Ariana Potter, Second Cycle : Dans la Lumière de la Guerre

Chapitre 36 : VI Spy Game

2415 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 03/01/2019 18:17

CHAPITRE VI : SPY GAME

Louis Loup-Gris avait toujours préféré l’action à l’espionnage pur. Mais il n’avait plus vingt ans et était conscient que sa place n’était plus en pointe au combat. Pourtant, il se sentait prêt pour la guerre qui faisait rage au loin et ne manquerait pas de s’approcher. Il y mourrait peut-être. Qu’importe, il avait déjà donné toute sa vie à ce monde et à sa sauvegarde. Mourir pour lui ne le gênait pas.

Ce monde. Il faisait partie de ces gens qui ne voyaient qu’un seul monde là où beaucoup, y compris au sein de la DE, en voyant encore deux. Cela faisait longtemps déjà qu’il ne voyait plus la frontière que les autres cherchaient à définir, parfois de manière absurde. Cette façon de voir le monde lui avait valu quelques inimitiés. Mais il ne retenait que les amitiés qu’elle lui avait apportées. Hector Guillou en tête, son vieux coéquipier avec qui il avait fait face à maints dangers. Sébastien Chaldo, qui l’a initié à cette vision du monde et à qui il n’hésitait pas à venir demander conseil quand il le souhaitait. Comme aujourd’hui.

Ekaterina Pardopoulos n’était jamais venu au manoir des Chaldo. Elle en avait juste entendu parler. Elle dût prendre la main de Loup-Gris pour passer le charme de protection plusieurs fois centenaires qui l’entourait. Seuls quelques élus et invités pouvaient le passer. Loup-Gris faisait partie de ceux-là.

Après avoir traversé le parc du manoir, ils furent accueillis devant la porte par le majordome de la famille Chaldo, un elfe de maison bien habillé nommé Nestio.

— Soyez le bienvenu monsieur Loup-Gris, dit-il.

— Bonjour Nestio, comment vas-tu ? fit Loup-Gris.

— Très bien monsieur et vous-même ?

— Ça va. Voici une de mes collègues, Ekaterina Pardopoulos.

— Madame, s’inclina Nestio.

— Bonjour, répondit Kat.

— Nous souhaiterions voir Sébastien s’il est disponible, indiqua Loup-Gris.

— Maitre Sébastien se trouve dans son bureau. Veuillez me suivre s’il vous plait. Je vais voir s’il peut vous recevoir.

— Je pensais que les Chaldo ne prendraient pas d’elfe de maison, dit Kat. Ils passent pour des idéalistes dans la communauté des Sorciers.

— Les Chaldo en ont toujours eu à leur service, expliqua Loup-Gris. Mais jamais comme esclave. Nestio et ses collègues sont libres et reçoivent un salaire. Je crois que les Potter et d’autres familles en Angleterre font de même. De plus, je n’ose pas imaginer ce que subirait quelqu’un qui s’aviserait de maltraiter un elfe ici. N’est-ce pas Nestio ?

— C’est déjà arrivé par des invités malavisés, répondit l’elfe. Ils sont partis dans la douleur et ne sont jamais revenus. Veuillez patienter un instant je vous prie, ajouta-t-il en arrivant devant une porte. 

Nestio revint quelques secondes plus tard en invitant les deux agents de la DE à entrer. Sébastien Chaldo se trouvait derrière son bureau. Il sourit à l’adresse de Loup-Gris et demanda à Nestio de leur apporter du café.

— Comment vas-tu mon vieil ami ? demanda Sébastien en venant serrer la main à Loup-Gris.

— Ça va, répondit-il. Mais j’ai besoin de quelques conseils et peut-être même d’un peu d’aide. Tu connais l’agent Pardopoulos ?

— De nom et de réputation seulement. Heureux de vous rencontrer.

— Moi de même monsieur, fit Kat.

— Asseyons-nous, nous serons plus à l’aise pour parler. 

Ils s’installèrent dans un canapé, Sébastien leur faisant face dans un fauteuil. Nestio arriva quelques secondes après et servit le café.

— Merci Nestio, qu’on ne nous dérange pas jusqu’à nouvel ordre, dit Sébastien.

— Bien monsieur, s’inclina le majordome en sortant.

— Alors, en quoi puis-je aider ?

— Je suppose que tu es au courant de la situation sur Mars et au-delà, commença Loup-Gris.

— Bien sûr, Hector me tient au courant. Ne soyez pas surprise agent Pardopoulos, sourit Sébastien en voyant les yeux de Kat froncés légèrement. Dans cette famille on a du mal à s’arrêter.

— Ça me rappelle quelqu’un que j’ai rencontré il n’y a pas si longtemps. Un pilote.

— Ce vieil Edward[1]. Continue Louis.

— Et donc tu sais pertinemment que l’ONS nie l’attaque des Dæmons, dit Loup-Gris.

— Pour eux, c’est une invention des CFI et de l’UNIM pour que les nations terrestres perdent leur contrôle sur leurs colonies. Du moins, c’est ce que dit l’ambassadeur britannique, Adam Ferson.

— Nous pensons qu’il y a un lien entre Ferson et le Vatican. Et plus particulièrement…

— Avec l’Inquisition. Il n’en est peut-être même pas conscient, il est peut-être juste manipulé par le SSP.

— Peut-être oui, nous avons recueilli des données dans le serveur du SSP et sommes en train de les analyser. Elles nous en diront plus nous espérons.

— Oui, mais reste que ce n’est pas normal que les autres pays siégeant au Conseil de Sécurité de l’ONS ne tirent pas la sonnette d’alarme, appuya Sébastien. Leurs services de renseignement doivent être inondés de messages venant de leurs colonies. Surtout que toutes se sont alliées aux nations indépendantes pour faire face à la menace. Il y a rétention d’information, et je pense que Ferson a quelque chose à voir avec ça.

— Pour ce qui concerne le MI-6[2], je peux le concevoir, dit Kat. Mais pour le SRE[3] ou la CIA[4] ?

— Agent Pardopoulos, vous devriez savoir que dans notre métier, tout fonctionne par réseau. Et c’est encore plus vrai dans un autre corps de métier. Un corps qui a aussi ses secrets, et bien plus inavouables.

— Les politiciens ! s’exclama-t-elle. Ils cacheraient la guerre ! Mais dans quel intérêt ?

— Toujours le même : garder le contrôle sur les masses. Si la nouvelle des affrontements sur Mars et dans l’espace arrivait aux oreilles de la population sur Terre, certains y perdraient beaucoup.

— Mais lorsque les Dæmons arriveront ici, ce sera l’hécatombe !

— Oui, mais ils espèrent qu’ils n’arriveront jamais ici.

— Alors tous les politiciens se sont ligués pour garder une once de pouvoir, dit Kat.

— Pas tous je pense, juste quelques-uns, fit Sébastien.

— Comment ça ?

— Pour garder ce genre de secret, il ne faut pas être nombreux. Sinon, le secret a toutes les chances d’être divulgué. Et puis, il y a toujours des politiciens idéalistes ou suffisamment scrupuleux pour ne pas cacher ce genre de chose. Donc, je pense qu’ils ne sont que quelques-uns à cacher cette guerre. Mais ils sont bien placés. Reste à les confondre.

— Tu aurais une idée pour ça ? questionna Loup-Gris.

— Les données volées au SSP sont la clé, expliqua Sébastien. Ça, vous le saviez. Reste après à les faire accepter comme preuve par le Conseil de Sécurité et aussi à transmettre aux bonnes personnes les infos concernant la guerre.

— Et quelles personnes ? interrogea Kat.

— Les autres ambassadeurs auprès de l’ONS. Les dirigeants également, certains ne sont peut-être même pas au courant. Sinon, d’autres membres des gouvernements. Les données des SSP peuvent inciter les services à transmettre les informations sur la situation réelle malgré les ordres qu’ils ont reçu.

— On n’a pas forcément le temps, dit Loup-Gris.

— On peut essayer de s’attaquer au cœur du problème en appelant les chefs des agences de renseignement et les inciter à lâcher les infos. Mais certains ne voudront pas désobéir à leur hiérarchie sans avoir de preuve de l’implication du SSP.

— Je peux convaincre le chef du SRE, annonça Kat.

— Lucas Damiani ? Vous le connaissez ? demanda Sébastien.

— Avant de devenir directeur du SRE, il fut mon chef de service. Et avant ça, mon instructeur. Il me fait confiance. Enfin, je pense, cela fait longtemps que je ne l’ai pas contacté, depuis que j’ai quitté le SRE pour la DE.

— Comme beaucoup de chef de services de renseignement, Damiani connait l’existence de la DE. Il est probable qu’il sache que vous en faites partie.

— Oui, c’est vrai. Je l’appellerai sur une ligne sécurisée au retour au quartier général.

— Vous pouvez le faire d’ici. J’ai une ligne sécurisée.

— Pourquoi je ne suis pas surprise ? 

Sébastien la guida jusqu’à l’holophone posé sur son bureau.

— Mémoire 5, dit-il en souriant.

— Vous avez le numéro de Damiani en mémoire sur votre holophone ! s’exclama Kat dans un premier temps. Laissez tomber, plus rien ne devrait me surprendre. 

Kat s’installa et lança l’appel. Elle fut surprise que la communication ne passe pas par le secrétariat mais directement sur le poste de Damiani.

— Je m’attendais à voir Sébastien Chaldo, et je me retrouve face à quelqu’un que je n’ai pas vu depuis un moment, dit Damiani après un instant de silence. Comment vas-tu Kat ? Ça fait plaisir de te revoir.

— Ça va, répondit Kat. Pour moi aussi c’est un plaisir. Malheureusement, je pense que tu te doutes que je n’appelle pas par simple courtoisie.

— Je ne sais pas ce que je pourrais faire pour la DE mais je suis tout ouïe.

— Que sais-tu de la situation sur Mars, dans la Ceinture ainsi que dans les CFI de Jupiter et Saturne ?

— J’ai reçu comme instruction de ne pas en parler, mais je suis bien conscient que tu en sais sûrement plus que moi. Je sais pour la guerre. Mes supérieurs espèrent qu’elle y restera cantonnée.

— Ils espèrent ou « on » leur ordonne d’espérer.

— Tu as raison, l’ordre semble venir de plus haut que la hiérarchie militaire. Qu’est-ce que tu peux me dire de plus ?

— J’étais sur Mars il y a encore quelques jours. Le front tient mais ce n’est qu’une question de temps avant qu’il s’effondre. Les Dæmons vont ensuite déferler sur Terre. C’est une certitude. Ce n’est qu’une question de mois. C’est la fin de l’Humanité à quoi il faut s’attendre.

— Les Dæmons ? Cela confirme que ce n’est pas une guerre dans un simple but territorial comme le pense certains dirigeants.

— Tu me crois alors ?

— Tu es une des personnes dont je n’aurais jamais aucun doute, assura Damiani. Que veux-tu que je fasse ?

— Si tu devais transmettre les informations que tu détiens directement à un ou plusieurs politiciens pour que ça fasse bouger l’Europe et l’ONS par la suite, à qui tu le ferais ? questionna Kat.

— Tu veux que je court-circuite ma hiérarchie. Je te mentirais si je te disais ne pas y avoir déjà pensé. J’attendais juste une sorte de confirmation. Ce que tu viens de me donner. Je penserais à la présidente fédérale et certains de ses ministres. Je peux aussi envoyer l’info à d’autres dirigeants hors Europe.

— Les anglais ?

— Oui, Adam Ferson à une mainmise trop forte sur le MI-6. Je ne pense pas que tu convaincras son directeur comme moi. Stone de la CIA sera plus facile à convaincre. Nous avons déjà parlé de ce sujet en conversation privée. Mais le problème Ferson reste entier.

— Nous nous chargeons de lui, informa Kat. Ce n’est qu’une question de temps mais nous allons probablement pouvoir le mettre hors-jeu. Qui d’autres pourrions-nous contacter ? Les chinois ? Les russes ? Les japonais ?

— Toutes les grandes puissances qui pourraient agir sur le vote du Conseil de Sécurité.

— Alors on a des appels à passer. Par contre, ne transmettez rien tant que nous ne sommes pas en mesure de mettre hors-jeu Ferson. Il faut le confondre pour ne pas qu’il nous sorte un tour de son sac. 

Le reste de la journée, Kat, Loup-Gris et Sébastien Chaldo appelèrent les différents services de renseignement dans le monde. Tous étaient d’accord avec le fait qu’il fallait agir. Ce n’était pas surprenant, le cartésianisme faisait partie des qualités inhérentes aux métiers de l’espionnage.

La nuit commençait à tomber quand Loup-Gris et Kat prirent congé de Sébastien. Ils retournèrent au quartier général de la DE pour voir où l’équipe de Diego Suarez en était dans l’analyse des données récupérées sur le serveur des SSP. Il se trouvait allonger sur une couchette, une paire de lunettes sombre posée sur ses yeux. Il bougeait ses mains au-dessus de lui, comme s’il déplaçait des nuages imaginaires. Deux autres analystes faisaient de même mais étaient assis à des bureaux.

Un signal l’avertissant de la visite des deux agents IS, Suarez fit encore quelques ronds avec les mains avant de retirer ses lunettes et de se relever. Il but une gorgée d’eau avant de leur adressé la parole.

— Alors ? Quelles nouvelles ?

— On a démarché les directeurs de plusieurs services de renseignements, répondit Loup-Gris. Dès que nous aurons les preuves sur le lien entre Ferson et les SSP, ils transmettront les infos sur la guerre contre les Dæmons. Et pour cela, il faut en trouver dans les données volées au Vatican.

— Et pour cela, il faut que je joue les magiciens. Une baguette me serait utile des fois.

— Ce n’est pas le moment de plaisanter Diego.

— Non, c’est le moment de sabrer le Champagne, sourit le mexicain.


[1] Voir « Ariana Potter et les Légions Démoniaques ».

[2] Military Intelligence section 6, service secret britannique chargé de la sécurité extérieure, aussi connu sous le nom de Secret Intelligence Service.

[3] Service de Renseignement Européen, service secret des Etats-Unis d’Europe.

[4] Central Intelligence Agency, service secret américain.


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