Ariana Potter, Premier Cycle : Dans l'Ombre des Secrets
CHAPITRE XVII : MIKA HEINSLER
Le combat n’était pas encore fini. Il restait une dizaine de golems. Ariana se tenait entre trois monstres et Christianus qui était accroupis, arme à la main, près d’Irael. Les yeux d’Ariana balayèrent les trois ennemis, essayant de deviner leurs intentions par leurs mouvements. Elle était calme, plus qu’elle ne l’aurait cru. Elle se surprenait elle-même.
« Christianus, reste avec Irael, ordonna-t-elle. Protège-la, j’arrive tout de suite pour m’occuper de sa blessure.
-Aucun golem ne s’approchera d’elle, dit l’agent du Vatican. Je te couvre Ariana. »
Ariana pensa fugacement à Alex, devinant maintenant vraiment pourquoi il respectait cet homme qui était pourtant un ennemi.
« Gauche ! lança-t-elle. »
Aussitôt, Christianus éleva son arme vers le golem situé à la gauche d’Ariana et tira dans ses yeux, son cœur n’étant pas accessible au tireur sous cet angle. Les balles perforatrices créèrent des orbites dans la face du monstre. Ariana bondit pour se porter à la hauteur de la tête de la créature et tournoya en l’air, le décapitant de sa lame de lumière blanche. Elle commit l’erreur de reposer les pieds en restant face à la cible détruite. Un golem se dressait dans son dos et allait l’embrocher. Un tir retentit au même moment où Anthony surgit pour trancher le bras du golem. La créature aveugle et manchote ne put se défendre quand la lance de Lucifel lui transperça le cœur.
« Fais gaffe à tes arrières, dit simplement Anthony sans même se tourner vers Ariana. »
Ariana fit un tour d’horizon, Lucifel et Anthony n’avaient pas perdu leur temps de leur côté. Il ne restait plus que deux golems. Les vêtements d’Anthony étaient déchirés par endroits, signe d’un âpre combat. Le visage de Lucifel dégoulinait de sang, mais ses yeux conservaient l’esprit guerrier. Malgré les millénaires, il n’avait rien perdu de ses capacités de combat.
D’un signe, Anthony donna l’ordre à Ariana de rester en retrait. Il échangea un regard avec Lucifel. Les deux combattants s’élancèrent en même temps, chacun sur une cible. Sa baguette à la main, Anthony produisit un nuage noir qui aveugla son adversaire. Il en profita pour venir lui trancher la jambe au niveau du genou et d’une impulsion magique, le fit tomber vers l’adversaire de Lucifel. L’ange s’était porté sur le côté. Le golem pivotait lentement vers lui. Quand l’adversaire de Tony le percuta dans son dos, il tomba en avant sur Lucifel. Ce dernier s’entoura d’une aura dorée, tenant sa lance vers le haut. Les deux golems s’empalèrent sur la lance et se réduisirent en miettes.
Ariana était impressionnée. Ils n’avaient jamais combattu ensemble et pourtant, on aurait dit qu’ils se connaissaient par cœur. Elle sentait que malgré ses progrès, elle avait encore beaucoup de choses à apprendre.
Lucifel se précipita vers Irael. Près d’elle, Christianus avait rengainé son arme et examinait ses blessures plus en détail. L’agent du Vatican demanda immédiatement si le vieil ange pouvait la soigner.
« Je suis un combattant, mes connaissances médicales se limitent aux premiers soins, dit Lucifel. Je pense pouvoir la stabiliser le temps que nous sortions d’ici. Hermoni sera plus à même de la soigner. Christianus, je vous la confie.
-Ariana, tu l’aideras pour la transporter, ordonna Anthony.
-All right, acquiesça Ariana. »
Anthony rétrécit son épée et la rangea. Il suivit Lucifel qui s’approchait du piédestal. Le Crâne, imperturbable dans son expression cristalline malgré la bataille qui venait de se jouer sous ses orbites, semblait les regarder approcher.
« Cela fait douze milles ans que je n’ai pas revu ce Crâne, dit Lucifel. Douze milles ans que je l’ai caché ici. Que l’Atlantide a été détruite. Que nous avons choisi de devenir des traitres aux yeux de notre propre peuple pour protéger l’Humanité. Douze milles ans que je vis sans savoir si mes compagnons, mon frère, sont vivants. Que j’ignore si les Dæmons ont été vaincus. Maintenant je sais. Et cela m’attriste et m’emplit de joie en même temps. Une nouvelle guerre approche. Mais je vais revoir mes compagnons. Je vais revoir mon frère Satan. Et je sais que notre peuple continuera de vivre dans cette partie de l’univers par le biais de nos descendants. Même s’ils sont en parti humains, ils sont la dernière preuve qu’Atlantis a existé et s’est battue pour ce monde. Espérons que nous ne faisons pas tout ça pour aller vers la défaite.
-Et si c’était le cas ? Si nous devions perdre cette guerre ? Vous refuseriez de vous battre ? questionna Tony.
-Non, je me battrais quand même. Si je dois mourir, ce sera en combattant. Si les Dæmons doivent gagner, ils n’y arriveront pas sans difficulté. Je ferais tout pour les vaincre. Je leur ferais regretter d’avoir eu l’idée de vouloir coloniser notre système.
-Commençons par sécuriser ce Crâne. »
Lucifel prit le Crâne et suivit Anthony qui se dirigeait déjà vers l’entrée de la salle. Ariana faisait léviter Irael à un mètre au dessus du sol. Christianus s’assurait qu’elle ne se cogne pas aux parois. Anthony regarda sa montre. Ils avaient mis presque vingt-quatre heures pour récupérer le Crâne. Le chemin du retour s’annonçait tout aussi long que l’allée. Ils ressortiraient juste à temps. Normalement.
« Nous venons de passer les vingt-quatre heures, dit Jeremy.
-Je sais, fit Erius. Ais confiance. Anthony Chaldo est le genre de personne a toujours allé au bout de sa mission. En cela, les Chaldo n’ont jamais été mis en défaut. Quitte à en mourir parfois.
-Ou à laisser mourir leurs coéquipiers
-Tu penses à Ariana, encore. C’est un agent IS, fais-lui confiance. Elle est plus forte que tu ne le crois et qu’elle-même le croit. Elle s’en rendra compte un jour. »
Jeremy resta silencieux, regardant vers le temple où se trouvait le passage dans lequel Ariana s’était engouffrée.
« Tu es amoureux d’elle, dit Erius.
-On a flirté, avoua Jeremy. Je ne sais pas jusqu’où vont mes sentiments pour elle. Tout ce que je sais c’est qu’elle m’est chère.
-Je vois. Et elle, sais-tu quels sont ses sentiments pour toi ?
-Elle m’a dit avant de venir ici qu’elle était amoureuse de son chef d’équipe. Elle s’en ait rendu compte trop tard, lorsqu’il a été tué.
-Alex. Je comprends mieux certaines choses.
-Quoi ?
-Je connaissais Alex depuis sa naissance. Je l’ai vu grandir, devenir le Corbeau et l’agent de la DE qu’il était. Je l’ai vu s’illuminer quand il s’est fiancé à Jane et plonger dans les ténèbres quand elle fut tuée en mission. Depuis, il s’était réfugié dans une forteresse affective dont personne ne semblait pouvoir venir à bout. Quand Ariana est arrivée, il a fait comme à son habitude depuis la mort de Jane : il a fait en sorte d’être méprisé pour qu’elle reste loin de lui. Mais Ariana, malgré tout ce qu’il lui faisait subir, n’est pas du genre à s’arrêter aux apparences. Et même si ça raison continuait de vouloir la porter loin de lui. Son cœur était déjà accroché. Quand à Alex, je voyais bien qu’il la regardait différemment. Dommage qu’il soit mort, Ariana et lui auraient mérité de vivre une belle histoire.
-Ariana est une amie. Même si c’est vrai que ça me plairait qu’elle devienne plus que ça. Je comprends sa peine. Si quelque chose doit se passer entre nous, tant mieux. Je saurais être patient. »
Mika Heinsler observait. Quelque chose le chiffonnait dans le comportement de Samus Denler. Il ne déléguait plus certaines tâches. Il avait rendu opaque les vitres entourant son bureau pour ne pas être vu. Heinsler pouvait tout de même voir au travers à l’aide de lunettes spéciales fournies par la DE. Le chef des services secrets du Vatican travaillait activement sur son ordinateur. Peut-être que ça avait un rapport avec les actions de la DE au Mexique. Heinsler ignorait ce qu’il s’y passait exactement mais c’était la priorité absolue de la DE.
« Qu’est-ce que tu regardes si intensément ? »
Heinsler se tourna vers un trentenaire souriant. Il s’appelait Ricardo Lopio.
« Rien de spécial, dit Heinsler.
-Bien, parce qu’il est bientôt l’heure de déjeuner, dit Ricardo. Rita et Luna nous attendent.
-Ah.
-Tu avais oublié, n’est-ce pas ?
-J’ai eu pas mal de boulot. Et à vrai dire, j’en ais encore pas mal.
-Interdiction de te défiler. Tu sais que Luna tiens à déjeuner avec toi au moins une fois dans la semaine.
-J’ai jamais compris ça.
-Un truc de femme sûrement. Et si j’y vais seul, elle va m’en tenir pour responsable. Et franchement, elle me fait peur parfois, finit Ricardo, les yeux rieurs.
-D’accord, je viens. »
Heinsler posa ses lunettes sur son bureau en les laissant de sorte qu’elles continuent de regarder vers le bureau de Denler. Il activa discrètement la fonction enregistrement. Ça aurait paru bizarre qu’il saute le déjeuner prévue chaque mercredi avec Luna. Heinsler vivait en Italie depuis maintenant cinq ans. Quand il avait été choisi pour cette mission, il savait qu’elle durerait longtemps. Toute sa carrière peut-être. Mais il savait que c’était nécessaire, que quelqu’un devait le faire. Ces cinq années ne furent pas déplaisante malgré tout. Il s’était lié d’amitié avec Ricardo. Et il avait rencontré Luna trois ans auparavant. Elle s’était installée avec lui un an plus tard. A cause de leurs métiers respectifs, ils ne se voyaient pas beaucoup en semaine. Luna avait donc décrété qu’ils déjeuneraient ensemble au moins une fois par semaine si faire se peut. Parfois, Ricardo et sa femme Rita se joignaient à eux.
Ils devaient retrouver leurs compagnes dans une brasserie. Elles étaient déjà là, discutant en dégustant des rafraîchissements. Les hommes embrassèrent chacun leur femme et s’assirent avec elle. Le déjeuner fut détendu, les discussions normales détendaient Heinsler, le coupant un peu de la réalité de son travail, de sa situation. Avec ses amis et Luna, il oubliait un tant soi peu qu’il était un espion infiltré au sein du Vatican. Il n’avait jamais rien dit à Luna. Elle croyait qu’il était simplement dans la Garde Suisse, dans la logistique. Si elle savait la vérité, que ferait-elle ? Elle le quitterait peut-être. Elle ne comprendrait pas pourquoi il lui avait menti. Et puis, il n’oubliait pas qu’elle était une chrétienne pratiquante. Si elle apprenait pour l’existence du monde de la Magie, Heinsler ignorait comment elle réagirait. Surtout si elle savait pour ses origines.
Mika Heinsler était né en Suisse allemande, dans une famille sorcière. Seulement, il n’hérita pas des dons de sa famille. Il était ce que les Sorciers appellent communément un cracmol : un enfant issu d’une lignée de sorciers mais ne possédant aucun pouvoir magique. Cela fut très dur pour lui étant jeune, car les autres enfants sorciers le rejetaient, l’insultant et se moquant continuellement de lui. Ses parents ne savaient pas quoi faire de lui. La seule personne qui ne démontra aucune gêne vis-à-vis de lui fut son oncle. Mario Heinsler était, il est vrai, un sorcier atypique. Il avait passé sa vie à voyager pour des raisons qu’il n’avoua jamais à personne. Sa famille ignorait tout de ses activités.
Il avait cessé de parcourir le monde quand Mika eut dix ans. Lors d’un accident qu’il refusa toujours de conter, il avait perdu l’usage d’un œil. La seule chose qu’il en disait, c’était qu’il en avait profité pour prendre sa retraite.
Un jour que des enfants lançaient des pierres sur Mika en le traitant de cracmol, Mario était intervenu et avait arrêté plusieurs pierres au vol à mains nues, ne servant pas de sa baguette. Il avait lancé un regard assassin aux enfants qui s’étaient enfuis.
« Tu vois, même sans magie, on peut agir, avait-il dit en se tournant vers son neveu. »
Mario prit son neveu sous son aile, lui enseignant à se défendre sans l’aide la magie. Mais surtout, Mika apprit à défendre les autres. Mario avait une façon de réfléchir très cartésienne, fait surprenant pour un sorcier. Il enseigna cette logique à Mika, lui apprenant à analyser chaque fait, à deviner les attentions de quelqu’un rien qu’à ses gestes. Quand Mika eut dix-sept ans, Mario lui apprit à tirer au pistolet. Mika passait ses vacances à s’entrainer au combat armé ou non avec son oncle. Il lui apprit même à conduire.
Et un jour, Mika posa une question qui lui brûlait les lèvres depuis des années. Mais maintenant, il savait que son oncle répondrait. Il voulait lui demander où il avait appris tout ça. Mais il choisit de poser la question différemment :
« Tu travaillais pour qui ?
-Je me demandais quand tu te déciderais à me questionner là-dessus, avait sourit Mario. Il est temps que je te dise tout. J’ai travaillé trente ans pour une unité spéciale ultrasecrète. Tu connais l’ONS.
-L’Organisation des Nations Solaire, l’organisme moldu correspondant à la CIMS.
-Cette organisation possède des services secrets qui tentent d’empêcher les guerres de se déclencher. Et au sein de ces services secrets, il existe une division commandée à la fois par l’ONS et par la CIMS : la division ésotérique. J’étais de cette division, en tant qu’agent d’investigation spéciale. Cette division fait le mixe entre le monde moldu et le monde magique. Il y a des moldus, des sorciers et même des vampires travaillant ensemble. J’ai fait des missions dans le monde entier, de chaque côté.
-C’est lors d’une de ces missions que tu as perdu ton œil ?
-Oui. J’aurais pu continuer, me faire poser un nouvel œil. Mais je sentais qu’il valait mieux que je m’arrête là. J’ai refusé l’œil, et suis parti. Ils voulaient quand même me soigner mais j’ai dit que ça me ferait un souvenir. »
Mario Heinsler avait passé des heures à raconter certaines de ses aventures à son neveu. A la fin, Mika lui posa une nouvelle question :
« Comment on fait pour rentrer à la DE ? »
Mario avait gardé des contacts et il put faire entrer son neveu dans l’unité action. Mais rapidement, Mika démontra qu’il pouvait faire bien plus. Il allait devenir agent IS mais le Patron lui demanda s’il était volontaire pour une autre mission. Une mission où son intelligence et sa discrétion serait très utile. Mika accepta.
Quelques mois plus tard, il infiltrait la Garde Suisse et parvint à entrer dans les services secrets du Vatican…
Le soleil déclinait dans le ciel du Mexique. Les quarante-huit heures allaient être bientôt écoulées. Jeremy devenait de plus en plus inquiet à mesure que le temps s’égrainait. Il regardait souvent vers Erius Sornas. Ce dernier paraissait si calme. Jeremy se souvint qu’il n’était pas humain. Et les Vampires étaient connus pour toujours gardé leur sang-froid. Certains n’hésitaient pas à dire qu’ils ne ressentaient tout simplement aucune émotion.
Erius Sornas se dirigea vers le temple. Jeremy lui emboita le pas. Ils n’échangèrent pas un mot jusqu’à atteindre le sommet et poser les yeux sur l’entrée gardée par une équipe.
« Le délai arrive à son terme, dit Erius.
-Ils ont encore une heure, dit Jeremy. Ils peuvent y arriver.
-L’espoir est le premier pas vers la déception.
-Devise familiale ? demanda Jeremy.
-C’est Sébastien Chaldo qui m’a appris ça. Il ajoutait souvent, qu’il préférait être déçu que perdre espoir. »
L’heure s’écoula trop vite au goût de Jeremy.
« Il est l’heure, dit Erius. Condamnez l’entrée.
-Oui chef, acquiesça un de ses hommes en sortant sa baguette. »
L’agent allait abattre son sortilège sur l’entrée quand une sphère de lumière surgit de l’entrée. Elle s’arrêta juste devant Erius et la voix d’Ariana sa fit entendre, faisant bondir de joie le cœur de Jeremy dans sa poitrine.
« On arrive, ne condamnez pas l’entrée, dit-elle. Irael est blessée, demande évacuation médicale. »
Le Patronus s’estompa. Erius annula son dernier ordre d’un geste.
« On a eu raison de garder espoir, dit-il en se tournant vers Jeremy. Préparez un ATEF pour évacuation médicale, ordonna-t-il. »