Ariana Potter, Premier Cycle : Dans l'Ombre des Secrets
CHAPITRE VIII : VALLES MARINERIS
Ariana pensa un moment avoir mal entendu. Les Anges ! Les mêmes qui parsèment plusieurs mythologies de par le monde jusqu’à la Kabbale judéo-chrétienne et la tradition musulmane ! Ce n’était pas possible. Les Anges n’existaient pas. Même pour les Sorciers, ils n’étaient que légendes. Et puis, les Anges étaient toujours représentés ailés. Or, les deux jeunes gens qu’ils avaient arrêtés ne l’étaient pas.
« Des Anges hein ? fit Alex. Vous comprendrez que c’est difficile à croire.
-C’est pourtant la vérité, fit Irael. Et je peux vous le prouver.
-Irael, arrête, objecta le jeune homme.
-Il le faut Jariel. Nous n’avons plus le choix.
-Les Premiers ne nous le pardonnerons pas.
-J’en prends le risque. Il nous faut compter avec eux maintenant de toute façon. Pouvez-vous me lâcher ? demanda Irael. Je vous jure de ne pas m’enfuir. »
Alex la jaugea du regard. Il hocha la tête à l’attention d’Ariana. L’anglaise relâcha son étreinte. Irael retira ses vêtements, ne semblant pas gêner de se retrouver torse nu devant les deux frères Chaldo. Sa respiration se fit profonde et dans un effort visiblement crispant, deux excroissances apparurent au niveau de ses omoplates. En une seconde, deux grandes ailes d’un blanc immaculé avaient poussé dans son dos.
Ariana fut impressionnée par ce spectacle. La première question qui lui vint à l’esprit fut : mais où se monde s’arrête-t-il ? Ariana détacha son regard des ailes d’Irael pour voir la réaction d’Alex. Elle pensait qu’elle verrait enfin une expression de surprise sur son visage. Mais son visage demeurait fermé. Etait-il seulement humain ?
« Ceci explique votre aura, dit Alex. Mais j’attends plus d’explication de votre part.
-Je ne suis pas la bonne personne pour ça, dit Irael en retroussant ses ailes. Vous devez rencontrer les Premiers.
-Ils n’accepteront jamais de leur parler, lança Jariel.
-Ils le devront pourtant. Les choses ont changé en douze millénaires. Ils doivent être conscients de cela. Après tout, ils sont nos guides.
-Dîtes-nous d’abord, je vous ai écouté, vous parliez de Sérianash : qu’est-ce que c’est ? questionna Alex.
-C’est ceci, répondit Irael en désignant l’explosion figée. C’est comme ça que les Seigneurs appellent cet acte.
-C’est de la sorcellerie ? »
Jariel pouffa à ces mots mais Irael répondit sans y prêter d’attention.
« C’est la définition qui en ait le plus proche dans vos langues. Mais c’est différent. Les règles qui régissent ces actes ne sont pas les mêmes que celles de votre Magie. Encore une fois, je ne peux aller plus loin dans mes explications. Je suis trop jeune pour ça.
-Ce Sérianash, est-ce vraiment dangereux ?
-Les Seigneurs peuvent décider quand ils veulent de le faire exploser, expliqua Irael.
-Existe-t-il un moyen de le faire disparaître ?
-Oui. Mais c’est difficile. Et encore une fois, il vous faudra rencontrer les Premiers.
-Alors menez-nous à eux, ordonna Alex.
-Irael, le Temple leur est interdit, rappela Jariel.
-Comme je te l’ai dit Jariel : les temps ont changé, répéta Irael. Il nous faut sortir de la ville. Sans être suivi par les Seigneurs ou leurs alliés. »
Rowena ne supportait pas de devoir se reposer sur Alexandre Chaldo et son équipe. Elle passait son temps à lancer des œillades en direction de Fred, toujours calé derrière son terminal. Parfois, Julia venait le voir, posant sa main sur ses épaules. Les données n’arrivaient qu’au compte-goutte et la scientifique n’avait pas grand-chose d’autre à faire.
Rowena essayait de lire sur les expressions de Fred. Mais l’analyste demeurait imperturbable. Soudain, il écarquilla les yeux, déploya le clavier holographique et se mit à taper frénétiquement. Il se passait quelque chose. Rowena aurait donné n’importe quoi pour être mis dans la confidence, mais le fait d’avoir été mis au courant de l’affaire des Seigneurs de l’Oubli et de la secte du Serpent Blanc ne lui donnait aucun droit de s’y immiscer. L’affaire demeurait sous la juridiction du DIS. Seul le Patron pouvait décider de lui transmettre les informations relatives à ce dossier.
En l’observant, Rowena remarqua qu’il appliquait la procédure standard pour toute information classifiée au plus haut niveau de confidentialité : il changea le niveau de cryptage de l’information. Ainsi, avec un code connu de lui seul, l’information était protégée. Elle savait qu’il ne lui dirait rien, mais elle s’approcha tout de même. Sait-on jamais ?
« Que se passe-t-il ? demanda-t-elle.
-Tu sais bien que je ne peux rien te dire, répondit Fred. Tu m’observes depuis tout à l’heure, tu as remarqué que j’ai appliqué la procédure de renforcement de cryptage. Il n’y a qu’une seule chose que je peux te dire : ils sont en train de s’exfiltrer de la ville.
-Quand seront-ils là ?
-Dans quatre heures je dirais maintenant qu’ils connaissent le chemin. Ils ne vont pas rester.
-Et où vont-ils aller cette fois ?
-Je ne sais pas, répondit Fred en toute honnêteté.
-Et si tu savais, tu ne me dirais rien. »
Rowena s’éloigna sans rien ajouter. Inutile de s’attarder sachant qu’elle n’apprendrait rien de plus. Elle avait du mal à accepter d’être mise de côté ainsi.
Quelques heures plus tard, le SHS se retrouva face au cordon de quarantaine. Alex et Ariana se trouvait sur le véhicule au lieu d’être à l’intérieur.
« Tony, trouve-nous un vaisseau, ce sera plus spacieux, plus rapide et plus pratique, ordonna Alex.
-J’y vais, acquiesça Tony.
-Ariana, refais le plein de rations.
-Tout de suite, fit Ariana.
-Un vaisseau ? s’étonna Rowena Carter en s’approchant. Tu comptes aller où ?
-Je ne suis pas sous tes ordres Rowena, répliqua Alex. Je n’ai rien à te justifier. Fourni-moi juste ce que je demande.
-Tu te prends pour qui ?
-Pour un agent du Département d’Investigation Spéciale, tout simplement. Tu en as fait parti, ce n’est pas à toi que je vais apprendre notre façon de travailler. »
Rowena s’éloigna, rentrant dans la casemate où était installée la DE. Alex se tourna vers le SHS.
« Vous pouvez sortir, mais aillez l’air naturel, dit Alex. »
Irael et Jariel s’extirpèrent hors du véhicule. Le jeune homme ne semblait toujours pas d’accord avec le fait d’emmener des étrangers voir les Premiers. Durant le voyage, Irael avait expliqué aux trois agents de la DE que les Premiers étaient les plus anciens anges, ceux qui guidaient ce qui restait de leur peuple. Ceux qui avaient emprisonné les Seigneurs par le passé.
Irael refusa d’en dire plus. Alex y perçu une forme de déférence envers les Premiers. Elle ne voulait pas avouer plus d’information qu’eux-mêmes ne divulgueraient pas. Après tout, ces Anges avaient vécu des millénaires à l’insu de l’Humanité et des Peuples Magiques, la discrétion et le secret devaient maintenant faire parti de leur nature.
Anthony Chaldo réquisitionna un VRF, un vaisseau de reconnaissance furtif. Il était autant prévu pour les affrontements d’intensité faible à moyenne que pour le transport d’un groupe de combat de dix hommes. Le vaisseau décolla à la verticale avant de prendre la direction de l’ouest. Vers la Vallée Marineris.
« Nous y serons dans un quart d’heure, indiqua Tony.
-Votre temple doit être bien dissimulé, dit Alex.
-A l’origine ce n’était pas pour nous cacher des Humains, lança Jariel. Nous n’avions pas vraiment prévu que vous seriez capable de traverser le vide spatial un jour.
-Comme quoi, l’Homme a évolué, sourit Alex ironiquement.
-Jariel, arrête s’il te plait, demanda Irael alors que le jeune ange ouvrait la bouche pour répliquer. »
La Vallée Marineris était situé sur le territoire d’un état indépendant ayant pris le même nom que la célèbre vallée. Marineris était une ancienne colonie du Commonwealth. Du temps de la colonisation, elle portait le nom de New-Australia et partageait avec le pays dont elle avait repris le nom le même usage concernant les prisonniers. Juste après l’accession à l’indépendance par New-America, New-Australia se lança à son tour dans une guerre d’indépendance. Le Commonwealth ne s’éternisa pas dans cette guerre, ne voulant pas commettre les mêmes erreurs que les Etats-Unis d’Amérique. Le premier acte officiel du nouvel état martien, une fois son indépendance reconnut par l’ONS, fut de changer de nom.
Pour des agents de l’ONS, pénétrer l’espace aérien de Marineris ne fut pas difficile. La Vallée Marineris était un des plus beau paysage de la planète rouge. Un lagon à l’eau cristalline en occupait le fond et les falaises étaient recouvertes de végétation. La vallée était souvent survolée par des aéronefs transportant des touristes. Mais aujourd’hui, le ciel était clair. Les autorités de Marineris avaient fermé l’espace aérien depuis le début de l’affaire Huygens.
Anthony Chaldo suivit les indications d’Irael et descendit dans la vallée, rasant la surface de l’eau. Irael indiqua un renfoncement dans la paroi. Le passage était étroit mais le vaisseau passa quand même. Anthony arrêta le vaisseau sur place en face d’une paroi rocheuse.
« Et maintenant ? demanda-t-il.
-Avancez tout droit, indiqua Irael. Je vais ouvrir le passage. L’image de la roche va demeurer mais ne vous inquiétez pas, le passage sera ouvert. Par contre, je vous demanderai une chose importante : ne sortez aucune arme. Nous ne sommes pas vos ennemis, mais les nôtres ignorent qui vous êtes.
-OK, acquiesça Alex. Faîtes vite pour dissiper tout malentendu. »
Irael ferma les yeux. Une aura lumineuse et vaporeuse l’entoura quelques secondes. Elle fit signe à Tony d’avancer. Le vaisseau traversa la roche comme si elle n’était faite que d’air. Le vaisseau se trouvait maintenant dans un tunnel illuminé. Au bout, se dressait une porte monumentale taillée vraisemblablement à même la roche. Elle représentait un ange majestueux armé d’une longue lance et d’un bouclier. A nouveau, Irael s’illumina. Mais cette fois-ci, la porte demeura close.
« Vous avez perdu la clé ? fit Alex.
-Souvenez-vous de ce que je vous ai dit, dit Irael. Ne bougez pas. »
Des parois du tunnel, des anges, toutes ailes déployées et armés de lances lumineuses, surgirent, les encerclant. Les anges portaient tous une armure de couleur sombre qui tranchait avec la blancheur de leurs ailes. Le cercle des anges se resserra sur le vaisseau.
« Ouvrez la trappe supérieure, ordonna Irael. »
La jeune ange se hissa sur le vaisseau. Un ange aux cheveux d’un noir profond fit signe aux siens de ne pas bouger alors qu’il s’approchait d’Irael.
« Irael, qu’est-ce que c’est que ce vaisseau ? demanda l’ange aux cheveux de ténèbres. Et ces humains ?
-Maître Fazael, il fallait que j’emmène ces humains, dit Irael. Ils doivent voir les Premiers.
-Quel arrogance de la part d’une ange de ton âge ! Tu connais nos lois : aucun contact avec les Humains. Tu sais ce que tu risques pour ça.
-Je le sais maître. Et s’il le faut, je payerai pour mon crime. Mais ces humains ont le Don et appartiennent à ceux qui combattent les Daemons et leurs alliés.
-Et que veux-tu que les Premiers fassent ?
-Qu’ils les écoutent au moins. Les Daemons étaient sous notre responsabilité. Maintenant qu’ils se sont échappés, ce sont les Humains qui sont en danger. Il en va de notre honneur.
-Je vais te faire ravaler ton arrogance ! s’écria Fazael. »
Fazael leva sa lance. Il allait l’abattre sur Irael quand un éclair rouge le désarma.
« Qui a osé ? hurla Fazael. »
Ariana sortit par la trappe, baguette à la main. Elle était suivie d’Alex qui souriait d’un air appréciateur.
« Humaine, je vais te faire regretter ce que tu viens de faire ! continua Fazael.
-Je ne crois pas, dit Alex. Cette jeune femme est sous mes ordres. Donc, si vous avez un problème avec elle, c’est à moi qu’il faut en parler.
-Tu ne vaux pas plus qu’elle pour moi, humain.
-Je m’appelle Alexandre Chaldo, se présenta Alex. Je suis de la division ésotérique des services secrets de l’ONS. Je sollicite une entrevue avec les Premiers. Ce sont bien vos dirigeants, n’est-ce pas ?
-Vous n’avez pas idée de qui ils sont.
-C’est ce que j’ai cru comprendre. Alors, vous nous laissez entrer ? » »
Fazael parut sur le point de se jeter sur Alex quand une voix autoritaire se fit entendre.
« Fazael, laisse-les entrer. »
Un ange aux ailes grises s’approchait. Il arborait des cheveux gris et des yeux sombres. A sa vue, Fazael s’inclina respectueusement. Irael alla jusqu’à s’agenouiller.
« Seigneur Baal-Phégor, souffla Fazael. Ce sont des humains.
-Ais-je besoin de toi pour voir qui ils sont ? demanda Baal-Phégor.
-Non bien sûr mais…
-Je viens de te donner un ordre Fazael. Obéis. Les Premiers vont recevoir ces humains. Irael.
-Seigneur ? fit Irael.
-Tu as enfreint notre loi. Mais nous vivons des temps exceptionnels. Tu ne seras pas puni. De même que ton frère. »
Baal-Phégor se tourna vers Ariana et Alex. Ariana fut impressionné par l’intensité de son regard. Il n’avait pas fait un seul geste et pourtant, elle se sentit à la fois rassurée et effrayée par sa présence.
« Posez votre vaisseau, dit Baal-Phégor. Ensuite, je vous guiderais à la Chambre des Premiers. »
La porte monumentale s’ouvrit. De l’autre côté, se trouvait une sorte de hangar dont le plafond était supporté par des colonnes sculptées. Ariana et Alex retournèrent dans le vaisseau. Jariel en profita pour sortir.
« Qu’est-ce que tu en penses ? demanda Tony en faisant avancer lentement le vaisseau.
-Restons sur nos gardes, dit Alex. Nous ignorons encore à qui nous avons affaire réellement. Ces Anges sont peut-être du côté des Seigneurs. Qui sait ?
-Tu ne fais pas un peu de parano ? fit Ariana.
-Mieux vaut être parano et survivre, que confiant et mourir. »