Ariana Potter, Premier Cycle : Dans l'Ombre des Secrets
Chapitre 65 : XI La Rivière Souterraine
3112 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 04/01/2013 06:33
CHAPITRE XI : LA RIVIERE SOUTERRAINE
Samus Denler lisait un dossier sans vraiment comprendre le sens des mots. Cela faisait deux jours qu’il n’avait plus de nouvelle de Christianus Féndès. Et si ces blasphémateurs l’avaient tué ? Samus savait qu’il ne pourrait pas faire grand-chose dans un tel cas. C’était souvent comme ça dans l’univers de l’espionnage. Ce ne serait pas le premier agent qu’il perdrait.
Son visiophone sonna. C’était la ligne opérationnelle. Il décrocha immédiatement. L’image holographique d’un homme à la peau basané apparut. Denler reconnut tout de suite un de ses agents mexicains. Celui-ci était chargé de surveiller les activités actuelles de la DE au Yucatán.
« Que se passe-t-il ? questionna Denler sans préambule.
-Il y a eu du mouvement sur la base réquisitionner par la DE, renseigna le mexicain. Il y a quelques heures, les aéronefs de la DE se sont envolés direction la zone d’opération. Il n’y a plus eu de contact durant un moment puis un message est parvenu d’un ATEF. Un nouveau groupe UA est arrivé en renfort et est immédiatement parti pour la zone. Depuis, plus rien.
-Quelque chose s’est passé dans la zone. Est-ce bon ou mauvais pour nous, c’est la grande question.
-Il y a encore une chose monsieur. Avant que les aéronefs partent, deux individus sont arrivés, deux femmes. L’une est repartie, l’autre est restée et a accompagné l’UA.
-Vous avez des photos ?
-Je vous les transmets en ce moment même.
-Bien, je vous rappelle si j’ai de nouvelles instructions pour vous. En attendant, mission inchangée.
-Bien monsieur. »
L’image holographique s’estompa. Denler regarda dans ses fichiers reçus et ouvrit les photos envoyés par son agent. Il reconnut rapidement l’une de deux femmes : Julia Chaldo, chef du département scientifique de la DE. Entre la famille Chaldo et les services secrets du Vatican, c’était une longue histoire. Ces sorciers prenaient toujours un malin plaisir à contrecarrer les tentatives de déstabilisation des gouvernements magiques. Denler se doutait bien qu’un agent de la DE était infiltré au sein même du Vatican. Mais même s’il nourrissait une haine viscérale contre ses aberrations, il devait reconnaître qu’ils étaient assez doués pour qu’il ne puisse pas le découvrir.
Denler regarda attentivement les photos de l’autre femme. Son visage ne lui disait rien. Elle était jeune, pas plus de vingt ans. Une très belle jeune femme aux cheveux d’un blond lumineux. Etait-ce une nouvelle ? Non, elle ne serait sûrement pas envoyée comme ça sur une mission aussi dangereuse. Il fallait forcément qu’elle est des états de service. Il transmit les photos de cette nouvelle tête à son service d’identification, elle devait sûrement être fichée quelque part. Et en plus, il allait envoyer un message à son espionne au sein de la DE pour savoir ce qui se passait au Yucatán et qui était cette nouvelle arrivante.
La chaleur était montée progressivement et maintenant elle en était étouffante. Ariana était en sueur. Elle vit que Christianus aussi. Par contre Tony et les deux atlantes étaient parfaitement secs. Dans le cas de Tony, Ariana savait que son corps cybermagique régulait la température automatiquement. Pour les anges, elle ne pouvait que soupçonner que c’était une résultante de leur grande capacité physique.
« On arrive au premier rempart, annonça Lucifel. Ce n’est pas le plus dur à franchir.
-Qu’est-ce que c’est ? demanda Ariana.
-J’ai détourné une rivière souterraine. Elle fait dans les cinq cents mètres de largeur et coule à torrent. De plus, j’ai imprégné l’atmosphère de magie pour interdire toute utilisation d’une lévitation ou autre chose de cette nature.
-Ça ne me semble pas trop dangereux, dit Tony. On sera juste un peu mouillé.
-Je n’ai pas dit que c’était une rivière faite d’eau. »
Ils venaient de déboucher dans un tunnel coupant le chemin qu’ils suivaient. La chaleur était atroce et une lumière orange emplissait l’espace. Ariana ouvrit des yeux ronds en découvrant le torrent incandescent qui coulait à trente mètres devant elle en contrebas.
« Une rivière de lave, illustra Christianus. Je comprends mieux pourquoi on avait de plus en plus de mal à respirer.
-Vous avez dit que la magie est inopérante à cause d’un enchantement, fit Tony.
-Ah ! C’est donc ainsi que vous appelez ça, remarqua Lucifel. Oui c’est le cas. Un atlante n’aura aucun mal à passer. Mais pour un dæmon, ce serait une toute autre histoire.
-Je comprends que vous n’ayez aucun problème pour passer en quelques coups d’aile, lança Ariana. Mais nous, comment allons-nous faire ?
-On va vous porter, dit Lucifel. Je ferais deux voyages pour les deux hommes, Irael, tu t’occupes d’Ariana.
-Oui seigneur, acquiesça Irael.
-Je vous préviens, je suis assez lourd, dit Tony. Mon corps est fait en grande parti de métal. C’est un alliage léger et résistant mais c’est tout de même plus lourd que la chair humaine.
-De métal ? interrogea Lucifel.
-J’ai été gravement blessé lors d’un combat contre des dæmons et j’ai dû être presque totalement reconstruit.
-Je vois. Nous verrons bien. Je propose que l’on commence par vous. Vu que vous êtes le plus lourd. Allons-y. »
Lucifel fit reculer les autres pour avoir la place de déployer ses ailes. Christianus avait déjà vu Irael avec ses ailes déployées, spectacle qu’il n’était pas près d’oublier, mais il fut impressionné par celles de Lucifel surgissant de ses omoplates. Elle n’avait pas la pureté de celle de la jeune ange, elles étaient d’un gris presque noir. Christianus commençait réellement à douter. Les sorciers n’iraient pas aussi loin, et d’ailleurs, dans quel but ? S’ils voulaient contrôler le monde, comme le suggérait ses chefs, ils avaient les moyens de le faire depuis longtemps. Christianus ayant à maintes reprises été témoin de l’étendu des pouvoirs des peuples magiques. Et ce n’était que maintenant qu’il commençait à avoir des doutes. Même si il avait pris l’habitude après chaque rencontre avec Alexandre Chaldo de se poser toujours les mêmes questions : pourquoi sauvait-il de gens innocents au lieu de les mettre sous son pouvoir ? Pourquoi ne l’avait-il jamais tué en combat alors que Christianus le savait bien plus fort que lui ? En fait, Alexandre Chaldo avait déjà insinué le doute dans son esprit. Sa rencontre avec Irael ne faisait que le renforcer en même temps qu’elle ébranlait sa foi.
Lucifel prit Tony sous les bras. Il battit des ailes pour tenter de se soulever du sol mais n’y parvint pas.
« Effectivement, vous êtes lourd, dit Lucifel. C’est le décollage qui pose problème.
-Alors comment on fait ? fit Tony. Vous me portez à deux avec Irael ?
-Ce serait trop dangereux, on risque d’être déséquilibrer, de s’emmêler les ailes et de tomber tous les trois dans la lave. Non, je pense être capable de vous porter. Je vous l’ai dit, c’est le décollage qui pose problème. Il faut que je prenne de la vitesse.
-J’ai peur de comprendre comment vous comptez faire ça.
-Vous n’êtes pas un lâche, donc ça devrait aller.
-Allons-y, accepta Tony en soupirant. »
Lucifel et Tony s’approchèrent du bord, au plus près du vide donnant sur la rivière de lave. N’importe qui aurait fait une tête de effrayée en baissant les yeux sur le courant de fluide bouillant en contrebas. Mais Tony n’était pas n’importe qui. Même Ariana se surprit à sourire en les voyant si près du vide. Avait-il pris goût au danger ? Elle ne pouvait se cacher à elle-même qu’elle appréciait la poussée d’adrénaline liée au danger et certaines activités comme la chute libre, la plongée sous-marine, le ski hors-piste ou le BASE jump[1] faisaient maintenant parti de ses activités du week-end.
Lucifel étendit ses ailes au maximum. Ils se laissèrent tomber en avant, faisant juste une petite impulsion pour quitter le sol. Ils tombèrent, prenant de la vitesse. La lave se rapprochait dangereusement. Tony sentit la chaleur lui brûler les quelques os naturels qu’il lui restait. Il crut un moment que sa dernière heure était arrivée mais Lucifel parvint à relever le saut et à remonter d’un coup d’aile. Il battit l’air puissamment et parcourut les deux cents mètres qui séparaient les deux plateformes. Tony se tourna vers Lucifel une fois posé. Il lui tapa dans la main. Le vieil ange ne comprit pas.
« Je vous expliquerais ce que c’est que le fun plus tard, fit Tony. »
Lucifel ne chercha pas plus loin, ce devait être un point culturel humain qu’il ignorait.
Les suivant furent Ariana et Irael. Les deux jeunes femmes s’élevèrent sans difficulté et se posèrent avec légèreté sur la plateforme naturelle d’arrivée. Durant le vol, elles croisèrent Lucifel qui allait chercher Christianus. Une fois qu’ils eurent tous traversé, ils s’engouffrèrent dans le boyau, souhaitant quitter au plus vite cette chaleur étouffante.
Dés qu’ils furent suffisamment loin, une petite pause de cinq minutes donna le temps aux humains du groupe de se rafraîchir et de se sécher à coups de baguette. Même Christianus accepta de laisser Tony s’occuper de lui. Ils devaient maintenant marcher en direction du deuxième obstacle.
Le groupe de renfort dirigé par Jeremy MacCoy était arrivé et avait pris position en suivant les directives d’Erius Sornas. Jeremy inspecta une dernière fois son dispositif de défense et alla rendre-compte à Erius.
« Chef, 100%, fit-il.
-Bien, acquiesça Erius.
-Des nouvelles d’Ariana ? Enfin, je veux dire de l’équipe IS ?
-Tu as fait ton stage co avec Ariana, n’est-ce pas ?
-Oui chef.
-Pas de nouvelles mais ce n’est pas étonnant, ils sont en sous-sol et les Seigneurs de l’Oubli bloquent nos transmissions.
-Dans combien de temps doit-on envoyer une équipe de recherche ?
-Jamais. Les ordres d’Anthony Chaldo sont clairs : pas d’équipe de recherche, si on n’a pas de nouvelles d’ici quarante heures, on décroche.
-Et on les abandonne !
-Ça ne me plait pas non plus mais ce sont les ordres. Dans la situation actuelle, c’est ce qu’il y a de plus sage. Le Patron a même ajouté qu’il fallait condamner l’entrée. »
Jeremy resta abasourdi par cet ordre. Il n’imaginait pas un seconde devoir abandonné quelqu’un, et en particulier Ariana. Certes, ils n’avaient jamais été vraiment ensemble, ils avaient un peu flirté et passé une nuit ensemble. Mais elle était quelqu’un de spéciale pour lui quand même. Elle lui avait avoué à demi-mot qu’elle était amoureuse de son défunt coéquipier. Il avait alors compris qu’il lui faudrait être patient s’il voulait la séduire, attendre que la blessure de la perte d’Alexandre Chaldo se referme. Il pouvait le faire. Mais là, il risquait de la perdre définitivement.
« Je sens que ça ne te plait pas, reprit Erius.
-Non, pas du tout, confirma Jeremy, conscient qu’il serait inutile de le nier.
-Tu dois bien comprendre que ce n’est pas seulement nos vies qui sont en jeu ou celle d’un pays. Ce sont des milliards de vies, celles de toute l’Humanité et de tous les Peuples Magiques qui sont en jeu. Notre marge d’erreur ne nous autorise pas à faire dans le sentiment.
-J’en suis conscient. Mais je n’arrive pas à l’accepter.
-Alors, c’est que tu es encore humain.
-Est-ce un mal ?
-Oui et non. Rester humain est bien car la compassion est un sentiment admirable. Mais dans notre métier, il faut souvent faire fi de ce sentiment. Trop de vies en dépendent. Toujours garder l’esprit clair et objectif.
-Il vous a fallut du temps pour réussir à le faire ?
-Je te rappelle que je suis âgé de six cents quarante trois ans et que je suis vampire. Nous n’avons pas le même sens de la compassion que vous autres. C’est quelque chose que je vous envie parfois. Mais je n’ais pas le droit de me laisser aller. »
Jeremy ne dit rien de plus et rejoignit ses hommes. Il comprenait pourquoi il fallait agir ainsi. Cela ne voulait pas dire qu’il l’acceptait. Il restait quarante heures. Il espérait qu’Ariana s’en sortirait. Il savait qu’elle avait plus d’un tour dans son sac.
Hermoni était retourné au siège central de la Confédération Internationale des Mages et Sorciers à Mont-Bleu, petit village sorcier suisse. Abbadona tentait de nouer des relations diplomatiques entre les Anges et les autres Peuples Magiques. Il essayait dans le même temps de leur faire comprendre le danger que représentait les Dæmons. Le représentant de l’ONS, chargé également de tout ce qui concernait la DE du côté moldu. L’ancien séraphin était toujours accompagné de Jariel qui était chargé de sa protection.
« Comment ça se passe ? questionna Hermoni.
-Ils veulent en savoir toujours plus sur nous, sur notre façon de vivre, dit Abbadona. Ça c’est normal. Mais le problème ce sont les quelques sorciers extrémistes.
-Des extrémistes ?
-Des sorciers qui ne veulent pas entendre parler des autres peuples magiques et encore moins des Humains sans le Don. Ils passent leur temps à croire que les Dæmons ne pourront jamais les vaincre.
-Tu ne leur a rien dit sur les origines des Sorciers ?
-Non, comme nous l’avions décidé. Ils crieraient au scandale et au mensonge. Et malgré le fait qu’ils sont minoritaires, ils conservent une certaine influence d’après ce que j’ai pu voir. Par contre, d’autres pourraient accepter la vérité. Ceux qui tiennent tête aux extrémistes malgré des menaces constantes. Le représentant des Etats-Unis en particulier. C’est assez normal d’après ce que j’ai compris, les sorciers européens se sont installés en Amérique pour fuir les persécutions mais ils n’en ont jamais voulu aux normaux. Tout en conservant le secret, ils se sont mêlés à eux plus que les européens. J’ai discuté longuement avec lui à plusieurs reprises.
-J’aimerais bien le rencontrer.
-On doit aller boire un café, tu n’as qu’à te joindre à nous. J’ai envoyé un message aux Eldars mais pour le moment, ils ne daignent pas répondre.
-Tu les connais, ils ont toujours été comme ça. Je pense qu’ils doivent se préparer à la guerre.
-Oui, sûrement. Et de ton côté, quelle nouvelle ?
-Julia Chaldo essaye de me tirer les vers du nez, avoua Hermoni.
-Comment ça ?
-Elle cherche à en savoir plus sur le projet Pandora, là-dessus, je n’ai rien à lui cacher. Mais je crois qu’elle a deviné que nous cachions quelque chose sur les origines du peuple appelé « Dragoniars ».
-Ils ont un représentant à la CIMS. J’ai bien failli ne pas le reconnaître comme tel car il n’a pas les yeux reptiliens dorés.
-Le métissage avec les autres humains font que cet attribut n’apparait que quand ils utilisent leurs pouvoirs. Ce peuple a sûrement, à l’instar des Sorciers, oublié ses véritables origines. Je préfère taire comment ils ont été créés pour éviter qu’ils se retrouvent rejetés.
-Je te comprends. Mais je doute que la DE le fasse. Après tout, même en sachant que les Vampires étaient alliés aux Dæmons et avaient juste évité d’en parler, ils ne se sont pas défiés d’eux.
-Tu as sûrement raison. Sinon, plus important, c’est ça que je venais te dire : ils ont retrouvé Lucifel. »
Abbadona resta figé par la nouvelle. Cela faisait douze milles ans qu’il le croyait perdu à jamais. Il s’était résolu, comme tous les Premiers, à le considérer comme mort.
« Tu as envoyé un message à Satan ? demanda-t-il.
-Pas encore, j’allais le faire. Il va vouloir venir au plus vite. Je pense pouvoir arranger ça avec la DE.
-Alors fais-le. Il est temps que les deux frères se retrouvent. Surtout que l’avenir s’assombrit encore. »
[1] Acronyme pour Buildings Antennas Spans Earth (immeubles, antennes, ponts, falaises), le Base jump (autre manière de l’écrire) est une discipline de parachutisme où on saute de points fixes et non d’un aéronef. Plus fun, tu meurs !