Ariana Potter, Premier Cycle : Dans l'Ombre des Secrets
CHAPITRE VIII : ZILING TSO
Hector Guillou ne put s’empêcher de sourire intérieurement en voyant Ariana Potter et Alastor Weasley suivre Alexandre Chaldo. Ils accepteraient peut-être bientôt d’entrer à la Division Esotérique. Normalement, le protocole de sécurité l’aurait obligé à leur demandé de sortir mais il décida de prendre un peu d’avance sur une éventuelle incorporation.
« Nous avons repéré un groupe de créatures, annonça-t-il. Monsieur Forge, sur l’écran principal. »
Immédiatement, Fred fit apparaître une image montrant plusieurs silhouettes visiblement vues du dessus.
« Combien en avez-vous dénombré ? questionna Alex.
-Sept pour le moment, répondit le Patron.
-La zone est montagneuse. Où est-ce ?
-Au Tibet.
-La lamaserie de Ziling Tso, n’est-ce pas ?
-Oui.
-Génial, soupira Alex.
-Qu’y a-t-il ? questionna Alastor. Il suffit d’y aller et de découvrir ce qu’elles veulent.
-Nous savons déjà ce qu’elles veulent, dit le Patron. Cette lamaserie recèle de véritables trésors de connaissances. Certains des parchemins conservés là-bas sont vieux de plus de dix milles ans et sont uniques. C’était une époque où même la Sorcellerie n’en était qu’à ses balbutiements. Vu le terrain, nous avons préféré garder ce lieu sous surveillance satellite constante. Maintenant il va falloir y aller. Mais un problème de taille se pose.
-Lequel ? demanda Ariana.
-Vous connaissez le Triangle des Bermudes ? fit Alex.
-J’en ai vaguement entendu parler, avoua Alastor.
-C’est une zone de résurgence magnétique ou, autrefois les moldus se perdaient régulièrement quand leurs moyens de localisation défaillaient. Depuis, ils ont réglé le problème. Mais cette résurgence magnétique n’est qu’un effet secondaire du fort brouillage magique qui y stagne. Les seuls moyens de transport magique utilisables dans cette zone sont le balai et le tapis volant. Les portoloins y sont inefficaces, le transplanage y est impossible, et aucune cheminée ne peut être reliée au réseau. Mais le Triangle des Bermudes n’est pas le seul endroit où on peut trouver ce genre de manifestation magique. Cette lamaserie est en plein centre d’une de ces zones.
-Merde, comment on fait alors ? fit Alastor.
-Tu veux venir ? »
Alastor se rendait compte que répondre par l’affirmative était comme accepter d’intégrer la DE. Il ne savait pas encore s’il appréciait ou non l’existence d’un tel organisme à l’insu des Sorciers et des Moldus. Mais il devait s’avouer que cela le tentait. Il estima finalement qu’il pouvait encore profiter de la période probatoire que leur accordait le Patron.
« Ouais, je viens, dit-il.
-Moi aussi, annonça Ariana. »
Elle ne se rendait pas encore compte de ce que cela impliquait. Mais elle ne voulait pas rester en arrière à ne rien faire. Il était temps de décider d’un chemin à prendre dans sa vie.
« Monsieur Chaldo, emmenez-les d’abord à l’infirmerie pour leur faire poser un implant, ordonna le Patron. Je fais préparer le départ et l’UA.
-Comment va-t-on s’y rendre ? questionna encore Alastor.
-J’espère qu’aucun de vous n’a le vertige, sourit Alexandre. »
A l’infirmerie, Alastor et Ariana reçurent une injection assez douloureuse juste sous l’oreille droite. Un opérateur vint ensuite avec un appareil faire des réglages en se tenant à quelques centimètres de leurs crânes. En même temps, Alex leur expliqua qu’ils leur avaient installés un terminal de communication intra-nerveux. Ce dernier était placé sur un centre nerveux et permettait de transmettre ce qu’ils voyaient et entendaient, et de recevoir des transmissions. Mais ce qui surprit vraiment les deux sorciers anglais, c’était qu’ils pouvaient communiquer à distance sans même parler, l’appareil transmettant les pensés. Ils ne reçurent pas tout l’équipement que possédait Alexandre, l’instruction pour s’en servir ne pouvant leur être faite.
Des tenues de combat leur furent fournies. Les robes de sorcier traditionnelles n’étaient pas vraiment pratiques. Alastor trouva la tenue de la DE bien plus agréable qu’elle ne paraissait. Alexandre les guida ensuite à la zone de parcage des engins d’origine moldue. Deux engins les attendaient. Ariana avait déjà vu des avions moldus. Les deux qui étaient sous ses yeux étaient visiblement prévus pour transporter une vingtaine d’hommes sans compter l’équipage. Les ailes, au nombre de quatre, étaient courtes et portaient des moteurs orientés vers le sol à leurs extrémités. Celles de l’arrière étaient plus courtes que celles du quart avant. Sous les ailes avant étaient accrochés des missiles. Ariana se souvenait d’un de ses camarades de classes –d’origine moldue- qui feuilletait souvent des magazines montrant des militaires moldus et leurs matériels. Elle avait vu de telles armes en photos dedans avec une description de leurs effets.
Erius Sornas vint à leur rencontre, quittant ses hommes qui chargeaient du matériel dans un des engins. Le vampire regarda un instant les deux anglais. Un léger sourire passa rapidement sur son visage. Puis il reporta toute son attention sur Chaldo.
« Comment on procède ? questionna-t-il.
-En approche discrète de la lamaserie, expliqua Alex. Avec ton ATEF[1], tu vas rester en stationnaire derrière une montagne, hors de vue de la lamaserie et surtout des créatures. Désillusionné plus caché, pour assurer le coup. Tu attendras les ordres pour entrer en action. Nous allons en éclaireur pour préciser la menace et savoir ce qui peut les intéresser précisément là-bas. La discrétion prime donc nous n’aurons pas d’AAF[2] avec nous. De toute façon, vu le nombre de créatures, ce serait de trop.
-OK, acquiesça le vampire. Tu les as mis au courant sur la mise en place.
-Oui, sourit Alex.
-Et ?
-On va voir s’ils ont l’estomac solide. »
L’après-midi touchait à sa fin au Tibet. Habituellement, à cette heure-ci, Dario Figoni cessait de travailler pour rejoindre sa femme et sa fille. Mais aujourd’hui, il ne désirait pas s’arrêter. Il avait même sauté le déjeuner malgré l’insistance d’Alessandra. Toute la journée, il chercha des renseignements sur les créatures appelées « les Seigneurs de l’Oubli ». Ce qu’il découvrit le terrifia. Mais était-ce vrai ? Les Seigneurs de l’Oubli venaient d’un endroit inconnu mais situé au « fond du ciel » selon l’expression trouvée sur plusieurs rouleaux. Ils ont presque asservi l’humanité entière, en faisant un troupeau d’âmes à dévorer. Pour cela, ils possédaient un pouvoir terrible, en plus des capacités magiques dont ils semblaient dotés, ils étaient capables d’absorber la mémoire de leur victime. Pas de la voiler comme le ferait un sortilège d’amnésie, mais de la retirer complètement et inexorablement. Mais alors, comment la population de l’époque avait-elle réussi à repousser de tels monstres ? Pour l’instant, il n’avait trouvé aucun parchemin décrivant leur débâcle.
« Trouvez-vous ce que vous cherchez ? lança une voix avec un fort accent. »
Dario releva la tête du parchemin qu’il étudiait et tomba sur le Khan-po, le maître du monastère. Celui-ci était même quelqu’un de particulier parmi les Khan-po, il était un Lama, un « Bouddha vivant » comme disent les chinois.
« Grand Lama, dit Dario. Je suis tombé sur ces parchemins. Ils traitent tous d’un même sujet, un ennemi qui se serait répandu sur toute la planète il y a plus de dix-milles ans.
-Et qu’avez-vous découvert sur cet ennemi ? questionna le Lama.
-Ils étaient appelés les « Seigneurs de l’Oubli » et venaient du « Fond du Ciel ». Mais rien n’est dit sur comment ils sont venus. Ils ont asservi l’Humanité, la transformant en troupeau docile. Comme à l’époque, la civilisation humaine n’existait même pas, ça n’a pas dû être difficile. Seulement, s’ils ont réellement existé et régné sur notre monde, où sont-ils aujourd’hui ? Comment ont-ils été repoussés ? A moins que ce ne soit qu’une légende. »
Le Lama regarda la pile de parchemin avec un air pensif. Il était le gardien de ces connaissances depuis plusieurs décennies maintenant. Il n’avait pas le droit de les divulguer sans l’accord du Dalaï-lama. Le hasard avait fait que Dario Figoni tombe sur ce qu’il n’aurait pas dû voir. Mais les circonstances avaient changé. Il n’avait plus le temps. Il avait senti la présence maléfique qui s’approchait du monastère. Son rôle n’était plus de protéger les textes de l’ancien temps, il devait maintenant donner une chance à l’Humanité de traverser la tempête qui s’apprêtait à s’abattre.
« Il n’y a rien de faux, dit le Lama. Mais cette histoire ne date pas de dix-milles ans, elle date de douze-milles ans.
-Que voulez-vous dire ? interrogea Dario visiblement perdu. »
Le Lama se saisit d’un rouleau pas encore étudié. Il le tendit à Dario qui s’empressa de le dérouler. Ce qu’il vit sur ce rouleau le fascina. Etait-ce possible ? Il leva vers le Lama un regard exorbité par l’incrédulité.
« C’est la découverte du siècle, balbutia-t-il. Que dis-je ? De toute l’Histoire !
-Vous devez partir, dit le Lama.
-Quoi ? Pourquoi ?
-Cet ennemi que décrivent ces parchemins, ils sont de retour. Et actuellement, plusieurs Seigneurs de l’Oubli approchent du monastère. Vous devez prévenir le monde de l’imminence de cette menace. Ils sont de retour. »
Dario ne comprenait pas pourquoi, mais à cet instant, il savait qu’il devait faire confiance au Lama et s’enfuir. Mais il était hors de question qu’il s’en aille seul. Il accourut jusqu’au chambre allouées à lui et sa famille. Il ne donna pas d’explication, se contentant de dire à sa femme de préparer le minimum d’affaires. Il fallait faire vite. Alessandra n’avait jamais vu son mari dans un tel état. Elle ne posa pas les questions qui lui brûlaient les lèvres. En deux coups de baguette, elle avait préparé trois sacs de voyage. Sarah ne comprenait pas ce qui se passait.
« Papa, appela-t-elle visiblement inquiète.
-Ne t’inquiète pas ma chérie, dit Dario. Je vous expliquerais quand on sera à l’abri. »
A la porte principale du monastère, le moine chargé de la garde cette nuit n’était pas vraiment rassuré. Le Lama était venu le voir personnellement pour lui demander d’être particulièrement vigilant. Le moine n’avait pas demandé d’explication. Mais le Lama n’avait pas l’habitude de parler pour rien. Il regardait beaucoup plus souvent que d’habitude par le volet de la porte. Le moindre bruit suspect le forçait à regarder. Il n’était pas serein.
Le moine sursauta quand il entendit quelqu’un frapper à la porte. Il n’avait entendu personne s’approcher alors qu’il était aux aguets. La main tremblante, il ouvrit le volet. Ses yeux s’écarquillèrent. Une main pâle, malformée et griffues surgit et lui saisit la tête, masquant ses yeux. Le moine s’agita quelques secondes avant de cesser de bouger totalement. L’air hagard, il s’écarta de la porte. Mais pas assez, lorsqu’elle vola en éclat, il se retrouva projeté au sol et ne se releva pas.
Les créatures entrèrent. Leurs yeux rougeoyaient dans la nuit.
« Trouvons le Lama, dit un des monstres. »
Les Seigneurs de l’Oubli le suivirent. Il savait où aller, il avait volé la mémoire du moine et connaissait maintenant la lamaserie aussi bien qu’il la connaissait. Ils ne croisèrent aucune résistance notable. Les quelques moines qui se trouvaient dans les couloirs tombèrent sous leurs coups en se brisant aussi facilement que des brindilles. Ils atteignirent les appartements du Lama. Ce dernier était debout. Il ne démontra aucune surprise en voyant les Seigneurs de l’Oubli entrer.
« Vous saviez que nous allions venir, siffla un des Seigneurs de l’Oubli.
-Oui, répondit simplement le Lama.
-Je saurais bientôt comment. »
Le Lama ne se défendit même pas, il savait que c’était inutile. Le Seigneur de l’Oubli posa sa main sur ses yeux. Le corps du Lama ne s’agita pas contrairement aux autres. Le Seigneur de l’Oubli grogna avant de reculer. Le Lama l’observait sans rien extérioriser.
« Comment ? siffla le monstre.
-Il y a des choses que vous ignorez, dit le Lama. Le temps a passé, et l’Humanité a évolué. Ce ne sera pas aussi facile qu’autrefois.
-Alors dis-nous où se trouve la bibliothèque.
-Je suis pacifiste. Pour moi, toute résistance est futile voir inutile face à la violence. Mais je ne compte pas vous aider. Pour la première fois de ma vie, je vais résister.
-Tu vas le regretter. Si tu ne nous indique pas la bibliothèque, nous te tuerons.
-La Vie n’est qu’un voyage, et la Mort un autre.
-Très bien. Alors nous la trouverons seuls. »
Un éclair jaillit des yeux du Seigneur de l’Oubli et l’instant d’après, le Lama n’était plus qu’un tas de cendres fumantes.
Le Seigneur de l’Oubli qui avait l’air d’être le chef se tourna vers ses acolytes.
« Dispersez-vous, ordonna-t-il de sa voix sifflante. Trouvez la bibliothèque. Absorbez la mémoire de tous les humains que vous rencontrerez. »
Dario Figoni enrageait de ne pas pouvoir transplaner dans cette partie du monde. Encore un mystère qu’il aurait aimé éclaircir. Tchang devait venir les chercher dans leurs appartements. Il aurait dû être là depuis longtemps déjà. Alessandra et Sarah se tenaient serrées l’une contre l’autre en regardant Dario d’un air inquiet. Il décida de jeter un coup d’œil à l’extérieur. Il ne sortit que sa tête par la porte. A droite, rien. A gauche, ses yeux s’écarquillèrent de surprise et de terreur. Tchang était là. Mais il était aux prises avec une créature encapuchonnée qui avait posé sa main sur ses yeux. Le corps du jeune moine était parcouru de convulsions. Dario n’avait jamais vu ces créatures en vrai, mais il les avait vu en dessin : les Seigneurs de l’Oubli.
[1] Aéronef de Transport et d’Evacuation Furtif.
[2] Aéronef d’Appui Furtif.