoi les avez-vous tué ?

-Nous ne les avons pas tués, se défendit Alex. Vous nous avez surveillés durant toute notre visite de la cité, vous savez très bien que nous ne sommes pas retournés au tunnel. Et ne faîtes pas les étonnés, vos hommes ne sont pas vraiment bons en filature.

-Oui nous le savons. Mais des amis à vous sont arrivés. Nous voulons savoir dans quel but et pourquoi ils ont tué nos frères.

-Y-a-t-il un témoin ? Quelqu’un qui a vu les coupables ?

-Moi je les ais vu, dit un homme visiblement encore sous le choc. Je les ais vus. Mais eux ne m’ont pas vu. »

Alex vint jusqu’au témoin.

« A quoi ressemblaient-ils ? questionna Alex.

-Je n’ai pas vu leurs visages, répondit le témoin. Ils étaient cachés.

-Et leurs vêtements ? Avez-vous quelque chose de particulier ?

-Ils étaient habillés de noir, avec un brassard blanc sur le bras. Et il y avait « Lui ».

-Un homme habillé de blanc, n’est-ce pas ?

-Oui. Il a démembré Julian en riant. C’était un démon, j’en suis sûr.

-Non. Pas un démon, contredit Alex. Juste un homme. »

Alex se retourna vers Ariana. Cette dernière avait compris à qui ils avaient affaire. Ils s’en doutaient depuis la découverte du symbole fractionné sur les restes de la bombe : ceux qui les avaient attaqués à Olympus. Ceux responsable de la mort de Jane Carter, la compagne d’Alex, cinq ans auparavant. Mais une question vint à l’esprit d’Ariana et d’Alex quasi-simultanément : que cherchaient-ils dans la Cité des Ténèbres ?

[1] Equivalent chinois du kata du Karaté ou du Judo. Combat codifié contre un ou plusieurs adversaires, à faire seul ou avec partenaire.