Ariana Potter, Premier Cycle : Dans l'Ombre des Secrets

           CHAPITRE VIII : L’ASSAUT

           Erius Sornas, le chef vampire de l’Unité Action de la DE, avait réuni ses hommes autour de lui pour le dernier briefing avant d’embarquer. Ces moments étaient importants. Les hommes devaient savoir où ils allaient et pourquoi. Même si Erius savait pertinemment qu’ils l’auraient suivi n’importe où, même au travers du feu et de l’eau. A chaque fois qu’il effectuait un briefing avant départ, il repensait à ses premiers temps de cadre à l’UA, lorsqu’il n’était que chef d’équipe. Cela faisait longtemps, il ressentait une certaine nostalgie de cette époque. Il avait été le premier vampire à intégrer la DE sous l’impulsion de sa cousine Assya. Au début, cela avait été difficile. Les humains, sorciers ou moldus, se défiaient des vampires. Il dut prendre sur lui, faire plus d’efforts que les autres, parfois se battre contre ses camarades. Même lorsqu’il fut nommé chef d’équipe, les hommes de son trinôme ne lui faisaient pas confiance. Il dut prouver sa valeur plus que n’importe qui. Et avec le temps, il fut accepté et respecté. Personne ne songerait maintenant à lui retirer le commandement de l’UA. Comme le disent les français : il fait parti des meubles.

           « Je pense que vous avez entendu déjà plus ou moins ce qui se passe, annonça-t-il. Nous avons perdu tout contact avec l’équipe IS actuellement déployée sur le Yucatán. Nous ignorons tout de la situation dans laquelle ils se trouvent. Tout ce que nous savons c’est qu’ils ont pris contact avec quelqu’un qui semble être un ange. Le contact a été rompu quelques secondes après que cette donnée ne nous soit parvenue. La présence de Seigneurs de l’Oubli est plus que probable. Nous pensons que ce sont eux qui ont coupé toute communication avec l’équipe. Certainement pour lancer une attaque. Nous tenterons une prise de contact par faisceau direct une fois à porté de la cité Maya. En tout état de cause, gardez à l’esprit que nous ignorons tout ou presque de la topographie des lieux. Donc, restez toujours en contact visuel. Et nous ignorons aussi le volume des forces ennemies en présence. Consigne de combat : soyez sûrs de votre cible, ne tirez que si vous êtes totalement sûrs d’avoir un ennemi dans votre ligne de mire, et tirez pour tuer, usage de l’Avada autorisé. Pour les deux AAF, vous attendrez les instructions en altitude moyenne, à porté de tir d’appui par canon de 105 et missiles, engagement sur ordre uniquement par guidage de tir. Les ATEF, vous dégagez la zone et vous vous trouvez un point d’attente hors de porté de l’ennemi. En mesure de venir nous récupérer sur ordre. »

           Un claquement proche attira l’attention d’Erius et de ses hommes. Julia venait d’arriver. Et elle n’était pas seule. Erius alla à sa rencontre.

« Julia, qu’est-ce qui se passe ? demanda-t-il.

-Je ne fais que passer, dit-elle. Lorsqu’on a vu l’ange sur les images transmises par Tony et Ariana, Hermoni a demandé à ce qu’un ange s’y rende. Tu connais déjà Irael je suppose.

-On s’est déjà croisé. Mais nous ne partons pas en excursion.

-J’en suis consciente, fit Irael. Je suis une guerrière formée par le seigneur Satan.

-Ariana m’a parlé de lui, et de vous. Qu’en penses-tu Julia ?

-J’ai déjà fait quelques petits combats d’entrainement avec Irael. Tu peux l’emmener.

-Très bien, mais vous restez près de moi. Je ne peux pas vous intégrer à un autre groupe, ça déstabiliserais l’organisation.

-Je comprends, acquiesça Irael. Je suis à vos ordres. »

           Julia dit au revoir et utilisa son portoloin de retour.

« Nous avons une invitée, annonça Erius à ses hommes. Voici Irael, une ange. Elle va venir avec l’équipe de commandement. Des questions ? »

Tout le monde demeura silencieux.

« On embarque, ordonna Erius. »

L’ordre d’embarquement fut repris par les chefs de groupes et les hommes se précipitèrent dans les aéronefs. Erius fit signe à Irael de le suivre. Il lui montra où elle devait s’asseoir et lui ordonna de s’attacher. Erius se plaça sur la tranche arrière et regarda ses hommes finirent d’embarquer. Les ATEF se fermèrent. Erius donna l’ordre de décoller. Son ATEF fut le premier à prendre son envol. Agrippé au vérin hydraulique, Erius regarda le sol s’éloigner et les autres aéronefs décoller à sa suite. Au bout de quelques instants il quitta la tranche arrière, faisant signe au chef de soute de la fermer. Il vint s’asseoir près d’Irael.

           « Erius, ici Fred, résonna un appel dans son casque.

-Je t’écoute, confirma Erius.

-Situation inchangée, toujours aucun contact ni aucun visu satellite du sol. On est aveugle et sourd.

-Bien compris. On va sûrement être coupé en entrant dans la zone. Si tu n’as pas de nouvelle durant une heure après coupure de liaison, envoi une patrouille de recherche. Mais elle ne doit pas s’approcher, observation seulement et compte-rendu.

-Très bien, terminé. »

           Les éclairs fusaient de part et d’autre. Les détonations du pistolet de Christianus claquaient aux oreilles. Les Seigneurs de l’Oubli se trouvaient en contrebas. Ils essayaient de monter les marches mais à chaque fois, un éclair de magie ou une balle les faisaient retomber dix mètres plus bas. Ariana avait aussi sorti son pistolet. C’était la première fois qu’elle s’en servait en opération. Mais elle était confiante, elle s’était entrainer pour ça. Elle variait entre des tirs à l’arme à feu et des sortilèges.

« J’espère que ça vous prouve assez notre bonne foi, dit Tony à Lucifel. »

L’ange avait matérialisé un arc et tirait des traits lumineux.

« Ils sont trop nombreux, répondit Lucifel. Nous n’arriverons jamais à les repousser. Ils vont nous avoir à petit feu. Douze milles ans pour en arriver là.

-Les renforts ne vont pas tarder. J’espère. »

           Un bruit attira l’attention des défenseurs. Ariana osa jeter un coup d’œil hors du temple pour voir de quoi il s’agissait. Elle eut à peine mit la tête dehors qu’un Seigneurs surgit de sa gauche. Plusieurs ennemis avaient grimpé par un autre côté de la pyramide. Ariana se jeta en arrière en tirant à plusieurs reprises sur le premier. Les balles le touchèrent au visage et au torse, éclatant ses dents pointues et ouvrant des trous sanguinolents. Touché mortellement, le seigneur s’effondra. Mais d’autres arrivèrent à sa suite, engageant le corps-à-corps.

           Tony vit Lucifel troquer son arc contre une lance surgit de nulle-part. Tony prit sa baguette dans la main gauche, il libéra ainsi sa main droite qui put accueillir une épée chinoise à double tranchant. Il la fit tournoyer avant de se mettre en garde. Cette épée était dans sa famille depuis quatre siècles, et jamais son tranchant n’avait été mis en défaut. La tradition voulait normalement que celui qui héritait du titre de Corbeau la recevait. Mais Alex avait toujours préféré le sabre à l’épée. Un seigneur lui lança un éclair. Tony le bloqua avec sa baguette tout en fonçant sur lui. Il esquiva un coup de griffes et contre-attaqua dans la foulée en traversant le cou du seigneur de toute la longueur de sa lame. Il enchaina en tournoyant sur lui-même en arrachant l’arme du cou pour venir l’abattre sur le crâne d’un autre.

           Ariana avait perdu son pistolet, un seigneur lui avait frappé sur le poignet et celui-ci s’était brisé sous le choc. Malgré la douleur, elle ne pouvait reculer. Sa baguette fermement tenue dans sa main gauche, elle était prête à se battre. Elle ne devait pas mourir. Mais si elle mourait, elle rejoindrait Alex. Y avait-il une vie après la mort où elle pourrait le retrouver ? Imperceptiblement, sa main se baissa. Le seigneur en profita pour se jeter sur elle. Il ne parvint pas vivant jusqu’à elle, une balle tirée par Christianus l’arrêta au vol. Ariana regarda quelques secondes le cadavre encore chaud. Qu’était-elle en train de faire ? Elle secoua la tête et reprit le combat.

           Les défenseurs étaient submergés. Ils durent se replier derrière l’autel.

« On ne tiendra plus très longtemps, cria Lucifel. Je suis fatigué de cette trop longue vie. Et je ne suis pas le seul, n’est-ce pas ? fit-il en regardant Ariana.

-Il ne voudrait pas, gémit-elle doucement. Il ne voudrait pas.

-Ariana, reprends-toi, ordonna Tony.

-Je n’ai presque plus de munitions, prévint Christianus. Où sont les renforts ?

-Je ne sais pas, avoua Tony.

-Mettez-vous à couvert, ordonna une voix dans la tête de Tony et Ariana.

-Couchez-vous, hurla Tony en dressant un bouclier. »

           Une longue rafale se fit entendre à l’extérieur du temple. Les balles claquèrent contre la pierre, projetant des éclats dangereux. Les seigneurs tombaient les corps broyés. Certains se précipitèrent au couvert des arbres. Le déluge de feu et d’acier cessa quand plus aucun seigneur visible ne bougea. Il y eut alors un moment de silence. Des silhouettes en position de combat se dessinèrent dans l’entrée du temple et y pénétrèrent. Ils mirent les défenseurs en joue. Tony leva les bras en signe de paix.

« Baissez vos armes, c’est nous, lança-t-il.

-RAS de notre côté, fit le chef de groupe.

-On a un blessé léger, renseigna Tony. On sort. »

           Le chef de groupe prévint le reste de l’UA et les défenseurs sortirent. Dehors, Erius était occupé à jeter un dispositif de défense en plaçant les groupes. Tony envoya Ariana voir le médecin pendant qu’il rejoignait le vampire. Irael vint tout de suite voir comment allait son amie.

           Christianus examina les cadavres des seigneurs. Il n’avait eu que des rapports fragmentaires sur ces créatures que ses chefs décrivaient comme une invention des sorciers. Mais à vrai dire, il avait du mal à imaginer un des deux frères Chaldo participer à une telle mascarade. A force de les croiser, il avait fini par apprendre à les connaître. Il commençait à mettre en doute ses ordres.

           Christianus allait se relever quand le seigneur qu’il examinait ouvrit les yeux en grognant hargneusement. Il se redressa d’un coup, plaquant l’agent du Vatican au sol. Ses dents pointues allaient déchirer la chair de l’humain quand un trident vint lui traverser le crâne. Le corps, maintenant vraiment mort, du seigneur s’effondra sur Christianus. Il le repoussa sur le côté et leva les yeux vers son sauveur. Irael lui tendait la main, ses ailes immaculées tendues dans son dos et ses cheveux d’une blondeur dorée donnaient un air irréel à sa vision. Christianus eut du mal à respirer quand il tendit sa main et la posa dans la sienne. Elle l’aida à se relever et lui adressa un sourire éclatant de pureté.

« Faites attention, dit-elle. Les Dæmons sont durs à tuer.

-Merci, parvint à soupirer Christianus.

-Beau mouvement, lança une voix derrière Irael. Qui vous a appris le maniement du trident ? »

Irael se tourna et tomba sur Lucifel. Aussitôt, elle s’agenouilla avec déférence.

« Seigneur Lucifel, fit-elle. C’est votre frère, le seigneur Satan.

-J’ai donc bien reconnu son style, dit Lucifel. Comment t’appelles-tu ?

-Irael.

-Relève-toi Irael. Il va falloir que tu me racontes beaucoup de choses.

-Je pense que le seigneur Hermoni sera plus à même de vous en parler.

-Oui, certainement. Mais déjà, je me rends compte que ces humains m’ont dit la vérité jusqu’à maintenant. Une nouvelle génération d’anges. Je suis heureux de constater que notre espèce n’a pas disparu de ce système. »

           Lucifel se dirigea vers Anthony.

« Je vous dois des excuses, dit-il.

-J’aurais agi comme vous à votre place, assura Tony. Et avant que vous vienne l’idée de lui sauter dessus, voici Erius Sornas.

-Un vampire, n’est-ce pas ?

-Oui, confirma Erius.

-Je vois que beaucoup de choses ont changé. Il devient urgent que je vois Hermoni.

-Avant cela, nous devons sécuriser le crâne, dit Tony.

-C’est donc pour ça que vous êtes là. Bien, le crâne est ici. Mais y accéder ne sera pas facile. J’ai piégé les accès, au cas où je ne serais plus en mesure de le protéger. Même pour moi, ce ne sera pas simple.

-Le plus tôt sera le mieux. Ariana est en train d’être soignée. Je dois lui parler avant qu’on y aille.

-Une partie de cette jeune femme a envi de mourir, dit Lucifel.

-Vous avez compris ça tout de suite !

-J’ai vécu des années de guerre où j’ai perdu de nombreux compagnons. C’est le genre de chose qu’on voit un peu trop souvent à mon gout. Je suppose qu’elle a perdu quelqu’un de cher dernièrement. »

           Anthony s’approcha d’Ariana. Le médicomage venait de terminer de soigner son poignet. Il salua Tony d’un hochement de tête et partit.

« Ça y est, fit-elle. Je suis opérationnelle.

-Je n’en suis pas sûr, fit Tony.

-Que veux-tu dire ?

-Qu’est-ce que tu nous as fait tout à l’heure ? Je t’ai vu baissé ta baguette alors qu’un seigneur s’approchait de toi. Heureusement que Christianus sait tirer. Et ensuite, tu t’es lamentée.

-Ce n’est pas ce que tu crois.

-Alors qu’est-ce que c’est ? »

Ariana resta silencieuse.

« Je vais te dire ce que moi je crois que c’est, continua-t-il. Je crois que contrairement à ce que tu m’as dit avant qu’on parte, tu penses encore trop à la mort d’Alex et que ça te mine. Je pense qu’une part de toi souhaite mourir dans l’espoir de le retrouver.

-Je ne peux pas, se récria Ariana. J’ai quelqu’un qui compte sur moi ! Sarah compte sur moi !

-Cela n’empêche rien. Tu penses encore trop à lui.

-C’est sûr que moi, contrairement à toi ou à Julia, je ne suis pas insensible.

-Tu crois que la mort de notre frère ne nous a rien fait. Tu as tort. C’est juste que nous avons notre façon de gérer notre chagrin. C’est de famille. Mais nous ressentons la tristesse, quoi que tu puisses croire.

-Excuse-moi. Je ne voulais pas dire ça.

-Si, tu voulais le dire. Mais je ne t’en veux pas. C’est vrai que nous pouvons paraître insensibles. D’une certaine manière, c’est notre façon de nous protéger en cas de malheur. Mais revenons à toi. En temps normal, je te demanderais de rester ici avec Erius et ses hommes le temps qu’on aille chercher le crâne. Mais tu n’es pas du genre à rester en arrière, n’est-ce pas ?

-Je veux venir. Je dois passer mes sentiments et ma peine. C’est ce qu’il aurait voulu.

-Alors tu auras besoin de ça. »

Tony lui tendait son arme. Il lui avait ramassé avant de quitter le temple.

           Les deux agents de la DE rejoignirent Lucifel et Irael qui discutait. Christianus se tenait en retrait.

« Nous sommes prêts, annonça Tony. Christianus, que vas-tu faire ?

-Tu accepterais que je vous accompagne ? demanda Christianus.

-Ce sera dangereux.

-C’est tout ? Je te demande surtout pourquoi tu permettrais que j’y aille.

-Alex te respectait. Et moi aussi. Donc tu viens ou pas ?

-Je viens.

-Alors nous sommes prêts. Et toi Irael ?

-Si le seigneur Lucifel veut bien de moi, dit la jeune ange.

-Je n’y vois aucun inconvénient, acquiesça Lucifel. Allons-y. »