L'Ankou

Chapitre 7 : VII Gaël et Akiko

2672 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 08/11/2016 09:20

           CHAPITRE VII : GAËL ET AKIKO

 

           Igor referma la porte de la cabine de Gaël.

« Je vais aller chercher Natalia et Morgane, dit-il.

-Je viens avec vous, fit John. »

John et Igor découvrirent les deux cadavres et Natalia gisante sur le sol. Igor vint tout de suite auprès de la cuisinière. John, baguette à la main illuminait autour de lui en appelant sa sœur.

« Tatiana l’a enlevée, souffla Natalia. Je n’ai rien pu faire. Je suis désolée. »

John ne put rien dire. Il ne savait comment réagir. Il oscillait entre la rage et la haine. La rage de n’avoir rien pu faire pour protéger sa petite sœur. La haine contre cette Tatiana. Mais que voulait-elle donc ? Pourquoi l’Ankou était-il si important à ses yeux ?

« J’ai un message pour Gaël, continua Natalia.

-Je t’emmène d’abord à Justin, dit Igor en soulevant la russe. John, viens. Ça ne sert à rien de rester ici. »

           Justin referma la blessure de Natalia en quelques secondes à peine et lui donna un fortifiant. Puis il se remit immédiatement à l’analyse du poison de Quinnon. Igor se chargea d’expliquer la situation d’Akiko à la cuisinière. Natalia entra sans frapper dans la cabine du capitaine. Ce dernier n’avait pas bougé, il demeurait au chevet de la japonaise, ne la quittant pas des yeux. Cette dernière s’était apparemment endormie. Natalia s’approcha de Gaël. Il ne la remarqua que quand elle posa une main douce sur son épaule.

« Comment va-t-elle ? demanda Natalia.

-Elle s’est endormie, répondit Gaël. Heureusement que Quinnon aime les poisons lents. Justin travaille au contrepoison.

-Je sais, je l’ai vu au moment d’aller me faire soigner.

-Quoi ? fit Gaël en se tournant vers son amie.

-Tatiana a Morgane. Quinnon ne servait que d’appât. Je n’ai rien pu faire.

-Je vois. Comment va John ?

-Il accuse le coup mais il tiendra je pense. Il est plus solide qu’on pourrait le croire. Tatiana m’a laissée un message pour toi. Elle nous donne rendez-vous dans sept jours aux Bermudes. Elle veut procéder là-bas à un échange entre Morgane et l’Ankou. »

Gaël laissa le silence s’installer. Il se tourna de nouveau vers la japonaise.

« Nous ne pouvons pas partir pour le moment, dit-il. Si Justin a besoin d’ingrédients spécifiques pour le contrepoison, ce n’est pas en mer qu’il les trouvera. Igor, appela-t-il.

-Oui, fit le vampire qui était demeuré sur le pas de la porte.

-Maintenez le bateau prêt à partir. Dés que Justin aura terminé on part pour les Bermudes.

-C’est comme si c’était fait, assura le vampire en sortant. »

           Natalia resta avec Gaël. Ce dernier avait repris sa contemplation du visage de porcelaine de la jeune japonaise.

« Tu avais raison, finit par dire Gaël.

-A propos de quoi ? demanda Natalia.

-De mes sentiments pour Akiko. Je tiens à elle plus que je ne devrais. Je ne veux pas la perdre. Si elle meurt, je n’y survivrais pas je pense.

-Elle vivra. Elle est forte. Je vais préparer quelque chose à manger pour tout le monde. Je te ferai porter un repas.

-Merci. »

 

           Bryan Quinnon n’avait pas échappé à la torture. Une fois de plus. Il avait bien détourné l’attention de Gaël Morbrez mais il n’était pas parvenu à ramener John avec lui. Certes, sa présence lors de l’assaut n’était pas prévue mais il aurait dû revenir avec lui. La torture fut plus courte qu’à l’accoutumé. Malgré tout, Tatiana était satisfaite, elle avait une source de sang des Morbrez. Morgane avait observé terrifiée le traitement infligé à Quinnon. Elle n’était ni attachée, ni surveillée. Mais où pourrait-elle s’enfuir ? Le Cauchemar voguait déjà en direction du nord-est. Et elle n’avait plus sa baguette, confisquée par Tatiana Gorluna.

           La capitaine s’approcha de la fillette. Elle la scruta de la tête aux pieds. Morgane était paralysée par la peur. Même le sourire de Tatiana l’effrayait.

« C’est fou comme tu ressembles à ta mère au même âge, dit Tatiana. Nous avons été élevés ensemble avec Natalia et Gaël. Ta mère était vraiment quelqu’un d’exceptionnel. Elle était un second parfait pour son capitaine de père. Mais j’étais plus douée qu’elle. En toute logique, c’est moi qui aurais dû devenir second du capitaine et héritière de l’Ankou. Mais ça ne se passe pas ainsi avec les Morbrez. Ils ont créé cette légende disant que l’Ankou ne peut être commandé que par un Morbrez. Je n’y crois pas.

-Pourtant, vous voulez le sang de ma famille, dit Morgane. C’est que vous croyez aussi à cette « légende ». »

Tatiana gifla violement l’adolescente.

« Je t’ai dit que je n’y crois pas, hurla la russe. Mais il existe une sorte de sceau magique et pour le dissiper, il faut quelques gouttes du sang de ta famille. Voilà en quoi consiste le peu de vérité de cette légende. Avec ton sang, je vais dissiper ce sceau et changer cette règle. L’Ankou n’appartiendra plus aux Morbrez mais à celle qui le mérite. C’est-à-dire moi. »

Morgane regardait Tatiana s’auto-congratuler. La capitaine posa sur elle un regard de dégoût.

« Qu’est-ce qu’il y a ? questionna la capitaine.

-Comment une folle comme vous peut avoir une sœur aussi gentille et douce que Natalia ? lança Morgane.

-Endoloris ! »

Morgane se tordit de douleur sur le plancher du pont. Tatiana prenait visiblement du plaisir à torturer ainsi les autres. Quand elle cessa, Morgane resta recroquevillée par terre.

« Ne me compare jamais à ma traîtresse de sœur, ordonna Tatiana. J’espère qu’elle remarquera bientôt son erreur et reviendra vers moi. Sinon, elle mourra. Tant pis pour elle. Quand à toi, tu vas connaître les joies du fond de cale. »

Deux pirates vinrent prendre Morgane par les bras et la descendirent au fin fond du bateau.

 

           Justin s’affairait dans sa cabine. Quelqu’un frappa à la porte. Igor Stradus entra. Le vampire huma l’air et fit une moue de rigueur en rapport à l’odeur forte et pestilentielle qui stagnait. Malgré tout, il parvint à sourire.

« Tu en es déjà à cette phase du contrepoison, fit le vampire.

-Oui, acquiesça Justin sans lever les yeux de son chaudron. L’analyse a démontré que Bryan en est resté à sa vieille recette. Il ne me manque plus que deux ingrédients. Helmut est parti me chercher les feuilles de cannes à sucre.

-Parfait. Je me sentirais mieux quand Akiko sera tirée d’affaire.

-Tout le monde se sentira mieux. Akiko a beau être le dernier membre en date de l’équipage, elle est totalement des nôtres. Tout le monde l’adore et la respecte. Il a fallu que je choisisse parmi tout l’équipage pour envoyer quelqu’un chercher les feuilles de cannes à sucre, ils voulaient tous y aller, sachant que c’était pour elle.

-Akiko peut paraître froide et distante, et même un peu raide je dirais, décrivit Igor. Mais on sent bien qu’elle considère vraiment ce bateau comme sa maison. Elle est prête à tout pour protéger le moindre des hommes de ce bord. Et il y a Gaël.

-Oui, je serais heureux pour eux s’ils pouvaient vivre une belle idylle. Ils le méritent tous les deux. »

           Helmut entra dans la cabine du médicomage sans frapper. Il tendit immédiatement les feuilles de cannes à sucre à Justin. Ce dernier les découpa en petits morceaux et les pilla.

« Si tu as besoin d’autre chose, n’hésite pas à appeler, dit Helmut.

-Ça devrait aller, assura Justin.

-Elle va s’en sortir ?

-Bryan a utilisé son poison habituel, vu la constitution d’Akiko, je dirais que j’ai encore deux heures pour lui inoculer le contrepoison. Maintenant que j’ai ces feuilles, il sera prêt dans moins d’une heure. Elle vivra et sera en parfaite santé.

-Je vais prévenir les autres, sourit Helmut en sortant de la cabine.

-Elle est vraiment comme la petite sœur de l’équipage, plaisanta Igor. Quand on se souvient après quelle épreuve elle a dû venir à bord, on peut dire qu’elle a réussi à tourner la page.

-Oui, dit Justin en versant les feuilles pillées dans son chaudron. Voilà, il ne me reste plus que le dernier ingrédient.

-J’ai bien fait de venir. Où je te le mets ?

-Dans ce bol s’il te plait. »

           Igor sortit un couteau et s’entailla la paume. Il pressa l’entaille pour en faire couler le sang dans le bol de terre cuite. Quand il fut rempli à moitié, Justin lui demanda d’arrêter. L’entaille se referma en quelques secondes. Le médicomage versa le sang du vampire dans le chaudron. Une vapeur noire s’en éleva.

« Parfait, plus que quarante minutes a laissé reposer et ce sera prêt, annonça le médicomage.

-Alors nous allons appareiller, fit de même Igor en sortant. Nous devons nous rendre aux Bermudes pour libérer la petite. »

           Quand la potion fut prête, Justin Lefranc en versa une louche dans un verre en métal et sortit. Les hommes d’équipage qui travaillaient sur le pont le regardèrent passer en souriant d’un air rassuré. John qui aidait à la manœuvre soupira de soulagement avant de se remettre à l’ouvrage.

           Justin ne frappa pas pour entrer dans la cabine du capitaine. Ce dernier n’avait pas bougé. D’un coup d’œil sur le bol qui se trouvait sur la table, Justin vit qu’il n’avait quasiment rien mangé. Il posa le verre sur la table.

« Elle dort, dit simplement Gaël.

-Ce n’est pas un problème, je vais la réveiller, dit Justin. »

Justin sortit une petite fiole de sa poche, la déboucha et la fit passer sous le nez de la japonaise. Cette dernière s’éveilla aussitôt, les yeux toujours vagues.

« Akiko, je vais te faire boire du contrepoison, dit Justin.

-Nani ? fit-elle.

-Elle dit « quoi ? », traduisit Gaël.

-Je vois. Elle est tellement faible qu’elle ne comprend plus que sa langue natale. C’est normal. Dis-lui qu’il faut qu’elle boive ça tout de suite.

-Akiko, nomimasu. Onegai. »

Justin donna le verre à Gaël qui l’approcha des lèvres de la jeune fille. Elle paraissait avoir compris car elle ne résista pas et malgré une moue nauséeuse, elle avala la totalité du contenu.

« C’est bien, fit Justin. Maintenant, elle va dormir. Quand elle se réveillera, elle se sentira faible mais elle devrait avoir récupérer tous ses esprits. Pour se remettre totalement, il lui faudra au moins deux jours je pense.

-Je vais la laisser se reposer, dit Gaël.

-Tu peux rester près d’elle. Victor s’occupe de la manœuvre. Nous avons déjà mis le cap sur les Bermudes. Pour le moment, nous n’avons pas vraiment besoin de toi sur le pont. Par contre, elle, elle a besoin de toi. »

Gaël se rassit. Il regarda les yeux d’Akiko se refermer doucement. Elle était si belle quand elle arborait un air si paisible.

« Merci Justin.

-Inutile de me remercier, fit le médicomage. J’ai fait ce que j’avais à faire. Tout l’équipage veut la revoir en parfaite santé. Et moi aussi j’adore cette petite. Je repasserais dans une heure pour refermer sa blessure. Oh ! Petit conseil du médecin de bord : mange, ordonna Justin alors qu’il allait sortir. Ça rimerait à quoi que tu tombes malade à ton tour.

-A vos ordres docteur, plaisanta Gaël. »

 

           Une douzaine d’heures plus tard, la jeune japonaise ouvrit de nouveau les yeux. Elle avait de nouveau les idées claires mais son corps était faible. Elle regarda autour d’elle. Elle n’était pas dans sa cabine. Elle reconnut immédiatement celle du capitaine. Elle était allongée dans son lit. Alors que ses sens s’éveillaient, elle sentit que sa main était recouverte de quelque chose de chaud. Son cœur bondit dans sa poitrine en découvrant qu’il s’agissait de la main de Gaël. Le capitaine était assis sur une chaise mais sa tête reposait sur le bord du lit. Il s’était endormi.

           N’osant pas bougé, Akiko resta un long moment à l’admirer. Elle retira doucement sa main de sous la sienne et dégagea une mèche de cheveux de son front. Elle passa ses doigts sur sa cicatrice. Il ne lui avait jamais dit comment il se l’était faite. Akiko y avait juste reconnut la trace d’un coup de sabre. Elle passa sa main dans ses cheveux. La caresse réveilla doucement le capitaine. Il sourit en levant les yeux sur elle.

« Tu vas mieux ? demanda-t-il.

-Ai Taishô, répondit-elle. Je vais pouvoir vous rendre votre lit. »

Comme elle semblait vouloir se lever, Gaël posa une main sur son épaule pour l’obliger à se rallonger.

« Justin dit qu’il te faudra au moins deux jours pour te remettre totalement. En attendant, tu peux rester ici. Et je t’ai déjà dit que quand nous sommes seuls, tu peux m’appeler Gaël. En faite, je pense que personne ne s’offusquerait de t’entendre m’appeler ainsi.

-Je ne peux pas. Je ne suis que ta subalterne. Tu es le capitaine.

-Tu n’es pas qu’une subalterne pour moi. Tu fais parti de l’Ankou. Mais surtout, tu fais parti de mon cœur. Tu y as une place à part. Je m’en rends bien compte maintenant. »

            Un silence s’installa. Ils se regardaient, plongeant dans les yeux l’un de l’autre. Aucun des deux n’avait remarqué que leurs mains s’étaient entremêlées. Gaël fut le premier à s’en rendre compte.

« Je vais te chercher quelque chose à manger, fit-il. Et prévenir l’équipage que tu vas bien. »

Il se leva mais la japonaise avait saisi plus fermement sa main. Elle le tira à elle et l’embrassa. Gaël l’entoura de ses bras pour approfondir le baiser. Il ne voulait plus se détacher de la douceur de ses lèvres.

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