L'Ankou

Chapitre 20 : VI L'enlèvement

2265 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/11/2016 04:29

           CHAPITRE VI : L’ENLEVEMENT

 

           Kathleen ne désirait pas voir son frère pour le moment. Elle se demandait si Denys l’avait compris car il ne lui imposa pas sa présence. Elle profita de la fraîcheur relative du matin pour aller faire une ballade seule dans le parc de la demeure du gouverneur. Elle apprécia les parterres de fleur et les haies parfaitements entretenues. Mais une ombre s’approcha d’elle en la saluant.

« Bonjour mademoiselle Tucson, dit le capitaine Shiphunt. Puis-je vous accompagner quelques instants ?

-Je ne voudrais pas que vous perdiez votre temps avec moi, dit Kathleen d’un ton sec.

-Ne vous en faîtes pas pour moi, je ne compte pas perdre mon temps en votre présence. Je souhaiterais vous poser quelques questions.

-Et moi je ne souhaite pas y répondre.

-Voyons mademoiselle, je vous conseille de coopérer.

-Sinon quoi ? demanda Kathleen avec un air de défi.

-Sinon je devrais demander à votre père de vous obliger à le faire.

-Je n’ai pas peur de dire non à mon père. »

           Excédé, Shiphunt plaqua la jeune femme contre le mur d’enceinte en lui serrant la gorge. Malgré cette démonstration de violence, il gardait un visage souriant.

« Mademoiselle Tucson, je vous conseille de ne pas me défier, dit-il. Votre frère m’a dit déjà beaucoup de choses sur l’Ankou et son équipage. Il m’a aussi dit que vous aviez noué des liens privilégiés avec certains de ces pirates. Dont Natalia Gorluna, une des personnes les plus importantes de ce bord, Morgane MacHingson, la nièce du capitaine et surtout : John Morbrez, le neveu et second du capitaine. Vous allez me dire ce que vous savez sur eux.

-Je ne vous dirais rien, parvint à articuler Kathleen.

-En fait, c’est surtout le frère et la sœur qui m’intéressent. Cette Morgane, quelle est sa force ? Maîtrise-t-elle la sorcellerie à un haut niveau ? Et les armes normales ? Sait-elle s’en servir ?

-Je n’en sais rien.

-Alors passons à John Morbrez. Quels sont vos liens avec lui ? Êtes vous amoureuse de lui ? Vous aime-t-il ? Répondez.

-Je ne dirais rien. Jamais vous ne pourrez vous en prendre à John et Morgane. L’Ankou est déjà loin.

-Je vois que je n’obtiendrais rien de vous de cette manière, conclut-il en relâchant son étreinte et en la laissant tomber sur le sol. Mais vous allez tout de même m’aider à trouver et piéger l’Ankou. »

           Shiphunt s’éloigna de quelques pas. Kathleen remarqua alors deux hommes sortant de derrières les haies.

« Emmenez-la, ordonna Shiphunt. »

Les deux hommes se saisirent de Kathleen. Ils l’emmenèrent sans ménagement jusqu’à une voiture pour ensuite aller discrètement jusqu’au port. Là elle fut embarqué sur un navire dont elle eut à peine le temps de voir le nom : le Saint[1]. Elle fut mise dans une cabine donnant sur le pont principal. Mais cela ne lui servait à rien car sa porte fut verrouillée.

           Kathleen frappa la porte de colère.

« Laissez-moi partir ! hurla-t-elle. Je ne vous aiderais jamais à détruire l’Ankou !

-Qui vous parle de le détruire mademoiselle Tucson, dit mielleusement Shiphunt à travers le bois de la porte. Je compte au contraire le garder en parfait état.

-Que voulez-vous dire ? Que voulez-vous à la fin ? »

Shiphunt la laissa hurler et s’éloigna. Le second s’approcha.

« Capitaine, ça porte malheur de prendre une femme à bord, dit-il.

-Epargne-moi ces superstitions ridicule, arrêta Shiphunt. Nous allons enfin nous emparer de l’Ankou.

-Tout ceux qui ont tenté de s’en prendre à ce navire ne sont jamais revenus.

-Mais nous, nous avons un avantage. Cette jeune demoiselle est notre avantage. Fini au plus vite les préparatifs du départ. Je veux partir au plus tôt. »

           Denys et son père avaient cherché Kathleen toute la journée. Ils avaient fouillé la ville entière et s’étaient retrouvés au port en début de soirée. Edward indiqua le Saint à son fils. Qui sait ? Peut-être que le capitaine Shiphunt avait vu Kathleen ? Ils montèrent la passerelle mais furent arrêtés en haut par un marin à l’allure goguenarde.

« Nous souhaiterions voir le capitaine, dit Edward Tucson. Je suis le comte Edward Tucson et voici mon fils Denys. »

Le garde envoya quelqu’un chercher le capitaine. Ce dernier arriva quelques instants plus tard.

« Monsieur le comte, monsieur Tucson, que me vaut l’honneur de votre visite ? salua Shiphunt.

-Ma fille a disparu, annonça le comte. J’aimerais savoir si vous ne l’auriez pas vu aujourd’hui.

-Votre fille ? Non, je regrette.

-Vous vous préparez à partir ? questionna Denys en remarquant les caisses et les marins s’affairant.

-Vous ne devinez pas ?

-Vous allez poursuivre l’Ankou.

-Il faut se lancer à sa poursuite avant qu’il ne s’éloigne trop. Nous avons même un curé.

-Un curé ? fit Edward surpris.

-Un membre de l’Inquisition qui nous accompagne. Après tout, vous l’avez dit vous-même Denys, il y a des sorciers et même un vampire à bord de l’Ankou.

-J’aimerais vous accompagner également, dit Denys.

-Je m’excuse mais je ne peux emmener une personne de plus. Je vais être obligé de prendre congé maintenant. J’espère que vous retrouverez votre fille au plus vite. Quand ce sera fait, dîtes-lui que bientôt elle ne sera plus sous l’emprise de l’envoutement de ce sorcier. »

           Denys et Edward Tucson tournèrent à peine les talons quand une voix familière se mit à hurler.

« Capitaine Shiphunt ! Je sais que vous m’entendez ! Jamais vous n’approcherez l’Ankou ! »

Shiphunt leva les yeux au ciel. Edward avait blêmi en reconnaissant la voix.

« Kathleen ! s’écria le comte. Que lui avez-vous fait capitaine ?

-J’exige des explications capitaine ! surenchérit Denys en s’avançant vers Shiphunt.

-On se calme, arrêta-t-il en sortant son sabre et en le pointant sur la poitrine de Denys. Vous allez redescendre bien gentimment de mon navire et personne ne sera blessé.

-Libérez Kathleen ! exigea Denys d’une voix forte.

-Denys ! appela Kathleen.

-Kathleen ! Ne t’inquiète pas nous allons te libérer ! »

Il se tut quand Shiphunt le plia d’un coup de pied à l’estomac. Shiphunt ordonna à ses hommes de repoussé les deux Tucson sur le quai et de larguer les amarres.

« Denys ! hurlait encore Kathleen. Dans ma chambre ! Le miroir ! Denys ! Le miroir ! »

           Denys et Edward ne purent rien faire d’autre que regarder le Saint s’éloigner du quai et se diriger vers la sortie du port. Ils se précipitèrent jusqu’à la demeure du gouverneur, demandant à être reçu par Sir Stanton.

« Que voulez-vous ? demanda le gouverneur.

-Sir, c’est horrible ! s’écria Edward Tucson. Le capitaine Shiphunt vient d’enlever ma fille.

-Je suis au courant.

-Quoi ? s’étrangla Denys. Vous êtiez au courant ?

-Le capitaine Shiphunt pense que votre fille est le plus sûr moyen de mettre l’Ankou hors d’état de nuire. Il m’a demandé mon accord que je lui ai donné.

-Mais, Sir… balbutia le comte.

-Nous devons penser au bien commun, justifia le gouverneur. Et non pas de l’Empire Britannique mais du monde. Nous ne pouvons tolérer qu’un navire de pirates-sorciers vogue tranquillement. Vous comprenez, j’en suis sûr monsieur le comte.

-Oui, bien sûr Sir, s’écrasa le comte.

-Votre fille vous reviendra saine et sauve. J’ai eu la parole d’honneur du capitaine Shiphunt. »

           Denys en avait assez entendu. Il ne prit même pas la peine de saluer le gouverneur et sortit. Il était véritablement ulcéré. Comment pouvait-il disposer ainsi des gens ? Le bien commun devait-il s’incliner devant l’honneur ? Quel capitaine, quel lord utiliserait une jeune femme pour atteindre son but ? Le capitaine Shiphunt et le gouverneur se rendaient pire que des pirates en agissant ainsi. Même son propre père lui inspirait le dégout par sa faiblesse. Denys repensa à l’Ankou et aux indivdus qui composaient son équipage. Le capitaine ne s’était pas abaissé à les prendre en otage. Ils avaient été traités aussi correctement que possible à bord. Et il n’avait pas oublié tout ce que lui avait dit Helmut. Il devait reconnaître qu’il en avait appris beaucoup en parlant avec le vieux gabier. Ces pirates avaient plus d’honneur que des lord anglais. Et leur nature de sorcier n’était finalement qu’un détail.

           Denys se rendit compte des erreurs qu’il avait commises en parlant à Shiphunt. Mais maintenant, il était trop tard pour réparer. A moins que… Kathleen avait hurlé quelque chose au moment où les hommes de Shiphunt le trainaient sur la passerelle. Elle avait parlé de sa chambre et d’un miroir. Que voulait-elle dire par là ? Il décida de s’y rendre à tout hasard. Dans la chambre de Kathleen se trouvait une coiffeuse comportant un grand miroir. Denys se mit devant. Il ne savait pas très bien ce que Kathleen entendait par là. Il examina le miroir mais ne trouva rien d’anormal. Il regarda dans le reste de la chambre. Peut-être n’était-ce pas de ce miroir dont elle parlait. Et en fouillant dans sa table de nuit, il trouva un petit miroir de poche. Denys ne l’avait jamais vu avant. Il se demandait quand Kathleen avait-elle acquis cet objet. Il pensa qu’il y avait des chances que ce soit de ça qu’elle lui avait parlé. Ce miroir lui avait étée sûrement offert par Morgane MacHingson. S’il s’agissait d’un artefact sorcier, il devait pouvoir faire quelque chose de magique. Mais quoi ? Il l’examina attentivement sans déceler rien de spécial.

           Alors que Denys allait laisser tomber et ranger le miroir dans son tiroir, l’objet se mit à vibrer comme un gros bourdon. Bien que surpris, Denys le garda en main et tourna la surface réfléchissante vers lui. Ses yeux s’exhorbitèrent en découvrant le visage de Morgane.

« Denys ! s’exclama-t-elle. Qu’est-ce que vous faîtes avec le miroir à double-sens de Kate ?

-Ce miroir permet de se parler à distance ! s’exclama Denys. Impressionnant. Vraiment. Je… Il y a un problème, Kathleen a été enlevée.

-Quoi ? Par qui ? Pourquoi ?

-Par le capitaine Shiphunt, un chasseur de pirates. Il espère qu’elle le mènera à vous. C’est ma faute. Je n’aurais pas dû lui parler de vous.

-Je vais devoir en parler à mon oncle. Ne coupez pas le contact.

-Je ne saurais même pas comment faire. »

 

           Morgane courut hors de sa cabine jusqu’à la passerelle. Gaël, Igor et John s’y trouvaient, discutant visiblement d’un sujet léger.

« Qu’est-ce qui t’arrive Morgane ? demanda John en voyant le visage soucieux de sa sœur. »

Pour toute réponse, elle tendit le miroir à double-sens devant elle.

« Tu n’aurais pas « offert » un miroir à double-sens à Kathleen par hasard ? fit Gaël. Je comprends mieux pourquoi il en manquait deux. Mais tu sais, si tu m’avais demandé, j’aurais été d’accord.

-Ce n’est pas ça l’important pour le moment, coupa Morgane. C’est Denys qui a répondu à l’appel. Kate a été enlevée par un chasseur de pirates. »

Gaël prit le miroir et posa les yeux sur le visage grave de Denys Tucson.

« Monsieur Tucson, racontez-nous tout, demanda le capitaine. »

           Denys raconta toute l’histoire. Il finit en disant qu’il ne cautionnait pas ces agissements de la part de nobles.

« Je vous promets que nous allons sauver votre sœur, jura Gaël. Nous faisons déjà demi-tour pour l’intercepter. Savez-vous quel cap ils ont pris ?

-Non. J’aurais dû rester sur le port pour observer.

-Ce n’est rien. Nous la trouverons.

-J’ai une requête capitaine, dit Denys.

-Je vous écoute monsieur Tucson, assura Gaël.

-Je voudrais vous accompagner. »


[1] A prononcer à l’anglaise.

Laisser un commentaire ?