Ariana Potter, Second Cycle : Dans la Lumière de la Guerre

Chapitre 62 : III L'échange

2801 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 06/02/2020 06:45

CHAPITRE III : L’ECHANGE

Depuis la fin du Secret Magique, la DE agissait sur plusieurs tableaux. D’un côté, elle s’occupait du renseignement tactique concernant la guerre, récoltant et recoupant les informations et donnant son avis sur les manœuvres futures des Dæmons à l’état-major.

De l’autre, elle surveillait les groupes extrémistes magiques ou non qui n’acceptaient pas la fusion des mondes.

Christianus Féndès dirigeait une équipe IS chargée de cette seconde partie. Il était un ancien agent des services secrets du Vatican, utilisé à son insu par l’Inquisition. Et maintenant, il pouvait être considéré comme leur plus fervent adversaire.

Christianus sortit de la salle d’interrogatoire. Il venait de passer des heures sans aucune interruption à questionner le cardinal Pantalini, un membre du Circus de l’Inquisition. Il n’avait montré aucun signe de faiblesse à l’intérieur. Mais une fois hors de vue de l’ecclésiastique, il souffla un bon coup en se laissant tomber sur un siège.

Son coéquipier Winston Scamander lui servit une collation qu’il fit apparaître d’un coup de baguette. Christianus le remercia en commençant par boire quelques gorgées d’eau.

— On en obtiendra pas plus, dit Christianus. Et notre délai est presque expiré. Prépare-le pour le remettre à Denler. On va tenir notre part du marché.

— Je m’en occupe, acquiesça Winston en sortant.

— Qu’est-ce que ça donne l’étude de sa messagerie ?

— On a de nouveaux contacts à surveiller, renseigna Mahmoud Youssoko. Les moins prudents, ceux qui font confiance au pare-feu du Vatican.

— Sans le marché qu’on a passé avec Denler, on n’aurait pas eu leurs mails. Mais tu as raison, les plus prudents, et donc, les plus dangereux n’y apparaissent pas. On a encore tout à faire. Pas de vacances pour le moment.

— De toute façon, ce n’est plus la saison.

Mahmoud jeta un œil derrière son chef et sourit.

— Tu as de la visite.

Christianus se retourna et découvrit le lumineux visage d’Irael. Il lui semblait qu’elle était encore plus belle que le matin même lorsqu’ils s’étaient quittés pour se rendre à leurs postes respectifs.

— Tu as fini ta journée ? demanda-t-elle.

— Désolé, pas encore et j’en ai pour un moment, répondit-il. On doit remettre le cardinal aux services du Vatican. Je ne sais pas à quelle heure ça va se terminer.

— J’imagine. Je peux t’attendre ici si tu veux.

— Tu devrais plutôt rentrer et dormir. Tes journées n’ont pas l’air de tout repos non plus. On se verra demain.

— Oui, mais je dors mieux avec toi… Euh… Enfin… balbutia-t-elle rougissante.

— Moi aussi, libéra Christianus. Mais le devoir avant tout. Surtout quand tant en dépend.

— Bon bah… Je vais y aller alors.

— Chef, Winston n’a pas encore fini avec Pantalini, intervint Mahmoud. Je pense qu’il en a pour encore un quart d’heure. Vous devriez aller vous prendre un petit café tous les deux. Je t’appelle quand on est prêt.

— Oui, pourquoi pas ? Tu veux un café ? questionna Christianus.

— Oui, répondit Irael en souriant.

Christianus posa sa main sur l’épaule de Mahmoud en guise de remerciement et quitta le bocal avec son ange.

Les deux amoureux n’atteignirent pas la cafeteria. Ils obliquèrent vers la chambre de l’agent et s’y enfermèrent. Le temps leur manquait pour faire autre chose que s’embrasser passionnément.

Finalement, l’appel fatidique de Mahmoud les tira de leur félicité. Ils marchèrent ensemble en direction de la zone de transit des portoloins. Dans la salle d’attente, ils repérèrent Winston et deux gardes qui encadraient un cardinal entravé toujours furibond.

Ils n’étaient pas les seuls en attente. Non loin d’eux se trouvaient Julia Chaldo, Joshua Ollivander et Mei-Lin Zhao.

— Si tu veux faire un dernier bisou à ta dulcinée, c’est le moment, dit Julia.

— Euh… Comme ça ? Ici ? fit Joshua.

— Bah oui, en quoi ça gênerai quelqu’un ? Tu crois qu’Irael va laisser Christianus partir sans l’embrasser pour lui dire au revoir ?

Joshua se tourna vers l’ancien agent pontifical.

— Tu pars aussi ?

— Juste pour quelques heures maximum, répondit Christianus. Pas pour plusieurs jours comme vous. On va rendre ce cardinal au Vatican.

— Ah ! Alors on le libère, souffla Julia.

— Vous auriez préféré me garder et me faire rencontrer votre maître Satan, n’est-ce pas ? Suppôt du diable ! Vous brûlerez dans…

— Silencio ! intervint Winston, le faisant taire.

— Merci Winston, dit Christianus.

— Tu veux qu’on transmette un message aux autres ? demanda Joshua.

— Saluez-les de ma part. Je les verrai quand ils reviendront.

— Dîtes à Ariana que je vais essayer d’apprendre à cuisiner pour l’accueillir comme il se doit chez elle quand elle rentrera, rit Irael. Mais pour le moment, vaut mieux pas qu’elle rentre, je ne suis pas au point !

— Vous les retrouvez où ? questionna Christianus.

— On ne sait pas encore exactement, répondit Julia. Le point de rendez-vous sera fixé au dernier moment. Ce sera en fonction de la présence ennemie. On va y aller ! Au revoir. Joshua, tu as deux minutes.

Joshua et Mei-Lin s’éloignèrent pour avoir un semblant d’intimité.

— C’est la deuxième fois que tu pars, dit-elle. Même si la première fois tu ne risquais rien normalement[1]. Alors là qu’il y a des risques avérés ! Tu sais quoi ? Je n’aime pas te voir partir.

— Je préfèrerai rester moi aussi, répondit Joshua. Mais Julia a besoin de mon assistance.

— Moi aussi j’ai besoin de toi. Je n’ai pas envie de faire un enfant toute seule. C’est plus plaisant quand tu es là !

— Mei… Mei-Lin ! rougit instantanément le jeune sorcier.

L’archiviste rit de sa réaction et l’embrassa avant de le pousser en direction de Julia qui l’attendait à quelques mètres.

— Vous vous disiez quoi pour que tu sois aussi rouge ? questionna l’aîné des Chaldo avec un large sourire moqueur.

— Euh… rien de spécial. Euh… On y va ?

Joshua passa la porte, suivi par Julia qui lança un clin d’œil complice à Mei-Lin.

— Je ne sais pas de quoi vous parliez, mais je te le ramènerai en un seul morceau, dit-elle. Je te le promets.

— Merci, sourit Mei-Lin. Et revenez tous les deux.

La porte se referma et ne s’ouvrit qu’une minute plus tard. L’agent en charge du transit signala à Christianus que c’était à eux. Mei-Lin retourna à ses occupations en le saluant d’un léger mouvement de tête. Irael embrassa rapidement Christianus avant de faire de même.

Winston poussa le cardinal dans la pièce non sans insistance car ce dernier n’était visiblement pas rassuré. Toujours aphone, il n’avait que ce mouvement de recul pour signifier qu’il ne souhaitait pas entrer dans cette pièce sans issue où deux personnes venaient de disparaître sans explication pour lui.

— On va partir de la même façon qu’on vous a amené ici, s’impatienta Winston. Ce n’est ni douloureux ni sorcier ! Enfin si, sorcier ça l’ait. Mais douloureux non.

— Bizarre peut-être, c’est comme ça que je qualifierai la sensation, intervint Christianus. Quand on n’est pas habitué, ça fait bizarre.

— Son premier voyage en portoloin ? demanda l’agent de transit en tendant la boite contenant la feuille de papier enchantée.

— Son second. Son dernier sûrement. Ou pas.

— Départ dans trente secondes.

La porte se referma. Christianus ouvrit la boite et se saisit du papier. Ils durent contraindre un peu le cardinal à tenir la feuille. Quelques secondes plus tard, ils étaient happés entre les dimensions.

Ils réapparurent dans un bosquet discret de la campagne italienne, à quelques mètres d’un portail en fer forgé ouvrant sur un parc avec en son centre la villa Maggiora. Ils sortirent des fourrés, immédiatement vus par deux gardes interloqués de les voir apparaître là. Ils devaient avoir des consignes car ils ne sortirent pas leurs armes que Christianus devinaient sous leurs vestes.

Pantalini ouvrait désespérément la bouche, sûrement pour invectiver ces hommes à le délivrer en tuant les agents de la DE. Mais il était toujours sous l’effet du sortilège de Winston et ressemblait plus à poisson hors de l’eau cherchant à aspirer de l’eau pour respirer.

— Nous venons voir Samus Denler, annonça Christianus. Dîtes-lui qu’on est là et qu’on l’attend.

Denler avait certainement espéré un instant que l’échange se ferait à l’intérieur de la villa où il pouvait plus aisément monter une embuscade pour régler son compte à Christianus. Mais il savait qu’un agent de son niveau ne tomberait pas dans ce genre de piège grossier.

Le chef des Services Secrets Pontificaux ne mit que quelques minutes pour arriver à la grille. Il vint seul mais Christianus savait que plusieurs agents se trouvaient embusqués aux alentours, invisibles.

Denler resta à une distance raisonnable et s’assura visuellement que le cardinal était en bonne santé apparente.

— Votre éminence, vous ont-ils torturés ?

Encore une fois, Pantalini tenta de parler. Et encore une fois, seul le silence sortit de sa bouche. Christianus intima l’ordre à Winston de dissiper le sortilège.

— Denler ! cria instantanément le cardinal. Tuez-les ! Au nom de dieu, tuez-les !

Mais Denler resta impassible. Christianus fut presque sûr de le voir soupirer de lassitude.

— Vous voyez, il est en bonne santé, dit Christianus. Nous vous le rendons.

Pantalini se précipita vers les hommes du Vatican.

— Bien, maintenant tuez-les ! ordonna-t-il une nouvelle fois.

— Accompagnez le cardinal à l’intérieur messieurs, fit Denler à l’attention des deux gardes.

— Mais Denler… commença Pantalini sans comprendre.

— Sa Sainteté souhaite vous voir, votre éminence. Il vous attend à l’intérieur.

— Le pape ! Mais que lui avez-vous dit ?

— Il est mon chef suprême, sur Terre du moins, je lui ai dit la vérité. On ne fait pas attendre sa Sainteté.

Le regard hagard, Pantalini suivit docilement les deux gardes. Denler se tourna vers les deux agents de la DE.

— Winston, tu peux me laisser seul avec lui quelques minutes s’il te plait ? dit Christianus.

Le jeune sorcier s’éloigna mais resta à vue. Christianus et Denler s’approchèrent l’un de l’autre. Ils se jaugèrent du regard quelques secondes.

— Et dire que j’avais de grandes espérances en vous, dit Denler. Et que ce sont nos ennemis qui vont profiter de vos capacités.

— Vous récoltez ce que vous avez semé, répliqua Christianus. Il ne fallait pas me mentir. Mais j’ose penser que si vous m’aviez dit la vérité, je serais parti bien plus tôt.

— Vous parlez de mes péchés. Et les vôtres ? Vous vous tournez vers ceux qui sont les ennemis de notre seigneur.

— Tout dépend du point de vu. Et le mien, au contraire du vôtre, c’est que je suis les enseignements de Dieu en respectant son message d’amour et de bonté entre les peuples.

— Je comprends votre opinion, même si je n’y souscris pas. Vu que vous êtes totalement intégré à la DE maintenant, j’ai un message de la part de sa Sainteté le pape pour monsieur Guillou. Sa Sainteté ne cautionne pas l’existence de la Magie et de ses Peuples. Il fera tout ce qui est en son pouvoir pour préserver les innocents de leur influence. Mais il se limitera à des actions philosophiques, religieuses et politiques. Il n’y aura pas d’action armée contre le monde de la Magie.

— Et concernant l’Inquisition ?

— L’Inquisition, en tant que telle, est dissoute. Son action sera maintenant symbolique et ne portera plus ce nom. Ses membres les plus… violents, seront mutés dans d’autres postes ou excommuniés s’ils refusent.

— Mis au placard en clair. Vous cachez la poussière sous le tapis mais je comprends, il faut sauver les apparences.

— De plus, j’ai reçu l’ordre de coopérer avec la DE concernant la mise hors d’état de nuire des groupes terroristes religieux qui souhaitent s’attaquer aux communautés magiques. Qui dois-je contacter dans ce but ? Vous ou Guillou ?

— Je vais transmettre votre message à monsieur Guillou et il décidera. Dans tous les cas, vous en serez informé prochainement. Avez-vous autre chose à dire monsieur Denler ?

— Non, et vous ?

— Savez-vous ce qu’il va advenir du cardinal Pantalini ?

— Vu son implication dans des projets terroristes, sa carrière va s’arrêter là.

Christianus prit congé de Denler et rejoignit Winston. Il posa une main sur son épaule et ils transplanèrent.

Aussitôt arrivé au quartier général, Christianus se rendit au bureau d’Hector Guillou qui le reçut immédiatement. L’agent lui fit son rapport sur la restitution du cardinal Pantalini et transmit le message du pape. Le Patron prit le temps de la réflexion avant de lui demander :

— Qu’en pensez-vous ?

— Samus Denler peut mentir pour les intérêts du Vatican, mais jamais il ne le ferait en utilisant la personne du pape comme caution, répondit Christianus. Je pense ce message authentique. Le pape veut continuer à combattre la sorcellerie mais ne veut pas risquer d’entacher l’Eglise. Les siècles d’existence et d’action de l’Inquisition sont déjà une menace bien trop grande qu’il va s’évertuer à dissimuler. Il sait qu’il a le couperet sur la gorge, et il va tout faire pour éviter qu’il ne lui tranche la tête.

— Oui, vous avez raison. Et concernant Pantalini ? Qu’entendait-il sur sa carrière qui va s’arrêter ?

— L’excommunication. Avec la menace que s’il révèle la moindre bribe d’information, il disparaisse purement et simplement. Mais ce n’est qu’une hypothèse.

— La plus réaliste, j’en conviens. Concernant les relations avec les SSP, je sais que vous avez beaucoup de travail avec les groupes terroristes et qu’être en liaison avec Denler ne sera pas plaisant pour vous. Néanmoins, au vu de votre connaissance des SSP, je souhaiterai…

— J’accepte monsieur. C’est ce qu’il y a de mieux à faire vu que je suis déjà en charge de cette affaire.

— Serait-ce une forme de revanche contre Denler ?

— Peut-être oui. Mais je vous jure que ça n’obscurcira pas mon jugement. L’important c’est de protéger les populations de ce danger.

— Parfait. Je ne vous retiens pas plus longtemps. Bonne soirée monsieur Féndès.

Christianus passa par le bocal. Ses deux coéquipiers ne parlaient pas. Mahmoud se frottait les yeux d’un air las et Winston les avait fermés et vacillait légèrement sur sa chaise. Lui-même se sentait très fatigué, la journée avait été longue et ils n’avaient pas pris de pause.

— Ça ira pour aujourd’hui, annonça-t-il. Rentrez chez vous les gars. On se voit demain.

— À demain.

Christianus se dirigea vers sa chambre. Il marchait au radar, n’allumant même pas la lumière. Il se déshabilla et voulut s’allonger dans son lit. Mais quelqu’un y était déjà. Ses réflexes reprirent le dessus et il bondit en arrière.

Lorsque la lumière emplit la pièce, il découvrit qui l’attendait sous sa couverture. Le visage souriant mais endormi d’Irael le calma aussitôt.

— Irael ?

— Désolé, je ne voulais pas te faire peur. Je voulais juste t’attendre.

— Comment es-tu entrée ?

— J’ai mes talents également. Tu ne voulais pas que je vienne ?

— C’est surtout que je ne m’y attendais pas. Mais c’est une charmante surprise.

— Je n’ai plus envie de dormir sans toi.

Christianus sourit et vint se glisser sous la couverture, se blottissant contre l’ange. Il s’endormit presque aussitôt, humant le doux parfum de ses cheveux.



[1] Voir « Ariana Potter et le Serment des Eldars ».


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