Ariana Potter, Second Cycle : Dans la Lumière de la Guerre

            CHAPITRE XII : REARTICULATION

            L’alarme hurlait dans les haut-parleurs de la base spatiale de Phobos. Les équipages des chasseurs se précipitaient à leurs appareils. Les artilleurs mettaient en œuvre les canons et attendaient l’ordre de tirer. Les vaisseaux ennemis seraient bientôt à porter de tir. Une fois les équipages embarqués, les chasseurs se déplacèrent vers les sas de décollage. Les portes étanches se verrouillèrent et le vide fut fait. Ce fut au tour des portes extérieures de s’ouvrir et les catapultes propulsèrent les chasseurs hors de la base.

            Les chasseurs se mirent en formation autour du satellite martien. Face à eux avançaient une armada imposante de vaisseaux ennemis. Ces derniers lâchaient par vague de plusieurs dizaines des chasseurs. Le combat au corps à corps s’annonçait âpre.

« A toutes les forces martiennes, ici le seigneur Asmodeus des Anges, appela-t-il. Les chasseurs ennemis sont uniquement là pour vous écarter et permettre aux cuirassés de se mettre en orbite. Une fois qu’ils seront en position, ils lâcheront des barges de débarquement dans l’atmosphère et assureront un appui artillerie à leurs troupes au sol. Il faut détruire un maximum de ces cuirassés pour limiter le volume ennemi au sol et l’intensité de son appui feu. Bonne chance à tous. Et comme on disait lors de la précédente guerre contre les Dæmons : que la lumière guide votre bras et votre esprit dans le combat. »

            Le capitaine Lee, des forces spatiales de New-America, avait écouté attentivement la communication d’Asmodeus. Et dire que quelques semaines auparavant, il était avec sa famille à partager un barbecue. Il ignorait l’existence des Sorciers et autres créatures magiques. Pour lui, ce n’était que des légendes, des êtres imaginaires peuplant les romans fantastiques. Et voilà qu’ils étaient là, parmi eux depuis des temps immémoriaux. En fait, le monde n’avait pas changé, contrairement à ce que sous-entendaient certains groupes religieux, il s’était juste révélé sous son vrai jour. Il avait vécu toute sa vie sans se douter de l’existence du monde magique. Cela ne l’avait pas empêché de vivre heureux. Alors le savoir ne changerait pas grand-chose si ce n’est rendre ce monde plus intéressant.

            Lee avait sympathisé avec quelques-uns de ces sorciers. Il avait même discuté avec un vampire. Il était allé vers eux sans haine ni peur, comme son père, bouddhiste, le lui avait enseigné. Et quelle ne fut pas sa surprise quand il se rendit compte que ces gens souhaitaient aussi en connaître plus sur le monde des « moldus » comme ils disaient. Monde qu’ils méconnaissaient comme lui ignorait tout du monde magique. Les échanges furent d’autant plus intéressants. Il n’avait pas honte et était même fier de dire qu’il s’était fait des amis parmi les Peuples Magiques. Ses amis se battraient à la surface de Mars contre les troupes dæmoniaques qui parviendront à passer. Lui, devait tout faire pour limiter au maximum ce débarquement. Mais quoiqu’il en soit, ils se battaient tous pour leur patrie, leur planète. Finalement, c’est tout ce qui comptait. Peu importe qu’on soit humain ou non, sorcier ou moldu.

            Le chef d’escadrille donna l’ordre de passer en disposition de combat. Et le ciel devint scintillant d’explosions éparses et furieuses.

            Le bunker de commandement de l’armée impériale était en ébullition. Le général Lao était sorti de la salle de réunion d’un coup suivi des autres hauts gradés qu’il avait convoqué. Il demandait frénétiquement qu’on lui fasse un rapport sur ce qui s’était passé.

« Votre base de missiles exosphériques vient d’être détruite général, annonça calmement Tony, faisant taire tout le monde. D’après les images satellites, je dirai qu’ils se sont servis d’un des missiles pour les faire tous exploser.

-Qui êtes-vous ? questionna le général.

-Oui, excusez-moi général, une seconde. »

D’un coup de baguette, Tony repris son vrai visage. Les militaires chinois braquèrent immédiatement leurs armes vers lui. Il leva les mains en signe d’apaisement.

« Je ne suis pas un ennemi, annonça Tony. Je suis l’agent Anthony Chaldo, services secrets de l’ONS, Division Ésotérique. Et voici les agents Potter et Lei.

-J’ai entendu parler de cette division. Mais qu’est-ce qu’il me prouve que vous êtes bien de la DE ?

-Pour en être sûr, il faudrait que vous appeliez Rowena Carter. Je suppose que vous savez qui elle est.

-Non.

-Moi oui général, intervint un autre homme. C’est la chef de l’antenne martienne de la DE.

-Colonel Huang, n’est-ce pas ? fit Tony.

-Exact, vous êtes bien renseigné agent Chaldo. Je vais l’appeler général, et éclaircir cette histoire.

-Faîtes colonel. En attendant, agent Chaldo, dîtes-moi ce qui se passe. Est-ce cet ennemi que nous redoutons depuis quelques temps ?

-J’en ai peur général. Cet attentat est l’œuvre d’une organisation sorcière alliée des Dæmons, la Secte du Serpent Blanc. Je pense que la bataille fait rage loin au-dessus de nos têtes. »

            Le général lança une volée d’ordres au responsable des communications. Le colonel Huang, chef du renseignement impérial sur Mars, revint quelques secondes après.

« Rowena Carter a confirmé leurs identités, dit-il. Enfin, pour l’agent Potter, il faudra visiblement attendre un peu, n’est-ce pas ?

-Elle est sous polynectar, une potion qui modifie l’apparence, précisa Tony. Son effet devrait s’estomper dans une vingtaine de minutes.

-Général, les forces de l’UNIM se battent déjà en orbite. La guerre a commencé.

-Alors nous ne resterons pas les bras croisés. Mobilisez la totalité de nos forces. Que nos forces spatiales se mettent en marche. Contactez le commandement de l’UNIM, nous devons agir de concert.

-Général, le gouverneur n’a pas donné son accord.

-Nous ne pouvons attendre. N’est-ce pas colonel ?

-Oui général, vous avez raison. »

            Le général Lao se tourna de nouveau vers les agents de la DE. Il fit signe à ses soldats d’enfin baisser leurs armes.

« Je suppose que vous avez mieux à faire que rester ici, dit le général. Laissez-les partir librement. »

Tony se tourna vers Lei.

« Reste ici et assure la liaison entre le colonel Huang et nos services, ordonna Tony.

-C’est ce que je comptais faire, acquiesça Lei. Soyez prudent.

-A la guerre, la prudence est un luxe qu’on ne peut pas souvent se permettre. »

            Tony et Ariana transplanèrent pour retourner au centre des opérations de l’UNIM. Rowena se tourna vers Tony dès qu’elle entendit le claquement de fouet.

« Intelligent de leur part pour les missiles chinois, dit Rowena. Les chinois possédaient la plus grosse capacité de défense exosphérique de la planète. L’aviation chinoise vient de décoller et s’est mise sous le commandement de l’UNIM. Les forces terrestres se préparent au débarquement ennemi.

-Et les forces coloniales ? questionna Tony.

-Pas de réponses de la plupart. Mais ils ont compris que quelque chose se passait. Toutes les colonies sont en alerte maximale. Nous essayons de prendre contact avec eux.

-Nous n’avons plus aucune utilité ici alors ?

-J’ai une mission pour vous, enfin, si tu l’acceptes.

-Dis-moi tout Rowena, demanda Tony.

-Au moment de l’attentat du Serpent Blanc contre la base de missiles chinois, nous avons intercepté une transmission. Elle était malheureusement chiffrée.

-Mais tu as une localisation.

-Nous ne savons pas si c’est juste une base arrière du Serpent Blanc ou leur quartier général martien.

-On va aller voir. Où est-ce ?

-A Huygens.

-Je te tiens au courant, finit Tony en sortant avec Ariana. »

            Pour se rendre à Huygens, Tony effectua un transplanage d’escorte. Contrairement à Ariana, il y était déjà venu. Ils se matérialisèrent dans une ruelle sombre et isolée d’un quartier populaire. Tony regarda son TOI, le signal repéré par les analystes de la DE ne se trouvait pas très loin.

            Quelques rues plus loin, ils s’arrêtèrent à vue d’un immeuble aux murs grisâtre. Ariana s’en approcha seule, passant devant la porte comme si de rien n’était. Comme il fallait s’y attendre, rien ne laissait penser extérieurement qu’un groupe terroriste se trouvait là. Enfin, s’il y avait effectivement un groupe du Serpent Blanc dans ces murs. Ariana fit le tour du bâtiment pour atteindre la porte de derrière. Tout comme devant, rien ni personne. Elle déverrouilla la serrure électronique et entra silencieusement. L’immeuble n’était pas très grand. Un couloir reliait les portes de devant et de derrière. Ariana vit Tony entrer en face d’elle. Dans le couloir, une porte desservait la cage d’escalier et une autre s’ouvrait sur l’ascenseur.

            Ariana rejoignit Tony.

« Quel étage ? questionna-t-elle.

-La localisation n’a pas été assez précise, répondit Tony. Et s’ils ont vidé les lieux, nous venons peut-être pour rien. Mais faisons comme si ce n’était pas le cas. Prépare-toi à toutes éventualité. »

Ariana et Tony ne sortirent pas leurs baguettes. Il fallait garder profile bas le plus longtemps possible. Ils ne connaissaient pas le volume ennemi présent, la surprise demeurait leur meilleur atout.

            Tony plaça une caméra microscopique devant la porte de l’ascenseur et une autre devant la porte de l’escalier. Ainsi, si quelqu’un descendait par là pendant qu’il fouillait un étage, ils le sauraient et le verraient. Ils s’engagèrent dans l’escalier en silence et les sens aux aguets. Étage par étage, ils vérifièrent chaque appartement. La plupart était vide à cette heure. Et quand ils tombaient sur des habitants, ils se faisaient passer pour des agents municipaux chargés de contrôler que les occupants de l’immeuble connaissaient tous la procédure en cas d’évacuation. Avec la guerre qui arrivait sur Mars, c’était une raison logique.

            Samus Denler demeurait imperturbable. La salle d’interrogatoire était des plus simples, des murs gris avec seulement une porte blindée pour en trancher la monotonie. Entravé solidement sur une chaise, Christianus Féndès ne cillait pas. À croire qu’il n’avait pas honte du forfait qu’il venait de commettre, une trahison contre le Vatican, donc contre dieu. Comment pouvait-il rester si calme ?

« Je savais que vous étiez perturbé depuis votre mission au Mexique, mais jamais je n’aurai cru que vous trahiriez dieu et son église, dit Denler.

-Je n’ai pas trahi dieu, répliqua avec calme Christianus. Son église, par contre, elle l’a trahi il y a longtemps.

-Ne blasphémez pas !

-On ne blasphème que quand on ment. Or, ce que je dis n’est que vérité.

-Vous vous êtes fourvoyé en vous alliant aux sorciers, en tombant sous le charme d’une succube se faisant passer pour un ange.

-Irael n’a rien de démoniaque. Et les sorciers ne sont pas une engeance satanique comme veut le faire croire l’Inquisition. Car oui, l’Inquisition existe bien, n’est-ce pas ? Vous en faîtes partie. Et j’ai travaillé pour sans le savoir. Et pourtant, Alexandre Chaldo me l’a dit plus d’une fois. Mais il était un ennemi, j’ai donc cru qu’il me mentait et cherchait à me troubler. Alors qu’il avait raison sur toute la ligne.

-L’Inquisition protège l’Humanité des démons et des sorciers, expliqua Denler. Les sorciers ont acquis des pouvoirs que les Hommes ne doivent pas posséder. Les miracles sont l’apanage de dieu.

-Alors pourquoi dieu ne fait-il rien alors que des monstres sont à nos portes ? Les Dæmons vont détruire nos civilisations et dieu ne fait rien. Pourquoi ?

-Aucun de nous n’a le droit de juger des actions de dieu.

-De son inaction plutôt, contredit Christianus. Je crois en dieu, mais il n’a aucunement mérité la moindre déférence de notre part. Nous ne devons compter que sur nous-mêmes. Jupiter, Saturne et la Ceinture ont déjà été attaqués. Mars est proche de la guerre, si elle n’a pas déjà commencé. La Terre est en danger et subira bientôt de terribles assauts. Nous devons tous nous lever contre les Dæmons. Sorciers, non-sorciers, Vampires, Eldars, Anges… Nous devrons nous battre aussi. »

Denler ne réagit pas. Il fixait celui qui fut un de ses meilleurs agents.

« Vous serez jugé pour blasphème et trahison, annonça-t-il.

-Autant me tuer tout de suite.

-Vous mourrez en temps voulu. Et je peux vous assurez que je ferai en sorte que votre « ange » vous rejoigne très vite.

-Ne l’approchez pas, rugit Christianus.

-Vous avez perdu tout droit d’exiger quoi que ce soit. Adieu agent Féndès.

-Vous irez en enfer Denler ! »

            Denler sortit de la salle d’interrogatoire. Dans la salle d’enregistrement, il retrouva le cardinal Nova.

« Nous l’avons définitivement perdu, annonça Denler.

-On dirait bien, acquiesça le cardinal Nova. Peut-être aurions-nous dû le mettre dans le secret il y a longtemps. Nous aurions alors gagné un allié précieux.

-Il n’a jamais été prêt pour ça. J’ai commis une erreur en lui confiant des missions qui l’ont mis en relation avec un membre de la famille Chaldo. J’ai cru qu’il serait assez fort pour ne pas se laisser influencer. Je me suis trompé.

-Ne vous jeter pas la pierre monsieur Denler. Vous n’êtes pas infaillible. Seul dieu l’est. Vous avez prouvé votre efficacité à maintes reprises. Une erreur ce n’est rien. Dieu vous a déjà pardonné. Ce ne sera pas le cas de Féndès. Il sera jugé et exécuté.

-Nous avons peut-être encore une alternative.

-Humm… Vous sûr de vous ? questionna le cardinal, dubitatif.

-Non, mais qui ne tente rien n’a rien.

-Je prierai pour que vous réussissiez. »

            Ekaterina et Nayu avaient rejoint Fred et Zoé aux locaux de l’antenne martienne de la DE. Zoé sourit à Nayu qui lui rendit. Immédiatement, les analystes donnèrent des nouvelles de la situation et de Tony et Ariana.

« Le combat fait rage en orbite, présenta Zoé. Pour le moment, aucune troupe ennemie n’a débarqué sur la planète. Les bases de missiles exosphériques chinoises ont été détruites. On suppose par une action du Serpent Blanc. Une autre attaque du même genre a failli atteindre la base de New-America mais elle fut déjouée. Quand à Tony et Ariana, ils ont quitté Néo-Beijing après la destruction des bases. Ils ont fait un saut au QG de Rowena et sont partis en mission à Huygens.

-Quelle mission ? questionna Kat.

-Une transmission chiffrée probablement ennemie a été repérée dans un immeuble de banlieue, expliqua Fred sans se détourner de son écran. Ils sont partis en reconnaissance.

-Quel est leur statut ?

-En cours de reconnaissance dans l’immeuble. »