Ariana Potter, Premier Cycle : Dans l'Ombre des Secrets

Chapitre 47 : VII Les Autres

2773 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 12/10/2012 08:09

CHAPITRE VII : LES AUTRES

 

Jariel et Irael observaient le quartier général de campagne installé par les forces de New-America. Jariel ne put s’empêcher à penser à une fourmilière en observant les allés et venus des militaires et civils. A côté de lui, Irael semblait réfléchir.

« Tu as remarqué ? questionna-t-elle.

-Qu’ils s’agitent pour rien ? lança-t-il. Si, bien sûr.

-Pas ça, soupira patiemment Irael. Ceux qui viennent d’arriver. Trois hommes et deux femmes.

-Tu sais, pour moi ils se ressemblent tous.

-Tu n’as rien senti.

-J’aurais dû ?

-Tu es vraiment énervant. Il y a beaucoup d’Energie en eux. Ils ont le Don. Et ce ne sont pas les premiers dans ce cas que je vois ici.

-C’est bizarre, les Sorciers et les Normaux vivent dans des sociétés séparées. Ils n’ont que quelques relations discrètes et souvent faites dans l’ignorance des Normaux.

-C’est pour ça que j’en parle. Je crois qu’ils font parti de cette organisation, ceux qui enquêtent sur les Seigneurs depuis des mois et qui dont des agents sont entrés dans le Labyrinthe.

-J’ai toujours pensé que c’était par pure chance qu’ils en étaient ressortis vivants.

-Ils ne sont pas si faibles que tu l’imagines. Regarde, les voilà. »

 

Alex regarda un instant l’imposante sphère orangée et menaçante suspendue au dessus de Huygens. Il eut une drôle de sensation et se retourna vers les montagnes de l’autre côté. Il plissa des yeux comme pour voir plus loin.

« Qu’est-ce qu’il y a ? demanda Ariana.

-J’ai eu l’impression d’être observé, dit-il. Allons-nous préparer. On passe en tenue de terrain. Prévoyez un sac avec de quoi boire et manger. Voir de quoi dormir. On ne sait pas pour combien de temps on en a. Fred, essayes de nous suivre un maximum avec le satellite. Dans la mesure du possible, nous transmettrons les données. Sinon, il faudra attendre notre retour. Julia… bah… Tiens compagnie à ton fiancé. Ça le changera pour une fois.

-Très drôle, fit Julia. Fais gaffe Tony, on ne sait pas comment ton corps va réagir aux ondes présentes dans cette zone.

-J’enregistrerais tout comme ça, tu auras de quoi analyser après, dit Tony. Je m’occupe de nous trouver un moyen de transport Alex. »

Une heure plus tard, Ariana, Alex et Tony embarquaient à bord d’un SHS, un Speed Heavy Slider. C’était un véhicule blindé et rapide glissant sur un coussin magnétique utilisé pour les reconnaissances par les forces spéciales de New-America. Il ressemblait à un buggy caréné et armé d’une mitrailleuse télé-opérable sur le toit. Un lance-missile anti-char complétait l’armement. Ce type de véhicule était prévu pour un équipage de trois hommes. Tony prit les commandes, Ariana se plaça au poste de tir et Alex à celui du chef de bord. Ils prirent de quoi survivre sur le terrain durant trois jours. Au cas où ils devraient y rester.

Avant qu’ils ne partent, Rowena vint les voir.

« Vu la situation, la seule assistance qui pourra vous être envoyée est mon UA, dit-elle. Les autorités de New-America ne comprennent pas ce phénomène et en ont peur. Mes hommes sont déjà en état d’alerte.

-Nous ne les appellerons qu’en dernier recours, assura Alex. Nous ignorons tout de ce qui se passe, il serait dangereux d’exposer plus d’hommes.

-Aurais-tu appris la sagesse et la prudence finalement ? ironisa Rowena.

-Je ne pense pas, à mon âge, on ne veut rien apprendre. Mais nous reviendrons entier, sois-en sûre. Surtout pour Ariana, elle a une fille qui l’attend. Sans oublier un seal sûrement impatient de la revoir. »

Ariana qui contrôlait une dernière fois que les rations et l’eau étaient bien arrimés dans le coffre du SHS s’arrêta en plein mouvement. Elle porta son regard sur son chef d’équipe. Ainsi, il avait deviné. Cela ne la surprit pas outre mesure, après tout, Alex était agent IS depuis des années et l’observation demeurait un de ses points forts. Mais elle ne put s’empêcher de ressentir une pointe de tristesse douloureuse. Et c’est ce fait qui la surprit. Le souvenir de ce matin avec Jeremy et des cheveux noirs lui revint. Mais ce souvenir lui apporta plus de questions que de réponses : qu’est-ce que son cœur cherchait à lui dire ?

Le SHS s’éleva du sol d’une soixantaine de centimètres et fonça en direction de Huygens. Le SHS se déplaçait sans aucune vibration ni heurt dû au sol. Le coussin magnétique assurait une souplesse de déplacement extraordinaire. Le cordon de quarantaine ne se trouvait qu’à cinquante kilomètres de la banlieue de Huygens. La distance fut parcourue en une dizaine de minutes.

Anthony Chaldo stoppa le SHS à l’entrée de la ville. Des véhicules abandonnés là dans la fuite de la ville occupaient les rues, certaines en travers. Diverses affaires jetées ça et là par leur propriétaire jonchaient le sol, les trottoirs. Des vitrines avaient été explosées lors des pillages qui avaient marqué la fuite de la population. La sphère menaçante était maintenant au dessus d’eux. Alex activa les capteurs mais ils ne pouvaient toujours rien capter.

« Il faut que nous soyons plus proche de la sphère, dit-il. Le point le plus bas se trouve au dessus du centre-ville.

-On est parti, annonça Tony.

-Et les obstacles ? demanda Ariana.

-Pas de problème pour moi. Je me démerde assez bien en pilotage. T’inquiète. »

Anthony disait vrai, il parvint sans mal à éviter les obstacles. Ariana se souvint que Fred lui avait dit que Tony était un véritable expert en pilotage tout véhicules confondus. Il pilotait vite mais elle se sentait rassurée. Chaque mètre parcouru était maîtrisé. Mais malgré tout son talent de conducteur, la route bouchée de véhicules divers à l’arrêt et autres débris demeurait difficile à parcourir. Il faudrait des heures pour rejoindre le centre-ville et le soir tombait.

Alex décida de dresser le camp dans un centre commercial. Le SHS fut caché dans la galerie marchande. Ils s’installèrent dans le rayon literie.

« Ça fait bizarre, dit Ariana en mangeant le contenu de sa ration.

-Quoi ? questionna Tony.

-Et bien, on est dans une grande ville, et on ne croise personne. Je sais que la ville a été évacuée. Mais ça fait bizarre.

-Je dois t’avouer que c’est la première fois pour nous aussi.

-Et pourtant, aucun de vous deux ne semble aussi déstabilisé que moi. Quand verrais-je un Chaldo surpris ou déstabilisé ?

-C’est vrai qu’on n’est pas facile à surprendre, convint Tony. Mais ça nous arrive.

-Et c’était quand pour toi la dernière fois ?

-Quand Isabelle m’a invité à aller voir une course de sliders alors qu’elle déteste ça.

-Mais toi tu aimes ça ?

-J’adore.

-Elle voulait te faire plaisir. Tu l’as revue ?

-Non, répondit tristement Tony. Et je ne la reverrais plus. »

Ariana n’ajouta rien de plus. Elle ignorait tout de la modification de mémoire d’Isabelle. Par contre, elle comprenait bien que la nouvelle situation physique de Tony avait incité ce dernier à prendre la décision de rompre avec elle. Alex avait écouté la discussion mais ne démontra rien du malaise qu’il ressentait encore en repensant au fait d’avoir effacé une partie de la vie d’Isabelle.

Le lendemain, ils reprirent leur périple à travers les rues de la capitale abandonnée. Il fallut la moitié de la journée pour atteindre ce qu’Alex dénommait sous l’appellation « point zéro ». Ariana fut impressionné de la proximité de la sphère de feu figé : elle flottait à une centaine de mètres au dessus de leurs têtes. Plusieurs gratte-ciels avaient été touchés, certains penchaient dangereusement, d’autres étaient amputés d’un morceau. Cette présence oppressait Ariana. Et si cette sphère finissait d’exploser ? Jamais elle ne pourrait y échapper. Elle savait que son métier consistait à se mettre souvent en danger de mort. Mais elle ne parvenait pas à s’y habituer. Contrairement à ses deux coéquipiers. Du moins, il lui semblait. Les frères Chaldo se déplaçaient, discutaient et riaient comme si la ville n’était pas déserte et encore moins menacée de destruction.

Ils mirent en fonction les appareils censés analyser la sphère. Aussitôt, la voix de Julia se fit entendre, faiblement et déformée.

« On reçoit les donner mais la liaison est lente. On dirait qu’il y a un fort brouillage dans la zone.

-Ça influence aussi nos communications, dit Alex. Fred, passe en RCL[1].

-C’est déjà le cas, renseigna Fred. J’ai l’impression que l’ensemble du spectre électromagnétique est touché. L’analyse va en être rallongée.

-Les appareils peuvent être dirigés d’ici ou suivre un programme d’analyse automatique, rappela Julia. Vous pouvez quitter la zone.

-On va rester, annonça Alex. Je pense que cette explosion figée est une mise en scène pour faire en sorte que la ville soit vide de ses habitants. Les Seigneurs de l’Oubli ou la secte du Serpent Blanc doivent chercher quelque chose ici.

-Ce n’est qu’une supposition, tempéra Julia. Même si elle est logique. Vous n’allez tout de même pas risquer votre vie pour la vérifier. La ville est grande, vous allez mettre des jours à la fouiller sans assistance satellite.

-On n’en aura pas besoin. N’est-ce pas Tony ?

-Ils ne sont que deux. Septième étage de l’immeuble en ruine au nord-ouest de notre position.

-Tes nouvelles capacités sensorielles sont impressionnantes. Je n’avais pas réussi à évaluer leur nombre. Je vais les prendre à revers. Restez ici afin qu’il continue à nous surveiller. Restez naturels. Dés que je les aurais débusqués, vous intervenez. On va essayer de les prendre vivant. Il nous faut du renseignement. »

Ariana et Tony acquiescèrent mentalement. Alex retourna au SHS et y entra pour disparaître à la vue de l’ennemi. Il se désillusionna et ressortit, se glissant silencieusement vers l’immeuble où les guetteurs avaient été repérés. Une fois de l’autre côté de l’immeuble, il redevint visible et se métamorphosa en corbeau pour s’envoler jusqu’au septième étage. Il s’y inflitra par une fenêtre ouverte et parcourut une partie des couloirs en volant silencieusement. L’immeuble était visiblement le siège d’une société d’assurance.

Lorsqu’il estima être assez prêt, Alex reprit forme humaine et parcourut les derniers mètres plus silencieusement qu’une ombre, s’approchant d’une porte entrouverte. Sans la toucher, il jeta une œillade dans la pièce. Comme l’avait dit Tony, ils étaient deux. Un homme et une femme. Jeunes tous les deux. Alex avait eu de drôle de sensation en les repérant et elles s’étaient intensifiées en s’approchant. Maintenant qu’il avait posé les yeux sur eux, il en avait confirmation : il ignorait tout de leur nature. Il ne parvenait pas à définir les étranges sensations qu’il ressentait en leur présence.

Physiquement, ils n’avaient rien d’extraordinaire. Les mêmes cheveux blonds et des traits fins identiques. Ils étaient sûrement frère et sœur. Alex essaya de voir s’il repérait tatoué sur eux le symbole de la secte du Serpent Blanc. Mais il ne la vit pas. Peut-être était-elle ailleurs. Mais un détail le chiffonnait : ils n’étaient pas habillés de blanc.

« Où est le troisième ? questionna le jeune homme.

-Je ne l’ai pas vu ressortir du véhicule, répondit la jeune femme. Il doit y être encore. Avec le Sérianash, les interférences dans cette zone sont tellement importantes qu’on ne peut pas les repérer à leur Energie comme on le fait habituellement.

-Tu veux dire qu’il pourrait être sorti du véhicule sans qu’on le voie ?

-On ignore de quoi ils sont réellement capables. Depuis le temps.

-Tu crois vraiment qu’ils auraient évolué à ce point ? Souviens-toi de ce qu’ils étaient à l’origine.

-Tu ne les aimes vraiment pas.

-Disons juste que je n’oublie pas ce qu’ils sont en vérité.

-Et que sommes-nous ? lança Alex en entrant dans la pièce la baguette à la main. »

Tout se passa très vite. Le jeune homme ne resta pas figé de surprise, il bondit sur Alex, faisant jaillir une épée cristalline bleutée du néant. Alex esquiva l’attaque en entrant dans la garde, percutant le jeune homme d’un coup de coude en pleine poitrine. Il enchaina avec un coup de pied latéral au visage qui le fit reculer et finit par un Experlliarmus qui envoya l’épée se planter dans un mur. Alex sortit sa seconde baguette et la braqua sur la jeune femme tout en maintenant en respect le jeune homme allongé à terre.

« Je ne vous conseille pas de bouger, dit-il froidement. »

C’est à ce moment qu’Anthony et Ariana arrivèrent en passant par la fenêtre.

« A terre ! hurla Ariana en menaçant la jeune femme de sa baguette. »

La jeune femme s’exécuta sans chercher à résister. Ariana bloqua ses poignets à l’aide d’un sortilège et la fouilla rapidement.

« RAS, annonça-t-elle.

-Ici aussi, fit Tony qui avait fait de même avec le jeune homme. »

Les deux inconnus maintenant hors d’état de nuire, Alex rangea une de ses baguettes.

« Regardez s’ils ont le symbole du Serpent Blanc tatoué quelque part, ordonna-t-il.

-Inutile, dit la jeune femme. Nous ne sommes pas qui vous croyez.

-Ah ! Et qui êtes-vous alors ?

-Ne leur dit rien Irael, interdit le jeune homme.

-Irael ? Je n’avais jamais entendu un tel prénom. Je vous écoute Irael.

-Vous n’allez peut-être pas nous croire. Nous appartenons à un peuple qui a combattu vos ennemis par le passé.

-Lesquels ? Parce qu’en ce moment, on en a pas mal, ironisa Alex. Soyez plus précise.

-Les Seigneurs de l’Oubli. Notre peuple les a repoussés une fois et enfermés dans une prison. Mais ils se sont échappés, nous ignorons comment.

-Je n’y comprends rien Alex, dit Tony. D’après toi, les Seigneurs de l’Oubli avaient été repoussés il y a longtemps. Tellement longtemps que personne ne s’en souvient. La seule trace était les parchemins de la bibliothèque secrète de Zilling Tso. Et tu as détruit toi-même cette bibliothèque.

-C’est exact, confirma Alex. Un Seigneur a eu d’étrange parole ce soir là dans la bibliothèque. Il a dit qu’ils n’étaient pas dans notre mémoire. Qu’il faudrait chercher dans la mémoire des « autres ». Je n’ai pas compris. Depuis je me pose la question : qui sont ces « autres » ? »

Alex fit signe à Ariana de relever Irael. Il s’approcha et planta ses yeux noirs dans ceux bleus de la jeune femme.

« Il va falloir parler maintenant, dit-il. Vous en avez trop dit ou pas assez. Donc je vais poser quelques questions. Et j’attends de vous que y répondiez ou sinon, je pourrais être dans l’obligation d’aller chercher la réponse dans votre tête. Et je peux vous assurer que ce ne sera pas agréable. »

Ariana connaissait maintenant assez Alex pour savoir qu’il le ferait. Elle n’était pas vraiment d’accord avec ses méthodes. Mais comme elle l’avait vu quelques mois plus tôt à Londres, elles étaient efficaces. Ariana sentit Irael trembler. La jeune femme aux cheveux d’or avait peur. Mais qui était cet homme au regard noir ?

« Nous sommes les Autres. Nous sommes des Anges. »


[1] Recherche de Canal Libre : mode de transmission permettant d’utiliser la bande de fréquence la moins brouillée au moment de la communication.

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