Ariana Potter, Second Cycle : Dans la Lumière de la Guerre

Chapitre 35 : V Irael

2965 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 21/10/2017 11:19

      CHAPITRE V : IRAEL

 

           Le portoloin transporta Abbadona et Irael directement dans la salle d’arrivée de la DE. La salle était vide à l’exception de deux gardes et d’un agent d’accueil. Ce dernier fit signe aux gardes qu’il n’y avait pas de problème après avoir effectué les vérifications de sécurité habituelles. Il s’avança vers les deux visiteurs.

« Seigneur Abbadona bienvenu, dit-il. Votre visite n’était pas prévue ?

-Effectivement non, répondit Abbadona. Mais monsieur Guillou m’a assuré que sa porte serait toujours ouverte.

-Permettez que je le prévienne de votre arrivée avant de vous rendre à son bureau.

-Je vous en prie. »

L’agent d’accueil retourna à son bureau et utilisa l’holophone. Il revint quelques instants plus tard.

« Le Patron va vous recevoir, dit-il. Avez-vous besoin d’une escorte ?

-Inutile, nous connaissons le chemin, merci, assura Abbadona. »

           La secrétaire du Patron les fit attendre quelques minutes avant de les faire entrer. Aussitôt qu’ils furent dans le bureau du directeur de la DE, ce dernier les invita à s’asseoir et leur proposa des boissons.

« Non merci monsieur Guillou, j’ai déjà bu deux thés depuis ce matin, refusa Abbadona.

-Pour moi non plus monsieur, fit également Irael.

-Bien, et que puis-je pour vous ?

-Rien d’officiel dans notre visite, c’est plus personnel, dit Abbadona. C’est à propos de cet agent du Vatican qui a changé de bord : Christianus Féndès. »

Le Patron s’interrogea, par quelle sorcellerie une telle coïncidence était-elle possible ? Alors que Christianus était le principal sujet de la mission actuelle de l’équipe Chaldo, Abbadona venait lui en parler.

« Vous n’êtes pas sans ignorer qu’Irael et lui échangent des messages personnels, continua le seigneur atlante. Or, cela fait longtemps qu’elle n’en a pas reçu et elle s’inquiète.

-Je comprends, mais je suis désolé, je ne peux rien faire pour vous mademoiselle Irael, s’excusa le Patron.

-Lui est-il arrivé quelque chose ? questionna Abbadona.

-Excusez-moi ?

-Irael a fait un rêve cette nuit. Un rêve dans lequel Christianus Féndès lui est apparu blessé, comme s’il était passé par une séance de torture.

-Un rêve ! Je vois. Et ses rêves sont-ils prémonitoires ? »

           Abbadona se tourna vers Irael. Cette dernière gardait le silence.

« Qu’en penses-tu Irael ? demanda Abbadona. Ton rêve était-il normal ?

-Je ne sais pas, avoua Irael. Mais pour moi, c’était réel.

-Il y a une chose que je ne t’ai jamais dite. Tu appartiens à une lignée atlante assez particulière. Je ne savais pas si tu possédais ce don jusqu’à maintenant, c’est pourquoi je ne t’en ai jamais parlée. Tu peux avoir ce qu’on appelle des rêves messagers. Ils ne sont pas prémonitoires. Ils te délivrent un message concernant ceux qui te tiennent à cœur.

-Alors, ça veut dire que Christianus est en danger ! s’écria la jeune ange en se levant.

-Je comprends maintenant votre visite, dit le Patron. Je ne voulais pas vous alarmez mademoiselle Irael, c’est pour ça que je ne vous ai pas faite prévenir. Effectivement, l’agent Féndès a été démasqué par l’Inquisition. C’est arrivé il y a quelques jours lors d’une mission d’infiltration délicate. La mission fut un succès grâce au sacrifice de Féndès. Depuis, nos informations sur sa détention sont fragmentaires.

-Que comptez-vous faire ? interrogea Abbadona.

-Une mission est déjà en cours. Je ne peux malheureusement pas vous dire si elle sera une réussite. Elle débute à peine.

-Cela fait des jours et vous n’agissez que maintenant ! s’énerva Irael.

-Je tenais à ce que la meilleure équipe s’en charge, ceux qui seront les plus motivés pour aller jusqu’au bout. Ils étaient loin et ont dû revenir.

-Ariana et Tony ! Ils sont de retour !

-En effet, confirma le Patron. Leur mission s’annonce délicate. Nous avons déjà appris par le passé qu’on n’agissait pas à la légère contre l’Inquisition.

-Je veux les rejoindre.

-Désolé mademoiselle Irael, je dois refuser. Vous n’êtes pas formée à ce genre de mission. Et votre attachement à l’agent Féndès pourrait vous faire agir de manière irréfléchie. Il faut garder un détachement émotionnel et réfléchir de manière sereine et cartésienne pour réussir ce genre de mission.

-Ariana et Tony connaissent également Christianus, ils sont amis.

-Je ne pense pas que l’agent Chaldo le voit ainsi, contredit le Patron. Et même si c’était le cas, je le connais assez pour savoir qu’il dirigera cette mission sans se laisser guider par une quelconque émotion, en vrai professionnel. Quant à l’agent Potter, je pense qu’elle le voit comme un ami. Mais elle est formée à ce genre de mission et malgré son peu d’expérience, elle sait qu’elle va devoir agir froidement, et suivre les ordres de l’agent Chaldo pour le sauver. »

           Irael ne paraissait pas convaincu par les explications de Guillou et ce dernier en était conscient. Il savait qu’il se devait de demeurer froid et logique dans ses choix. Malgré tout, il savait aussi que certaines actions illogiques pouvaient faire de grandes choses. En particulier dans ce Monde Magique avec lequel il avait appris à vivre aussi aisément que celui dans lequel il avait grandi. Et s’il y a bien une force qu’il avait appris à ne pas sous-estimer, c’était celle que peut dégager une femme amoureuse.

« Je vous propose quelque chose mademoiselle Irael, dit le Patron. S’il y a la moindre occasion de vous envoyer là-bas, je le ferai. Mais je vous demande, pour la réussite de cette opération et la survie de l’agent Féndès, de ne rien faire sans mon consentement. Si vous tenez à lui, c’est la meilleure chose à faire.

-Je… balbutia Irael.

-Irael, je pense que monsieur Guillou a raison, intervint Abbadona. Sois patiente.

-Je ferai comme vous me le conseillez, plia Irael.

-Je vais prévenir les agents Chaldo et Potter que vous êtes au courant de la situation, ajouta Guillou.

-Je pense que le mieux, c’est qu’Irael reste ici pour voir l’évolution de l’opération, dit Abbadona. Voyez-la comme un agent de liaison entre la DE et les Atlantes.

-C’était un poste dont nous avions déjà parlé. Je pensais que ce serais un des Premiers qui l’occuperaient.

-Aucun ne peut venir de Mars dans l’immédiat au vu de la situation là-bas. En attendant que l’un d’eux arrive, je pense qu’Irael pourra assurer cette fonction.

-Mais, seigneur, votre sécurité et celle du seigneur Hermoni ? s’exclama Irael.

-Ton frère et Harael s’en sortiront. Et puis, il ne faut pas oublier que même si c’était il y a longtemps, Hermoni et moi avons eu aussi à nous battre. Nous sommes moins puissants au combat que Lucifel ou Satan, mais nous sommes rarement seuls de toute façon.

-Mais…

-C’est un ordre Irael, lacha Abbadona pour mettre fin au débat. Je te nomme agent de liaison atlante auprès de la DE. Je pense que ce choix convient aussi monsieur Guillou.

-En l’absence d’un Premier, vous ne pouviez avoir meilleur candidate, acquiesça sincèrement le Patron.

-Bien seigneur, je ferai comme vous l’ordonnez et me montrerai digne de votre confiance, ploya Irael.

-Je n’en doute pas. Je dois y aller maintenant. Des rendez-vous m’attendent. Je vous laisse régler les détails ensemble.

-Au plaisir de vous revoir seigneur Abbadona. »

           Avec un dernier sourire paternel en direction d’Irael, Abbadona quitta le bureau. Le Patron se leva également et pianota sur le clavier holographique de son ordinateur.

« J’ai prévu un bureau pour le poste que vous venez d’acquérir mais il n’est pas encore complètement fonctionnel, expliqua Guillou. Excusez-moi mais ce n’était pas la priorité.

-Je comprends monsieur, dit Irael.

-Je vais faire en sorte qu’il soit prêt dans la journée, du moins pour ce qui est de l’essentiel. Et je vous expliquerai plus tard plus en détails votre fonction. En attendant, je vais demander à un agent de vous faire visiter les installations. Je sais que vous en avez déjà vu une bonne partie mais il vous en reste à voir.

-Je vous remercie. »

 

           Mika Heinsler s’affairait à son poste de travail dans les locaux du SSP. Il se sentait comme un enfant à deux doigts de se faire prendre alors qu’il faisait une bêtise. Le plan qu’ils avaient monté pour recueillir des renseignements concernant Féndès et son futur transfert était dangereux, autant que celui qui avait conduit Féndès dans les griffes de l’Inquisition.

           Heinsler essayait de garder son naturel, mais ses yeux, il en était conscient, scrutait plus que de raison les alentours, cherchant des indices de surveillance dans les regards des autres agents pontificaux. Il f          allait qu’il se calme. Et vite, Samus Denler venait d’arriver. Heureusement pour Heinsler, le chef du SSP se dirigea vers son propre bureau sans lui lancer une œillade.

           Aussitôt la porte de son bureau refermé, Denler activa son champ de discrétion, un dispositif lui permettant de s’isoler totalement de l’extérieur pour prévenir des tentatives d’espionnage. Il activa sa ligne sécurisée et connecta son holophone. Le visage d’un septuagénaire à l’air sévère apparut.

« Bonjour monsieur Denler, dit-il.

-Monseigneur, fit respectueusement Denler. Le traitre Féndès va être bientôt transféré vers le lieu de son exécution.

-Bien, plus vite se sera fait, plus vite nous pourrons continuer sereinement l’opération Clé.

-Avez-vous une consigne particulière de dernière minute ?

-Je vous fais pleinement confiance pour la bonne marche de cette tâche. Vous avez pris toutes les dispositions pour qu’elle soit effectuée sans encombre je pense.

-Le principal problème c’est l’escorte vers la Villa Maggiora. Je dois la réduire au minimum pour ne pas attirer l’attention.

-Et la DE ? Pensez-vous qu’il y aura un problème de ce côté ?

-J’en doute monseigneur. Pour la DE, Féndès était un agent double. Par nature, un agent double est sacrifiable. Il sait peu de choses sur les opérations en cours ou en prévision de la DE. On ne compte jamais sur les informations d’un agent double, on s’en sert quand il en donne. Je pense que la DE l’a déjà abandonné.

-C’est inhumain.

-C’est comme ça que j’agirai aussi monseigneur, à ma grande honte. Mais dans le métier de l’espionnage, seul le résultat compte.

-Je comprends. Et soyez sûr que notre seigneur le comprend également. Vous travaillez pour sa gloire. Je vous laisse, je pense que vous avez bien d’autres choses à vous occuper.

-Au revoir monseigneur. »

           Denler lança un autre appel aussitôt celui-ci terminé. Cette fois-ci, il tomba sur un trentenaire arborant une mâchoire carré.

« Nous sommes prêts monsieur, dit-il sans que Denler n’eut à lui poser de question. Nous partirons à l’heure prévue.

-Bien, vous me rendrez compte uniquement lorsque votre mission sera achevée, ordonna Denler. Entretemps, plus de communication entre nous.

-A vos ordres. »

           Denler dissipa le champ de discrétion. Il se mit à traiter les affaires courantes. Il repensa tout de même à la DE. Il avait assuré le cardinal Nova qu’elle n’interviendrait pas. C’était le plus logique effectivement. Il connaissait assez Hector Guillou pour savoir qu’il ne risquerait aucun de ses agents pour sauver une taupe. Peut-être que certains lui en voudraient en apprenant qu’il n’ait rien tenté. Mais au final, c’était lui qui donnait les ordres.

 

           Zoé jouait les touristes sur la place Saint-Pierre, écouteurs dans ses oreilles et appareil photo à la main. Le décor était magnifique mais elle faisait semblant. Elle sourit, elle avait ce qu’elle voulait. Elle retira ses écouteurs et fit mine d’envoyer un messager avec son holophone. Un mini-drone invisible vint se loger dans son sac à dos. Elle fit un signe discret à Nayu en s’éloignant. La japonaise usait de ses charmes pour distraire deux gardes suisses à quelques mètres. Elle prétexta de recevoir un message et s’éclipsa à son tour au grand dam des deux gardes qui la suivirent du regard jusqu’à ce qu’elle disparaisse, leurs yeux naturellement attirés par sa mini-jupe.

           Une fois à l’extérieur du Vatican, Nayu retrouva Zoé. Elle était visiblement mécontente.

« La prochaine fois, c’est toi qui joue l’appât, dit Nayu. Je déteste être regardée comme un morceau de viande par des pervers. Tu sais combien d’hommes se sont retournés sur mon passage ? Sans oublier les deux gardes qui doivent me considérer comme une fille facile.

-Et tu oublies le nombre de femmes qui se sont retournées aussi, dit Zoé. Tu as un sacré succès dans cette tenue. »

Outre une mini-jupe très courte et qui laissait entrapercevoir ses sous-vêtements à chaque pas, Nayu ne portait qu’un petit haut laissant apparaître son nombril et sous lequel elle n’avait pas mis de soutien-gorge. Zoé ne l’avait jamais vu ainsi et même si elle savait que ce n’était pas sa Nayu, elle aimait la voir ainsi, sa gêne rajoutant à son charme.

« On rentre, décréta Nayu. Je veux remettre des vêtements normaux.

-Attends une minute avant, sourit Zoé.

-Encore quelque chose à faire ?

-Oui, mais rien à voir avec le travail. »

Zoé s’approcha de Nayu et l’embrassa passionnément. La japonaise ne se laissa pas prier et lui rendit son baiser.

« Je vois que cette accoutrement te plait, dit la japonaise.

-Oh que oui ! acquiesça Zoé. Si tu savais les envies et idées que ça me donne.

-Je meurs d’envie de le savoir. Mais nous n’avons pas le temps pour le moment.

-Oui, et tu ne sais pas à quel point le temps nous manque, dit Zoé en redevenant sérieuse. On rentre. »

           Les deux femmes rejoignirent Ariana et Tony à la planque. Nayu laissa Zoé faire son rapport, allant immédiatement se changer. L’espagnole ne put s’empêcher de la suivre des yeux, le regard rêveur en soupirant.

« Alors ? questionna Tony, la ramenant à la réalité.

-Ça à marcher, dit Zoé. Heinsler a ouvert le circuit de surveillance et j’ai pu me connecter par un point extérieur. Ils le remarqueront forcément à un moment ou un autre, mais nous avons le temps de voir venir et ne pourront que savoir où je me suis connecté, rien de plus.

-Qu’as-tu découvert ?

-Ils le déplacent cet après-midi. Vers son lieu d’exécution.

-Où ? demanda Ariana.

-La Villa Maggiora, une propriété du Vatican à l’extérieur de Rome.

-Oui, souvent utilisé par les SSP pour leurs… actions discrètes, précisa Tony.

-Les exécutions, en conclut Ariana.

-Entre autres. Cela fait longtemps qu’ils ne l’avaient pas utilisée. Aucune précision sur leur itinéraire je suppose ?

-Non, confirma Zoé.

-Comment on procède ? interrogea Ariana. »

           Tony garda le silence, réfléchissant. Le fait d’être cybernétisé lui donnait quelques avantages dont celui de pouvoir accéder à des informations utiles. Il regarda les différents itinéraires possibles pour rejoindre la Villa Maggiora. La chance leur souriait, quel que soit le chemin emprunté, le convoi devrait forcément passer par un endroit : un tunnel long de trois cent mètres. Il regarda des clichés de ce lieu pour évaluer la faisabilité d’une embuscade. Seul inconvénient, la proximité de la villa. Il faudrait agir vite et s’enfuir vite.

           « J’ai un plan. »


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