Ariana Potter, Second Cycle : Dans la Lumière de la Guerre

CHAPITRE IX : L’ÉQUIPE FÉNDÈS

En arrivant le matin au bureau, Irael et Christianus sentirent que quelque chose se passait. Sur le chemin du bocal, ils croisèrent Joshua et Julia.

— Que se passe-t-il ? questionna Irael.

— Le vaisseau transportant l’équipe de Tony a disparu, répondit Julia le visage grave.

Le bocal était silencieux. Le temps semblait suspendu. Le Patron était en holoconférence avec le chef d’état-major des forces spatiales américaines :

— Nos observations de la dernière position de l’U3S[1] Patton ont révélé des débris qui ont été identifiés comme étant ses restes. Nous avons envoyé un vaisseau pour récupérer les capsules de sauvetage. Actuellement, nous ne pouvons connaître la teneur des pertes. Une seule chose est sûre : la mission est un échec.

— Nous essayons de contacter nos agents de notre côté, dit le Patron. Je vous informerai de nos résultats.

— On reste en contact, conclut le général avant de couper la communication.

Le Patron se tourna vers ses agents. Son visage était fermé.

— Aucune mission en cours n’est affectée, dit-il. Mademoiselle Chaldo, je vous charge d’essayer de reprendre contact avec l’équipe de votre frère. On continue le travail comme d’habitude.

Il n’ajouta rien. Tout le monde se remit au travail. Julia se plaça derrière le terminal occupé habituellement par Zoé et s’y connecta. Aussitôt, son TOI s’apaira au terminal et ses lunettes se matérialisèrent sur ses yeux. Elle bougeait les mains dans le vide devant elle, se servant des applications pour faire ce que le Patron lui avait demandée.

Christianus savait que Julia avait une double spécialité. Avant d’être la responsable du département scientifique, du temps où elle y débutait, elle remplaçait les analystes des équipes IS si nécessaire. Sa réputation était telle que certains n’hésitait pas à dire qu’elle était meilleure que beaucoup d’analystes permanents.

Irael discutait avec Joshua. Christianus se rapprocha.

— Je vais voir si je peux faire quelque chose de mon côté, dit Joshua. Peut-être que les Eldars ont quelque chose qui pourrait nous aider.

— Je vais contacter le seigneur Abbadona pour le tenir au courant, ajouta Irael. Peut-être aura-t-il aussi quelque chose à nous proposer. Oh ! Je crois que vous n’avez pas encore été présentés.

— Christianus Féndès je présume, fit Joshua en lui tendant la main. Enchanté.

— Effectivement, confirma-t-il en lui serrant la main. Et vous êtes Joshua Ollivander. Ariana et Irael m’ont parlé de vous. Heureux de vous rencontrer.

— Vous êtes déjà autorisé à vous rendre au bocal !

— Oui, le Patron m’a confié une mission. Je dois d’ailleurs me remettre au travail.

— J’ai aussi des choses à faire, dit Irael. On se voit plus tard. Tu gardes un œil sur Julia, ajouta-t-elle pour Joshua.

— Elle est solide, dit-il. Mais là, ça risque de faire trop pour elle malgré tout. Après Alex et Fred, si elle perd son autre frère et ses amis…

— Toi tu as l’air de tenir. Pourtant Ariana est ta meilleure amie.

— C’est juste que je préfère me tenir à l’espoir qu’elle est encore en vie tant qu’on n’a pas de preuve du contraire. Je la connais depuis toujours, elle est capable de choses incroyables, même si elle ne s’en rend pas compte. Et puis…

— Quoi ?

— Je ne sais pas. Je sens qu’elle n’a pas quitté ce monde. En fait, j’ai la même impression concernant Alex.

— Vous n’avez pas cru en sa mort à l’époque ? questionna Christianus.

— Non, ce n’est pas comme si je n’avais pas accepté sa mort et que c’était venu avec le temps. Je sens qu’il n’est pas mort. C’est pour ça que je pense aussi qu’Ariana n’a pas péri. J’ai la même sensation. Mais peut-être que je me trompe.

— Je vais croire en ton instinct, dit Irael.

Christianus rejoignit Mahmoud à leur poste de travail. Ils continuèrent leur fastidieuse tâche de recoupement d’informations. Christianus ne pouvait s’empêcher de jeter des œillades en direction de Julia Chaldo qui n’avait pas bougé du terminal. Il espérait lui aussi que Joshua ait raison.

— Tu connais un cardinal s’appelant Mario Pantalini ? questionna Mahmoud.

— Je l’ai croisé une ou deux fois sans jamais lui avoir adressé la parole, répondit Christianus. Il appartient à la Congrégation pour la doctrine de la foi. Autant dire à l’Inquisition.

— Ah ? Pourquoi tu dis ça ?

— Lorsque l’Inquisition Romaine fut dissoute en 1908, elle fut renommée Sacrée Congrégation du Saint-Office puis Congrégation pour la doctrine de la foi. Je pense que c’est l’antichambre de l’organisation dont fait partie Samus Denler.

— A vrai dire, il est sur la liste des membres potentiels du Circus, le cercle dirigeant de l’Inquisition. Et il semble qu’on ait maintenant une preuve de son appartenance. Il a contacté un suprématiste américain pour organiser une rencontre à Houston.

— Est-ce Uriah Wister ?

— Oui, tu le connais ? répondit surpris Mahmoud.

— J’ai eu affaire à lui une fois. Je devais évaluer s’il pourrait être un allié potentiel du Vatican contre les Sorciers.

Christianus ne put s’empêcher de se flageller mentalement. Comment avait-il pu être aussi aveugle ? Mais il savait que ça ne servait à rien de se lamenter sur son passé. Il devait tout faire pour rattraper ses erreurs. L’ironie du sort faisait que sa première mission comme agent de la DE serait justement d’en réparer une.

— Et quelle fut le résultat de cette évaluation ? demanda Mahmoud.

— Individu très dangereux et incontrôlable, répondit Christianus se souvenant des mots qu’il avait utilisés dans son rapport de l’époque. Incapable de différencier les coupables des innocents, considère tous ceux qui ne sont pas avec lui comme des ennemis. Ne recule devant aucune violence pour atteindre ses objectifs. À éviter.

— Je vois, un putain de psychopathe. Et donc ? Qu’est-ce que l’Inquisition a fait ?

— Je ne pourrais pas te répondre, j’ignorais que j’agissais pour leur compte. J’ai donné mon rapport à Denler et ma mission s’est arrêtée là. Par contre, je me pose une question concernant cette prise de contact. Comment nos services ont pu l’intercepter ? Denler n’est pas connu pour être négligeant, il aurait sécurisé la communication.

— Le message a transité par le réseau lambda avec un cryptage basique fourni par un VPN civil. Rien de plus. Qu’est-ce que tu en conclus ?

— Que Denler n’est pas au courant de ça et que Pantalini agit de son propre chef, dit Christianus. Les dissensions au sein de l’Inquisition en sont sûrement la cause. Cette rencontre est tout de même inquiétante.

— Nous devrions en parler au Patron tout de suite.

Hector Guillou les écouta attentivement. Christianus n’hésita pas à lui parler de son évaluation de l’époque. Durant tout l’exposé, le Patron ne démontra aucune émotion. Son regard se concentrait sur les photos d’Uriah Wister et Mario Pantalini. À la fin du rapport des deux agents, il demanda :

— Selon vous monsieur Féndès, que devrions-nous faire ?

Christianus fut surpris que le Patron lui demande directement son avis sur les actions à mener. Il pensait que ce genre de question viendrait plus tard, quand il aurait levé les doutes qui restaient sur son changement de camp. Sur quoi pouvait se baser Hector Guillou pour lui faire confiance aussi vite ? Il n’était pourtant pas connu pour être un amateur dans le milieu des services de renseignements. Ce serait même plutôt l’inverse.

Christianus se reprit et devant le regard sans faille du chef de la DE, il répondit :

— Nous devrions espionner cette rencontre et nous tenir prêt à intervenir si besoin.

— Intervenir ?

— Oui, s’ils parlent de l’organisation d’actes terroristes envers la communauté magique, il ne faut surtout pas leur laisser le champ libre. Uriah Wister ne laissera pas passer une occasion de s’en prendre à ce qu’il juge être « l’engeance du diable » comme il les appelait quand je l’ai rencontré. Le soutien d’un haut dirigeant du Vatican va le motiver. Et même s’il n’a pas le soutien de tout le Circus, le cardinal Pantalini peut lui fournir une logistique à même de le ravitailler en armes de guerre. Des innocents vont mourir.

— Je vois ce que vous voulez dire, dit le Patron. Pour quand est cette rencontre ?

— Demain à Houston.

— Pour une éventuelle intervention il faudra le concours de l’UA. Quant à la partie espionnage, il vaut mieux une équipe IS. Monsieur Youssoko, vous en serez l’analyste.

— A vos ordres Patron, répondit Mahmoud.

C’était logique, Mahmoud connaissant le dossier, il pourra le mieux réagir en fonction des informations récoltées par les agents sur le terrain. Christianus se demandait qui serait chargé de la mission. Ce serait sûrement Louis Loup-Gris.

— J’ai une recrue en réserve, je vais vous l’envoyer, continua le Patron. Vous avez moins de vingt-quatre heures pour préparer votre équipe agent Féndès.

Christianus resta interdit. Il avait du mal à intégrer ce que venait de dire Hector Guillou.

— Moi, comme chef d’équipe IS, balbutia-t-il.

— Ais-je mal prononcé votre nom ? questionna Guillou.

— Non monsieur, mais… Je suis… J’étais un agent des SSP il n’y a encore pas si longtemps. C’est déjà pour moi beaucoup que vous me fassiez assez confiance pour travailler au bocal avec Mahmoud. Je ne pense pas avoir déjà gagné le droit à plus. Et surtout pas à autant.

— Je fais confiance en mes agents. Et plusieurs d’entre eux vous font confiance. Je ne pense pas avoir besoin de les nommer mais je peux le faire si cela peut vous rassurer.

Christianus savait de qui le Patron voulait parler. Il décida de ne pas épiloguer plus longtemps. Après tout, il avait une mission à préparer et pas beaucoup de temps pour cela.

— Je remplirai la mission que vous me confiez Patron, conclut-il avant de prendre congé.

La secrétaire du Patron l’informa que Julia Chaldo voulait lui parler. Le Patron la fit entrer.

— Je crois que j’ai des nouvelles encourageantes, dit Julia sans autre introduction.

Christianus s’arrêta, souhaitant avoir des nouvelles de Tony et son équipe. Le Patron ne lui fit pas signe de les laisser. Mahmoud ne resta pas.

— Je vous écoute, dit-il.

— J’ai analysé la dernière position connue du Patton, exposa-t-elle. Nous n’avons aucune image du moment précis de sa destruction. Voici la dernière, elle a été prise un quart d’heure avant l’heure estimée de l’attaque. On y voit le Patton et plus loin le vaisseau ennemi. Les dernières images venant de cette zone nous montrent des débris identifiés comme des restes du Patton. On y voit même plusieurs capsules de sauvetage ainsi que les navettes que Tony et son équipe devaient utiliser pour l’abordage. Et voilà ce que j’ai découvert.

Julia fit apparaître une autre image de la zone. Cette fois-ci y était ajoutée des traces colorées représentant des trainées. Elles étaient au nombre de trois, chacune d’une couleur différente.

— Je ne suis pas expert en astrophysique ni en ingénierie spatiale mais il me semble que ce sont des trainées énergétiques résiduelles, n’est-ce pas ? fit le Patron.

— Tout à fait, laissées par les réacteurs des vaisseaux. En bleu, c’est celle du Patton. Le vaisseau ennemi est en rouge. Nous voyons que par je ne sais qu’elle moyen, il s’est soudainement retrouvé derrière le Patton. La présence de sorciers à bord me ferait pencher pour un transplanage massif ce qui serait véritablement un tour de force mais reste du domaine du possible. Le vaisseau ennemi est donc passé derrière le Patton et l’a attaqué. Surpris, ils n’ont pas pu répliquer de manière efficace et le Patton a été pulvérisé.

— Et quelle est cette troisième trainée alors ?

Le Patron désignait la marque verte qui coupait la route de la rouge.

— Un troisième vaisseau, non-identifié, répondit Julia. J’ai voulu savoir qui il était. J’ai donc analysé plus d’images aux alentours, avant et après ce moment. Et voilà ce que j’ai fini par trouver.

La nouvelle image que proposa Julia montra le Patton toujours en poursuite derrière le Voldemort dans le coin inférieur droit. Et au milieu, un point noir qu’elle avait mis en surbrillance pour le mettre en évidence. Elle effectua un grossissement et la silhouette sombre de l’Ankou apparut.

— C’est le vaisseau qui est intervenu à Valinorya, dit le Patron.

— Oui, et sa signature énergétique correspond à celle de la troisième trainée résiduelle, précisa Julia. Ce vaisseau est resté dans la zone un petit moment, même après que le vaisseau ennemi soit parti. Je pense qu’ils ont porté secours aux navettes et aux capsules de sauvetage. J’ai regardé plusieurs images et le nombre de capsules dans l’espace diminue au passage de ce vaisseau.

— Et maintenant où est-il ?

— Il a disparu. Mais j’ai l’intuition qu’il poursuit l’ennemi.

— Il faudrait que nous en soyons sûrs.

— Je sais Patron. Je vais essayer de les contacter mais ça risque de prendre du temps.

— Alors allez-y.

Julia sortit à la suite de Christianus. Elle se remit immédiatement à la tâche. Christianus rejoignit Mahmoud.

— Eh bien ! Chef d’équipe IS ! siffla-t-il.

— Je dois honorer la confiance que le Patron met en moi, dit humblement Christianus.

— Compte sur moi pour t’y aider. Quant au troisième membre de notre équipe, le Patron vient de me faire parvenir son dossier. Et il lui a demandé de nous attendre en salle de briefing numéro quatre.

— Je vais voir Erius Sornas. On se retrouve là-bas dans un quart d’heure.

En arrivant au quartier de l’UA, Christianus demanda à voir Erius. On lui indiqua qu’il se trouvait au stand de tir. Lorsqu’il y entra, il le repéra dans un box en train de s’entrainer au pistolet. Il attendit qu’il finisse son chargeur avant de s’approcher.

— Christianus Féndès, dit-il. Vous venez vous exercer un peu.

— Ce ne serait pas de refus mais je n’ai pas le temps, dit Christianus. Le Patron m’a nommé chef d’équipe IS.

— Félicitations, fit le vampire sans démontrer d’enthousiasme.

— Et j’ai une mission pour laquelle j’aurai besoin du concours de l’UA.

— Où et quand ?

— Houston, demain après-midi.

— Bien, quand est le briefing ?

— Je dois rencontrer le troisième membre de mon équipe en salle numéro quatre. On s’y retrouve dans trente minutes.

— Alors à tout à l’heure, dit-il en engageant un autre chargeur et en se remettant à tirer.

Christianus quitta le stand de tir sans rien ajouter. Il se doutait que sa nomination ne plairait pas à tout le monde et qu’il devrait gagner la confiance et le respect de certains. Mais peu importe, il savait Erius Sornas suffisamment professionnel pour ne pas saborder une mission pour ce genre de considération.

Il rejoignit Mahmoud à la pièce qui leur avait été allouée. Ce dernier discutait avec un jeune homme de taille moyenne arborant des cheveux blonds et des yeux pétillants de jeunesse. Christianus n’avait pas eu le temps de lire son dossier. Il savait qu’il était américain, sorcier et se nommait :

— Winston Scamander, dit-il. Je suis Christianus Féndès. Vous avez été mis sous mes ordres pour une mission de surveillance et d’espionnage.

Christianus préférait ne pas dire qu’il faisait partie de la même équipe IS. Lui-même n’était pas sûr que le Patron lui confie définitivement une équipe. Le plus probable étant qu’il lui avait confié cette mission car connaissant Uriah Wister et Mario Pantalini.

— Je n’ai pas eu le temps d’étudier votre dossier, avoua Christianus. C’est votre première affectation ?

— Oui, jusqu’à maintenant, je n’ai fait que de l’instruction, répondit Winston. Je peux vous poser une question ?

— Allez-y.

— J’ai entendu des instructeurs parler de vous. C’est vrai que vous étiez un agent des SSP ?

— C’est exact, répondit Christianus ne voyant pas de raison de mentir à ce sujet. Le Patron me fait confiance pour cette mission. Si cela vous pose un problème, je peux lui demander de m’adjoindre un autre agent.

— Non, cela ne me pose aucun problème. Je voulais être sûr de ne pas vous confondre avec quelqu’un d’autre.

— J’ai une question qui me vient à l’esprit, intervint Mahmoud. Votre nom me dit vaguement quelque chose.

— Un de mes ancêtres a écrit un livre qui reste une référence dans son domaine encore aujourd’hui, dit Winston. Je suis le descendant du célèbre magizoologiste Newt Scamander[2]. Mais je n’ai aucune connaissance particulière en animaux magiques mis à part ce que j’ai retenu de mes cours à Ilvermorny[3].

— Quelle est votre spécialité ? questionna Christianus.

— Action et infiltration.

— Bien, nous n’avons pas le temps de s’entrainer ensemble pour pouvoir apprendre à se connaître. Tout se fera sur le tas. Demain, nous nous rendons à Houston pour une mission d’espionnage. Nous serons appuyés par l’UA au cas où la mission changerait en cours de route et que nous soyons obligés d’intervenir. Nous allons attendre qu’Erius Sornas arrive pour continuer.

Le chef vampire de l’UA fit son entrée à l’heure prévue, accompagné de deux chefs de groupe. Christianus présenta la mission, les cibles, les enjeux.

— L’UA n’interviendra que sur mon ordre si c’est nécessaire pour contrer un projet d’action terroriste, fit Christianus.

— D’après vous, quelles en sont les probabilités ? questionna Erius.

— Connaissant Uriah Wister, très probables. Ce n’est pas quelqu’un qui reste indécis longtemps. Nous n’avons que quelques heures pour étudier le lieu de la rencontre. Au travail messieurs.

[1] United States Space Ship.

[2] Norbert Dragonneau en version française, le personnage principal des films « Les animaux fantastiques » et auteur du livre « Vie et habitat des animaux fantastiques ».

[3] Ecole américaine de sorcellerie.