Ariana Potter, Second Cycle : Dans la Lumière de la Guerre

           CHAPITRE III : MESSAGES

           Aussitôt qu’elle arriva au quartier général, Ariana fut appeler au « bocal », le centre des opérations de la DE où se trouvaient tous les analystes. Elle y retrouva son chef d’équipe Anthony Chaldo, et l’analyste Frédéric Forge. Elle salua ses deux amis et demanda ce qui se passait.

« C’est le Patron qui nous a faits appeler, répondit Anthony. Il ne devrait pas tarder. »

Effectivement, le Patron, Hector Guillou, arriva peu après. Ariana ignorait pas mal de chose sur celui qui dirigeait le DE. Il était moldu et travaillait dans le renseignement depuis plusieurs décennies. A part ça et le fait qu’il était français, c’était tout. Mais l’impression que lui faisait cet homme avait toujours été bonne. Elle le voyait comme un oncle bienveillant mais qui laisse ses neveux faire des bêtises et vivre des aventures.

           Le Patron salua l’équipe et leur donna la raison pour laquelle il les avait réunis.

« Ce matin, nous avons reçu un appel, sur votre ligne de bureau mademoiselle Potter, exposa le Patron. L’appelant n’a fait qu’un signal et à raccrocher avant que quelqu’un ne le fasse de ce côté.

-Vous avez identifié l’appelant et l’avez localisé ? questionna Tony.

-C’était un holophone à carte. Nous l’avons identifié par déduction à partir de la localisation. L’appel venait de Rome.

-Qui à Rome pourrait vouloir… ? commença Ariana. Christianus ?

-C’était bien lui, confirma le Patron. Notre agent infiltré au sein des services secrets pontificaux nous l’a confirmé aussitôt. Avez-vous une idée de la raison pour laquelle Christianus Féndès chercherait à vous contacter Potter ?

-Pas vraiment. Il est devenu conscient je pense qu’on lui ment au Vatican, surtout du côté de l’Inquisition. Mais je ne pense pas qu’il me fasse confiance malgré tout. Du moins, pas assez pour me contacter.

-Peut-être n’est-ce pas pour toi qu’il cherche à prendre contact, avança Tony. Je ne pense pas qu’il faut essayer de comprendre par cartésianisme. Christianus a vu ses convictions ébranlées au Mexique. Il connait une période de doute. Il a besoin de se raccrocher à quelque chose d’agréable. Je pense qu’il veut simplement des nouvelles.

-Des nouvelles ? De quoi ? De qui ? questionna Fred.

-D’Irael, répondit Ariana, comprenant d’un coup ce que voulait dire Tony. Ils sont devenus assez proches durant la recherche du Crâne. La dernière fois que Christianus a vu Irael, elle était en soin. Tu penses que c’est ça ?

-Je ne suis pas psy, mais je connais assez bien l’esprit humain et ses tourments. Où est-il pour le moment ?

-D’après notre agent, il est tranquillement dans un café avec l’holophone posé devant lui, renseigna le Patron. Il attend.

-Ariana, c’est ton poste qu’il a appelé. C’est qu’il te fait plus ou moins confiance. A toi de décider, fit Tony. »

           Ariana réfléchit. Irael n’était pas là. Elle faisait son devoir en assurant la sécurité de l’ambassadeur des Atlantes, le seigneur Abbadona, à la CIMS. Depuis la mission au Mexique, les deux jeunes femmes avaient discuté. Irael avait parfois demandé des renseignements sur Christianus. Sur le coup, Ariana n’avait pas relevé. Peut-être était-ce le début d’une belle amitié. Et puis, Christianus s’était battu à leur côté. Elle lui devait bien ça.

« Je vais l’appeler, annonça Ariana. Fred, il me faut une ligne sécurisée.

-Tout de suite, acquiesça Fred. »

           Christianus attendait. Il ne pouvait faire que ça. Il avait parié sur l’idée que la DE avait un agent infiltré au Vatican et sur le sens de la déduction des analystes. Ce qu’il faisait n’était pas logique. Mais il en avait besoin. L’holophone sonna. Il décrocha sans activer l’image. Il soupira de soulagement en reconnaissant la voix d’Ariana.

« Christianus, fit-elle.

-Ariana, je craignais d’avoir affaire à quelqu’un d’autre que toi ou Anthony, dit Christianus.

-Tu as pris de gros risques.

-J’en suis conscient. Mais… je devais le faire.

-Ça se passe comment pour toi au Vatican ?

-Denler m’a mis au placard. Les infos concernant la DE que je reçois sont modifiés. Mais je n’appelais pas pour ça. Je voudrais savoir. Ça fait maintenant deux semaines et je… Je voudrais des nouvelles d’Irael. Elle s’est remise ?

-Oui, elle s’est vite remise et elle a repris sa mission originelle.

-Tant mieux, souffla Christianus visiblement soulagé.

-Dés que je peux, je la contacte et on pourra arranger une communication entre vous. Garde cet holophone et n’en parle à personne. Dissimule-le. On sécurisera la ligne de notre côté. N’appelle pas, nous le ferons.

-Et si j’ai besoin de vous contacter pour une urgence, pour une information importante à vous communiquer concernant les actions de Denler.

-Je te rappelle dés que nous avons décidé d’un protocole.

-OK, je reste en stand by. »

           Ariana raccrocha et se tourna vers Tony et le Patron.

« Bien joué Ariana, apprécia Tony. Nous allons avoir un deuxième agent double grâce à ça. Même s’il n’est pas aussi fiable que l’autre pour le moment.

-Je ne l’ai pas fait pour ça, se défendit Ariana. Mais il le faut.

-Par contre, j’ai l’impression qu’il choisira les infos à nous transmettre, fit le Patron. Il demeure un agent du Vatican. C’est toujours mieux que rien. Nous allons définir le protocole de contact. »

           Une heure plus tard, la marche à suivre pour une demande de contact fut envoyé par mail à Christianus. Ariana essaya d’appeler Irael mais celle-ci ne pouvait répondre. Elle lui laissa un message. La jeune ange rappela quelques heures plus tard.

« Ariana, j’ai eu ton message, fit-elle. Qu’est-ce qui se passe ?

-Christianus a appelé, informa Ariana.

-Christianus ! Il va bien ? Il se passe quelque chose ? questionna Irael visiblement inquiète.

-Non, il va bien. Sa hiérarchie l’a mis sur la touche mais il va bien. Il voulait avoir des nouvelles de toi. Je lui ai dit que tu allais bien et que j’essayerai de vous mettre en contact.

-D’accord. Merci. Pour le moment, je ne peux pas l’appeler même si j’en ais envi. Plus tard.

-Quand tu veux et peux prendre contact avec lui, appelle-moi d’abord pour que je vous mette en relation. Si je ne peux pas le faire, contacte Fred, il arrangera ça.

-Merci pour tout. Je dois y retourner, je te laisse. Au revoir, salua Irael.

-Au revoir. »

           Les choses changeaient. Les choses bougeaient. Hector Guillou le voyait bien. Il travaillait dans l’espionnage depuis bien trop longtemps pour se voiler la face. Ce n’était que le commencement. Le monde devrait changer ou il serait anéanti. Ce n’était que son humble avis. Mais inutile de se mentir, la pratique de l’espionnage lui avait appris à anticiper et à voir les changements avant même qu’ils n’arrivent. Il n’avait souvenir d’avoir été surpris que deux fois dans sa vie. Vraiment surpris.

           La première fois, c’était quand il fut contacté par les services secrets de l’ONS. Il avait entendu parler de cette rumeur dans le milieu. Celle de l’existence d’un service d’espionnage et de contre-espionnage appartenant à une organisation supranationale. Les meilleurs éléments de chaque nation membre de l’organisation y officiaient. Le but de ces services secrets était d’empêcher à des guerres d’éclater par des actions discrètes et efficaces.

           Hector Guillou avait monté les échelons. Et un jour, le directeur général des services secrets lui avait proposé de rejoindre une autre division. Une division secrète, dont peu de gens connaissaient l’existence. Les menaces combattues par cette division étaient d’un autre genre. Intrigué, Hector Guillou avait accepté d’écouter les explications du directeur. Il se montra d’abord incrédule : des sorciers, de la magie, des vampires, des loups-garous et d’autres créatures venant de divers mythes, exister ! Ce n’était pas sérieux ! Cette division ésotérique était une farce !

           Pour prouver ses dires qu’il savait incroyable, le directeur fit venir le chef de la DE de l’époque. Ce dernier se disait sorcier. Et il le prouva en faisant une démonstration de magie. Hector Guillou accepta immédiatement après de rejoindre la DE. Il demanda même à redescendre un peu dans la hiérarchie pour pouvoir être durant quelques temps agent IS. Et quelques années plus tard, remontant de nouveau les échelons, il finit par devenir le nouveau Patron.

           Ces années de service au sein de la DE, quelque soit le poste, lui avaient appris beaucoup. Il connaissait presque aussi bien la Magie et les capacités des sorciers que les sorciers eux-mêmes. Il avait appris à se servir des particularités des différentes créatures magiques à son avantage en diverses situations que ce soit au combat, en infiltration ou en relation. Il tissa un réseau de confiance avec les autres acteurs de la DE. Cela lui était utile depuis qu’il avait pris la tête de cette division. Il savait pertinemment qu’il pouvait compter sur chacun des membres de la DE.

           Hector Guillou se savait sur la fin de sa carrière. Il avait passé de merveilleuses années à diriger cette division et savait qu’il ne pouvait pas monter plus haut. C’était le problème quand on dirigeait une division ultrasecrète et spéciale comme la DE, il savait depuis le début qu’il ne monterait pas plus haut que son poste actuel. Mais, et cela le surprit, il ne s’en sentait pas frustré. Il avait, au contraire, le sentiment d’être allé là où il devait être.

           Il avait espéré passer ses dernières années de service tranquillement, sans menace majeure. Et c’est alors que la présence de ceux qui furent nommés sous le terme « Seigneurs de l’Oubli » fut décelée sur Mars. Et avant même de pouvoir dépêché sur place une équipe IS, ces créatures étaient décelées sur Terre. Le Patron avait alors mis sa meilleure équipe sur cette affaire : les frères Chaldo. Ils avaient filé les créatures durant des semaines, essayant de savoir ce qu’elles cherchaient. Elles s’en prirent à des artisans magiques, des érudits sorciers.

           Les créatures laissaient leurs victimes sans le moindre souvenir. Aucun médicomage ne pouvait y faire quoi que ce soit. Ce n’était pas comme un voile posé sur la mémoire à l’instar d’un sortilège d’amnésie. La mémoire était littéralement ponctionnée. Et alors que ces créatures poursuivaient un jeune sorcier anglais en Amazonie, Hector Guillou avait reçu un appel étrange. Une femme qui refusa de donner son identité disait savoir pour les créatures.

           Cette femme savait. C’était indubitable. Elle savait beaucoup de choses sur ces êtres. Mais elle refusait de les divulguer d’un coup. Hector Guillou s’était demandé pourquoi. Mais avec tout ce qu’il avait déjà vu et expérimenté depuis qu’il travaillait avec le monde de la Magie, il s’était dit qu’il devait y avoir une raison. Cette femme savait pour la présence d’Ariana Potter dans les murs de la DE le jour où Alex Chaldo l’avait amenée.

« Que me vaut votre appel ? avait demandé le Patron.

-Une sorcière répondant au nom d’Ariana Potter se trouve à votre QG actuellement, n’est-ce pas ? avait dit la voix féminine.

-C’est exact, avait répondu le Patron sans ressentir de surprise.

-Parfait. Cette jeune femme est très importante. Pourtant, elle va devoir risquer sa vie. Et j’ignore si elle parviendra à survivre. Je sais juste qu’elle ne doit pas être préservée ou surprotégée.

-Qu’entendez-vous par là ?

-Confiez-la au Corbeau. Il veillera sur elle et lui apprendra ce qu’elle doit savoir.

-Mademoiselle Potter n’est pas de la DE.

-Pour le moment. Mais cela doit changer. Cela changera. Elle doit faire l’expérience du danger que représentent ces créatures.

-Je verrais ce que je peux faire. Mais je ne vous promets rien.

-Je sais que vous ferez ce qu’il faudra monsieur Guillou. »

           Cette étrange femme n’obligeait jamais à rien. Elle se contentait de guider. Mais il y avait quelque chose en plus. Quelque chose de prophétique dans ce qu’elle disait. Hector Guillou n’avait parlé de ces discussions avec elle à personne.

           Le Patron s’attendait à recevoir un appel de cette femme d’ici peu. Elle lui donnerait sûrement une piste pour savoir par où continuer pour combattre les Dæmons et leurs alliés. L’holophone sonna. Mais ce n’était pas la mystérieuse femme, ce n’était que sa secrétaire.

« Monsieur, un message vient d’arriver pour vous, dit-elle.

-Transmettez-le moi, demanda le Patron.

-C’est que… il n’est pas arrivé par un moyen habituel.

-Comment ça ?

-Vous devriez venir voir monsieur. »

           Le Patron sortit de son bureau et découvrit une sphère de cristal lumineuse flottant devant le bureau de sa secrétaire à un mètre du sol. La sphère s’éleva légèrement plus haut quand le Patron s’approcha. Un faisceau en surgit et vint illuminer les yeux du Patron. Le faisceau s’arrêta au bout de quelques secondes. La sphère vint se poser docilement dans la main du chef de la DE. Ce dernier demeura immobile durant quelques instants.

« Mademoiselle, dit-il. Faîtes venir l’équipe Chaldo et l’équipe Pardopoulos dans mon bureau immédiatement.

-Bien monsieur, fit-elle. »