L'Ankou

Chapitre 12 : XII Tonnerre sur les Sargasses

4402 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 09/06/2012 09:27

           CHAPITRE XII : TONNERRE SUR LES SARGASSES

 

           Le claquement de fouet retentit dans la nuit. Aussitôt qu’ils reconnurent Tatiana, les pirates de l’Ankou restés à bord se figèrent. Ils étaient plus nombreux qu’elle mais il savait de quoi elle était capable et surtout, elle tenait John entre ses mains. Le jeune homme se remettait du coup qu’elle lui avait asséné avant de transplaner. Victor Blanco se tenait sur la passerelle, pointant un pistolet en direction de Tatiana et John.

« Victor, toujours en vie, sourit-elle. Tu ne comptes pas tirer ?

-J’y pense sérieusement, répondit Victor.

-Au risque de toucher ce jeune homme. Je ne pense pas.

-Tu ne pourras jamais contrôler l’Ankou.

-Je commence à en avoir assez de cette rengaine. Mais si tu y crois vraiment, laisse-nous aller jusqu’à la porte de cristal, et on verra. »

Victor réfléchit quelques secondes sans bouger. Il ne pouvait prendre de risque avec la vie de John.

« Ne tentez rien, lança-t-il aux hommes. Laissez-les passer. »

Les pirates baissèrent leurs armes. Mais leurs regards de haine ne désarmaient pas. Tatiana ne s’en occupa pas et tira John dans l’entrepont.

           Le jeune homme ne résista pas, Tatiana pensa qu’il avait compris que ça ne servait à rien. Elle l’emmena jusqu’à la porte de cristal. Elle le jeta au sol en y arrivant. La russe resta comme subjugué par la beauté irréelle de l’étrange bloc luminescent.

« Sais-tu depuis combien de temps je n’ai pas posé les yeux sur cette merveille ? fit-elle. Depuis combien de temps je rêve de voir ce qui se trouve de l’autre côté ?

-Depuis que vous avez tué mon grand-père, suggéra John.

-Tu as deviné. Ce n’était pas dur, je le reconnais. J’ai demandé à ton grand-père de devenir le nouveau capitaine de l’Ankou. Mais il a refusé. Il m’a refusée quelque chose ! A moi ! Il a préféré garder ses secrets et les confier à ta mère. Alors qu’elle ne les méritait pas. Elle ne voulait que continuer dans la lignée des précédents capitaines. Alors que moi, j’aurais fait de l’équipage de l’Ankou la plus effroyable pensé des Sept Mers. Quand on aurait cité son nom, cela aurait été en tremblant. Encore plus que pour le Cauchemar à l’heure actuelle. Le nom de mon navire est connu de tous dans les Caraïbes et les Antilles. Mais celui de l’Ankou reste méconnu. Illogique quand on connait les possibilités infinies de ce navire.

-L’Ankou sert une cause plus grande.

-Sais-tu seulement laquelle ou te contentes-tu de répéter les âneries débitées par ton oncle ? »

John se tut, se rendant compte qu’elle avait raison. Il ignorait tout du but véritable de l’Ankou qu’avait évoqué Gaël.

           « Tu vois, fit Tatiana. Ce soi-disant but ultime de l’Ankou n’est qu’une illusion. A quoi peut bien servir un bateau pirate si ce n’est rançonner les navires marchands ?

-J’ai confiance en mon oncle, souffla simplement John. Je ne connaîtrais sûrement jamais ce secret. Mais si des hommes de la trempe de Gaël, Akiko, Igor et tous les hommes de l’Ankou sont prêts à se battre et mourir pour lui, c’est qu’il doit valoir le coup.

-Tu es ridicule, rit-elle. Tu es venu à moi, n’hésitant pas à vendre l’Ankou pour récupérer ta sœur et maintenant, tu parles de l’importance de ce secret. J’en ai marre de palabrer. Ouvre-moi cette porte immédiatement. »

 

           La bataille continuait sur le pont du Cauchemar. Igor rejoignit Gaël et Akiko qui protégeaient toujours Morgane.

« Tatiana a transplané avec John, prévint le vampire.

-Très bien, on quitte le Cauchemar, ordonna Gaël. Igor, tu restes avec Morgane. Je ne veux pas qu’on la perde de nouveau.

-Avec plaisir. Comment tu vas ma petite ? fit-il en s’accroupissant près de Morgane. »

La jeune fille qui se cachait les yeux et les oreilles releva la tête et, découvrant Igor juste devant elle, bondit dans ses bras.

« Igor ! Je suis heureuse de te revoir !

-Moi aussi Morgane, fit-il. Viens, on s’en va.

-Il faut emmener Yoann. Il a voulu me protéger de Tatiana. Il a même pris un Doloris à ma place.

-C’est clair qu’on ne va pas le laisser. C’est lui ? demanda Igor en désignant le jeune garçon qui était encore recroquevillé sur le sol.

-Oui.

-Igor, pressa Gaël.

-On est parti. »

           Igor appela un de ses hommes à lui. Le pirate s’accrocha au petit groupe et transplana immédiatement. Gaël siffla fortement pour attirer l’attention de son équipage.

« A l’Ankou ! cria-t-il. »

 

           Au début, John avait trainé des pieds. Gorluna, impatiente et énervé par son manège avait commencé par l’invecté de se dépêcher en tendant sa baguette sur lui. Elle aurait pu le mettre sous Imperium et le forcer à obéir. Mais heureusement pour le jeune homme, elle avait toujours eu du mal avec ce sortilège. Par contre, le Doloris demeurait son maléfice préféré. John en fit la désagréable expérience.

           En se relevant, encore engourdi par la douleur brûlant, John n’hésita plus une seconde. Il estimait qu’assez de temps avait passé. Il s’approcha de la Porte de Cristal. Il se tourna vers la capitaine du Cauchemar.

« Il me faut un couteau, dit-il. La Porte ne s’ouvrira que si je lui donne un peu de mon sang.

-Pratique comme serrure, fit Gorluna. Je vais t’en prendre un peu aussi. Je n’ai pas envi de rester bloquer à la porte. »

Tatiana prit la main du garçon et l’entailla à l’aide de sa baguette. Elle teinta sa propre main de ce sang poisseux et le lâcha. John passa sa main sur la surface froide du cristal. Elle se mit à luir froidement et John passa au travers.

           C’était tel que dans les souvenirs de Tatiana. A l’époque, elle avait épié Soizic quand Erwan Morbrez lui avait montrée comment traverser la Porte de Cristal. Par la suite Tatiana avait essayé, donnant son propre sang comme tribu. Mais rien ne se produisit. La Porte resta terne et elle ne put voir ce qu’elle gardait. Tatiana en avait été frustrée. Elle voulait connaître les secrets de l’Ankou. Elle s’était dit que si les Morbrez se donnait autant de mal pour dissimuler ce secret, il devait être des plus intéressants. Qui sait si derrière cette paroi cristalline ne se cachait pas le pouvoir de contrôler le monde ? Et qui d’autre aurait le droit de posséder un tel pouvoir si ce n’est elle ? Elle devait s’en emparer. Elle convaincrait le capitaine de lui donner ce pouvoir. Mais il avait refusé. Et elle l’avait tué, fuyant l’Ankou avec Bryan Quinnon, un pirate frustré de la vie sur l’Ankou.

           La paume encore poisseuse du sang de John, elle la posa sur le cristal. Elle attendit que la Porte s’illumine. Mais rien. Comme des années auparavant. Rien ne se produisit. Elle resta là, la main sur la surface froide et lisse.

« NON ! hurla-t-elle. POURQUOI ? Je veux entrer ! Je veux le pouvoir !

-Nous sommes nombreux à te l’avoir déjà dit Tatiana, dit Gaël derrière elle. Tu ne pourras jamais t’accaparer ce pouvoir.

-Gaël ! Fais-moi entrer ! Sinon je te jure que Morgane va mourir. »

Gaël ne réagit pas. Il restait là, les bras ballants, tenant son sabre d’abordage dans une mainet sa baguette dans l’autre.

« Morgane n’est plus entre tes mains, informa Gaël. Et tu n’as plus John non plus. Tu es seule maintenant. Il est temps de payer pour tes crimes.

-Tu dis que je suis seule, dit-elle. Tu te trompes. J’ai encore mon bateau. Et si je ne peux pas avoir l’Ankou. Alors, personne ne l’aura. »

           Tatiana se concentra une seconde. Mais rien ne se produisit. Elle réessaya. Mais elle restait là, devant Gaël qui demeurait neutre et froid.

« Pourquoi je n’arrive pas à transplaner ? demanda-t-elle. Tu as dressé un champ anti-transplanage c’est ça ! Finite Incantatem ! »

Elle réessaya. Sans succès.

« Qu’as-tu fais ? interrogea-t-elle avec rage.

-Rien, répondit Gaël calmement.

-Tu mens ! »

Tatiana évita Gaël, qui ne bougea pas de toute façon, et courut jusqu’au pont principal. Les autres pirates de l’Ankou se tenaient tous autour d’elle. Ils la regardaient avec haine. Pas un de ces hommes ne souhaitait la voir repartir vivante. Tatiana écarta un petit groupe d’hommes qui lui cachait la vue d’un mouvement de baguette. Elle vit qu’ils n’étaient plus là où l’Ankou se trouvait au moment où elle était montée à bord. Le bateau s’était éloigné des Bermudes. Un rapide coup d’œil sur le ciel étoilé lui indiqua le cap que suivait l’Ankou : le sud-ouest. Et là, elle comprit. Ils étaient entrés dans la mer des Sargasses. Un endroit où un mystérieux phénomène magique interdisait quasiment tout transport magique et où même les boussoles moldues perdaient le nord parfois. Un lieu qui serait baptisé, dans quelques siècles, du nom de « Triangle des Bermudes ». Voilà pourquoi elle ne pouvait plus transplaner. John avait gagné du temps exprès. Même son offre de prendre la place de sa sœur faisait parti d’un plan.

           Tatiana aurait pu sauter par-dessus bord. Mais dans ces eaux grouillantes de requins et avec l’Ankou, elle n’aurait eu aucune chance de pouvoir rejoindre le Cauchemar. Elle avait remarqué ce dernier lancé à la poursuite de l’Ankou. Mais il mettrait longtemps à le rattraper. S’il y parvient.

           Gaël émergea de l’entrepont. Il s’avança vers Tatiana, le visage toujours aussi calme. La borgne lui lança un sourire hargneux et cynique.

« Tu vas me dire qu’il est temps de régler nos comptes, dit-elle.

-Oui, fit-il simplement. Tu ne peux plus fuir ton châtiment.

-J’ai encore un moyen. Il suffit que je te tue.

-Alors c’est moi qui te tuerais Tatiana, lança Natalia, la baguette à la main.

-Toi ! Ma sœur !

-Et si ce n’est pas suffisant, je serais là, fit Victor, armé d’un pistolet et d’un sabre.

-Et moi aussi, rajouta Helmutt.

-Pas avant moi, contredit Justin en faisant un pas à côté du gabier. »

Un murmure parcourut l’équipage. Tous les hommes de l’Ankou ayant connu les victimes de Tatiana étaient prêt à lui faire payer. Akiko resta silencieuse. Elle estimait ne pas avoir le droit de se joindre à eux. Elle n’était pas une des leurs à cette époque. Malgré tout, son katana était prêt à surgir et ses yeux brillaient d’un éclat doré.

           « Tu ne quitteras pas ce bateau vivante, continua Gaël. Mais nous sommes des hommes et femmes d’honneur. Nous ne t’attaquerons que un par un. Si tu survis à tout tes duels, tu pourras quitter l’Ankou vivante. Je serais ton premier adversaire. En tant que capitaine de l’Ankou, c’est à moi de débuter. »

Tatiana se rendait compte qu’elle ne survivrait pas. Comment le pourrait-elle ? Même à un contre un, il fallait qu’elle élimine une trentaine des plus terribles combattants des mers. Mais au moins, elle avait la chance de pouvoir en finir avec Gaël.

           Les regards de Tatiana et d’Akiko se croisèrent. Tatiana y lut que si Gaël était tué au cours de ce duel, elle mourrait dans la seconde qui suivrait. La russe avait vu la japonaise combattre et elle savait qu’elle était redoutable. Tout comme elle savait qu’elle ne pouvait espérer sortir indemme de son duel avec Gaël. En faite, il n’y aurait certainement pas de troisième duel.

           Tatiana planta de nouveau son regard enragé dans celui froid de Gaël. Elle marcha jusqu’au milieu du pont et se mit en garde. Gaël n’eut pas le temps de se placer comme il faut, la russe lui lança un Doloris qu’il para in extremis de sa baguette. Mais déséquilibré par la puissance du sortilège, il fit de même avec le coup de sabre qui suivit. Le pied de Gorluna vint percuter sa mâchoire et l’envoyer au sol. Gaël roula sur le plancher et lança un Stupéfix en se relevant. L’éclair rougeoyant passa à quelques centimètres de la tête de la pirate qui, loin de se laisser impressionné, s’avança sur lui et enchaîna plusieurs coups de sabre.

           Les chocs métalliques résonnaient sur l’océan. Des éclairs multicolores lézardaient le ciel. Les coups pleuvaient, martellant la chair et les os. Tatiana saignait déjà du bras, un coup de sabre de Gaël y avait mis bonne mesure. Quand au capitaine de l’Ankou, un sortilège Cuisant l’avait touché au torse. Les deux combattants étaient essouflés. Mais aucun ne souhaitait abandonné la joute. Abandonner signifiait mourir.

           Tatiana attaqua de nouveau. Elle entra dans la distance de Gaël en se fendant. Mais Gaël Morbrez esquiva en restant au contact du bras assaillant. Il frappa d’un coup de pied aux côtes et enchaîna avec une coupe verticale de haut en bas. Tatiana se mit à hurler de douleur comme un animal blessé. Son bras était tombé sur le plancher du pont principal. Son sang s’écoulait le long de son flanc, imprégnant ses vêtements d’écarlate.

« Ma sœur t’avait arraché l’œil il y a presque vingt ans, dit Gaël. Mais ce n’était pas assez pour payer la mort de notre père. Tout comme ce bras ne sera jamais suffisant pour celle de Soizic et William.

-Vas-y, ordonna Tatiana. Tues-moi si tu crois que ça les fera revenir.

-Ils ne seront plus jamais parmi nous. Du moins, pas de notre vivant. Mais je ne suis pas de ceux qui pensent que la vengeance ne sert à rien. Tu vas mourir. Ici et maintenant. Car la haine que je te porte, et les meurtres des membres de ma famille et de mes amis m’incite à te tuer. Tout simplement. Sans aucune autre philosophie.

-Je ne suis pas encore morte ! s’écria-t-elle en tendant sa baguette. »

Gaël s’y attendait et fut le plus rapide. Son Experlliarmus projeta la baguette de Tatiana par-dessus bord. Elle hurla de rage et se jeta sur lui. Mais elle s’arrêta net, le sabre d’abordage de Gaël lui tranversant la poitrine.

           Le regard de Tatiana passa sur la lame plantée en elle, puis sur le visage impassible de Gaël. Elle ne semblait pas se rendre compte qu’elle était touchée mortellement. Elle remua pour que Gaël lâche son sabre. Elle déambula, chancelante, sur le pont, les sabre toujours de part en part de son corps, son sang gouttant sur le plancher. Elle tourna en rond de longues secondes avant de tomber à genoux. Son visage blafard exprimait l’effroi. Elle commençait à comprendre. Elle prit enfin conscience de la présence du métal froid entre ses côtes et dans ses poumons. Elle hurla, la folie s’exprimant. Elle prit le sabre à deux mains et le retira avec un craquement sinistre. Elle le jeta en direction de Gaël. Le sabre tomba sans force aux pieds du capitaine.

« Non, murmura-t-elle. Je ne peux pas mourir. J’ai tant de choses à faire. Je dois devenir la plus grande. Qui se souviendra de moi sinon ?

-Personne Tatiana, fit Gaël. Quand nous serons morts, personne ne se souviendra de toi. Meurs comme tu as vécu. »

           Tatiana lança un regard suppliant à Justin. Le médecin se contenta de se détourner et de se diriger vers le bastingage. Victor se trouvait toujours près de la barre et l’observait sans démontrer d’émotion. Natalia regardait sa sœur se vider de son sang. Une certaine tristesse passa sur le visage de la cuisinière, malgré tout ses efforts pour la dissimulée.

           John arriva à ce moment là. Il était sorti de l’Araryou Nëmarialey quand il jugea avoir laissé assez de temps à Gaël pour éloigner Tatiana de la Porte de Cristal. Il voulait la voir mourir. Elle, la meurtrière de ses parents. Deux balais arrivèrent et se posèrent sur le pont. Sur l’un d’eux se trouvait un pirate soutenant le jeune Yoann auprès de qui se porta Justin. Sur l’autre, se trouvait Morgane et Igor. Morgane rejoignit son frère et l’étreignit. Puis elle se tourna vers la capitaine pirate. Son regard exprimait un profond dégout.

           Quelqu’un s’approcha de Tatiana. Elle fit l’effort de lever les yeux vers lui. Igor Stradus la toisait avec gourmandise. Son sourire tranchant ne laissait aucun doute sur le plaisir qu’il ressentait à la voir ainsi.

« C’est fini Tiana, dit-il. Ça ne pouvait que finir ainsi de toute façon.

-Tu vas boire mon sang jusqu’à la dernière goutte, fit-elle.

-Je le voudrais. Et j’en aurais le droit. Tout ceux que tu as tués étaient des amis. Tu ne peux peut-être pas le comprendre car nos âges ne sont pas comparables, mais j’ai vu grandir Erwan tout comme Soizic. Ce sont des membres de ma famille que tu as tué. Tu n’es pas la première à avoir tenté de t’emparer de l’Ankou après en avoir fait parti. Et tu ne seras sûrement pas la dernière. Tu es juste celle qui est allée le plus loin. Je voudrais te tuer. Mais d’autres en ont plus le droit que moi. Je leur cède ma place. A contre-cœur. Adieu Tiana. »

Igor tourna les talons et vint se placer à côté de Morgane.

           Gaël s’approcha, son sabre à la main. Il s’agenouilla devant Tatiana. Il ne lui dit rien. Tout avait été déjà dit. Il se contenta de lui transpercer le cœur. Les yeux de Tatiana s’écarquillèrent avant de se fermer pour l’éternité.

           Un silence religieux s’installa sur l’Ankou. John et Morgane savaient que le nom de ce navire signifiait « la Mort » en breton. mais c’était la première fois que la mort était aussi présente à bord depuis qu’ils y étaient.

 

           Victor fut le premier à briser ce silence. Il appela Gaël sur la passerelle. Le capitaine récupéra son sabre et le nettoya d’un coup de baguette en montant. Le cauchemar les avait rattrapés.

« Quinnon ignore que Tatiana est morte, dit Gaël. Je vais le lui apprendre. »

Gaël agita sa baguette et une silhouette lumineuse en forme de requin s’élança vers le Cauchemar. Ils n’attendirent que quelques minutes avant d’avoir une réponse sous la forme d’un autre patronus.

« La mort de Tatiana était prévisible, fit la voix de Bryan Quinnon. Mais le peu d’honneur que nous sommes parvenus à conserver nous oblige à venger notre capitaine. »

           « Au poste de combat, hurla immédiatement Victor en prenant la barre. »

Les pirates s’élancèrent immédiatement. Certains montèrent dans les vergues avec des mousquets. La plupart dégagèrent le pont pour se rendre aux canons. Ils n’ouvrirent pas les sabords, attendant l’ordre. Le premier coup de canon du Cauchemar projeta un boulet dans l’eau sur le côté tribord de l’Ankou. Victor tourna la barre vers babord pour obliger l’ennemi à venir sur son tribord. Mais le Cauchemar semblait vouloir rester derrière et tirer uniquement avec son canon de proue. Un deuxième boulet frôla l’arrière de l’Ankou. Victor retenta la manœuvre dans l’autre sens avec le même constat. Mais cette fois-ci, le boulet tiré par le Cauchemar toucha le bastingage de la passerelle. Par chance, les éclats de bois projetés ne blessèrent personne gravement.

« Il faut le forcer à bouger, dit Gaël. Canons de poupe ! Ouvrez les sabords ! Bigues dehors ! »

Les carrés de bois se soulevèrent et les bouches des canons en surgirent.

« FEU ! »

Les deux canons crachèrent dans le même temps. John, qui s’était rendu près des canons pour les voir en action, remarqua que contrairement aux canons classiques, les chariots de ceux de l’Ankou ne reculaient pas. Seule le canon en lui-même se propulsait en arrière avant de reprendre sa place comme retenu par un lien de caoutchouc.

           Les canoniers ouvrirent l’arrière du canon, retirant du même coup le tube de métal formant le corps de la munition. Seul le cône était parti au moment du tir. Le tube encore brûlant tomba dans un bac d’eau ou de tout autre liquide prévu à cet effet en générant de la vapeur. Les canoniers ne s’en occupèrent pas et enfournèrent un nouvel obus dans le canon. En quatre secondes à peine, les canons étaient de nouveau prêts à tirer. Le chef de poupe l’annonça à la passerelle par le tube communiquant. Et un nouvel ordre de tir tomba. Les tireurs tirèrent vivement sur la cordelette et les canon grondèrent de nouveau.

           Un des obus toucha la bordée babord du Cauchemar. Des corps mutilés furent projetés à la mer. Mais cela n’obligea pas le bateau à venir sur un des côtés de l’Ankou.

« Il faut en finir, dit Gaël. Chef de poupe.

-Capitaine, répondit une voix par le tube.

-Tir de précision sur le grand mât.

-A vos ordres. »

           Le chef de poupe se plaça lui-même derrière le canon, activant un crochet censé empêcher le recul du canon au moment du tir. Une mire, comme sur les mousquets, fut levée. Il prit son temps pour viser. Il devait prendre en compte le mouvement de l’Ankou, celui du Cauchemar et prévoir l’influence de la houle. Et quand il estima que toutes les conditions étaient réunies, il tira la cordelette. Le canon cracha son projectile qui vint exploser le grand mât au niveau de la première vergue.

           L’effet ne se fit pas attendre. Privé d’une partie de sa voilure, le Cauchemar ralentit. Il ne pouvait plus jouer au chat et à la souris avec l’Ankou. Il était maintenant un animal blessé. Victor n’eut pas besoin d’attendre l’ordre de Gaël. Il vira de bord et l’Ankou vint se placer au babord du Cauchemar.

« Bordée babord ! Ouvrez les sabords ! Bigues dehors ! lança Gaël. FEU ! cria-t-il finalement une fois le bateau bien placé. »

Le Cauchemar n’avait même pas eu le temps de sortir ses canons quand une bordée de six obus vinrent le déchirer par le flanc. Le cauchemar était en flammes. Gaël savait qu’il finirait par couler.

« On refait un passage ? questionna Victor.

-Inutile, fit Gaël. On s’en va. Cap au sud. Rentrez les canons, ordonna-t-il par le tube. »

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