Ariana Potter, Premier Cycle : Dans l'Ombre des Secrets

Chapitre 13 : I Mort sur Olympus

3299 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/11/2016 03:29

ARIANA

POTTER

 

Et

Le Labyrinthe d’Olympus

 

           CHAPITRE I : MORT SUR OLYMPUS

 

           Le soleil semblait plus petit dans le ciel. C’était le constat qu’avait fait William Oganda en le voyant pour la première fois en arrivant sur ce monde rougeoyant. Il n’était qu’un petit point brillant dans un immense ciel azuré. Il faisait frais. Et ça n’irait pas en s’arrangeant en montant en altitude. Oganda regarda les contreforts du mont Olympus qu’il s’apprêtait à escalader. La paroi montait jusqu’à toucher le ciel. Il en avait toujours rêvé, depuis tout petit : escalader la plus haute montagne existante. Du moins, dans le système solaire. Le voyage était cher depuis la Terre pour rejoindre Mars et espérer gravir l’immense volcan de vingt-sept kilomètres de haut. Il avait entendu dire que la vue de haut sur la plaine verdoyante d’Arcadia était magnifique en cette saison.

           Ce monde était vraiment différent que le Terre. Les couleurs diffuser dans l’atmosphère n’étaient pas les mêmes. La terre rouge de Mars donnait l’impression qu’un océan et un ciel brûlant sous les derniers feux du soleil couchant avaient inversé leurs places.

           Oganda se tourna vers son fils aîné. Agé de quatorze ans, il avait accepté d’accompagner son père dans son périple. La femme et les autres enfants d’Oganda avaient préféré faire des activités moins sportives en les attendant. Leur guide leur montrait les plus beaux panoramas. Ils n’iraient sûrement pas jusqu’au sommet, même des alpinistes confirmés mettaient plusieurs semaines pour l’atteindre et devaient s’équiper de matériels spécifiques adaptés.

           Arrivé vers midi, ils firent une nouvelle halte pour se restaurer. Le guide avait parfaitement géré la première partie de la journée pour que ses clients puissent manger en dévorant des yeux un magnifique paysage. La vue donnait sur la plaine d’Amazonis. Les anciens l’avaient appelée ainsi sans vraiment de raison, au début de l’exploration martienne par des sondes. Les noms donnés durant la fin du 20ème siècle étaient restés en vigueur lors de l’exploration humaine et au temps de la colonisation. La terraformation avait, par le plus grand des hasards, transformé la plaine d’Amazonis en une véritable Amazonie. La plaine n’en avait plus que le nom, elle était maintenant, une forêt verdoyante et tempérée où vivaient plusieurs dizaines d’espèces animales et végétales introduites du temps des premiers colons. Au-delà de cette forêt, se dressait de hautes collines qui semblaient quand même bien minuscules à côté du gigantisme du mont Olympus. Il s’agissait des monts Tartares. Oganda trouvait ça plutôt poétique d’avoir donné tant de noms tirés de la mythologie aux contrées martiennes. Cela donnait à cette planète autrefois inhabitée et désolée, un semblant de passé mythique et prestigieux. Mais il était vrai, qu’en la voyant maintenant, du moins sous quelques angles, on pouvait imaginer les légendes prendre corps ici.

           Malheureusement, la réalité n’était pas aussi onirique. Ce monde était d’une grande instabilité. Les différentes colonies étaient de richesses inégales. Certaines vivaient dans un état de tension proche de la guerre civile. Et pour d’autres, elles ne faisaient qu’être le miroir de leurs états de tutelle terrestre, les combats armés en plus. Et du côté des colonies devenues indépendantes, ce n’était guère mieux. Sous prétexte d’avoir voulu faire sécession, les anciens pays terrestre auxquelles elles appartenaient les avaient simplement abandonnés à leur sort. Parfois même, augmentant sciemment la misère dans laquelle elles se trouvaient au sorti des luttes autant juridiques qu’armées grâce auxquelles elles avaient accédé à l’indépendance.

           Mais heureusement pour les touristes friands d’alpinisme, le mont Olympus se situait sur le territoire de la Nouvelle-Europe, une colonie appartenant toujours aux Etats-Unis d’Europe. Et le mouvement indépendantiste existant demeurait assez discret depuis une cinquantaine d’années. L’Europe n’hésitait d’ailleurs pas à se vanter de posséder la colonie martienne la plus stable. Pour Oganda, ressortissant sud-africain, le problème lui était totalement étranger et il estimait ne pas avoir à donner son avis. Après tout, le seul pays africain à avoir installé une colonie sur cette planète était l’Egypte. Une colonie très modeste d’ailleurs mais où le gouvernement égyptien avait recréé une antiquité moderne avec pyramides et temples inspirés de son passé sacré.

           Pour le moment, Oganda décida de ne pas penser à ce genre de chose. La politique ne l’intéressait que pour prévoir l’évolution des marchés mondiaux et spatiaux. Et pour le moment, il était en vacances et il comptait bien en profiter.

           Le déjeuner était composé de quelques sandwichs achetés au pied du volcan éteint. Mais après des heures de marches en montant tout le temps, ils faisaient du bien. Oganda remarqua alors des grottes s’ouvrant sur le flanc du volcan à une centaine de mètres au dessus d’eux. La paroi était à pique en dessous de ces trous creusés naturellement dans la roche. Les entrées n’étaient accessibles qu’au moyen de matériels d’alpinisme ou de ceintures anti-gravifiques. La question lui sembla un peu idiote à poser car cela lui semblait logique mais il demanda à son guide :

« Ces grottes ont déjà été visitées ? »

Le guide se retourna et suivit des yeux la direction montrée par la main d’Oganda. Son expression s’assombrit légèrement.

« Oui, répondit-il. Au moyen de drones autonomes.

-Et pas par des spéléologues ? continua Oganda.

-Si, mais ils n’en sont jamais ressorti vivants.

-Comment ça ?

-c’est un vrai labyrinthe là-dedans. Et en plus, les parois sont pleines de roches ferriques magnétiques. Il a fallut envoyer un drone militaire pour les cartographier car les drones civiles devenaient incontrôlables tellement le champ magnétique est fort. Les géologues n’ont pas encore expliqué ce phénomène. Mais bon, les quelques spéléologues qui y sont entrés il y a plus de deux-cent ans s’y sont perdus et sont morts de soif et de faim dedans. Mais il y a un truc étrange.

-Quoi donc ? questionna le fils Oganda visiblement intéressé.

-Le drone militaire n’a jamais retrouvé aucun corps. C’est devenu une des premières légendes martiennes : le Labyrinthe d’Olympus. Certains disent qu’il existe juste une sorte de piège naturel que n’aurait pas repéré le drone et que les corps sont tous entassés derrière, cachés. Mais d’autres n’hésitent pas à dire que des monstres martiens qui s’étaient endormis durant des millions d’années se sont réveillés quand l’air est devenu respirable lors de la terraformation. Ils ne sortent pas des grottes car c’est leur habitat naturel mais dévorent tout ce qui s’aventure à l’intérieur, jusqu’au os.

-Whoa ! s’exclama l’adolescent. »

           Oganda n’avait jamais entendu parler de cette légende. Il ne s’intéressait pas à ce genre de chose. Il continua à regarder les grottes durant quelques secondes. Et au moment où il détourna les yeux, un mouvement fugace l’obligea à reporter de nouveau son attention dessus. C’était trop rapide pour qu’il en soit sûr. Il fixa un long moment les grottes. Et cette fois-ci, il en fut sûr. Il ne vit qu’une forme drapée de noir, comme une tête recouverte d’une capuche qui avait jeté une œillade dans le vide pour vérifier qu’il regardait encore en direction des grottes. Aussitôt que la forme avait remarqué que le sud-africain regardait dans sa direction, elle s’était de nouveau caché. Oganda n’avait pas vu le visage. Mais ce ne pouvait être autre chose. Il se leva en interpelant son fils et le guide :

« Il y a quelqu’un là-haut ! J’en suis sûr ! Je viens de le voir !

-Impossible, dit le guide en levant les yeux vers les grottes. Personne n’ose s’aventurer dans ces grottes.

-J’ai vu quelqu’un je vous dis ! Il porte une sorte de capuche noire.

-Vous avez dû rêver. Il ne faut pas croire ce qu’on raconte sur ces grottes. Ce n’est qu’une légende. Il n’y a perso… »

           La voix du guide s’éteignit d’un coup. Un bruit de chute attira l’attention d’Oganda et de son fils. Le guide était allongé face contre terre. Mais sa tête avait roulé jusqu’aux pieds de l’adolescent. Le jeune homme ouvrit des yeux comme des soucoupes. Il ouvrit la bouche comme pour hurler mais aucun son ne parvint à sortir. Il se détourna, vomissant son déjeuner. Oganda avait vu une silhouette vive et fugace surgir des grottes, mais le mouvement avait été trop rapide pour qu’il puisse le suivre. Il avait juste tourné les yeux vers le guide quand celui-ci était tombé. Ses yeux restèrent fixés sur la silhouette drapée de noir qui se trouvait derrière le guide. Oganda ne parvenait pas à voir son visage. Tout ce qu’il voyait, c’était deux yeux rouges brillants.

           La créature leva vers lui une main difforme, pourvue de trois doigts griffus. Un éclair en jaillit. L’éclair perfora le torse de son fils de par-en-par. Ce dernier grogna de douleur avant de s’effondrer alors que son sang maculait la terre ocre. Oganda se jeta sur son fils. Mais il ne put que constater que la créature l’avait touché en plein cœur. Il ne sentit même pas la créature s’approcher de lui dans son dos. Un nouvelle éclair, et Oganda s’effondra sur le cadavre de son fils.

           Alors que le soir tombait sur le mont Olympus, les aérostats des équipes de recherches firent la macabre découverte des trois cadavres. L’alerte avait été donnée par madame Oganda qui s’inquiétait de ne pas voir revenir son époux et son fils. Le club d’alpinisme auquel appartenait le guide répondit à la police qu’il guide n’avait pas signalé son retour mais que cela pouvait arriver car il n’y avait pas de permanence au club. Le portable du guide ne répondait pas. Mais le GPS intégré à l’équipement du guide permit de les retrouver rapidement. La zone fut aussitôt isolée.

           Certains policiers furent pris de nausée et d’eurent s’éloigner. Les enquêteurs et les membres de la police scientifique se mirent au travail. Un homme se présenta au cordon de sécurité. Présentant sa carte holographique l’identifiant comme le capitaine Viktor Pioudescu de la police judiciaire de Nouvelle-Europe, il s’approcha des corps sous les yeux suspicieux d’un de ses collègues.

« Viktor, qu’est-ce que tu viens faire ici ? questionna-t-il.

-Avec ce ton, on croirait que je fais parti des suspects, dit Pioudescu.

-Tu n’as rien à faire ici, c’est mon enquête.

-Je le sais bien Augusto. Je suis venu par simple curiosité. Et si je peux t’aider, tu ne vas pas me cracher dessus. Qu’est-ce que tu as ? »

Augusto toisa Viktor un moment. Il ne l’aimait pas. Viktor Pioudescu avait atteint le grade de capitaine surtout grâce à ses relations. Mais Augusto devait se rendre à l’évidence qu’il était un enquêteur efficace.

« Trois morts, expliqua Augusto. Un touriste sud-africain, son fils de quatorze ans et leur guide. C’est la femme du touriste qui a donné l’alerte. Le GPS du guide a permis de les retrouver rapidement. Les gars des secours en montagne n’en ont pas cru leurs yeux. Vu l’état des corps, ils ont tout de suite su qu’il n’y avait rien à faire et nous ont appelés immédiatement. »

           Les cadavres gisaient vraisemblablement là où ils étaient tombés mort. La tête du guide avait roulé loin du reste de son corps. Le ou les tueurs avaient dû utiliser deux armes différentes au moins. Car ça ne pouvait être qu’un meurtre. Il ne pouvait pas avoir chuté de plus haut. Pioudescu examina les corps sans rien toucher. Il regarda attentivement les blessures ayant causé la mort, comme pour les graver dans sa mémoire.

« Ça ne ressemble à aucune trace d’arme à feu que je connaisse, dit Viktor. On dirait que les chairs ont été brûlées.

-L’autopsie nous révèlera sûrement la nature et le modèle de l’arme utilisé, fit Augusto.

-Oui, sûrement. Je vais te laisser bosser. Désolé de ne pas avoir pu t’aider. »

           Viktor Pioudescu retourna à son véhicule. Avant de démarrer, il appuya sur un bouton activant le visiophone holographique.

« Qui souhaitez-vous joindre ? fit une voix électronique.

-Mémoire deux, demanda Viktor. »

Le visiophone se connecta automatiquement au correspondant préenregistré. Une femme blonde aux cheveux légèrement ondulés d’une trentaine d’années apparut.

« Pioudescu, que se passe-t-il ? demanda-t-elle immédiatement.

-Un triple meurtre assez étrange sur les flancs du mont Olympus, annonça Pioudescu. Les marques sur les corps m’ont tout de suite rappelé les rapports concernant les gars de l’UA mort au Tibet il y a deux mois.

-Venez tout de suite ici.

-Je suis en route. »

           La capitale de la colonie martienne de la Nouvelle-Europe se trouvait à une heure du mont Olympus. Si le gigantesque volcan éteint s’imposait dans le paysage si on regardait vers le nord-ouest, le diaporama était aussi intéressant à l’est avec la présence proche du mont Ascraeus. La ville d’Ascraeus était un passage obligé pour tous les touristes venant en Nouvelle-Europe, c’est-à-dire plus des deux tiers des touristes venant sur Mars. Le spatioport s’étendait au nord de la ville. La ville était un métissage de toutes les cultures européennes. Chacun des pays formant les Etats-Unis d’Europe sur Terre était représenté par un quartier. En faite, la seule chose qui manquait à cette ville, c’était la mer.

           Pioudescu se rendit dans le quartier des ambassades. Il passa sans difficulté le portail de sécurité gardant l’entrée de l’antenne martienne de l’ONS. L’Organisation des Nations Solaires était l’héritière de l’ancienne ONU mais elle intégrait en son sein d’anciennes colonies martiennes et spatiales ayant acquis leur indépendance. Certaines colonies étaient d’ailleurs gênées par le fait que l’antenne martienne de cette organisation soit sur le territoire d’une colonie n’ayant pas acquis son indépendance.

           Pioudescu se rendit immédiatement à une zone dont la porte était désignée par le nombre 713. La porte était verrouillée par un scanner biopsychique. Le rayon balaya son corps et la porte s’ouvrit. Pioudescu suivit un couloir et frappa à la porte d’un bureau.

« Entrez Pioudescu, invita une voix féminine autoritaire. »

Viktor Pioudescu se retrouva face à la femme avec laquelle il avait parlé une heure plus tôt par visiophone. A son invitation, il s’assit en face d’elle et lui raconta ce qu’il avait constaté sur la scène de crime.

« Je pense que c’est l’œuvre des Seigneurs de l’Oubli, conclut Pioudescu.

-Si c’est le cas, ce serait le premier signe de leur présence sur Mars depuis huit mois, rappela la femme. Je vais prévenir le Patron. Mais il me faut une vision précise de la scène de crime. Irvine. »

           Un homme dont les cheveux châtains foncés tranchaient avec la pâleur de la peau entra. En le voyant, Viktor fit la grimace mais parut résigné.

« Fais ça vite s’il te plait, demanda-t-il.

-Je vais essayer, fit Irvine en tendant sa baguette vers la tête de Pioudescu. Legilimens. »

Irvine effeuilla l’esprit de Pioudescu. Il trouva immédiatement le souvenir de la scène de crime. Il y resta quelques instants, l’inscrivant dans sa propre mémoire. Lorsqu’il ressortit de l’esprit de Pioudescu, ce dernier le regardait.

« Alors ? fit Pioudescu.

-Tu as très bien fait de te concentrer sur ce souvenir, dit Irvine. J’ai pu le trouver tout de suite. Surtout qu’il est encore frais dans ta tête. »

Irvine s’approcha d’une coupe de pierre gravée de runes. Il posa l’extrémité de sa baguette sur sa tempe et la retira, extirpant un filament argenté de son crâne. Il déposa le souvenir ainsi prélevé dans la pensine et s’écarta pour laisser la femme approcher.

           La femme se pencha au-dessus du contenu miroitant de la pensine et, aussitôt que son visage entra en contact avec l’étrange fluide argenté qui y tournoyait, elle fut comme aspirée dedans.

« J’ai beau avoir l’habitude de travailler avec des sorciers, il y a certaines choses qui me surprendront toujours, dit Viktor.

-C’est la même chose pour moi concernant les moldus, avoua Irvine.

-Je vais prendre ça pour un compliment.

-Tu peux. »

La femme ressurgit de la pensine. Son visage exprimait la réflexion.

« Pioudescu, continuez de suivre cette affaire, ordonna-t-elle.

-D’accord, acquiesça-t-il en sortant.

-Irvine, numérise ce souvenir. Je dois le transmettre au quartier général au plus vite. »

Irvine sortit, laissant la femme seule.

           Elle activa son ordinateur holographique et commença à enregistrer un message vidéo.

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