Ariana Potter, Premier Cycle : Dans l'Ombre des Secrets
CHAPITRE XII : DIPLOMATIE
Alex s’isola pour pouvoir parler tranquillement à Fred.
« Tu as tout enregistré ? questionna Alex.
-Bien sûr, répondit Fred. C’est énorme tout ça ! Et moi qui pensais avoir tout vu.
-Transmets tout au Patron immédiatement, ordonna Alex. Il nous faut son accord pour contacter le gouvernement de Marineris. Après, ce sera dans la nasse des politiques pour que les autres états indépendants martiens soient mis au courant.
-A quoi tu penses ?
-Si les Seigneurs de l’Oubli sont aussi terribles que les Premiers le sous-entendent, la DE seule ne pourra rien. La CIMS[1] et l’ONS devront prendre une décision commune pour sauvegarder l’Humanité et les Peuples Magiques. Pour faire front en cas de guerre ouverte.
-Cela impliquerait la promulgation de l’alerte noire. »
Pour les menaces de type « mages noire » ou autres, les Sorciers ont mis en place un système d’alerte à quatre niveaux. Le niveau jaune correspondait à une attaque dans une zone moldue. L’orange, dans un lieu secret du monde de la Magie. Le rouge, dans un ministère de la Magie. L’activation de l’alerte noire ne pouvait être décidée que par la CIMS. C’était le code en cas de guerre totale. Ce niveau impliquerait la révélation de l’existence du monde de la Magie à la population moldue.
Alex sourit intérieurement à cette pensé. Il avait toujours rêvé que la séparation des deux mondes disparaisse. Il n’aurait simplement pas imaginé que cela se fasse dans ces conditions. Mais bon, rien n’était encore fait. Et que ça soit du côté sorcier ou moldu, cette décision serait prise par des politiciens. Cela pouvait prendre des mois.
« Transmets, conclut Alex sans rien ajouter. »
Alex rejoignit Tony qui s’entretenait avec Satan. Ils comparaient les tactiques de combat utilisées autrefois par les Anges avec celles développées par les Humains au cours des différentes guerres qui ont marqué notre Histoire. Alex remarqua l’absence d’Ariana.
« Où est Ariana ? demanda-t-il à son frère.
-Irael a proposée de lui servir de guide, répondit Tony. En parlant d’Irael, j’ai vu comment elle a intercepté l’ennemi pour vous protéger, Satan. Elle a été bien.
-C’était son premier combat réel, dit Satan. Elle et son frère ont été mes élèves. Je suis fier de voir qu’elle a retenu mes leçons. Irael fait parti de ceux qui ont développé un certain attrait pour les vôtres à force de vous observer. Je pense qu’elle aimerait vivre parmi vous. Enfin, si nous pouvons nous mêler à vous.
-Le message est parti, dit Alex. Il ne reste plus qu’à attendre. »
Ariana était émerveillé par le temple. Les Anges l’appelaient ainsi mais il s’agissait vraiment d’une cité souterraine. Elle lui rappela la Cité des Ténèbres mais en plus belle, plus lumineuse, moins oppressante. Irael la guida jusqu’à un immense parc verdoyant. Ariana ne s’attendait pas à trouver pareil endroit sous terre. Des enfants y jouaient, emplissant l’atmosphère de rire. Mais cette joie attrista Ariana.
« Qu’est-ce qui vous arrive ? questionna Irael en le remarquant.
-Rien, affirma Ariana dans un premier temps. C’est juste que ces enfants me rappellent que ma fille m’attend sur Terre. Elle me manque.
-Votre fille ?
-Oui, elle s’appelle Sarah et a huit ans.
-Huit ans ! Vous l’avez eu jeune !
-Non. En fait, je ne suis pas sa vraie mère. Je l’ai adoptée il y a peu de temps.
-Et ses parents ?
-Ils sont morts tous les deux.
-Oh. Comment ? »
Ariana se souvenait de cette soirée fatidique dans les moindres détails. Elle se souvenait d’Alessandra Figoni s’interposant pour protéger son mari et être tuée d’un coup par un seigneur. Mais elle se souvenait surtout d’avoir incanté le sortilège de la Mort pour la première fois ce soir là. L’éclair vert avait foncé sur le seigneur mais au dernier moment, celui-ci s’était protégé en se servant de Dario Figoni comme bouclier. Tout s’était passé si vite. Ariana n’oublierait jamais le regard emplit de tristesse de Sarah ce soir là. Jamais elle ne pourrait se pardonner son erreur. Son seul soulagement était que la fillette ne se souvenait de rien.
« Je préfère ne pas en parler, finit par dire Ariana. »
Irael ne posa pas plus de question. Ariana continuait à penser à cette nuit tragique et à ses conséquences. Elle repensa à l’autre perte inestimable qu’elle subit ce soir là : Alastor Weasley. Elle n’avait compris qu’après sa mort à quel point elle aimait l’auror. Elle n’avait même pas eu le temps de le lui dire. Et maintenant, elle avait trouvé quelqu’un d’autre en la personne de Jeremy. Mais ressentait-elle pour lui autant d’amour qu’elle en avait ressenti pour Alastor ? Elle l’ignorait. Et surtout, le souvenir de ce matin où elle croyait trouver des cheveux noirs la troublait encore. Surtout depuis qu’elle avait compris qu’il s’agissait d’Alex.
Alex. Sans penser à la nuit qu’ils avaient partagée, que pouvait-elle bien ressentir pour l’étrange et cynique jeune homme ? Elle le trouvait insupportable à cause des petites remarques qu’il ne cessait de lancer. Il ne reculait devant aucune bassesse pour atteindre ses objectifs. Et pourtant, Ariana savait qu’il n’avait à cœur que de protéger l’Humanité et les Peuples magiques. Elle avait découvert quelques uns de ses bons côtés au cours de leurs missions. En particulier à Londres, dans la Cité des Ténèbres quand il avait avoué espérer voir un jour les deux mondes réunis en un seul. Elle avait été touchée par sa gentillesse ce jour là. Elle s’était alors rendu compte que son cynisme n’était qu’une armure destinée à se protéger lui-même. Alex ne voulait pas s’attacher aux autres. Tout ça car il se savait responsable de la mort de sa compagne et coéquipière : Jane Carter. Sur ce point, elle et lui se ressemblaient. Alex n’avait pas su agir comme il fallait pour que Jane survive. Ariana, par son comportement aphasique après la mort du couple italien à Ziling Tso, avait provoqué la mort d’Alastor venu la protéger. Mais elle ne parvenait pas à se dire qu’elle pouvait ressentir autre chose qu’un simple respect pour Alex.
Le Patron n’en revenait pas. Les Anges existaient donc. Et en plus, ils avaient combattu les Seigneurs de l’Oubli par le passé. Il fallait absolument transmettre ce dossier à ses supérieurs. En substance, la division ésotérique n’était pas véritablement liée au reste des services secrets de l’ONS. Son statut particulier la plaçait à la fois sous l’autorité du Conseil de Sécurité de l’ONS et de la Commission Sécuritaire de la CIMS. Et pour l’un comme pour l’autre, Hector Guillou n’avait qu’un seul interlocuteur, chacun se chargeant de transmettre les informations.
Pour l’ONS, il s’agissait de monsieur Adam Ferson, représentant l’Angleterre à l’ONS. Un homme à l’allure sèche et aux paroles souvent cassantes. Pour la CIMS, c’était monsieur Tran Van-Loc, un sorcier vietnamien ne parlant que quand il le fallait. Il arborait une fine barbichette grise et s’appuyait sur une canne pour marcher.
Les deux hommes arrivèrent en même temps dans le bureau d’Hector Guillou. Le Patron leur présenta la situation et le rapport de l’équipe d’Alexandre Chaldo. Les deux hommes restèrent neutres durant tout le temps de l’exposé. Puis Adam Ferson prit la parole :
« Sommes-nous seulement sûrs que ces Seigneurs de l’Oubli ou Daemons sont une réelle menace ? Si on regarde bien, au cours des derniers mois, ils n’ont pas fait tellement de dégâts. Vos hommes en ont fait beaucoup plus en essayant de les arrêter.
-Monsieur Ferson, nous pensons que la raison d’une telle discrétion chez les Seigneurs de l’Oubli est qu’ils sont encore en phase de préparation d’une attaque bien plus ambitieuse, exposa le Patron. Nous avons eu de la chance de découvrir leur existence et leurs agissements, grâce au fait qu’ils nous aient sous-estimé. Mais si nous ne faisons rien, qui sait ce qui pourrait nous tomber dessus ?
-Justement, tout n’est basé que sur des suppositions sans aucune preuve tangible. Ce n’est qu’un faisceau de présomption. Vous pensez qu’il y aura une guerre à l’échelle du système solaire, personnellement, je ne vois rien qui justifie une telle inquiétude.
-Nous savons que les Seigneurs de l’Oubli cherchent à récupérer les crânes de cristal, et maintenant, nous savons pourquoi. Ils veulent les connaissances des Anges.
-Ça aussi ça ressemble à un joli comte ! Des Anges ! Et puis quoi encore après ? Des petits hommes verts ? Monsieur Van-Loc, les vôtres ignoraient l’existence de ce peuple, n’est-ce pas ?
-Oui, répondit simplement le sorcier. Et je ne pense pas qu’un tel peuple ait pu rester caché si longtemps.
-Ils étaient sur Mars, la colonisation de cette planète ne date que de trois siècles, rappela Guillou. Beaucoup de choses nous sont encore inconnus.
-Admettons, reprit Ferson. Le fait persiste que pour le moment, aucune preuve de menace tangible n’a été apportée par vos agents. L’alerte noire est le plus au niveau que peut promulguer la CIMS. Vous savez très bien ce qu’elle implique. Les Moldus ne sont pas prêts pour une telle révélation. De même que je ne pense pas les Sorciers et les Peuples magiques capables d’accepter de sortir de l’anonymat pour le moment.
-Vous préférez quoi ? Que ces deux mondes se découvrent mutuellement tranquillement tant qu’ils le peuvent ou violemment quand la guerre éclatera ?
-Il n’y aura pas de guerre. Pour moi le sujet est clos. L’alerte noire ne sera pas promulguée par la CIMS et l’ONS ne prendra aucune résolution pour mettre les armées du système solaire en alerte. Qu’en dîtes-vous monsieur Van-Loc ?
-Je suis d’accord sur ce point, répondit le vietnamien. Pas assez de preuve ou de présomption pour le moment. Nous n’allons pas changer aussi violement notre façon de vivre pour des suppositions. Par contre, je pense que la CIMS aimerait rencontrer ces Anges. Pour déjà vérifier s’ils sont bien qui ils prétendent être. Et, si besoin est, commencer des relations diplomatiques avec eux. Sous l’égide de la CIMS.
-Cela va de soi, acquiesça Ferson. Briefez le responsable de l’antenne martienne, il se chargera d’ouvrir un semblant de relation. En attendant de faire venir un ambassadeur de ces Anges sur Terre. »
Les deux bureaucrates sortirent. Le Patron soupira patiemment en souriant. Il savait bien avant cette réunion qu’il n’obtiendrait pas l’alerte noire. Mais au moins, des relations diplomatiques entre les Anges et les Sorciers seraient engagés. Bien entendu, la DE gardera un œil dessus et donc, pourra prévenir la guerre contre les Seigneurs de l’Oubli au cas où. Hector Guillou conservait l’espoir qu’aucune guerre n’éclate.
« Vous avez tout entendu ? demanda-t-il.
-Ce n’est pas étonnant de leur part, dit une voix féminine par le visiophone allumé en position vocale uniquement. Ils veulent conserver le statu quo. L’Homme a toujours eu peur du changement. A chaque fois, dans l’Histoire, les changements ont dû s’imposer d’eux-mêmes et parfois brutalement pour être acceptés.
-Donc tout va bien ? ironisa le Patron.
-Non, mais nous devons faire avec. Le temps approche monsieur Guillou. »
La communication se coupa. Le Patron devait envoyer un message pour Mars. Il commença donc à le rédiger.
Les agents de la DE passèrent la nuit au Temple des Anges. Le lendemain, Shemhazai et d’autres Premiers leur racontèrent comment s’était déroulé la guerre contre les Seigneurs de l’Oubli par le passé. Les conclusions d’Alex après l’exposé fut qu’ils ne pouvaient plus se battre de la même façon que par le passé. A l’époque, les moldus furent mis à l’écart car ils ne pouvaient espérer survivre dans un affrontement contre les Seigneurs. Mais les Eldars étaient bien plus nombreux et les Moldus, crédules. Aujourd’hui, les Eldars ne vivaient plus que dans quelques villages cachés, se tenant éloignés des Humains et autres Peuples magiques. Et les Moldus ne se laisseraient plus abuser comme par le passé. Il faudra compter avec eux en cas de guerre ouverte.
Le point positif restait le cas des Vampires. Si, autrefois, ils s’étaient rangés du côté des Seigneurs, Alex savait pertinemment que maintenant, le Peuple de la Nuit combattrait de leur côté. Alex et Tony l’assurèrent à Shemhazai, connaissant tout deux personnellement le seigneur du clan Sornas, l’une des principales branche de la Nation Vampire.
« Alex, nous avons reçu un message du Patron avec de nouveaux ordres, appela Fred.
-Excusez-moi, fit Alex en s’éloignant de Shemhazai et son frère. Je t’écoute Fred.
-Ferson et Van-Loc ont refusé d’activer l’alerte noire et de mobiliser les armées.
-C’était prévisible. Qu’est-ce que le Patron a obtenu ?
-Ils ne croient pas qu’ils soient des anges mais ils veulent le vérifier et, le cas échéant, débuté une relation diplomatique avec eux. C’est bien sûr la CIMS qui dirige cette action et c’est nous qui devons la mener à bien dans un premier temps.
-Parfait. Le Patron va envoyer quelqu’un pour ouvrir cette relation diplomatique.
-C’est Rowena qui a reçu la mission. Elle est en train de lire les derniers rapports, nous ne devons plus rien lui cacher sur cette affaire.
-Mets-moi en relation directe avec elle, ordonna Alex. »
Rowena Carter était occupée à lire les rapports de mission de l’équipe d’Alex et à visionner les vidéos les accompagnants quand une légère démangeaison lui signala un appel. L’identification de l’appelant ne lui fit pas vraiment plaisir, mais elle savait cette sinécure nécessaire.
« Alex, fit-elle.
-Te voilà devenu une officielle diplomatique, félicitations, lança-t-il.
-Je me passerais de tes remarques ironiques. La situation a-t-elle évolué ?
-Nous avons appris pas mal de choses sur la dernière guerre. Je vais t’envoyer un enregistrement. Ariana en apprend beaucoup sur leur façon de vivre. Et de ton côté ?
-Les autorités de New-America sont en train de fouiller Huygens et de vérifier qu’il n’y a aucun risque. Il faut que vienne à ce Temple des Anges pour rencontrer les Premiers.
-Je peux arranger ça. Mais il faudra être prudent. L’explosion figée n’était qu’un appât pour attirer les Premiers hors de leur cachette.
-Oui, j’ai perdu plusieurs hommes dans cette affaire.
-Ne va pas mettre ça sur mon dos, ils nous ont attaqués en force.
-Comment procède-t-on pour la rencontre ?
-Le Temple doit rester secret. Je vais amener un ambassadeur des Anges à la base spatiale de Phobos. C’est peut-être l’endroit le plus sécurisé dans la zone martienne.
-Je suis d’accord. Je pars pour Phobos et je vous y attends. Je t’envois deux chasseurs en escorte.
-D’accord. A tout à l’heure. »
[1]Confédération Internationale des Mages et Sorciers.