La face cachée du récit

Chapitre 7 : "Je veux bien être reine mais pas l'ombre du roi"

Catégorie: T

Dernière mise à jour 10/11/2016 08:37

Depuis l’étrange échange lors du cours de potion, Circia n’avait pas recroisé une seule fois le regard de son collègue qui se faisait étonnement fuyant, toute raison était bonne pour s’éviter sous la tente. La jeune femme se sentait extrêmement mal à l’aise à chaque fois qu’elle sentait sa présence dans la pièce, et pour cause, toutes les sensations qu’elle avait éprouvées cet après-midi là semblaient de nouveau envahir son corps. Dans un premier temps, Circia avait tenté de rationnaliser cet évènement, ils étaient seuls depuis quelques jours, enfermés dans un espace clôt, presque un an qu’elle n’avait pas profité de la chaleur d’un homme, cet instant n’avait été que le résultat d’une combinaison d’élément physique, rien de plus. Malgré tout la jeune femme voyait sa première théorie s’effondrer au fil du temps, même deux jours après ce moment de faiblesse, le fantôme de cette main froide posée sur la sienne se faisait toujours sentir. Pour éviter de trop y penser, le professeur de sortilège s’occupait du mieux qu’elle pouvait en lisant, corrigeant ses copies et surveillant la vieille maison en ruine.

Durant la première semaine rien ne vint troubler le calme de la mission, mais le vendredi soir alors que les deux collègues étaient confortablement installés chacun sur un fauteuil prêt du feu, une boule de lumière rouge apparut dans la pièce flottant au-dessus du maître des potions. Immédiatement celui-ci se leva d’un bond et sortit sa baguette.

« Il y a du mouvement dehors ! » Chuchota-t-il en tendant l’oreille.

Une sorte de panique était apparu sur son visage d’habitude presque dépourvu d’expression. Circia referma son livre et tira sa baguette de sa poche silencieusement.

« Je vais voir, restez ici ! » Lâcha-t-il avec autorité en se dirigeant vers la sortie.

La jeune femme fronça les sourcils et se leva à son tour, il était hors de question qu’elle attende sagement ici.

« Je viens avec vous si Dumbledore nous a demandé à tous les d… » Commença-t-elle avant que Rogue lui barre le passage.

« Vous n’avez aucune idée de ce qui peut y avoir là-bas, inutile de vouloir jouer les héroïnes, vous restez ici c’est clair ! » Lâcha-t-il plus violemment.

Pour la première fois depuis des jours, Circia planta ses yeux dans les siens et fût surprise d’y déceler une sorte d’angoisse, presque de peur. Cette vision lui fit perdre ses moyens ce qui l’empêcha d’émettre la moindre contestation sur le moment. Rogue profita de ce flottement pour sortir précipitamment, laissant la jeune femme plantée derrière lui.

Circia ne connaissait pas la finalité de cette mission, Dumbledore était resté silencieux sur ce point, mais l’attitude que venait d’adopter le maitre des potions lui avait fait réaliser que quelque chose de dangereux était à craindre, quelque chose qu’elle n’arrivait pas à imaginer. Après deux minutes de réflexion, la jeune femme retrouva son habituel courage et sortit à son tour malgré l’interdiction de Rogue, après tout elle n’allait surement pas rester en arrière-plan, elle s’était toujours considéré comme une femme d’action et aujourd’hui était l’occasion de le prouver.

Ce soir, le ciel était dépourvu d’étoile, seule la lune éclairait faiblement les bois qui entouraient la toile de tente. Rapidement les yeux de la jeune femme s’habituèrent à l’obscurité et elle put s’avancer en direction des ruines. Un silence de mort semblait régner autour d’elle, seul le craquement de ses pas sur la neige raisonnait désormais dans la foret. Circia traversa prudemment le mur de protection invisible et entreprit de descendre vers la maison. Aucun signe de Rogue. Plus elle se rapprochait de la vieille bâtisse et plus l’atmosphère se faisait lourde, une sorte de puissance inconnue semblait s’y dégager ce qui provoquait chez elle une chair de poule. Soudain un bruit sourd se fit entendre à quelque mètre, Circia sursauta et pointa sa baguette prête à se défendre. Finalement elle se rendit compte qu’une branche venait de céder sous le poids de la neige devenue trop lourde. La jeune femme soupira de soulagement avant de reprendre sa route, où Rogue était-il ? Elle n’était pas partit si longtemps que ça après lui, elle aurait dû apercevoir sa silhouette en bas de la colline mais ce n’était pas le cas. Les battements de son cœur semblaient s’accélérer à chacun de ses pas, Circia n’avait aucune idée de ce qu’elle allait bien pouvoir découvrir.

Finalement la jeune femme arriva devant une haie en friche, l’ancien passage avait été condamné par une accumulation de ronce et de mauvaises herbes en tout genre. Circia longea alors la barrière végétale espérant trouver un chemin plus praticable pour entrer dans la propriété, en vain. Il ne restait plus qu’une solution, se servir de la magie, la vélane pointa sa baguette sur la haie et s’apprêta à dire une formule mais une main vint fermement se plaquer sur sa bouche et son corps fût attirer en arrière. Circia tenta de se dégager, affolée, et prise au piège.

« Chuuuut »souffla une voix suave à son oreille.

Immédiatement la jeune femme se détendit, c’était lui, Rogue.

« Ne bougez surtout pas ! »Chuchota-t-il sans la lâcher pour autant.

Circia voulu se défaire de cet étreinte mais elle se stoppa net en apercevant deux silhouettes encapuchonnées à une dizaine de mètre. Même à travers le tissu de leur vêtement, la jeune femme pouvait sentir battre le cœur de son collègue qui la maintenait serré contre son torse. Un des deux individus sembla regarder dans leur direction, Circia arrêta de respirer, les avait-il repéré ? Rogue devait sans aucun doute se poser la même question puisqu’il retira sa main placé sur la bouche de la jeune femme pour prendre sa baguette. Finalement au bout de quelques secondes les silhouettes transplantèrent.

Le professeur de potion soupira et Circia le sentit relâcher son étreinte.

« Vous êtes vraiment incorrigible ! Vous auriez pu nous faire tuer tous les deux ! » Lâcha t’il méprisant.

La jeune femme avait gardé son regard planté à l’endroit même où les deux individus avaient disparu. C’était la première fois qu’elle avait ressenti un aussi grand danger. Jusqu’à présent la guerre était restée relativement abstraite pour elle, mais ce soir elle venait d’échapper à une confrontation directe et violente.

« Des Mangemorts ? » Demanda-t-elle sans se soucier de la dernière remarque de son collègue.

Rogue acquiesça d’un bref signe de tête et l’attrapa une énième fois par le poignet l’entrainant vers la tente.

« Ne restons pas là, ils pourraient revenir ! »Lâcha-t-il trainant la jeune femme derrière lui.

Circia dégagea violement son bras, elle ne supportait plus la façon dont l’homme la traitait constamment, il semblait la prendre pour une pauvre petite chose sans intérêt, ou pire encore la considérer comme le boulet d’un bagnard.
« Je vous ai déjà dit de ne plus poser vos mains sur moi ! » Cracha-t-elle avant de prendre la tête de la marche.

« Si je vous avais écouté, nous serions peut être mort à cette heure-ci ! »Lâcha-t-il la dépassant à son tour.

Circia soupira et leva les yeux au ciel, Rogue n’allait surement pas oublier cet incident de sitôt.

Tous deux gardèrent le silence jusqu’à ce qu’ils rentrent dans la tente, Circia retira ses bottes couvertes de neige fondue et les déposa devant le feu. Rogue quant à lui entra dans sa chambre et en ressortit quelque seconde plus tard, l’étrange bassine que la jeune femme avait aperçu le premier jour, flottant devant lui.

« Qu’est-ce qu’ils venaient faire ici ? » Demanda la jeune femme en s’approchant de son collègue, désormais penché au-dessus de la fameuse bassine.

« Je ne sais pas, quand je suis arrivé ils sortaient de la maison, ils ont fait le tour de la propriété et se sont éloigné, c’est étrange. » Répondit-il tout en faisant sortir une sorte de matière argentée mi gazeuse mi liquide de sa tête à l’aide de sa baguette.

Circia observa un instant cette étrange substance tournoyer sur elle-même dans la bassine puis soudain il lui sembla avoir aperçu son propre visage, non pas comme un reflet mais plutôt comme une image parfaitement distincte.

« Qu’est-ce que vous faîtes ? » Demanda-t-elle intriguée se penchant un peu plus sur la cuvette.

« C’est la pensive de Dumbledore, elle permet de… »

« …voir de vieux souvenir ! Je sais ce que c’est mais je n’avais pas encore eu l’occasion d’en voir une, c’est un objet très rare. »Le coupa t’elle sans détacher ses yeux de la pensive, captivée par le ballet incessant de la substance argentée.

Alors qu’elle s’approchait un peu plus et posait délicatement ses doigts sur l’objet magique, Rogue la repoussa rapidement. Circia leva les yeux vers lui, incrédule.

« On ne touche pas ce qui n’est pas à soi ! » Lâcha-t-il en agitant sa baguette.

La pensive s’éleva dans les airs telle une plume portée par le vent et disparut derrière le rideau fermant la chambre du maître des potions.

« Je n’allais pas l’abîmer ! » Lui lança-t-elle avant d’aller s’assoir sur un des fauteuils boudeuse.

« Je préfère ne pas prendre de risque… »Souffla-t-il un sourire provocateur pendu à ses lèvres alors qu’il s’installait sur le sofa qui faisait face à la vélane.

Circia secoua la tête, blasé de ces attaques sans fondement. La fatigue l’envahissait doucement, elle remonta ses jambes sur le fauteuil et enfonça sa tête dans la mousse avant de poser son regard sur son collègue qui semblait songeur.

« Vous les connaissiez ? »Demanda-t-elle sans ménagement.

Rogue arqua un sourcil et fit mine de ne pas comprendre.
« Les Mangemorts, vous les avez reconnu ? » Renchérit-elle, curieuse quant à l’ancienne vie du professeur de potion.

« Si vous voulez savoir si j’ai reconnu un de mes anciens…amis, désolé de vous décevoir miss Merteuil. »

La jeune femme se mordit nerveusement la lèvre, elle aurait aimé en savoir plus mais l’homme ne semblait pas enclin à s’étendre sur le sujet. Rogue sembla lire en elle et ses traits se durcirent.

« Qu’est-ce que vous voulez savoir ? Qu’est-ce qui pourrait bien exciter un peu plus votre curiosité malsaine de petite arriviste ? » Cracha t’il en se redressant un peu plus, comme s’il la mettait au défi de poser des questions.

Circia laissa son regard caresser la pièce durant quelques secondes puis se concentra de nouveau sur son interlocuteur.

« Qu’est-ce qui vous a poussé à le rejoindre ? »Lâcha-t-elle finalement ne s’attendant pas sérieusement à obtenir une réponse. Après tout rien n’obligeait l’homme en face d’elle à parler de son ancienne vie, d’ordinaire peu loquace il serait très étonnant qu’il fasse exception ce soir et avec elle.

Le maître des potions resta muet durant de longues secondes mais son regard avait rapidement dévié sur les flammes virevoltant dans la cheminée.

« Le pouvoir…la reconnaissance… »Souffla-t-il finalement d’une voix froide, lointaine sans détourner son regard de l’âtre.

Inconsciemment Circia enfonça les ongles dans la paume de sa main, elle ne s’était pas attendue a une réponse et encore moins à tant de franchise. La volonté d’en savoir plus fit instantanément disparaître la sensation de fatigue qu’elle ressentait jusqu’alors.

« Il sait parfaitement ce que vous désirez le plus au monde, sans même vous connaître il sait quoi dire ou quoi faire pour vous rallier à sa cause et avant même de savoir où vous avez mis les pieds vous vous retrouvez avec cette marque infâme sur votre bras…. »Au même moment l’homme releva timidement le bas de sa manche laissant apparaître une sorte de tatouage morbide parfaitement visible, représentant un crâne et un serpent.

Pendant un instant Circia lutta pour ne pas détourner les yeux, presque gênée d’être ainsi entrée dans l’intimité la plus profonde et douloureuse de son collègue. Lui ne la regardait toujours pas, il semblait détaché, imperturbable comme s’il racontait une sorte d’histoire fictive. Pour autant la jeune femme sentait qu’évoquer ce genre de chose le rendait presque vulnérable, son regard éternellement fixé sur le foyer était dur et exprimait à lui seul un gouffre de regret.

Le professeur de sortilège ne savait pas quoi dire, et n’osait presque plus bouger, finalement elle aurait peut préféré qu’il l’envoie se faire voir ou ne réponde simplement pas. Soudain il cacha de nouveau la marque et se tourna vers elle, le visage plus livide et insondable que jamais.

« Vous êtes contente ? » Demanda-t-il sèchement.

Circia baissa les yeux et acquiesça timidement d’un signe de tête. Avait-elle été trop loin ? Peut-être, sans aucun doute, du moins il avait été trop loin pour elle et pour la première fois depuis des années la jeune femme se sentit stupide. Elle avait voulu jouer avec le feu et elle venait de se brûler, il venait de la brûler.

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