La face cachée du récit

Chapitre 6 : Une attente surprenante

Catégorie: T

Dernière mise à jour 06/08/2012 12:58

Force était de constater que la première soirée de la mission avait été un désastre totale, pour autant Circia Merteuil n’avait pas eu l’impression d’avoir déclenché l’affrontement. Le professeur Rogue s’était encore emporté contre la jeune femme sans aucune raison apparente. D’habitude si froid et calme, l’homme semblait changer de comportement face à elle, il paraissait s’emplir de haine pour une raison qui lui échappait. Circia se réveilla en début de matinée le poignet toujours douloureux, délicatement elle massa la partie sensible, elle sentait encore les doigts de son collègue durement enroulés autour de cet os. Si la mission n’avait pas été aussi importante que semblait le dire le directeur, la jeune femme se serait immédiatement enfuie de cette galère, mais en l’espèce elle ne voulait pas abandonner, elle ne voulait pas baisser les bras, le professeur de sortilège s’était engagée et elle respectait toujours sa parole.

Prudemment elle ouvrit les rideaux qui servaient de porte à sa chambre et caressa la pièce du regard à la recherche de cette silhouette familière. Une sorte de soulagement envahie son corps lorsqu’elle se rendit compte que Rogue devait être sorti. Circia n’avait pas peur de le croiser, cependant elle ne voulait surtout pas se lancer dans une énième bataille de si bonne heure. De ce fait elle se pressa d’aller dans la salle de bain afin de prendre une douche. Durant de longues minutes la jeune femme profita de ce moment de calme et apprécia avec délectation la balade sensuelle des gouttes d’eau chaude sur son corps. Les tensions accumulées depuis des semaines semblèrent se dissiper petit à petit, chaque muscle de son corps paraissait se décontracter. Circia soupira de bien être, profitant de cet instant de courte durée.

Séchée, habillée et les cheveux, remontés en chignon, Circia se servit une tasse de thé brûlante avant de sortir de la toile de tente à la recherche de son compagnon d’infortune. Dehors le soleil était au rendez-vous, ses rayons éclairaient la vaste étendue de neige qui brillait de mille feux tels des diamants. Tandis que quelques oiseaux téméraires chantonnaient malgré la fraicheur hivernale, le professeur Merteuil porta la tasse à sa bouche et souffla délicatement sur le liquide dont émanaient quelques volutes de fumée. Soudain quelque chose attira son attention, une sorte de craquement venait de raisonner à ‘l’intérieur du cercle de protection. Rapidement la jeune femme sortit sa baguette magique et contourna prudemment la toile de tente, c’est alors qu’elle aperçut l’homme, enroulé dans son éternelle cape noire, debout, immobile, le regard fixé sur l’horrible maison en ruine. Circia abaissa son arme mais ne rebroussa pas chemin pour autant. A priori il ne l’avait pas vu ou alors il avait décidé de l’ignorer suite au carnage de la veille.

Sans un bruit, Circia le scruta ne pouvant détacher son regard de cette scène digne d’une toile de maître. Le personnage central de ce tableau n’était pas beau, du moins il n’entrait pas dans les critères de beauté du monde contemporain. Seul le profil de son visage était visible, ce qui paraissait accentuer son nez aquilin et proéminant, ainsi que ses joues creusées par les années. Sa peau paraissait refléter la blancheur de la neige permettant ainsi de souligner ses lèvres rouges sang. De longs cheveux noirs comme le bois d’ébène retombaient négligemment sur ses larges épaules. De toute évidence leur propriétaire ne devait pas avoir pris soin d’eux depuis de nombreuses années à en juger par l’aspect emmêlés qu’ils renvoyaient. Malgré un physique atypique, une aura semblait se propager autour de cet homme et aurait presque pu le rendre attirant aux yeux de la Vélane. L’homme avait une sorte de charme mystique et ténébreux, qui semblait laisser échapper de chaque parcelle de sa peau une force magique invisible mais palpable et envoutante.

Circia secoua la tête et retrouva ses esprits. Immédiatement elle fit demi-tour et chassa du mieux qu’elle put ce trouble qui venait de l’envahir durant sa contemplation. C’était indécent, improbable et incompréhensible !

La journée se déroula parfaitement bien, d’autant plus que Rogue était resté à l’extérieur ne daignant rentrer qu’à la tombée de la nuit. Pendant ce temps, Circia, elle s’était occupée du mieux qu’elle avait pu. Pour commencer elle avait fait un peu de ménage, ensorcelant les deux balais qui se trouvaient dans un coin de la tente, avait grignoté quelques friandises de chez Honeydukes probablement laissé par Dumbledore et finalement lu un livre trouvé dans la grande bibliothèque.

Lorsque le maître des potions fit son apparition, Circia était installée dans la cuisine en train de préparer quelques sandwichs, le seul plat qu’elle savait cuisiner.

« Vous n’avez pas mieux… »Lâcha l’habituelle voix grave et railleuse.

Circia se contenta de hausser les épaules avant de refermer le sandwich d’une deuxième tranche de pain de mie et de le repousser à côtés des autres déjà prêts.

« Poulet mayonnaise ou jambon beurre, à vous de voir. Si ça ne vous plait pas, vous pouvez toujours vous faire autre chose ! »Lâcha-t-elle simplement sans regarder l’homme qui se tenait à ses côtés.

Un sourire satisfait étira ses lèvres lorsqu’elle aperçut le bras de son collègue se tendre vers la table dans un grognement. Elle-même attrapa un sandwich au jambon et se dirigea vers le salon.

Circia s’avança vers la cheminée et s’installa au sol, sur un grand tapis finement tissé. Adossée contre un fauteuil, elle grignotait d’une main sa préparation qui n’était pas si mauvaise que cela et de l’autre elle ouvrit le livre dont elle avait commencé la lecture dans l’après-midi : « Lutte magique des sorcières au vingtième siècle. »
Quelques minutes plus tard elle fût rejointe par le professeur Rogue qui s’installa sur les fauteuils en face d’elle. Circia sentit le regard de l’homme sur elle mais n’y prêta pas attention, bien trop occupée à lire la biographique de Melinda Bones, première femme décorée de l’Ordre de Merlin.

Après avoir découvert le portrait des femmes les plus surprenantes et courageuse de l’histoire de la magie, Circia sentit la fatigue l’envahir peu à peu. Discrètement elle étouffa un bayement et son regard s’égara sur les flammes qui brulaient dans le foyer de la cheminée. D’une certaine façon le feu l’avait toujours intrigué, les couleurs orangé, rouge et jaune donnaient l’impression de participer à une sorte de parade nuptiale, se frôlant, s’aguichant, se caressant jusqu’à se rencontrer pour finalement partir en fumée. La jeune femme ferma les yeux un instant et se laissa envahir par la chaleur de l’âtre qui provoqua chez elle un subtile frisson.

Quelques minutes plus tard, Circia laissa ses yeux verts comme l’émeraude se poser sur Rogue, une impression singulièrement différente de celle de la matinée la frappa de plein fouet, ses traits étaient détendus, presque apaisés, la faible lumière de la cheminée donnait à son visage une teinte plus coloré, lui conférant une aura presque chaleureuse ou tout du moins beaucoup moins sinistre. L’homme tenait entre ses mains, un ouvrage aux reliures dorées, décorés par de nombreux signe en relief sur la couverture. L’éclat des flammes rendait difficile la lecture du titre du livre ancien qui brillait de mille feu. Circia plissa les yeux et réussit avec peine à déchiffrer les lettres : Romeo and Juliet de W. Shakespeare. Durant un instant, la jeune femme resta bloquée sur ce titre qui évoquait chez elle un lointain souvenir de ces cours d’étude des moldu.

Circia tenta de se concentrer afin de raviver sa mémoire, la jeune femme n’avait jamais été passionnée par ce cours, après tout en pleine rébellion adolescente, elle n’avait pas jugé utile de s’intéresser à une matière si secondaire selon elle. Aujourd’hui elle regrettait légèrement de ne pas s’être montrée plus attentive, la seule chose dont elle était sûre se résumait à l’origine moldu de cet auteur, ce qui aiguisait particulièrement sa curiosité. Jamais le professeur de sortilège ne se serait douté que son bien aimé collègue puisse s’intéresser à de la littérature moldu. Inconsciemment elle l’avait immédiatement classé dans la catégorie des sorciers convaincue de leur supériorité, opinion qui n’avait été que renforcée lorsque la jeune femme avait découvert son passé de Mangemort. Soudain Rogue releva les yeux de sa lecture et referma rapidement l’ouvrage, un regard sévère posé sur la vélane.

« Que lisiez-vous ? » Demanda-t-elle un faux air détaché ancré sur le visage.

« Un vieux manuel de potion, rien qui ne serait exciter votre curiosité ma chère… »Répondit-il, acerbe tout en se levant.

Il mentait, Circia le savait ce qui la rendit une fois de plus suspicieuse et pire que tout, curieuse. Pour la première fois depuis leur rencontre, la jeune femme s’intéressait à lui, à sa vie privée, à ses goûts, intérieurement elle savait qu’elle ne devait pas, mais en lui mentant ouvertement il avait lui-même lancer une sorte de défi. Celui de découvrir le véritable Severus Rogue. Ne souhaitant pas être démasquée, Circia se contenta d’hocher dédaigneusement la tête, replongeant fictivement dans sa lecture.

« Bonne soirée. » Lança l’homme d’une voix glacial avant de disparaître dans sa chambre.

Circia reposa son livre et soupira, son compagnon d’infortune n’était pas d’une agréable compagnie et outrageusement taciturne. Malgré tout la jeune savait, ou du moins, sentait qu’il n’était pas une coquille vide, la jeune femme était persuadée qu’il cachait de nombreuses choses et pas forcément toutes mauvaise. C’était un très grand sorcier, au passé certes tortueux mais sa lecture de ce soir laissait penser au professeur de sortilège qu’une culture énorme sommeillait à l’intérieur de son collègue.

Finalement Circia alla se coucher à son tour, réfléchissant au meilleur moyen et au meilleur moment pour s’approcher du livre et découvrir son contenu avant d’être assommée par la fatigue.

Durant trois jours rien ne vint perturber la routine qui s’était rapidement installée, Rogue passait ses journées à l’extérieur tandis que Circia s’occupait à contre cœur des « tâches ménagères », tous deux ne se retrouvant que le soir venu devant la cheminée un livre chacun. La jeune femme n’avait d’ailleurs pas revu le fameux ouvrage, Rogue avait sans aucun doute préféré le cacher plutôt que de se voir questionner de nouveau. Mise à part quelques phrases de temps à autre, le silence était d’or sous la toile de tente, Circia se demandait parfois même si après deux semaines de mutisme elle n’aurait pas perdue ses facultés d’oratrice. L’ambiance malsaine et tendue avait tendance à la mettre de mauvaise humeur ce qui n’arrangeait pas les choses.

Lors du quatrième jour de mission, Circia fût réveillée par une odeur désagréable qui provenait du salon. Rapidement elle ouvrit les rideaux de sa chambre et aperçut Rogue debout devant une immense table sur laquelle trônait un nombre inconsidérable de chaudron et d’ingrédient en tout genre.

Ne souhaitant pas commencer la journée du mauvais pied, la jeune femme se retint de faire le moindre commentaire, avant de prendre une douche et de déjeuner. Les odeurs de pattes de poulet séchées ou encore de queue de rat confites lui coupèrent l’appétit, Circia ne put avaler qu’une tasse de thé avant de s’installer sur un des fauteuils afin de corriger les dizaines de copies qu’elle avait emmené pour passer le temps.

Ce ne fût qu’en milieu d’après-midi que la jeune femme consentit à laisser ses copies de côtés avant de mettre des « T », ses élèves étaient désolants, si les notes ne remontaient pas, Circia allait finir par se remettre elle-même en question. Rogue quant à lui était toujours occupé par ses préparations plus singulières les unes que les autres. Circia s’approcha de la table et observa les différents contenus tourbillonnant dans des chaudrons en étain. Le premier lui donna presque la nausée, le liquide vert et gluant empestait et grouillait, menaçant à chaque instant de dégouliner sur la table. La seconde était plus claires, presque limpide, mais une teinte légèrement rosée se dessinait par moment à sa surface.

« Si vous n’avez rien de mieux à faire, extrayez donc le jus de ces graines ! » Lâcha le professeur Rogue en lui tendant un couteau et de petites graines jaunâtre.

Circia haussa un sourcil et ne bougea pas immédiatement, les potions n’avaient jamais été sa matière préférée, même si elle ne se débrouillait pas trop mal un philtre de paix avait bien faillit lui faire louper ses buses.

« Pourquoi pas… »Finit elle pas répondre avant de se mettre à la tâche.

La jeune femme déposa une des minuscules graines sur une planche de bois creusée au milieu où l’essence pourrait stagner. A première vue la tâche semblait être simple, cependant Circia déchanta rapidement, les graines étant très petites il était presque impossible de les couper et l’écorce semblait aussi dure que de la pierre. Ne souhaitant pas passer pour une gourde, la jeune femme se tourna légèrement de façon à ce que son collègue ne puisse pas voir sa difficulté. Malheureusement pour elle un grognement d’impatience se fit entendre.

« C’est trop vous demander ? » Railla le maître des potions.

Circia releva les yeux vers son collègue et aperçut ce petit sourire moqueur qu’elle lui connaissait bien maintenant. La jeune femme fronça les sourcils, suspicieuse.

« C’est impossible n’est-ce pas ? Encore une manœuvre pour vous foutre de moi ? » Lâcha-t-elle avec colère.

Rogue secoua négativement la tête et soupira avant de venir se placer derrière elle. Doucement il prit la main de la jeune femme qui tenait le couteau et fit tourner le manche. Circia sursauta à ce contact mais ne bougea pas, se laissant guider. L’autre main blanche rapprocha une graine au centre de la planche.

« Ces graines sont trop petites pour être coupées, de plus l’écorche est trop épaisse, il suffit d’exercer une légère pression avec le plat de la lame pour extraire le jus… » La voix était étonnamment plus chaude, presque caressante.

Circia s’arrêta de respirer, observant la main froide sur la sienne, sentant le torse de l’homme appuyé contre son dos, ainsi que son souffle chaud sur sa nuque. Rogue approcha une nouvelle graine et réitéra le mouvement, peu à peu la cavité se remplissait d’un liquide noir comme le pétrole, mais la jeune femme ne semblait pas y prêter attention. En effet le corps du maître des potions si près du sien, provoquait chez elle des frissons le long de sa colonne vertébrale, de plus son sang semblait pulser dans ses veines, son pouls s’emballant de plus en plus à chaque seconde.

Rogue posa finalement une main sur sa hanche, l’invitant silencieusement à se décaler en face d’un des chaudrons. Circia se laissa faire et déglutit difficilement lorsque l’homme reprit la parole, sa bouche presque collé à l’oreille de la jeune femme.

« Il faut ensuite laisser couler l’essence, goutte par goutte tout en tournant le liquide dans le sens contraire des aiguilles d’une montre, un demi-cercle à chaque goutte, c’est crucial et vital pour celui qui devra boire cette potion…»

Les mots étaient presque chuchotés, Circia sentait la passion à travers le timbre de la voix. Elle-même avait l’impression d’avoir été ensorcelée, elle n’était plus capable de bouger, laissant les mains expertes du maître des potions guider ses propres gestes.

Une épaisse fumée les enveloppa alors, s’élevant de la préparation qu’ils concoctaient à deux, leurs mains entrelacées autour de la grosse cuillère en bois.

« Et voilà…il faut laisser reposer maintenant… »Souffla t’il après que la jeune femme ai perdu la notion du temps.

Etrangement Circia se sentait fiévreuse, sa raison lui criait que cette sensation n’était due qu’aux effluves des différentes préparations mais intérieurement elle n’était plus sure de rien. Alors que l’homme venait de lui dire que la leçon était terminée, il ne lui lâcha pas la main immédiatement. Comme engourdie la jeune femme tourna lentement la tête pour finalement croiser le regard de son professeur particulier. Durant un instant la vélane eu l’impression de se perdre dans les yeux noirs qui l’observaient avec autant d’attention, elle ouvrit la bouche pour dire quelque chose mais rien ne réussit à franchir ses lèvres, sa gorge était trop sèche.

Le professeur Merteuil sentit alors les doigts de son collègue caresser presque imperceptiblement le dos de sa mains, elle ferma les yeux quelques secondes avant de descendre son regard vers les lèvres de l’homme. Sa respiration se faisait de plus en plus difficile et ses jambes semblaient avoir du mal à la tenir debout.

Seuls quelques centimètres, séparaient désormais leur visage, Circia se laissa alors totalement envahir par cette atmosphère électrique et se retourna d’avantage pour finalement faire face au maître des potions. Pendant un instant, la jeune femme eu l’impression que l’homme se rapprochait d’elle mais au dernier moment il lâcha sa main et recula en arrière dans un bond.

« Le cours est fini… »Lâcha t’il sa voix ayant retrouvé sa dureté ordinaire.

Circia inspira une grande bouffée d’air, pendant quelques minutes elle avait eu l’impression de se noyer. Perdue, chamboulée elle hocha vigoureusement la tête, incapable de réaliser ce qui venait de se passer.

« C’était…c’était très instructif… »Répondit elle tout d’abord chevrotante avant de reprendre une attitude convenable et détachée.

Le professeur de potions resta debout, immobile en face d’elle, mais son regard se faisait étonnamment fuyant, d’habitude si sûr de lui, l’homme semblait lui aussi déstabilisé par ces derniers minutes.

Circia se passa une main nerveuse dans les cheveux avant de reprendre la parole.

« Je vais aller faire un tour dehors, histoire de voir si tout est toujours normal… »

Rogue acquiesça d’un signe de tête et tourna les talons en direction de la cuisine. La jeune femme l’observa s’éloigner et sortit de la toile de tente. Une fois dehors elle se laissa tomber sur une souche d’arbre, ses jambes tremblaient pour une raison absolument inconcevable. Que venait-il de se passer ? Circia secoua frénétiquement la tête comme pour sortir ces images et ces sensations qui la mettaient extrêmement mal à l’aise. C’était Severus Rogue, l’homme le plus détestable qu’elle ait jamais connu, cela ne pouvait être possible, elle était en plein cauchemar, c’était seulement un instant de faiblesse dû à l’isolement de ces quelques jours, cela ne voulait rien dire. Et pourtant lorsqu’elle fermait les yeux, la seule image qui lui revenait était les lèvres rouges et terriblement désirables de son infâme collègue…

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