Ariana Potter, Second Cycle : Dans la Lumière de la Guerre
Chapitre 63 : IV Maintenance et Théorie
3043 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 12/02/2020 22:11
CHAPITRE IV : MAINTENANCE ET THEORIE
Julia et Joshua avaient profité qu’une frégate européenne parte en patrouille dans les abords du système Terre-Lune. En plus de sa mission première, le vaisseau devait les transborder à bord de l’Ankou.
Bien sûr, personne à bord ne connaissait l’existence de la DE ou du vaisseau pirate et les théories allaient bon train dans le sillage des deux membres du département scientifique.
— Ils sont sûrement du SRE[1], dit un membre d’équipage à d’autres au moment du repas au réfectoire.
— Ouais, c’est possible, acquiesça un autre. Mais d’habitude, au bout d’un moment les barbouzes du SRE, ils se trahissent un peu. Là, rien. Peut-être un autre service.
— Lequel ?
— Si je le savais, je te le dirai.
— Et si… commença un troisième.
— Quoi ?
— Eh bien, et si ce sont des sorciers ? Ils seraient d’un de ces ministères de la Magie.
— On a vu aucun d’eux faire de la magie et je n’ai pas vu de baguette. Mais bon, c’est vrai qu’ils n’en ont pas eu besoin depuis qu’on est parti. Je me demande aussi pourquoi ils sont là. On est en guerre, certes, mais on fait juste une patrouille dans une zone où l’ennemi n’est pas censé être pour le moment.
— J’ai entendu dire qu’ils ne resteraient pas avec nous, on doit les déposer quelque part.
— Et où ça ? Sur un astéroïde ! Il n’y a rien à des centaines de milliers de kilomètres à la ronde.
— Un autre vaisseau peut-être.
— C’est ce qu’il y a de plus probable, c’est vrai. Si on les dépose. Moi ça ne me dérangerai pas qu’ils restent, surtout la femme !
— C’est vrai qu’elle est particulièrement…
— Chut, ils arrivent, coupa le premier.
Ayant fini leur repas, Joshua et Julia sortirent, laissant l’équipage à ses spéculations. Les discussions reprirent dès qu’ils furent sortis, ce fait n’échappa pas à Julia qui esquissa un sourire en coin.
— Qu’est-ce qui te fais sourire ? questionna Joshua.
— A chaque fois qu’on se retrouve avec des militaires, ils vont de leurs petites théories pour deviner qui nous sommes. Je trouve ça marrant. Et en plus, là, ils rajoutent les sorciers dans leurs théories.
— Donc ils se demandent si nous appartenons à un service d’espionnage et si nous sommes sorciers. Ils ne sont pas loin au final. Ce n’est pas dérangeant ?
— Tant qu’on ne confirme rien, ils peuvent bien spéculer. Après, ce sera sur l’appartenance de l’Ankou qu’ils débattront.
L’équipage put élaborer d’autres théories durant les deux jours suivants où rien ne se passa. Puis le commandant appela sur la passerelle les deux agents de la DE. L’Ankou était en approche et un point de rendez-vous avait été décidé. Ils avaient quelques heures pour préparer leurs affaires, ce qui fut fait en deux coups de baguette.
— L’équipage au poste de combat ! annonça le commandant par les haut-parleurs. L’équipage au poste de combat ! Vaisseau allié à proximité, formation d’une bulle de protection tout cadran sauf bâbord. Equipes médicales au pont d’embarquement.
Les hommes et femmes de la frégate se précipitèrent dans les coursives, se rendant là où était leur place. L’ordre était claire : il fallait assurer la sûreté de cette rencontre spatiale en surveillant à l’opposé du vaisseau allié qui ferait de même de son côté. C’était une manœuvre courante dans les forces spatiales, reprise des tactiques navales. En théorie, les militaires de la frégate devaient se concentrer uniquement sur leur secteur de surveillance. Mais bien sûr, ils jetaient toujours un coup d’œil sur le vaisseau qu’ils rencontraient. Surtout quand, comme dans ce cas, la rencontre n’avait pas été annoncée avant.
Et pour le coup, les membres d’équipage n’en crurent pas leurs yeux. Aucun ne put identifier ce vaisseau sans pavillon. Sa silhouette rappelant vaguement les navires de guerre des vingtième et vingt-et-unième siècles ne portait la marque d’aucun constructeur connu.
Ils se demandaient aussi pourquoi cette rencontre secrète. Forcément, le lien fut vite fait avec les deux inconnus présents à bord. Surtout que ces deux derniers se trouvaient en attente au pont d’embarquement.
Deux navettes quittèrent l’Ankou pour venir se présenter devant l’entrée du sas de la frégate. Quelques instants plus tard, elles s’immobilisaient.
Les navettes jetèrent encore plus le trouble chez l’équipage, c’était des engins américains utilisés pour le transport de vaisseau à vaisseau et les abordages. Cela voulait-il dire que cet étrange appareil était américain ? Certains doutaient que la réponse soit si simple.
Plusieurs personnes descendirent, ils arboraient l’uniforme des forces spatiales américaines. Certains étaient blessés et furent pris en charge par les équipes médicales de la frégate. Celui qui devait être le médecin de l’étrange vaisseau vit à la rencontre du médecin-chef de la frégate pour lui passer les consignes. Derrière eux, plusieurs housses mortuaires furent déchargées et rapidement emportées.
— Il est temps pour vous de rentrer au pays commandant Vaindieu, dit un homme à qui il manquait visiblement le bras gauche à une femme allongée sur un brancard.
— Vous devriez rentrer aussi agent Chaldo, répliqua-t-elle. Vous avez perdu un bras mais j’ai l’impression que cela ne vous gêne pas le moins du monde. J’ai beaucoup de questions, et je sais qu’elles resteront sans réponse.
— Je suis désolé. Vous mériteriez de savoir, mais…
— Je n’en ai pas besoin. Je suis militaire depuis assez longtemps pour être familiarisée avec le concept du besoin d’en connaître. Je sais que vous allez continuer le combat. Faîtes-leur payer.
— Je vous le promets commandant.
L’officier fut emmené. Julia et Joshua s’approchèrent de Tony.
— Comment ça va ? demanda Julia.
— Tu poses la question d’un point de vue moral ou technique ? sourit Tony.
— Sois pas idiot, soupira-t-elle.
— Ça peut aller. On a perdu une bataille mais pas la guerre. On a encore quelques atouts à jouer. Et d’un point de vue technique, à part un bras en moins, je me sens bien.
— Ça, c’est à nous d’en juger. Aussitôt à bord de l’Ankou, on t’examine.
— Du calme sœurette ! On n’est pas aux pièces ! Ou en pièces… Ouais… Non, oubliez celle-là. Interdiction de la répéter à Alex. Venez, tout le monde vous attend.
Les navettes repartirent vers l’Ankou. Le vaisseau pirate fit lentement demi-tour pour mettre le cap sur Mars et laisser l’équipage de la frégate européenne à ses interrogations et ses théories.
À bord du vaisseau noir, Julia et Joshua retrouvèrent avec plaisir leurs amis. Ils échangèrent des banalités et des nouvelles. L’ainée des Chaldo regardait constamment autour d’elle, cherchant visiblement quelqu’un. N’y tenant plus, elle posa la question :
— Où est-il ?
— Tu parles d’Alex ? fit Ariana. Il ne doit pas être loin. Il discutait avec Rozenn, le capitaine de l’Ankou. Ils doivent être sur le chemin.
— Il n’est même pas là pour nous accueillir ! Après s’être fait passé pour mort durant des mois ! Il abuse !
— Voyons Julia, tu sais bien que si je l’ai fait, c’est que j’avais une bonne raison, lança Alex en entrant suivit de Rozenn.
Julia s’approcha de son frère et le regarda durant de longues secondes. Ariana crut qu’elle allait le gifler, comme elle l’avait fait au moment de le retrouver. Mais au lieu de ça, elle l’étreignit.
— Tu ne me refais plus jamais ça ! s’exclama-t-elle. Sinon, je te tue moi-même.
— Au moins là, je serais sûr d’être mort, sourit Alex. Je te présente Rozenn Morbrez, le capitaine de l’Ankou.
— Bienvenue à bord à tous les deux, dit-elle. Alex m’a beaucoup parlée de vous Julia. Et vous êtes Joshua Ollivander, n’est-ce pas ?
— Oui, répondit Joshua qui regardait tout autour de lui. J’aurais beaucoup de questions sur ce vaisseau.
— On aimerait discuter de beaucoup de choses, mais dans un premier temps, je pense qu’on devrait s’occuper de Tony, intervint Julia.
— Mon médecin vous a fait de la place à l’infirmerie, désigna Rozenn.
Fabrice N’Gol, le médecin du bord, se proposa de guider Julia et Joshua jusqu’à l’infirmerie. Tony les suivit sans chercher à se dérober.
— Je vous ai réservés un coin, dit Fabrice N’Gol après avoir présenté sa femme. Si vous avez besoin d’assistance, n’hésitez pas à demander.
Tony s’allongea sur la couchette et se laissa faire. Joshua ouvrit sa mallette. Une colonne en sortit, formant un ordinateur holographique. Un câble se raccorda tout seul à une prise discrète derrière l’oreille gauche de Tony. L’hologramme forma une silhouette humaine avec plusieurs boites de dialogue donnant des informations.
— Quelques dégâts mineurs un peu partout, dit Joshua. Le plus gros problème c’est le bras amputé. Ça devrait être assez rapide.
— Je vois que les derniers jours n’ont pas été de tout repos, fit Julia.
— Tu croyais qu’on partait pour une croisière dans les anneaux de Saturne ? plaisanta Tony.
— Aucun autre souci sur le bras amputé, on va commencer par ça. Tu pourras faire le calibrage pendant qu’on s’occupe des autres réparations comme ça.
— C’est toi la mécano.
Joshua ouvrit la seconde mallette, celle-ci se déploya pour présenter un établi entier avec une quantité incroyable d’outils. D’un tiroir, le jeune sorcier sortit une housse contenant le bras de rechange.
Ils passèrent une heure à retirer les parties mortes sur le moignon avant de fixer proprement le nouveau bras. Julia devant l’ordinateur portable holographique donnait des indications à Joshua pour la connexion des nerfs artificiels.
— Bien, on ne peut rien faire de plus de l’extérieur, décréta-t-elle. Maintenant, c’est à toi de calibrer.
— C’est parti, valida Tony.
Le traitement du reste des dégâts prit deux heures de travail. Mais ayant besoin de moins de concentration, ils purent discuter tranquillement.
— Comment se sont passé les retrouvailles entre Alex et Ariana ? questionna Julia.
— Elle a commencé par le gifler, raconta Tony faisant rire Joshua. Et maintenant, ils passent tous leur temps ensemble. Y compris les nuits.
— Oh ! Il était temps ! Comme quoi, sa « mort » a servi à quelque chose !
— Tant mieux pour eux, dit Joshua. Ariana avait perdu de sa joie de vivre depuis qu’elle avait perdu Alex et qu’elle s’était rendu-compte de ses sentiments pour lui.
— Et sur Terre ? Comment ça se passe ? interrogea à son tour Tony.
— L’équipe de Christianus a permis d’arrêter un groupe suprématiste qui voulait commettre des attentats.
— Christianus a une équipe ! Bien, il faut se servir de ses capacités.
— Il vous salue tous au passage, ajouta Joshua.
Une fois les réparations effectuées, ils purent rejoindre les autres.
Joshua ne cessait de s’intéresser à l’infrastructure de l’Ankou, s’arrêtant à plusieurs reprises sur le chemin. Il avait une étrange impression de familiarité à bord de ce vaisseau. Il était pourtant sûr de ne jamais être monté à son bord.
Alors que tout le monde discutait de choses et d’autres, il rêvassait, n’écoutant aucunement. Il n’entendit pas Ariana l’appeler.
— Joshua ! répéta-t-elle plus fort.
— Hein ! Quoi ? Qu’est-ce qui se passe ? fit-il.
— Tu étais passé où ?
— Désolé, j’ai de drôles de sensations depuis que je suis à bord. Mais bon, c’est sûrement parce que c’est mon premier voyage spatial.
Joshua ne remarqua pas les œillades que se lancèrent Ariana, Tony, Alex et Rozenn. Mais ce fait n’échappa pas à Julia qui décida qu’elle aurait tout le temps plus tard de poser la question.
— Je te demandais des nouvelles de Sarah et Mei-Lin, dit Ariana.
— Sarah va bien, répondit Joshua. Tu lui manques mais l’école l’occupait bien. Mei-Lin a dû l’emmener chez tes parents pour les vacances maintenant.
— J’espère que je serais là pour ses prochaines vacances, soupira Ariana. Et Mei-Lin ?
— Elle va bien.
— Très bien je dirais même ! ajouta Julia. Tu verrais comment elle lui a dit au revoir quand on est parti, il était rouge comme une tomate ! Je me demande bien ce qu’elle t’a dit.
— Euh… Mais rien de spécial voyons ! se défendit le jeune homme, rougissant de plus belle.
— Ah oui ! reprit Ariana malicieuse. Tu es sûr ? Elle t’a dit quoi ? Elle t’a promis une nuit romantique quand tu rentres ?
— Mais non ! Pas plus que d’habitude.
— Que d’habitude ? Ça arrive si souvent que ça ?
— Non ! C’est juste qu’en ce moment on essaye de…
— De quoi ? Vous essayez quoi ?
— Arrête Ariana ! tenta Joshua connaissant bien son amie quand elle avait ce regard inquisiteur et malicieux.
— Ne me dis pas que vous essayez d’avoir un enfant !
— Euh…
— C’est ça, fit Ariana plus calme. Eh bien ! Vous ne perdez pas votre temps !
— Mei-Lin pense que je pourrais faire un bon père, avoua Joshua vaincu.
— Je pense qu’elle a raison, intervint Julia.
— Oui, et si elle le veut, c’est qu’elle se sent prête et bien avec toi, ajouta Ariana. J’espère que tu penseras à moi pour être la marraine.
— Attend, on en est encore loin, conclut Joshua.
Les Chaldo laissèrent Ariana et Joshua continuer à discuter. Ils suivirent Rozenn jusqu’à la passerelle, Julia avait prétexté vouloir la voir. Elle n’alla pas par quatre chemins et demanda à ses frères et la capitaine dès qu’ils furent assez loin :
— C’était quoi vos coups d’œil quand Joshua a parlé de ses sensations à bord tout à l’heure ?
— Je vois que tous les Chaldo que je rencontre sont des espions confirmés ! s’exclama Rozenn.
— Déformation familiale, fit Alex. Tu lui expliques ?
— L’Ankou a commencé son voyage il y a plus de mille trois cents ans, sur les océans terriens. Avant de devenir capitaine, les Morbrez passent tous par une pièce où on apprend les subtilités de ce vaisseau. Cette instruction nous est délivrée par l’hologramme du créateur de l’Ankou : un certain Joshua Ollivander.
— Quoi ! Attend, ça voudrait dire que Joshua va voyager dans le temps et revenir plus d’un millénaire en arrière !
— Du moins, qu’un Joshua Ollivander de notre époque a dû le faire, précisa Alex. Quelque chose l’y a poussé. Ce n’est pas sûr qu’il doive le faire dans notre… réalité temporelle.
— Oui, d’après l’hologramme, ce Joshua n’a pas besoin de faire le voyage, reprit Rozenn. L’Ankou existe, il a été créé. L’hologramme parle de simultanéité du temps.
— Mais ce n’est qu’une théorie ! s’écria Julia.
— Julia, c’est toi la scientifique parmi nous, rappela Tony. Explique-nous.
— Il me faudrait des mois ! Ce qu’il faut retenir c’est que si on en croit la théorie de la simultanéité temporelle, le Joshua qui a créé l’Ankou a quitté une réalité temporelle A. Et en créant ce vaisseau, il a généré une réalité temporelle B dans laquelle nous nous trouvons sans avoir conscience de l’existence de la A. Comme l’a dit Rozenn : l’Ankou a été créé et existe, et notre Joshua n’aura pas à remonter le temps pour que ce fait demeure. Par contre, je me demande si la réalité temporelle A existe toujours ou si elle s’est évaporée ? C’est une autre partie de la théorie qui n’est pas prouvé par ce cas.
— Et pourquoi Joshua a des sensations étranges ? demanda Alex.
— Je ne peux que spéculer. Peut-être que son lien à ce vaisseau du fait qu’il l’a créé, d’une certaine manière, le lie à des souvenirs de la réalité temporelle A. Une sorte d’intrication quantique, ce qui prouverait que notre mémoire est elle aussi quantique. Mais ce n’est qu’une théorie. Je me demande aussi comment le Joshua A a réussi à voyager dans le temps.
— L’hologramme parle assez longuement de la magie eldare, dit Rozenn.
— Je n’y connais pas grand-chose.
— Et le meilleur spécialiste des Eldars que tu connaisses c’est… commença Tony.
— Joshua, finit-elle. Ça se tient. Mais pourquoi faire ce voyage ?
— À cause de la guerre contre les Dæmons qui a mal tourné, apprit le capitaine.
— Je vois. Alors à nous de faire en sorte qu’il n’ait pas à faire un tel voyage dans notre réalité.
— Sinon ça ferait quoi ? questionna Alex. Il créerait une réalité C ou il rencontrerait le Joshua de la réalité A dans le passé ?
— Oh arrête ! Je commence à avoir mal au crâne moi-même ! supplia Julia.
[1] Service de Renseignement Européen.