Ariana Potter, Second Cycle : Dans la Lumière de la Guerre

Chapitre 19 : III Le Loup sort du bois

2602 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 10/11/2016 04:39

           CHAPITRE III : LE LOUP SORT DU BOIS

 

           Les équipes de la DE se rendirent sans tarder à Los Angeles par portoloin. Ils furent embarqués dans un vaisseau des forces aérospatiales américaines qui les mènerait sur la Lune où un vaisseau de Marineris[1] les prendrait en charge. Mais arrivés à la base, ils rencontrèrent une difficulté. Un capitaine leur apprit que leur vol avait été annulé. Anthony voulut immédiatement avoir des explications mais l’officier ne savait rien. L’ordre venait de plus haut.

           Ekaterina passa un appel. Avant d’intégrer la DE, elle officiait aux services secrets des Etats-Unis d’Europe. Elle avait conservé des contacts dans la majorité des services de renseignement de la planète. Une fois son appel terminé, Ekaterina revint vers ses collègues.

« Un ami à la CIA vient de me dire que quelqu’un de l’ONS avait demandé à ce qu’aucun vaisseau n’accepte de nous emmener hors de l’atmosphère terrestre, leur apprit-elle.

-Ferson, dit Tony, citant à voix haute le nom que tous avaient en tête. Je vais rendre compte au Patron. Attendez. »

           Anthony s’isola et déploya autour de lui un champ de silence à l’aide de sa baguette. Il activa son holophone.

« Chaldo, vous n’avez pas encore décollé ? demanda le Patron.

-Non Patron, répondit Anthony. Nous avons un souci. Notre vol a été annulé. Ekaterina a appelé un de ses contacts à la CIA. Quelqu’un de l’ONS a demandé à ce qu’aucun vol ne nous permette de quitter la Terre.

-Ferson se permet donc ce genre d’ingérence. De quel droit ? Nous dépendons de la CIMS pour cette affaire. Je devrais en référer mais j’ai l’impression qu’il se trame quelque chose. Je vais fouiner un peu. Mais la priorité est déjà de vous faire partir.

-Nous avons juste besoin de rejoindre la Lune. Après, une fois à bord du vaisseau de Marineris, l’ONS ne pourra plus rien contre nous.

-Je crois que j’ai un moyen. Attendez quelques minutes, je vous envoie un portoloin avec votre nouvelle destination. »

           Quelques minutes plus tard, dans un éclair lumineux, une canette de soda vide apparut devant les agents de la DE. Anthony fit un tour d’horizon pour vérifier qu’il n’y avait personne aux alentours.

« Bien, on y va, dit-il. Je ne sais pas où nous envoie le Patron mais je lui fais confiance. »

Au signal d’Anthony, ils posèrent tous un doigt sur la canette et se retrouvèrent l’instant d’après dans un vieil hangar. Une vieille navette occupait le centre du hangar. Sa peinture était jaunie par le temps et des seaux se trouvaient sous son fuselage et ses ailes, recueillant les fluides qui s’en échappait.

« Ah ! Vous voilà ! lança une voix. »

Un homme qu’ils n’avaient pas vu jusque là sortit d’un coin sombre. Il devait avoir la soixantaine passée et portait des petites lunettes rondes. Il y avait quelque chose dans son regard qu’Ariana eut du mal à définir. Elle aurait tout aussi bien pu dire un éclat de folie que le calme de la sagesse.

« Vous nous attendiez ? fit Anthony.

-Un très vieil ami m’a demandé de vous aider, continua-t-il.

-Un ami ? Quel ami ?

-Je crois que vous l’appelez « Patron ». Ça m’a surpris quand il m’a appelé, cela faisait longtemps que je n’avais plus eu de nouvelles de ce bon vieux Hector. Mais bon, faut dire que diriger la DE n’est pas de tout repos.

-Vous êtes au courant pour la DE ! s’exclama Pardopoulos.

-Ma petite dame, j’ai passé vingt ans à la DE. J’suis un ancien de la maison. Mais j’ai été obligé de partir.

-Pourquoi ?

-Une blessure en mission. Et je ne supporte pas le travail de bureau. Bon, j’dois vous emmener sur la Lune sans que les forces de l’ONS ou des pays membres ne nous repèrent. Ça devrait pas être trop dur.

-Quel est votre nom ? interrogea Anthony.

-Edward Karsen.

-J’ai entendu parler de vous. Mon père vous tient en grande estime, vous lui avez sauvé la vie plus d’une fois.

-T’es un des deux jumeaux de Sébastien, n’est-ce pas ? J’l’ai tout de suite vu, tu ressembles à ton père. J’ai su pour ton frère. Qui est le nouveau Corbeau ?

-C’est moi.

-Bon, on aura une petite heure pour discuter durant le vol. Mais j’ai cru comprendre que c’était urgent. Alors allons-y. Embarquez.

-Où ça ? questionna Pardopoulos.

-Dans ma navette bien sûr. Elle n’est pas assez grosse ? ajouta-t-il en montrant le vieil engin qui devait être presque aussi âgé que son propriétaire.

-Là dedans ! s’exclama Ariana. »

           La jeune sorcière était loin d’être experte en navettes et autres aéronefs. Elle n’avait pas encore eu le temps de commencer la longue formation de pilotage sur ce type d’engin. Malgré tout, inutile d’être un pilote chevronné pour se rendre-compte que cette navette était une antiquité. Ariana jeta un regard inquiet à son partenaire. Ce dernier semblait dubitatif, ce qui n’arrangea pas son inquiétude.

« Un Falcon 24, n’est-ce pas ? fit Tony. Je croyais qu’ils avaient tous été mis au rebut après l’insurrection lunaire de 2386.

-J’ai réussi à en récupérer trois pour une bouchée de pain en 2405, apprit Karsen. Un type qui avait piloté dessus et voulait les garder en souvenir. Mais bon, il a eu quelques déboires avec les impôts et donc, a dû s’en séparer. Il se contentait de les briquer extérieurement. J’ai mis dix ans à retaper celui-là en me servant des pièces des deux autres. Et depuis, il vole parfaitement.

-Par contre, l’extérieur laisse à désirer, fit remarquer Pardopoulos.

-Ce n’est pas le plumage qui fait l’aigle. Les Falcon sont parmi les navettes les plus fiables qui soient. N’est-ce pas Chaldo ? Je crois savoir que tu es un bon pilote.

-Je me débrouille, répondit Tony en toute modestie. Mais je n’ai jamais piloté de Falcon.

-Bah, tu t’y retrouveras sûrement. Enfin, si j’te laisse un peu les commandes.

-Notre voyage vers la Lune risque d’être dangereux, ajouta Tony. Je pense que vous ne devriez pas venir.

-Je suis le pilote de cette navette. Je ne compte pas la laisser sur la Lune ensuite. Et puis, souviens-toi que je suis un ancien de la DE. Alors, ce genre de discours ne marche pas avec moi. Embarquez et arrêtez de dire des salades. »

 

           Adam Ferson avait appris que l’équipe de la DE qui souhaitait se rendre sur la Lune pour ensuite rallier Jupiter n’avait pas pu quitter la Terre depuis Los Angeles comme elle le voulait. C’était satisfaisant, il ne pouvait permettre à la DE d’agir comme bon lui semble. Elle restait malgré tout une instance de l’ONS. Même si, et Ferson le regrettait, la CIMS avait une autorité égale dessus. Il n’avait donc pas pu annuler l’autorisation de Van-Loc. Sa seule solution fut de les empêcher de partir.

           Il n’y avait pas un état sur Terre qui n’était pas membre de l’ONS. Donc, aucune force armée, aucun service gouvernemental, n’aiderait la DE ou n’autoriserait un décollage de ces agents vers la Lune, et les vols civils étaient étroitement surveillés. D’ailleurs, ils devaient encore être en train d’attendre sur le tarmac de Los Angeles. Ces agents étaient intelligents, ils avaient dû comprendre qu’il était impliqué. Mais ils ne pouvaient rien faire à part ronger leurs freins. Ferson se demandait pourquoi Hector Guillou ne l’avait pas encore appelé.

           Lorsqu’il pensa à Guillou, un doute s’insinua dans l’esprit de Ferson. Guillou était un espion expérimenté avec des contacts partout. Et son silence ne lui disait rien qui vaille. C’était peut-être une ruse pour l’obliger à se dévoiler. Non, quelqu’un du niveau de Guillou n’avait pas besoin de ça. Ferson réfléchit : quelles étaient les priorités de Guillou en ce moment ? Envoyer son équipe dans les colonies sécessionnistes. Mais il ne pouvait pas. Pas avec les moyens à portée de la DE bien qu’elle soit l’agence d’espionnage la plus puissante au monde. Avant d’être à ce poste de liaison avec la DE, il aurait pensé que cela suffirait à le bloquer. Mais il savait que ce n’était pas comme ça qu’il fallait réagir avec la DE et avec Hector Guillou en particulier.

           Ferson appela lui-même l’officier en charge de la base aérospatiale de Los Angeles. Il devait en avoir le cœur net. La réponse de l’officier ne le rassura pas même si ce n’était pas une preuve en soi que Guillou avait réussi à faire partir son équipe malgré les précautions prises.

« Ils ne sont plus là, avait dit l’officier. Peut-être sont-ils retournés à leur base pour ne pas perdre de temps inutilement ici. »

Oui, c’était la réflexion la plus logique. Pour en être totalement sûr, il devait se dévoiler, aller sonder du côté de Guillou. Il se mit à réfléchir à la façon de piéger le chef de la DE sans se trahir.

 

           Les réacteurs du Falcon sifflèrent en s’illuminant d’un feu bleu. Karsen était en contact avec la tour de contrôle.

« OK Falcon 2.04, confirmez destination, nombre de passager, durée du vol et autonomie.

-Ici Falcon 2.04, vol touristique en orbite, six passagers, durée trois heures, autonomie douze heures.

-Reçu Falcon 2.04, pour rappel, espace spatial lunaire fermé pour tout vol provenant de la Terre jusqu’à nouvel ordre.

-Bien pris.

-Falcon 2.04, vous êtes autorisé à décoller piste 2. Bon vol.

-Piste 2, OK et merci. »

           Le Falcon se plaça sur la piste. Le sifflement des réacteurs s’intensifia et la navette s’arracha du sol en souplesse, montant vers l’espace. Quelques minutes plus tard, les dernières couches de l’atmosphère étaient derrière eux.

« Et s’ils ont mis en place un blocus autour de la Lune ? demanda Ariana.

-Ils ne peuvent pas, répondit Karsen. Pas aussi vite du moins. Il doit juste y avoir quelques patrouilles des forces aérospatiales. Rien de bien méchant à passer.

-Mais ils vont nous refuser l’autorisation d’atterrir.

-Si on atterrit sur un spatioport lambda, c’est sûr. Mais j’ai un ami qui me doit quelques services sur la Lune. Et il a un spatioport privé. Et sinon, j’ai un plan B. Tu croyais qu’Hector avait fait appel à moi sans savoir qu’il pouvait me faire confiance jeunette ? sourit Karsen.

-Excusez-moi, j’ai cru…

-T’inquiète. Tu es encore jeune dans le service. Même si tu as déjà vécu beaucoup de choses, comme la perte de deux amis chers en quelques mois à peine.

-Comment quelqu’un d’extérieur à la DE peut-il être au courant de ce genre de chose ? tiqua Pardopoulos.

-Arrête-t-on un jour d’être ce qu’on a été tout une vie ? »

 

           Ferson avait confiance en ses propres capacités. Il appela Hector Guillou pour s’informer de la situation. Ce dernier était cette fois dans son bureau.

« Monsieur Guillou, avez-vous des nouvelles de la situation dans les colonies ? demanda-t-il.

-Rien de nouveau monsieur Ferson, répondit le Patron. J’attends un rapport de mon agent de liaison auprès des Colonies-Unies de Saturne. Mais pour une évaluation plus complète, il faudra peut-être attendre que mon équipe IS soit sur place. Tout ce que je sais, c’est que l’évacuation des stations de Saturne et de Jupiter avance.

-Votre équipe IS !

-Oui, ils viennent de quitter la Terre.

-Comment ?

-Je ne peux pas vous le dire monsieur, je crains qu’il y ait des fuites d’informations et que quelqu’un essaye de nous empêcher de travailler. Mon équipe a été bloquée à Los Angeles.

-Il y avait une bonne raison à ça. De quel droit ?

-J’ai autorisé ce départ, intervint Van-Loc dont l’image holographique apparut à côté de celle du Patron sur l’holophone de Ferson.

-Van-Loc, cracha Ferson, oubliant toute politesse. Vous vous permettez d’agir sans m’en référer !

-Selon les attributions de mon poste, j’en ai le droit, contra Van-Loc. Je vous rappelle que la DE est sous notre juridiction conjointe. J’ai le devoir de lui allouer les missions que je juge nécessaire pour la sauvegarde de nos deux mondes.

-Vous êtes d’une arrogance sans borne, sorcier. Ce monde ne vous appartient pas. Guillou, il faudrait que vous vous souveniez de ce que vous êtes. Vous allez le regretter amèrement, lança-t-il avant de couper.

-Et c’est lui qui me traite d’arrogant, fit Van-Loc. Vous avez l’air bien pensif tout d’un coup monsieur Guillou.

-Hum, poussa le Patron. Oui, quelque chose dans ce qu’il vient de dire me trouble. Ce genre de discours me rappelle…

-Je vous fais confiance monsieur Guillou. Vous connaissez assez nos deux mondes pour les décortiquer. Que comptez-vous faire ?

-Je vais faire quelques recherches approfondies de manière extrêmement discrète. Je n’en dirais pas plus, il vaut mieux que vous ne soyez pas au courant.

-Je peux deviner l’objet de ces recherches. Vous avez mon soutien au cas où. Et pour l’équipe IS ?

-Ils devraient arriver sur la Lune d’ici peu. Et de là, ils n’auront aucune difficulté à rejoindre la zone de conflit.

-Et bien nous y voilà, soupira Van-Loc. Nous sommes à l’orée d’une guerre. J’espérais que nous serions parvenus à l’éviter.

-Que compte faire la CIMS ?

-Pour le moment, nous attendons un éclaircissement de la situation. Mais l’alerte noire est plus que jamais dans les esprits. »


 [1] Etat martien indépendant membre de l’UNIM, ancienne colonie australienne. Voir « Ariana Potter et le Temple des Anges ».

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