L'Ankou

Chapitre 19 : V Le Chasseur de Pirates

2886 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 06/07/2012 16:55

           CHAPITRE V : LE CHASSEUR DE PIRATES

 

           Le lendemain matin, Kathleen et Denys, accompagnés de Morgane et John. Le chemin se fit dans la bonne humeur malgré la chaleur montante. Ils firent plusieurs fois des haltes car les deux nobles n’étaient pas habitués à marcher autant. Mais ils finirent par atteindre le port au bout de trois heures de marche. Comme promis, les deux pirates accompagnèrent les deux nobles jusqu’à l’entrée de la ville.

« On vous laisse ici, annonça John. Vous devriez vous en sortir maintenant. Bonne chance Denys. Au plaisir.

-Je pourrais appeler la garde pour qu’elle vous arrête, dit Denys. Mais vous avez tenu parole, je vous laisse donc partir libre.

-Merci c’est trop aimable à vous, ironisa John.

-Kathleen, fais vite tes adieux, finit Denys en s’éloignant. »

Kathleen commença en s’approchant de John. Elle lui sourit timidement.

« J’ai passé une très agréable soirée hier, dit-elle. Merci.

-Tout le plaisir fut pour moi, fit John.

-Adieu.

-Non, au revoir. Je te l’ai déjà dit, je suis sûr que l’on se reverra. »

           Kathleen ne savait quoi répondre. John lui prit les mains un instant avant de la laisser avec Morgane. La pirate ne savait pas quoi dire. Elle se contenta de lui sourire et se jeta dans ses bras.

« Tu vas me manquer, dit la pirate.

-Toi aussi Morgane. Je ne t’oublierais jamais.

-Ecoute, fit Morgane en s’écartant un peu de Kathleen et en s’assurant que son frère ne regardait pas vers elles. Je n’en ai parlé à personne car je pense qu’Igor ou mon oncle me l’auraient interdit. Mon frère m’aurait soutenu par contre. Mais tiens. »

Morgane donna à Kathleen un petit miroir très bien ouvragé.

« Merci, fit Kathleen.

-Attend que je te dise tout Kate, sourit Morgane. C’est un miroir à double-sens. On en a plusieurs à bord de l’Ankou. On se demande d’où ils viennent car aucun artisan magique au monde ne sait en fabriquer. Mais on en a. J’en ai volé un et je l’ai enchanté pour qu’il s’active à ton nom. Il nous permettra de rester en contact.

-J’ai peur de ne pas comprendre.

-Quand tu voudras me parler, tu prends ce miroir et tu dis mon nom. Si je peux te répondre, tu me verras apparaître comme si j’étais en face de toi. J’en ai un également. Il me suffit de dire ton nom pour t’appeler.

-C’est génial ! C’est vraiment pratique la magie.

-Si tout le monde pouvait penser comme toi. Je te dis donc au revoir Kate.

-Oui, au revoir. »

Les deux amies se séparèrent après une dernière embrassade.

           Morgane et John regardèrent les deux anglais entrer dans la ville. Une fois qu’ils eurent disparu de leurs yeux, Morgane se tourna vers son frère.

« Pas trop triste, fit-elle. J’avais l’impression que vous vous entendiez bien tous les deux. Surtout hier soir.

-C’est vrai, je l’avoue, sourit John. Et toi ? Tu as pu lui donner ton cadeau ?

-De quoi tu parles, demanda Morgane en tentant de rester naturelle.

-Du miroir à double-sens que tu viens de lui offrir.

-Tu ne vas pas en parler à Gaël ?

-A une condition. Que tu me laisses lui parler quelques fois.

-D’accord. Si c’est comme ça que tu comptes la revoir, ça va te sembler fade je pense.

-Je lui ai dit que l’on se reverrait un jour, dit John. Quand je disais ça, je le pensais vraiment, sans considérer un seul instant que ce serait par l’intermédiaire d’un miroir. Viens, rentrons. Nous ne pouvons rester trop longtemps sur cette île. »

Les deux pirates transplanèrent.

 

           Les deux nobles anglais marchèrent dans les rues de la ville portuaire. Denys demanda le chemin de la demeure du gouverneur à un commerçant. Quand ils l’atteignirent, ils furent arrêtés à la grille par la garde.

« Je suis Denys Tucson, fils du comte Edward Tucson, se présenta-t-il. Je souhaiterais voir monsieur le gouverneur.

-Un fils de comte dans une tenue aussi sale et usée, douta le garde.

-Nous étions à bord du Devonshire mais nous avons été attaqués par des pirates. Heureusement, nous avons été secourus et nos sauveurs nous ont déposés ici.

-Avez-vous une moindre preuve de votre identité ?

-Bien sûr. »

Denys sortit une bague marquée du sceau de sa famille. Le garde l’examina attentivement.

« Elle m’a l’air authentique mais qui me dit que vous ne l’avez pas volé au vrai Denys Tucson, avança le garde.

-Je le jure sur mon honneur ! se mit à crier Denys.

-Qu’est-ce qui se passe ici ? lança un homme en arrivant.

-Monsieur Sweet, fit le garde. Ce jeune homme dit être Denys Tucson, fils de monsieur le comte Tucson. Il a cette bague en sa possession. »

Sweet prit la bague et l’examina à son tour. Il regarda Denys et Kathleen.

« Qui est cette jeune femme ? demanda Sweet.

-Ma sœur Kathleen, répondit Denys.

-Vous êtes sale et mal rasé mais le comte Tucson m’a montré un portrait de ses deux enfants pour que je les reconnaisse quand le Devonshire arrivera. Et je vous reconnais, Denys Tucson.

-Notre père est ici ! s’écria Denys.

-Pas pour le moment mais il devrait être de retour dans quelques heures. Le temps pour vous de vous laver et de changer de vêtements. Ainsi que de raconter votre aventure à monsieur le gouverneur. Suivez-moi je vous prie. »

           Monsieur Sweet se trouvait être l’intendant du gouverneur. Il les emmena dans des appartements où ils purent se laver et se changer. Même s’ils avaient pu se laver à bord de l’Ankou, ils n’avaient pas pu changer de vêtements, les leur ayant coulés avec le Devonshire. Le soir, c’est en grande tenue qu’ils furent menés jusqu’au gouverneur. Le père de Kathleen et Denys était également présent. La jeune femme se jeta dans ses bras, oubliant toute convenance.

« Père, quelle joie de vous revoir enfin ! s’exclama-t-elle.

-Je suis heureux aussi Kathleen, dit Edward Tucson. Tu es devenue une jeune femme exquise à ce que je vois. Tu dois avoir des prétendants à la pelle.

-Pas tant que ça.

-Père, fit Denys.

-Mon fils, je vois que tu t’es bien occupée de ta sœur.

-Vous m’aviez dit de veiller sur elle.

-Je vous présente Sir Thomas Stanton, le gouverneur des Seychelles. »

D’un même mouvement, Denys s’inclina et Kathleen effectua une révérence. Le gouverneur inclina légèrement la tête.

« Soyez les bienvenus, dit le gouverneur. J’ai cru comprendre que vous aviez vécu une aventure extraordinaire. J’aimerais que vous me la racontiez.

-Avec plaisir Sir, dit Denys.

-J’aimerais moi aussi l’entendre, lança une voix. »

           L’homme qui venait d’entrer en imposait par sa présence. Il devait avoir la quarantaine approchante. Ses cheveux étaient châtains et ses yeux marrons. Il arborait un bouc entretenu. Un sabre de marine pendait à son côté.

« Veuillez excuser mon retard Sir, fit-il en s’inclinant devant le gouverneur.

-Laissez-moi vous présenter le capitaine Vince Shiphunt, présenta le gouverneur.

-J’ai entendu parler de vos exploits, dit Denys. C’est un honneur de rencontrer le plus grand chasseur de pirates au service de sa Majesté. »

           Le gouverneur et ses invités passèrent à table. Denys commença à raconter leurs aventures à partir de l’attaque du Devonshire par le pirate Miklos Afistos. Il continua en disant qu’un autre navire était arrivé et avait pris les pirates pour cible. Ils furent sauvés à la suite de rapides négociations entre les deux capitaines.

« Je vois, dit Shiphunt. Cet Afistos est vraiment une plaie. Vous avez eu de la chance. Il est connu pour ne jamais rendre vivant ses otages. Je vous promets de le retrouver et de le mettre hors d’état de nuire.

-Excusez-moi capitaine mais ce n’est plus la peine, intervint Kathleen. Une fois que nous étions à l’abris, nos sauveurs ont coulé le navire d’Afistos d’une bordée de canons. Ils avaient un compte à régler avec eux si j’ai bien compris.

-Oh ! Voilà une bonne nouvelle. Mais je trouve étrange que vos sauveurs n’aient pas souhaité se faire connaître ni qu’on les félicite comme il se doit. Comment se nommait le capitaine ?

-Et bien… balbutia Kathleen.

-Il s’appelait Gaël Morbrez, répondit Denys, s’attirant un regard haineux de la part de sa sœur.

-Vous avez bien dit Morbrez ? demanda Shiphunt.

-Exactement, du navire l’Ankou.

-Ainsi, ce qu’on dit est vrai, l’Ankou est dans l’Océan Indien.

-Vous connaissez ce navire capitaine ? questionna le gouverneur.

-Peu de gens connaissent son existence. C’est un navire se faisant discret. On ignore pourquoi. Il ne fait que quelques rares apparitions. Une chose par contre est sûre : l’Ankou navigue en battant pavillon noir.

-Des pirates ! s’écria Edward Tucson. Vous n’avez pas été blessé au moins ? Ils ne vous ont pas fait de mal ?

-Non père, répondit Kathleen. Ils nous ont bien traités.

-Leur capitaine est quelqu’un d’étrange, dit Denys. Il nous a dit dés le début que nous n’étions ni des prisonniers ni des otages. Nous étions des naufragés à qui il a porté assistance. Nous avons été bien traités. Je me suis même demandé pourquoi ils se disaient pirates.

-Vous avez eu de la chance, dit Shiphunt. La famille Morbrez est connue pour être l’une des plus terribles des mers. Personne n’a jamais réussi à arraisonner l’Ankou. C’est un navire sur lequel court beaucoup de légendes. Avez-vous remarqué des choses étranges à bord ? »

Kathleen pensa tout de suite à tout ce qu’elle avait vu : des sorciers, l’équipement étrange de la cuisine, même les canons lui avaient semblée différents. Elle ne voulait rien dire et elle espérait que son frère ne dise rien. Mais ses espoirs s’envolèrent rapidement.

« Leur équipage est constitué d’êtres pervertis par le malin, dit Denys. Beaucoup sont des sorciers.

-Des sorciers ! s’exclama le gouverneur.

-Vous n’êtes pas sérieux monsieur Tucson ? fit Shiphunt.

-Très sérieux, j’ai vu ces hommes et ces femmes faire des choses extraordinaires à l’aide de petits bouts de bois qu’ils appellent baguettes. L’un des deux lieutenants est même un vampire. Je l’ai vu en train de batifoler avec une des jeunes femmes de l’équipage. Mais ça, je suppose que c’est normal entre un de ces monstres et une sale sorcière.

-Je t’interdis de parler de Morgane comme ça ! s’écria Kathleen en se levant.

-J’oubliais que ma chère sœur a été séduite par un de ces sorciers.

-Quelle bêtise vas-tu encore raconter ?

-Tu crois que je n’ai pas remarqué ton petit jeu avec ce John Morbrez ? J’ai bien vu qu’il usait de ses pouvoirs pour te séduire. Heureusement qu’il n’a pas eu le temps de terminer.

-Menteur ! John est quelqu’un de très gentil ! Jamais il ne ferait une chose pareille.

-Kathleen, supplia Edward.

-Quoiqu’il en soit, reprit Shiphunt. L’Ankou est un navire pirate. Il est de mon devoir de l’empêcher de nuire. Je vais avoir besoin de renseignements sur ses membres d’équipage et sur ses particularités. Puis-je compter sur vous monsieur Tucson ?

-Avec joie capitaine, assura Denys.

-Tu es vraiment un homme sans honneur, s’écria Kathleen. Ils nous ont sauvés et ramenés jusqu’ici. Et toi, tu les trahis. Tout ça parce que tu as frotté le pont ! »

           Denys se leva et vint jusqu’à sa sœur. Il se tourna vers le gouverneur.

« Veuillez l’excuser Sir, quémanda-t-il. Toute cette histoire a perturbé ma jeune sœur. Elle a besoin d’un peu de temps et de repos. Si vous le permettez, je vais la mener à sa chambre.

-Je comprends que votre sœur ait été choquée par toute cette histoire, dit le gouverneur. Je ne lui en tiens pas rigueur. Vous pouvez l’emmener.

-Retrouvez-moi tout à l’heure au salon monsieur Tucson, invita le capitaine Shiphunt. Nous continuerons notre discussion.

-Avec plaisir. »

           Denys prit Kathleen par le bras sans ménagement et la tira hors de la pièce. Une fois hors de vue, Kathleen se dégagea de son frère et le gifla.

« Tu es devenu fou ! s’écria-t-elle. Tu les trahis !

-Je ne suis pas fou, rugit Denys. Mais toi, j’ai des doutes. Trahir qui ? Ce ne sont que des pirates, des hors-la-loi. Combien de vaisseaux honnêtes ont-ils coulés ? Je ne fais que mon devoir. Je ne vais pas laisser courir des criminels parce que tu es devenue amie avec eux ou que tu t’es entichée de ce jeune lieutenant. »

           Denys laissa Kathleen dans sa chambre. Cette dernière s’assura qu’il s’éloignait et courut jusqu’à sa table de nuit. Elle ouvrit le tiroir et en tira le miroir à double-sens offert par Morgane.

« Pourvu que ça marche. »

 

           Loin de là, filant sur l’eau à bord de l’Ankou, John observait la course des nuages dans le ciel. Gaël s’approcha de lui.

« Alors mon lieutenant pense-t-il à notre prochaine destination ou à une charmante jeune femme qui vient de nous quitter ? fit-il.

-Je vois que tout le monde à remarquer, sourit John.

-Ça t’étonne ? Je te rappelle qu’il y a quelques années, tout l’équipage était au courant des sentiments qu’Akiko et moi éprouvions l’un pour l’autre avant qu’on s’en rende compte nous-mêmes. Ils avaient même parié sur le moment où on se déclarerait l’un à l’autre.

-Si on avait eu plus de temps, peut-être que quelque chose se serait passé.

-Je crois que quelque chose s’est passé. Tu n’as juste pas remarqué. »

           Morgane se trouvait dans sa cabine. Elle entendit son miroir émettre une mélodie. Elle se précipita dessus. Dés qu’elle le prit en main, l’image de Kathleen apparut.

« Salut Kate, sourit-elle. J’attendais ton appel. Comment ça va ? Tu as retrouvé ton père ? »

Morgane s’arrêta en voyant la tête d’enterrement de Kathleen.

« Qu’est-ce qui se passe ? »

Kathleen raconta tout à son amie. Celle-ci écouta attentivement mais se montra rassurante :

« Ne t’en fais pas, l’Ankou n’a jamais été abordé. Ce n’est pas ce chasseur de pirate qui va y arriver. Il n’arrivera même pas à nous rattraper.

-Mais mon frère est en train de dire tout ce qu’il sait sur vous, dit Kathleen. Il a même dit que vous étiez sorciers.

-Ce n’est rien. Ce n’est pas ça qui l’aidera à nous avoir. L’Ankou n’est pas un navire comme les autres. Calme-toi.

-Tu as sûrement raison. Denys a parlé d’autre chose.

-De quoi ?

-D’une histoire de batifolage entre une sorcière et un vampire, sourit Kathleen.

-Oh, rougit Morgane. Euh… je savais bien que Natalia nous cachait quelque chose ! Je n’aurais jamais imaginé ça d’elle !

-Pas crédible.

-A ce point là ?

-Oui. Si tu me racontais plutôt. Comment ça a commencé entre toi et Igor ? Quand c’était ? Pourquoi vous le cachez aux autres ? »

Morgane sourit et commença à tout raconter.

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