L'Ankou

Chapitre 10 : X Dernière leçon

4159 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/11/2016 01:08

           CHAPITRE X : DERNIERE LEÇON

 

           Depuis quatre jours, Morgane n’était pas sortie du fond de la cale du Cauchemar. Elle avait pleuré le premier jour. Mais rapidement, elle s’était rendu-compte que ça ne servait à rien de se lamenter. Elle s’était souvenue de ce que lui avait dit sa mère une fois. Une autre fillette qu’elle pensait être son amie lui avait cassée sa poupée préférée pour l’embêter. Morgane avait pleuré. Sa mère la consola en lui disant que pleurer n’arrangeait rien. Il fallait pleurer, mais uniquement pour les choses importantes, les proches qui partent, éternellement ou non. Mais il ne fallait pas perdre son temps à pleurer pour autres choses. Soizic avait réparé la poupée d’un coup de baguette.

           Ce premier jour passé, Morgane accepta qu’elle ne pouvait faire qu’attendre. Elle n’avait pas sa baguette. Elle attendait. Et pour tromper son ennui, elle engagea la conversation avec le jeune mousse qui était chargé de lui amener de quoi manger et boire. Le garçon fut surpris quand la jeune fille lui lança une plaisanterie le deuxième jour de son incarcération :

« Merci, ce n’est pas trop salé j’espère. »

Elle faillit éclater de rire en voyant son air ahuri.

           Le mousse ne devait avoir que quelques années de plus que lui. Pas plus de quatorze ans sûrement. La première fois que la demoiselle lui adressa la parole sur un ton si enjoué, il ressortit sans savoir comment réagir, non sans se retourner une ou deux fois pour être sûr de ne pas avoir rêvé. Mais lorsqu’il revint la fois suivante, elle le gratifia d’un grand sourire en le remerciant. Morgane s’en retourna s’asseoir avec son bol de soupe claire et son morceau de biscuit[1]. En buvant une première gorgée de sa bolée, elle vit que le mousse était toujours là, l’observant du même air abasourdi.

           Au bout de quelques minutes d’observation silencieuse, elle se décida à briser la glace :

« Je m’appelle Morgane MacHingson, se présenta-t-elle. Et toi, tu t’appelles comment ?

-Euh… balbutia le mousse. Yoann. Yoann Frédart.

-Tu es un mousse, n’est-ce pas ?

-Oui.

-Ça fait longtemps que tu es sur le Cauchemar ?

-Euh… Trois ans.

-Wouah ! Et comment tu es arrivé là si jeune ?

-Comment tu fais ? coupa Yoann.

-Quoi ? questionna Morgane.

-Comment tu fais pour sourire comme tu le fais alors que tu es prisonnière à fond de cale ?

-Ah tu parles de ça, fit-elle comme si sa situation était insignifiante. Je ne vais quand même pas me morfondre durant des jours. Je ne resterais pas éternellement ici.

-Mais… tu… tu…

-Je ? plaisanta Morgane en reprenant son ton paniqué malgré un sourire amusé.

-Tu vas mourir.

-Qui a dit ça ?

-Personne, répondit le mousse. Mais avec Gorluna, c’est toujours ainsi que ça se termine.

-Je sais, elle aime tuer.

-Ce n’est pas qu’elle aime tuer. Mais pour elle, c’est comme respirer : c’est naturel.

-Ne t’en fais pas pour moi, sourit Morgane. Mes amis vont me sauver.

-Tu parles de l’Ankou ?

-L’Ankou est un bateau magnifique et exceptionnel. Mais ce n’est qu’un bateau. Il ne serait rien sans l’équipage qui se trouve à son bord. Ce sont les hommes et les femmes de l’Ankou, mes amis qui font de lui ce qu’il est. Et mon frère se trouve avec eux. Je sais qu’il viendra me chercher.

-Tu as si confiance en ta famille ?

-Mon frère est quelqu’un de bien. Et bien qu’il le réfute encore, il est fils de pirates. Il viendra.

-J’aimerais avoir ta confiance.

-Tu ne m’as toujours pas dit, dit Morgane.

-Quoi ? demanda Yoann.

-Comment tu es arrivé à bord du Cauchemar ? »

           Yoann s’assit en de son côté de la grille. Il commença son récit. Il vivait dans un village côtier avec sa famille, son père, sa mère et ses deux grandes sœurs. Mais un jour, des pirates firent un raide. Il devait y avoir au moins trois ou quatre bateaux de forbans. Et parmi eux : le Cauchemar de Tatiana Gorluna. La nuit fut sanglante et enflammée. Qui avait égorgé les parents de Yoann ? Qui avait violé puis éventré ses sœurs ? Il l’ignorait. Il était resté caché toute la nuit, essayant de fermer son esprit et ses oreilles aux hurlements de souffrances et aux fracas des objets brisés. Quand vint le matin et le silence, seulement perturbé par le chant des oiseaux insensibles au carnage, il sortit. Il découvrit avec horreur les corps mutilés. Malgré tout, il pensait être sauvé et s’en sentit rassuré. Mais un bateau pirate demeurait au mouillage. Et il fut attrapé par les hommes du Cauchemar qui en firent un esclave puis un mousse quand ils crurent qu’il était moralement enrôlé.

           « Mais je ne rêve que d’une chose : quitté ce navire maudit, avoua Yoann.

-Je comprends, dit Morgane qui ne souriait plus maintenant après un tel récit. Tu le pourras bientôt.

-Comment ça ?

-Quand l’équipage de l’Ankou viendra me délivrer, tu pourras venir avec moi.

-Quitter un bateau pirate pour un autre.

-Non, mon oncle Gaël, le capitaine de l’Ankou, te débarquera où tu veux. Il ne te retiendra pas à bord si tu ne le souhaites pas.

-Tu en es sûre ?

-Certaine. Il a promis à mon frère de nous ramener à Sainte-Emmanuelle aussitôt que la menace de Gorluna ne pèsera plus sur nous.

-Tu ne souhaites pas rester avec ces pirates toi non plus.

-Ça ne me dérangerait pas de rester à bord de l’Ankou. Mais si John ne le veut pas, je resterai avec lui. Je ne vais pas l’abandonner.

-C’est ça, une famille. »

 

           John avait bien compris le principe de l’utilisation de l’Araryou Nëmarialey. Du moins, il le pensait. Il demeurait encore une forte appréhension de ne pas réussir à l’utiliser convenablement le jour J. Ou même, de ne pas réussir du tout à le mettre en route. Il ne pouvait faire d’essai avant, Gaël ayant dit que la moindre utilisation consommait beaucoup d’une certaine énergie et qu’il fallait un temps relativement long pour pouvoir s’en servir de nouveau. Et quand John demanda ce qu’il entendait par là, Gaël éluda la question en disant que lui-même ne comprenait pas grand-chose à ça. Il savait juste que cela avait un rapport avec le soleil et la lune.

           Les Bermudes n’étaient plus très loin. Ils les atteindraient à temps. En attendant, John continuait son entrainement. Mais il changea d’arme, passant de la baguette au sabre d’abordage. Et pour lui apprendre les bases de son maniement, il dut subir les assauts du meilleur sabreur de l’Ankou : Akiko. Les traitements de Justin, les bons plats de Natalia, son sang dragoniar et les tendres attentions de Gaël l’avaient remise sur pied en un temps record. Elle n’était pas encore au top de sa forme, s’essoufflant plus vite qu’à l’accoutumé. Mais Justin avait assuré qu’elle pouvait à nouveau combattre et que, de plus, l’exercice accélèrerait encore sa récupération.

           Même diminuée, Akiko surpassait très largement John au combat. Il se retrouva encore régulièrement étalé sur le pont. Un rictus de détermination marquait son visage. Celui d’Akiko demeurait froid et neutre. A croire qu’elle ne ressentait rien en combattant. Dans un certain sens, ce masque impénétrable était assez déroutant.

« Tu penses trop, dit Akiko à la fin d’un assaut où, une fois de plus, John s’était retrouvé au sol.

-Que veux-tu dire ? demanda-t-il, ne comprenant pas ce qu’elle entendait par là.

-Tu penses à chacun de tes gestes. Tu penses à chacune de mes attaques ou contre-attaques. Tu penses au prochain mouvement avant même d’en avoir fait un. Ne pense plus.

-J’ai peur de ne pas comprendre.

-C’est assez compliqué à comprendre au début, dit Gaël en s’approchant. Je vais essayer d’être plus clair. Quand tu combats, comme elle vient de te le dire, tu penses, tu réfléchis à ce que tu vas faire et tu essayes de deviner ce que compte faire ton adversaire. Pour anticiper, n’est-ce pas ?

-Oui, c’est ainsi que mes parents m’ont appris les bases du combat. Ils voulaient que je puisse protéger Morgane.

-Soizic était très forte pour ça. C’était sa façon de combattre. Mais toi, tu n’as pas le même caractère. Tu es différent de ta mère sur ce point. Tu es plus comme moi, un instinctif. Il faut que tu apprennes à laisser ton corps bouger comme il l’entend. Et pour cela, tu ne dois pas polluer tes mouvements par des pensés.

-Donc je dois me battre sans y penser, dit John.

-C’est l’idée, acquiesça Gaël. Les samouraïs, comme Akiko, sont très forts en ce domaine. Ne pas penser leur permet d’atteindre un degré de conscience supérieur et un état d’esprit combattif qu’ils appellent le Sanshin[2]. C’est aussi comme ça que je combats. Nous allons te montrer. Akiko.

-Ai, fit-elle en faisant face à Gaël. »

           Gaël et Akiko se tenaient face à face. Le reste de l’équipage fit silence et tourna toute son attention sur eux. Certains lancèrent quelques encouragements aux deux protagonistes. D’autres, des petites blagues.

« Entrainement avant la première dispute de couple !

-On va voir qui porte le pantalon !

-T’as besoin d’une coupe de cheveux cap’ tain ! »

Les rires fusaient. Mais cela ne perturba pas les deux duellistes. Les yeux dans les yeux, ils arboraient tous les deux un masque d’impassibilité. L’immobilité demeura un moment. Et tout d’un coup, ils foncèrent l’un sur l’autre à pleine vitesse. John ne fit que deviner les mouvements de leurs sabres. Ils tournoyaient à une vitesse cyclonique. Mais ce qui impressionna le plus John, c’était qu’il n’avait pas encore perçu un seul bruit de métal s’entrechoquant. A croire que leurs lames s’évitaient mutuellement. Le regard de John passa sur leurs visages, il n’y dénota aucune expression. Leurs pensés coulaient comme l’eau.

           Un premier choc métallique. Le combat gagnait en intensité. Et sur une coupe à l’horizontale de Gaël, Akiko para sans se déplacer, pour le fixer et le déséquilibrer en même temps. Elle pivota sur elle-même en entrant dans sa garde pour placer un coup de coude à l’estomac. Gaël accusa le coup mais la jeune fille ne lui laissa pas le temps de récupérer. Elle continua son pivot pour passer dans le dos du capitaine en restant au plus près de lui. Elle bondit pour grimper sur son dos et passa ses jambes autour de son cou. Se faisant, elle le projeta au sol en maintenant son ciseau. Une fois sur le plancher, elle fit s’arrêter sa lame à quelques millimètres de son œil droit.

« Tu as été gentil sur la fin, dit-elle.

-Tu n’es pas encore totalement remise, sourit Gaël. Et je ne voulais pas me retrouver à la porte de la chambre ce soir. »

Akiko rougit d’un coup, relâcha son ciseau et se releva.

« Ça promet pour ce soir ! lança un pirate générant une nouvelle hilarité.

-Silence les gars, demanda Gaël. Akiko, tu veux continuer l’entrainement de John ?

-Euh… plus tard, dit-elle sans se tourner vers son amant. Je… je…

-Si tu veux souffler un peu, vas-y, dit Gaël. Je vais continuer. »

Akiko n’ajouta rien et se rendit rapidement dans la chambre qu’elle partageait avec Gaël depuis quelques jours.

           Gaël, n’ayant visiblement rien remarqué de l’émoi de la jeune fille, se tourna vers John.

« Tu as compris ? questionna-t-il.

-Pas vraiment, répondit John en toute sincérité. Mais j’ai l’impression que c’est uniquement par la pratique qu’on parvient à ça.

-Tu as plus compris que tu ne le crois. Allé, en garde. »

 

           Laissant les deux hommes à leur jeu, Natalia se rendit à la chambre du capitaine. Elle ne prit même pas la peine de frapper, sûre que si elle le faisait, Akiko ne lui répondrait pas. Elle la trouva debout au fond de la cabine, regardant la mer par le hublot. Natalia s’approcha sans parler.

« Tu as eu du mal à te retenir de courir ? fit la russe.

-Tu as deviné, dit la japonaise.

-Je suis une femme moi aussi, rappela Natalia. Et j’ai eu ton âge et mon premier amour.

-Gaël ?

-Non. Même si à une époque, j’ai été amoureuse de lui. Je n’ai jamais osé lui dire. Et puis, il y a eu cet homme que j’ai rencontré lors d’une escale à Bornéo. Il voulait que je quitte l’Ankou et vienne vivre avec lui. Je lui ais donné ma première nuit mais rien de plus. Je savais que ma place était à bord.

-Tu l’aimais ?

-Je pense oui. Je n’en suis pas très sûre en fait. Nous n’avons pas eu assez de temps. Mais l’important pour le moment, ce n’est pas moi, c’est toi. Tu aimes Gaël depuis déjà un petit moment. Et lui aussi. Vous avez enfin commencé votre histoire. Il serait normal qu’il se passe entre vous ce qu’il se passe entre tout homme et femme qui s’aiment.

-Je sais. J’y pense souvent. Mais je ne sais pas si je…

-Si tu es prête, finit Natalia. Je comprends. C’est normal tu sais. Vous avez tout votre temps tous les deux. N’hésite pas à le prendre. En fait, je serais d’avis que tu le fasses languir, sourit Natalia. »

Akiko rit de concert. La cuisinière avait toujours su détendre l’atmosphère. Mais Akiko savait qu’elle était consciente d’une chose importante.

« Nous allons nous battre bientôt, dit la japonaise.

-Oui, acquiesça Natalia.

-Ce n’est pas notre premier combat. Ça, nous le savons. Mais qui sait si ce ne sera pas le dernier pour certains d’entre nous ?

-Oui.

-Nous autres pirates, nous savons que la Vie est quelque chose de précieux et de fragile. Même si elle abonde et qu’elle peut se maintenir n’importe où. Nos vies sont précieuses et fragiles. Nous pouvons être foudroyés par la Mort n’importe quand. Pour nous, le risque est omniprésent.

-Tu as tout à fait raison.

-Et puis, Tatiana Gorluna n’est pas une adversaire comparable à ceux que nous avons combattus jusqu’à présent. Elle connait l’Ankou et son équipage. Elle est forte et terrifiante. Et n’a que du mépris pour la vie des autres.

-Tu as bien cerné le personnage.

-J’ai déjà failli mourir à cause d’elle il y a peu. Même si ce n’est pas elle qui m’a porté le coup. Personne ne peut savoir qui survivra à la bataille qui approche. »

           Natalia comprenait là où Akiko voulait en venir. Et elle était tout à fait d’accord avec elle. Même si cette vision des choses lui semblait un brin pessimiste. L’important, ce n’était pas l’espoir de survie au bout. L’important, c’était le temps restant jusqu’à la bataille. Deux mots résumaient parfaitement cette idée :

« Carpe Diem, dit Natalia.

-Quoi ? demanda Akiko.

-C’est du latin. Ça signifie « prend le jour ».

-Je pense comprendre. Au Yamato, nous avons une philosophie similaire, surtout dans la caste guerrière. On dit : « Donner chaque coup de sabre comme si c’était la dernière action de notre vie[3] ». Ce proverbe samouraï peut être utilisé pour toute chose.

-Oui, c’est vrai. »

Natalia souriait à Akiko. Cette dernière lui renvoya son sourire. Elles continuèrent à discuter durant un long moment.

 

           Le soir vint. John s’écroula littéralement sur son tabouret, s’affalant sur la table. Helmut sourit et lui apporta un bol d’eau.

« Merci, souffla John en portant le bol à ses lèvres.

-Après-demain, ta sœur sera de nouveau parmi nous, dit Helmut. Je te le promets.

-Merci Helmut. Je sais que je peux vous faire confiance. A tous ! ajouta-t-il plus haut.

-On veut revoir notre petite fleur, lança un pirate.

-S’ils ont touché le moindre de ses cheveux, je les éventre tous.

-Pas ceux que j’aurais eus avant toi ! »

John se sentait heureux de voir que tous les pirates souhaitaient sauver sa sœur. Ils avaient perdu leur famille. Du moins, il le croyait. Mais en fait, il ignorait à quel point sa famille était grande et soudée. Chacun de ces forbans des mers était un frère. Il s’en voulait d’avoir douté au début. Il souhaitait toujours rentrer à Sainte-Emmanuelle, et il savait que personne ne lui dirait qu’il avait tort. Mais il se sentait chez lui, ici, avec ces pirates.

           « De toute façon les gars, on aura juste le droit de toucher à ceux qu’Igor n’aura pas dévoré, lança un autre, provoquant un rire autour de la table.

-C’est sûr que s’ils ont touché à Morgane, Igor va faire un massacre, acquiesça Helmut. »

John ne dit rien mais il était d’accord avec le gabier. Le vampire et Morgane s’étaient tout de suite entendus et même devenus assez proche. John avait vu ça d’un mauvais œil, car en plus d’être un pirate, c’était un vampire buveur de sang. Il s’était trompé une fois de plus.

« Je vous en laisserais peut-être un ou deux si vous n’êtes pas sages, fit Igor en sortant de sa cabine isolée.

-Quelle générosité !

-Je sais, je suis trop bon. Mais comme je l’ai entendu : s’ils lui ont fait du mal, ils vont avoir très mal. En attendant, j’ai faim. Personne ne veut me donner son cou ?

-Igor, cette blague ne marche plus depuis longtemps, fit remarquer Natalia en lui apportant une bouteille remplit d’un liquide épais rouge. Voilà ton repas, comme tu l’aimes.

-Au risque de me répéter encore une énième fois : vivement la prochaine escale. Rien ne vaut du sang humain à la source.

-Il y a quelques jours, ce genre de phrase m’aurait vraiment effrayé, dit John. Qu’est-ce que c’est au fait ?

-Un petit mélange de différents sangs d’animaux avec une préparation de Justin et quelques aromates de mon cru, expliqua Natalia.

-De tous les cuisiniers que j’ai connus sur l’Ankou, c’est toi la meilleure, complimenta Igor. Ça se rapproche vraiment du goût de sang humain.

-J’ai une question, quand tu bois du sang humain, tu tues ta victime ?

-Non, c’est interdit par les Lois Vampires. En plus, maintenant on doit effacer la mémoire de nos proies pour qu’elles ne gardent aucune séquelle si ce n’est la petite cicatrice temporaire à la carotide. Mais tuer à toujours été interdit. Ce serait illogique de toute façon de tuer notre source de nourriture.

-Je comprends, et ça me fait peur quand même. Mais pourquoi être venu sur l’Ankou ? Ce n’est pas vraiment l’idéal pour un être ne supportant pas le soleil.

-Disons qu’à une époque, je ne respectais pas les lois de mon peuple. Et que j’ai dû m’enfuir. »

Igor n’ajouta rien. Et John ne demanda plus rien. De quelles lois parlait-il ? De celle de tuer les Humains ou d’une autre que John ignorait ?

 

           Au dessus, dans la cabine du capitaine, devenue celle d’Akiko également, les deux amants s’apprêtaient à se coucher. Ils avaient dîné simplement. Akiko n’avait pas beaucoup parlé, ne sachant pas quoi dire. Gaël ne s’en offusqua pas, mettant ça sur le compte de la fatigue.

           Ils se glissèrent sous les draps. Akiko eut un petit temps d’arrêt puis elle vint se blottir contre le corps de Gaël. Celui-ci l’entoura de ses bras. Akiko resta un long moment à n’écouter que les battements du cœur de son capitaine et le bruit sourd de sa respiration. Elle voulait sauter le pas. Elle avait peur de mal s’y prendre. Elle en avait parlé avec Natalia, la russe lui ayant assurée que tout se passerait bien, qu’elle devait y aller à l’instinct, se laisser porter par la volupté du moment. Rien que d’y penser, elle sentait une chaleur lui enflammer le bas-ventre et empourprer ses joues. Sa respiration se fit plus profonde. Malgré cette chaleur, ses mains tremblaient, ce qui n’échappa pas à Gaël.

« Tu as froid ? questionna-t-il.

-Non je… s’interrompit-elle. Je… »

Mais les mots refusaient de sortir. Ce n’était pas une situation à laquelle elle était habituée. Et puis, elle était plutôt une femme d’action. Elle releva la tête, plongeant ses yeux noirs dans ceux de Gaël. Elle n’attendit pas que son courage s’enfuie et l’embrassa tendrement. Gaël répondit à son baiser. Les mains d’Akiko commencèrent à parcourir son torse un peu maladroitement. Le capitaine comprit où elle voulait en venir. Il ne l’arrêta pas, comprenant aussi qu’elle faisait un effort. Il préféra l’encourager sans rien dire. Ses mains se mirent aussi à caresser son corps ferme et soyeux, retirant le kimono avec lequel elle dormait.

           Demain serait le dernier jour…


[1] A l’époque, sur les bateaux comme dans les armées à terre, le biscuit était de rigueur, remplaçant le pain. Le terme « biscuit » signifie « cuit deux fois ». Ce procédé permettait de le conserver bien plus longtemps que le pain classique. Il est toujours présent dans les rations militaires où il est appelé « pain de guerre ».

[2] Notion désignant l’état d’esprit d’un combattant dans les arts martiaux japonais. Mélange de concentration, de détermination et de décontraction.

[3] Ce concept fait aussi parti des 20 préceptes du Karaté énoncés par Maître Gishin Funakoshi et inspirés du code d’honneur des Samouraïs. Ces préceptes sont valables pour l’ensemble des Arts Martiaux et même de la Vie en général.

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