Ariana Potter, Second Cycle : Dans la Lumière de la Guerre
CHAPITRE V : JARIEL
Christianus et Denler décidèrent très vite qu’il ne valait mieux pas que l’ancien agent des SSP se rende à Rome. Les raisons en étaient évidentes, la défection de Christianus avait été camouflée en licenciement à la suite d’une faute grave. Seuls quelques agents savaient qu’il avait été arrêté et avait réussi à s’échapper. Et encore moins savait pour son intégration à la DE.
La première réunion qu’ils organisèrent pour organiser la lutte contre les groupes intégristes terroristes se fit donc à Genève, au quartier général de la DE. C’était la première fois qu’un chef des SSP y était reçu. Ce fut Christianus qui alla l’accueillir à l’entrée.
— Bienvenue à la DE monsieur Denler, dit-il.
— Je pensais que monsieur Guillou m’accueillerait lui-même, répliqua-t-il.
— Il est très occupé avec la situation actuelle. Il vous recevra quelques minutes seulement.
Denler subit un contrôle pour vérifier qu’il ne portait ni arme ni système d’espionnage. Il accepta sans broncher le passage dans le scanner mais eut un mouvement de recul en voyant un sorcier s’avancer vers lui baguette à la main pour un second contrôle. Malgré tout, il s’y plia.
Christianus le guida à travers les couloirs par un itinéraire qui, s’il n’était pas le plus court, interdisait à Denler de voir certaines choses que la DE tenait à garder secrètes. Ils n’eurent cependant pas d’autre choix que de passer devant la porte blindée donnant sur le bocal. Denler s’y arrêta un instant.
— C’est par ici monsieur Denler, insista Christianus.
— C’est votre centre opérations, n’est-ce pas ? demanda-t-il.
— Vous vous doutez bien que je ne peux ni confirmer ni infirmer cette information.
Ils entrèrent dans l’antichambre du bureau d’Hector Guillou, occupée par son secrétaire. Celui-ci les annonça par l’interphone et leur demanda de patienter. Quand finalement ils purent entrer, Denler trouva le Patron de la DE derrière son bureau. Ce dernier se leva et fit le tour pour venir serrer la main de son ancien adversaire.
— Monsieur Denler, j’espère que vous avez fait un agréable voyage, accueillit-il.
— Je dois avouer que jamais je n’aurais imaginé pénétrer un jour dans le quartier général de la DE, dit Denler.
— Tout comme moi je n’aurais jamais cru qu’un agent des SSP y entrerait, et encore moins leur directeur. Toutes vos tentatives se sont soldées par des échecs. Mais la situation a changé. Nous ne sommes plus des ennemis, même si nous ne sommes pas non plus des alliés.
— Je ne fais qu’obéir aux ordres que me donne sa Sainteté.
— Tout comme moi je reçois des ordres du Secrétaire Général. Je préfère que vous obéissiez au Pape plutôt qu’à l’Inquisition. Enfin bref, vous comprendrez que la situation actuelle ne me permet pas d’être votre interlocuteur direct pour le moment. J’ai logiquement missionné l’agent Féndès pour cela.
— Vous faites confiance à un ancien des SSP ! J’ai été surpris de l’apprendre. Pour quelqu’un de votre réputation, je pensais que vous seriez plus méfiant.
— L’agent Féndès a prouvé sa loyauté à notre cause. Quelqu’un qui cherche à protéger les innocents qu’ils soient Moldus ou Sorciers aura toujours mon appui. Cela étant dit, je ne peux vous recevoir plus longtemps.
— Avant de partir, j’aimerai savoir si vous avez une taupe au sein de mes services. Je pense que cela nous permettra de partir sur de bonnes bases pour nos futures relations.
Christianus pensa immédiatement à Mika Heinsler, un agent double placé dans les SSP par la DE depuis des années. S’il était découvert, il risquerait sa vie. Il se doutait de la réponse du Patron.
— Nous avons tenté plusieurs fois de vous infiltrer, toujours sans succès, mentit-il sans sourciller. Au revoir monsieur Denler.
Ainsi congédiés, Denler et Féndès quittèrent le bureau du Patron. Ils se rendirent dans une petite salle de réunion où les y attendaient Winston et Mahmoud. Christianus fit les présentations et ils voulurent se mettre au travail. Mais Denler voulait encore fouiller du côté d’un éventuel agent double infiltré chez lui.
— Je me doute que s’il y avait vraiment une taupe, votre chef m’aurait fait la même réponse, dit-il. M’a-t-il dit la vérité ?
— Je n’ai pas le niveau d’accréditation requis pour avoir ce genre d’information, répondit Christianus. Je l’ignore totalement.
— Oui, c’est logique, ce genre d’info n’est généralement connu que d’une poignée d’élus. Et puis, même s’il dit vous faire confiance, vous étiez un agent des SSP il y a peu encore. Beaucoup doit vous être caché.
— En effet.
Si Denler pensait le désorienter avec ce genre de parole, il eut tort. Christianus ne lâcha aucune information compromettante. Il se souvenait des paroles du Patron quelques minutes plus tôt : ils n’étaient plus ennemis, mais ils n’étaient pas alliés malgré tout.
— Si nous commencions, annonça Christianus. Avez-vous des informations concernant des groupes intégristes chrétiens qui souhaiteraient passer à l’action ?
— Vous ne voulez que ceux qui ont comme projet de s’attaquer à la communauté magique ?
— Vous avez entendu monsieur Guillou. Nous protégeons tous les innocents qu’ils soient Moldus ou Sorciers. La DE ne fait pas de différence.
— Bien.
Christianus n’était pas dupe, il savait que Denler n’y croyait pas encore et qu’il attendait la moindre preuve qui lui permettrait de prouver au Pape que la DE était manipulée par les Sorciers. Après tout, il n’y a pas si longtemps, il était lui-même proche du Circus de l’Inquisition, on pouvait même le considérer comme un de ces membres honoraires. Son poste lui avait sauvé la mise car le Pape n’aurait pas pu le remplacer efficacement dans ce temps de crise.
Denler donna tous les éléments qui étaient à sa connaissance sur les groupes intégristes chrétiens. L’Église les surveillait depuis longtemps déjà. La plupart ne faisait que des actions de propagande à l’échelle locale. Le peu d’écho qu’ils recevaient n’était pas très gênant pour la Curie Romaine jusqu’ici. Il suffisait de les ignorer ou de dénoncer leurs discours.
L’émergence au grand jour du Monde Magique avait changé la donne et incité ces groupes à durcir leur mouvement. Si pour beaucoup cela s’arrêtait à des manifestations ou des campagnes anti-sorcières agressives, cela en restait aux paroles et c’étaient aux tribunaux des différents pays de se charger d’eux.
Par contre, certains allaient vraisemblablement prendre les armes. Et c’est là que la DE et les autres services de renseignement intervenaient.
— J’ai aussi quelques infos concernant des groupes non-chrétiens, annonça Denler.
— Quelle branche ? demanda Christianus.
— Des islamistes, des hébraïques, d’autres sectes,…Et des athées. Les chrétiens extrémistes ne sont pas les seuls ennemis de la Magie.
— Pour les groupes religieux je comprends, mais les athées ? fit Winston.
— Ces athées extrémistes considèrent que votre Magie est inexistante, que c’est une escroquerie à grande échelle et que votre but est de contrôler le monde en vous faisant passer pour un ersatz de dieu. Ils entendent le prouver. Et certains n’hésiteront pas à user de violence s’ils n’y arrivent pas.
— Comme quoi, quel que soit l’extrémisme, ils se rejoignent tous au final ! fit Mahmoud. Athées et religieux ne sont pas différents quand ils se laissent aller à l’intégrisme. Ils devraient fonder un club !
— Vous ne croyez pas si bien dire, reprit Denler. On a remarqué des rapprochements entre groupes de différentes confessions. Certains vont même jusqu’à accepter de parlementer avec les athées malgré la révulsion que l’athéisme leur provoque.
Christianus se rendait compte un peu plus de l’envergure du problème. L’un des fondements de tout intégrisme religieux était le refus de l’athéisme. Les islamistes, par exemple, haïssaient plus les athées que les chrétiens. Ne pas croire en une autorité divine étant un pire crime que de croire en un autre pour eux.
L’existence du Monde de la Magie et le combat qu’ils engageaient contre lui parvenait à les fédérer malgré cette divergence fondamentale. Il était dommage qu’un tel rapprochement confessionnel se fasse au détriment d’innocent et par le biais de la haine.
Après encore une heure de discussion et de réflexion, ils conclurent qu’un groupe en particulier devait faire l’objet de plus profondes investigations qui mèneraient probablement à une intervention. C’était une mouvance fondamentaliste chrétienne sédévacantiste agissant dans les pays traditionnellement catholiques des Etats-Unis d’Europe : l’Italie, l’Espagne, le Portugal, la Belgique, le Luxembourg et la France. Jusqu’ici, elle se contentait d’action politique et symbolique. Mais les SSP avaient remarqué des mouvements de fonds suspects. En enquêtant dessus, ils découvrirent que ce groupe avait acquis de l’armement de guerre.
— Alter Civitas prépare sûrement quelque chose, dit Denler. J’ai un agent infiltré dans leurs rangs. Il ignore leurs plans pour le moment.
— Nous allons voir ce que nous pouvons trouver de notre côté aussi, assura Christianus. Et nous vous transmettrons nos découvertes.
— Bien, je dois y aller maintenant, conclut-il en regardant sa montre. J’attends justement un rapport de mon agent.
— Je vous raccompagne.
Christianus s’assura que Samus Denler repartit sans faire de détour dans le quartier général. Ils n’échangèrent que des salutations polies.
En retournant vers le bocal, il croisa Irael qui attendait dans un couloir, apparemment nerveuse.
— Qu’est-ce qui t’arrive ? demanda-t-il.
— Le seigneur Abbadona arrive, répondit-elle.
— Et pourquoi ça te stresse autant ? Je croyais qu’il t’aimait bien.
— Oui, mais mon frère est avec lui.
— Je vois, tu ne lui as pas encore parlé de nous.
— Je ne sais pas vraiment comment il le prendrait. Mal j’imagine.
— Calme-toi, il ne le saura que quand tu auras décidé de lui en faire part. Et tu décideras de le faire quand tu jugeras que ce sera le moment. Je dois y aller, j’ai encore du travail.
— À plus tard alors.
Christianus allait partir mais sentant sa petite amie encore nerveuse, il s’approcha et l’embrassa tendrement pour tenter de la détendre. Elle se laissa aller à la douceur de l’instant.
— Irael ! s’exclama une voix incrédule.
Irael tourna la tête blême. A quelques mètres se trouvaient le seigneur Abbadona et devant lui, son frère Jariel. Ce dernier oscillait entre l’incrédulité et la fureur. Une lance se matérialisa dans sa main.
— Jariel non ! s’écria Irael en s’interposant en matérialisant un trident.
Mais avant qu’il ne puisse esquisser le moindre geste, un champ d’énergie dorée l’enserra, l’empêchant de bouger. Jariel tourna difficilement la tête vers Abbadona.
— Seigneur… balbutia-t-il.
— Je t’ordonne de lâcher ton arme Jariel, dit d’une voix dure le Premier.
Le jeune ange n’obtempéra pas. Derrière Abbadona arriva Satan qui riait en discutant avec Erius Sornas. Leurs visages passèrent de l’amusement à l’incompréhension en remarquant la scène qui se jouait sous leurs yeux. Satan s’approcha.
— Abbadona, commença-t-il.
— Lâche ton arme Jariel, répéta Abbadona sans faiblesse. Dernier avertissement.
Jariel consentit enfin à laisser choir sa lance sur le sol. Satan la fit disparaître d’un geste. Abbadona relâcha son étreinte et Jariel se laissa tomber à genoux, reprenant son souffle en fusillant du regard Christianus.
— Qu’est-ce qui s’est passé ? questionna Satan.
Abbadona expliqua la situation à Satan. Ce dernier écouta avec attention puis s’approcha de Jariel.
— Présente tes excuses à ta sœur et à cet homme, ordonna-t-il. Christianus Féndès, n’est-ce pas ?
— Oui, confirma Christianus. Et vous êtes le seigneur Satan, Irael m’a parlé de vous.
— Jariel, je t’ai donné un ordre.
Jariel semblait avoir avalé quelque chose de particulièrement aigre. Il leva les yeux vers le couple.
— Veuillez me pardonner, finit-il par dire.
— Si tu essayes de nouveau de t’en prendre à monsieur Féndès, je te jure que tu le regretteras amèrement. Va, nous n’aurons pas besoin de toi aujourd’hui. Hors de ma vue.
Jariel baissa la tête en signe de soumission et se retira. Satan eut un sourire désolé à l’adresse d’Irael. Celle-ci n’était visiblement pas à l’aise.
— Je suis désolé pour le comportement de mon frère seigneurs, dit-elle.
— Tu n’as pas à l’être, tu n’es pas responsable, rassura Abbadona. Monsieur Féndès, heureux de vous rencontrer.
Abbadona tendit la main vers Christianus qui n’hésita pas à la serrer en l’assurant que la joie était partagée.
— J’aimerai beaucoup apprendre à connaître celui qui a séduit notre chère Irael. Mais pour le moment, nous avons rendez-vous avec monsieur Guillou qui doit nous attendre.
— Effectivement seigneur, dit Irael en se reprenant.
— Alors ne le faisons pas attendre, ajouta Satan. À plus tard Erius.
Les trois anges s’éloignèrent laissant Christianus et Erius dans le couloir.
— Eh bien ! C’était tendu, dit Erius.
— Irael m’avait déjà dit que son frère haïssait les Humains. Je ne pensais pas que notre relation le pousserait à ça.
— Il ne hait pas que les Humains. J’ai remarqué les regards assassins qu’il me lance. Il y aura toujours des gens pour en haïr d’autres pour leur nature.
Le soir, quand ils se retrouvèrent seuls, Irael semblait perdue dans ses pensées. Christianus devina à qui elle pensait.
— Tu penses à ton frère, dit-il.
— Oui, acquiesça-t-elle. Je ne pensais pas que sa haine des Humains allait jusque-là. J’ai espéré qu’il change avec le temps, au contact des autres ici. Mais j’ai l’impression que c’est le contraire qui se produit.
— Peut-être lui faut-il plus de temps ?
— Tu es bien indulgent avec quelqu’un qui voulait te tuer.
— C’est tout de même ton frère.
— Oui, c’est vrai. Je ne sais pas s’il me considère encore comme sa sœur maintenant. Il ne me parlera peut-être plus jamais.
— Ce n’est pas ta faute. S’il le fait, ce sera son choix. Et ce sera un mauvais choix.
Irael ne souhaitait plus parler. Elle se blottit dans les bras de son compagnon, appréciant sa chaleur réconfortante, oubliant sa colère.
Le lendemain, alors qu’ils prenaient un petit-déjeuner à la cafétéria du quartier général, Irael eut la surprise de voir son frère arriver. Elle se leva, prête à défendre son amoureux.
— Je ne viens pas pour me battre, dit Jariel en levant les mains en signe de paix avant que sa sœur ne fasse apparaître son trident. Je suis venu te parler.
— Ton comportement d’hier n’était pas celui de quelqu’un voulant parler, dit-elle. Tu as voulu tuer l’homme que j’aime.
— Je ne l’aurai pas tué. Enfin… Je ne sais pas ce que j’aurai fait en vérité. Mais il faut qu’on parle je pense.
— Irael, je pense que vous devriez discuter posément, intervint Christianus. C’est à toi de décider.
Irael regarda son frère sans diminuer l’intensité de son regard. Elle soupira profondément pour s’imposer le calme.
— Tu restes avec moi ? demanda-t-elle.
— Je pense qu’il vaut mieux que je vous laisse entre frère et sœur, dit Christianus.
— Oui, tu as sûrement raison. Très bien Jariel, on va parler. Et j’espère que tu es conscient que si on le fait, tu le dois à Christianus.
Jariel acquiesça en inclinant légèrement la tête. Christianus les laissa seul, sans embrasser Irael. Ils savaient tous les deux que ce serait jeter inutilement de l’huile sur le feu.
La cafétéria n’était pas vraiment le lieu idéal pour une conversation privée. Irael emmena son frère dans son bureau. Jariel regarda autour de lui.
— De garde du corps à agent de liaison des Atlantes auprès de la DE ! s’exclama-t-il. Tu m’as toujours impressionné par ta capacité d’évolution. Et je ne suis pas le seul, les seigneurs Abbadona et Satan n’ont toujours que des éloges pour toi.
— Je me contente de remplir les missions qu’ils me confient et de faire ce qu’il me semble juste, dit-elle d’un ton sec.
— Moi aussi, mais il semble que ça ne soit pas assez.
— Tu es venu pour te plaindre d’être derrière moi ?
— Non, je suis déjà venu te présenter une nouvelle fois mes excuses pour mon comportement d’hier. Je me suis comporté comme un de ces humains d’une certaine manière.
— Tu commences mal, ragea-t-elle. Tu parles comme si les Humains nous étaient inférieurs.
— Je les ai observés. Ils sont primitifs, ils se laissent porter par leurs instincts primaires et finissent toujours par vouloir régler leurs problèmes dans la violence.
— Parce que ton comportement d’hier était celui d’un être évolué peut-être ?
— Je pense que leur proximité a une mauvaise influence sur nous. Et malgré mes efforts, j’ai subi cette proximité également. Mais ce sont nos alliés dans la guerre contre les Dæmons, nous devons leur laisser l’impression que nous sommes au même niveau qu’eux et qu’ils nous sont utiles.
— As-tu remarqué que, nous autres atlantes, sommes très peu nombreux ? Nous ne sommes pas assez pour combattre les Dæmons. Ce ne sont pas les Humains qui nous sont utiles, c’est nous qui le sommes à eux. Et eux n’ont pas ce genre de parole contre nous. Ils nous traitent comme des égaux.
— Alors que nous devrions être des dieux pour eux.
— Non, nous sommes atlantes, du moins, nous sommes les descendants du peuple Atlantes, nous ne sommes aucunement des dieux. Nous ne survivrons pas sans les Humains. Nous devons vivre avec eux. Personnellement, cette idée me plait. Et je sais qu’elle est partagée par les Premiers.
— Je ne peux l’accepter. Comme je ne peux accepter que tu te donnes corps et âme à cet humain. Je sais que je n’arriverai pas à te convaincre de te séparer de lui. Tu l’aimes, ou plutôt, tu penses être amoureuse de lui. Mais un jour, tu te rendras compte que cet amour n’est pas différent de celui qu’un humain éprouve pour un chien. Et ce jour-là, tu reviendras vers moi.
Irael sentait la fureur de nouveau monter en elle. Elle dut prendre sur elle pour ne pas exploser et sauter sur Jariel.
— Je ne veux plus jamais te revoir, finit-elle par dire. Et sache que je parlerai de ton comportement dangereux au seigneur Abbadona.
— Je comptais quitter son service de toute façon. Je ne peux tolérer qu’on considère les Humains comme nos égaux. Je vais retourner sur Tartare dès que possible. Et je ferai en sorte de convaincre notre peuple de me suivre.
— Je ne te laisserai pas faire.
— Je sais. Tu es aveuglée par tes sentiments pour lui. Mais je te l’ai dit : tu reviendras vers moi.
Jariel quitta le bureau de sa sœur. Cette dernière, d’abord bouillante de rage, finit par se relâcher et se mit à pleurer de tristesse. Jariel était son frère, elle l’aimait. Mais elle ne pouvait le laisser agir librement. Les risques étaient trop grands.
Lorsque Jariel retourna aux appartements qui lui avaient été alloué, il fut surpris de voir les seigneurs Abbadona, Hermoni et Satan qui l’attendaient.
— Mes seigneurs, que faîtes-vous ici ? demanda-t-il.
— Tu es assez intelligent pour le savoir, répondit Abbadona.
Jariel devina qu’Irael les avait appelés aussitôt après son départ de son bureau. Il avait pensé qu’elle ne le dénoncerait pas. Après tout, il était tout de même son frère. Visiblement, il avait sous-estimé son attachement aux Humains.
— Vous ne pouvez pas m’empêcher de dire la vérité aux nôtres.
— Ce que tu penses être la vérité n’est que ton avis, dit Abbadona. Tu penses les nôtres supérieurs aux Humains. Tu te trompes. Humains et Atlantes partagent un même ancêtre génétique. Nous aurions pu être des leurs, ou ils auraient pu être des nôtres. Ne t’es-tu jamais demandé pourquoi nous avons pu nous accoupler aux Humains il y a douze millénaires ?
— Je suppose que le seigneur Hermoni a manipulé leur génome pour que ça soit possible.
— Pas du tout, contredit Hermoni. Nous étions déjà naturellement compatibles et nous le savions depuis longtemps. La conclusion à laquelle nos généticiens sont arrivés est que nous sommes humains. Nous avons juste évolué d’une certaine façon.
— Mensonge ! Jamais je ne croirai ça !
— Que tu le crois ou non importe peu, reprit Abbadona. C’est l’unique vérité. Les idées séditieuses que tu veux répandre sont dangereuses. Nous ne pouvons te laisser faire.
— Vous comptez m’emprisonner ! Alors vous ne valez pas mieux que Jéhovah.
— Nous sommes en guerre Jariel, intervint Satan. Et ce que tu comptes faire pourrait mettre l’ensemble des peuples du système solaire en danger. Tu seras libérer à la fin de la guerre. Malheureusement, tu ne nous laisses pas d’autres choix.
— Aucune prison humaine ne saurait me retenir. Même leurs prisons sorcières ne le pourront pas. Il vous faudra me renvoyer sur Tartare.
— Tu dis vrai pour les prisons humaines. Mais nous avons d’autres alliés sur cette planète. Je vais t’emmener à Valinorya où les Eldars se chargeront de toi.
Comprenant qu’il n’avait pas d’autre échappatoire, Jariel tenta de s’enfuir mais Satan fut plus rapide et lui barra le chemin. Le jeune ange fit alors apparaître sa lance. Satan resta de marbre devant lui.
— Je te laisse une chance de faire disparaître ton arme Jariel, dit-il. Si tu m’obliges à sortir la mienne, sache que tu souffriras.
Mais Jariel était aveuglé par la colère. Il bondit sur Satan en abattant sa lance. Ce dernier n’esquiva qu’à l’ultime moment, repoussant Jariel contre un mur d’une poussée d’énergie. Il eut à peine le temps de se relever et de faire jaillir ses ailes qu’un trident lancé avec force et précision le cloua au mur à travers le plumage.
Jariel sentait la douleur lui trancher l’aile. Elle était si intense qu’il lâcha son arme. Du sang coulait sur le sol, tâchant son plumage immaculé d’ocre. Satan s’approcha lentement de lui. Il passa une main sur son visage, lui faisant perdre connaissance.
Abbadona soupira de lassitude.
— Nous l’avons perdu, dit-il.
— Nous savions que cela risquait d’arriver, dit Satan. Nous pouvons peut-être encore le sauver. Mais cela attendra. Je vais l’emmener à Valinorya et je ferai en sorte qu’il soit soigné et bien traité.