Ariana Potter, Second Cycle : Dans la Lumière de la Guerre

CHAPITRE VII : AU CŒUR DU CRISTAL

À bord de l’Ankou, tout le monde attendaient de savoir qu’elle serait la prochaine action. Le vaisseau pirate avait mis le cap sur Mars, épicentre de la guerre. Mais il faudrait encore deux jours de voyage pour l’atteindre.

En attendant, ils n’avaient pas grand-chose à faire à part s’entrainer et lire les rapports parlant de l’évolution du front. Rien de flagrant n’était à signaler sur ce point depuis la dernière fois. Leur objectif restait donc le même : repérer Ramus Owali, ce dernier étant sûrement en quête du Maitre-Crâne gardé par les Atlantes sur Mars.

Ariana trouvait le temps long, malgré qu’elle puisse à loisir le passer avec Alex. Elle remarquait qu’ils n’étaient pas les seuls à profiter de cette situation. Zoé et Nayu passaient le plus clair de leurs moments libres ensemble, volant visiblement d’instants tendres à d’autres plus sérieux.

Mais celui sur lequel elle essayait de garder un œil, c’était son ami Joshua. Ce dernier tentait d’en apprendre plus sur l’Ankou en posant des questions aux différents membres d’équipage. Il comprit très vite que ceux en connaissant le plus sur ce vaisseau étaient les Morbrez et le lieutenant vampire Igor Stradus. Mais malgré toute sa soif de connaissance, Joshua ne souhaitait pas tenter de tirer les vers du nez d’un vampire de plus de mille trois-cents ans.

Il passait de longs moments à regarder autour de lui, les yeux dans le vague. Cette sensation étrange ne le quittait pas. Il y avait quelque chose de familier dans ce vaisseau, mais il n’arrivait pas à savoir quoi. Peut-être était-ce simplement dû au fait qu’il usait d’une forme poussée de technomagie ? Le niveau atteint par l’Ankou était au-delà de tout ce que pouvait imaginer Joshua en termes d’interaction entre Magie et Technologie. Chaque système, du plus basique au plus élaboré, était une parfaite fusion de ces deux domaines. En étudiant l’Ankou, il eut même de nouvelles idées pour améliorer le corps cybermagique de Tony.

— C’est un vrai bourreau de travail ton ami ! s’exclama Rozenn en l’observant.

— Tu n’as pas idée à quel point, soupira Ariana. C’est pourtant pas faute d’avoir essayé de le distraire pendant notre scolarité à Hogwarts. Le connaissant, il risque bien de découvrir de lui-même les origines de l’Ankou.

— S’il les découvre, nous n’y pourrons rien. Tout ce que nous pouvons faire, c’est respecter les consignes qu’il nous donne dans l’Entréyou : ne rien lui dire mais le guider. Il ne dit pas qu’on doit l’empêcher de le découvrir. S’il doit faire ce voyage au final, autant qu’il en sache le plus possible sur l’Ankou pour pouvoir l’améliorer. Je me demande juste quand est-ce qu’il tombera sur l’Araryou Nëmarialey ?

— La quoi ?

— Le véritable cœur de l’Ankou, la source de son pouvoir, là où nous pouvons le modifier et le contrôler. Au final, le Joshua Ollivander qui a créé l’Ankou il y a plus de mille ans, n’a pas fabriquer les planches ou forger le métal, il l’a fusionné avec l’Araryou Nëmarialey.

— Je ne suis pas linguiste mais la sonorité de ces mots me rappelle les Eldars.

— Effectivement, il y a une grande part de magie eldare à bord. D’ailleurs, l’Entréyou nous apprend l’eldar en même temps que le reste.

— Fusionner la technologie moldue, la sorcellerie et la magie eldare ! Il est donc allé si loin que ça !

— Et pas que, continua Rozenn. D’après ce que m’a dit Alex sur la magie matérialiste des Anges, il y en a aussi un petit peu ici. Qui sait ? En cherchant bien, on trouverait peut-être les traces d’un rituel vampire !

— Joshua me parlait déjà de la nature profonde de la Magie quand nous étions à Hogwarts. Il me disait que les plus grands mages ignoraient étrangement beaucoup de choses sur l’un des éléments les plus importants de la vie des Sorciers. Cette ignorance l’a toujours fasciné. Je ne le voyais pas juste reprendre la boutique de baguettes de sa famille. C’est un chercheur. Il faut qu’il comprenne les choses qui l’entourent.

— Je vois, conclut Rozenn. Eh bien on ne va pas le surveiller cent-sept ans ! Un café ?

— Bonne idée.

Joshua continua d’explorer le vaisseau le reste de la journée. Il s’intéressa particulièrement à la salle des machines où il resta un long moment. Le mécanicien en chef, un moldu s’appelant Théo Mandèle, lui expliqua le fonctionnement et répondit à ses questions avec moult détails. Ils déjeunèrent même ensemble, continuant de parler mécanique.

Mais quoi qu’il fasse, Joshua avait encore cette sensation étrange qui le tenaillait. Parfois même, il avait l’impression d’être appelé. Ce n’était pas une voix à proprement parlé. C’était plus profond et spirituel.

Lorsqu’il prit congé du mécanicien en chef, il était déjà très tard, tout le monde dormait à l’exception de l’équipe de nuit. Joshua aurait voulu continuer son exploration mais la fatigue se faisait plus forte, brouillant sa vue et ses réflexions.

Au bout de quelques minutes, il s’arrêta. Il ignorait où il était. Il était parvenu à se perdre. Il chercha son chemin en regardant autour de lui mais il ne voyait rien de familier. Il était dans une partie du vaisseau qu’il n’avait pas encore visitée.

Il soupira de lassitude. Ne pouvaient-ils pas mettre des panneaux !

Cela ne servait à rien de rester sur place. Il ouvrit une porte en espérant tomber sur une pièce qu’il connaissait. Aussitôt, il fut subjugué par la lumière irréelle qui émanait de la salle qu’il venait d’ouvrir. Il lui semblait l’avoir déjà vue, ou du moins, elle lui rappelait quelque chose de lointain et de proche à la fois.

Sans y penser, il entra et s’approcha de la source lumineuse. C’était un bloc cristallin brut, d’une beauté sans pareil. La lumière rayonnait de son cœur. Malgré la fascination et la fatigue, son esprit analytique fonctionna. Cela lui rappelait certains artefacts eldars. La vibration douce que générait ce cœur de cristal était analogue à celle qu’il avait sentie auprès de l’Eldyr[1].

Oui, il en était sûr, cet objet était issu de la Magie Eldare.

Sur la passerelle, Rozenn expliquait succinctement la manière de fonctionné de l’Ankou à Ariana quand un des hommes d’équipage l’interpela :

— Capitaine, on a une alerte intrusion !

— Où ? demanda-t-elle.

— Dans la salle de l’Araryou Nëmarialey.

Rozenn échangea un regard avec Ariana. Elle ordonna qu’il lui projette l’image. Elles eurent la confirmation qu’il s’agissait bien de Joshua, en plein examen de la masse cristalline.

— Dois-je envoyer quelqu’un ? questionna l’homme d’équipage.

— Non, interdit Rozenn. Ce qui doit arriver doit arriver.

— Tu es sûre ? interrogea Igor Stradus. Nous ignorons ce qui pourrait se passer s’il parvenait à y entrer.

— Il y parviendra, sois en sûr. Nous verrons bien, mais je pense que le créateur de l’Ankou avait prévu ce cas de figure. Observons seulement.

Ariana ne lâchait pas son ami d’enfance des yeux. Ce dernier tournait autour du cristal en l’examinant sous tous les angles.

Joshua n’hésita pas longtemps avant d’oser toucher l’étrange masse. Il lui parut que la lumière qui en émanait vacilla légèrement à son contact. Une voix se fit entendre, éthérée, légère comme un souffle :

— Niya lam dola.

Joshua retira sa main. Surpris, il n’avait pas bien compris les paroles. Une seule chose était sûre, c’était de l’eldar. Il reposa sa main.

— Galo, dit-il.

— Niya lam dola, répéta la voix.

— Un prix de sang ! Une sécurité.

Il sortit sa baguette, poussa un soupir pour se donner du courage, et s’entailla la paume. Il posa sa main ensanglantée sur la surface rugueuse du cristal. Il y eut une pulsation lumineuse, et une autre. Et puis, la lumière devint aveuglante et l’absorba.

— Il est entré, dit Rozenn à la vue de la scène. Ne t’en fais pas, il ne risque rien, ajouta-t-elle pour Ariana.

— Je sais, acquiesça-t-elle. C’est lui qui l’a créé après tout. Je me demande juste ce qu’il va découvrir.

Joshua regarda autour de lui. Il se trouvait dans un immense espace d’une blancheur laiteuse. Il ne percevait ni début ni fin. Ses pieds ne reposaient sur aucun sol.

Il ressentait l’énergie magique l’envelopper de toute part. Mais alors que d’habitude il parvenait à identifier l’origine et la nature des Magies l’entourant, là il n’y parvenait pas. En fait, il lui semblait que plusieurs formes de Magie s’entremêlaient en un subtil mélange. Il identifia de la magie eldare, sorcière et même atlante.

Qui pouvait avoir eu l’idée géniale d’entremêler ces formes de Magie ? Et comment y était-il parvenu ?

Ces questions tournoyaient dans sa tête quand une silhouette surgit du néant juste devant lui. Joshua fut pris d’effroi. L’homme qui venait d’apparaître lui ressemblait tellement que ce ne pouvait être que lui. Malgré la barbe grise et les rides qui marquaient son visage, il en était sûr. Joshua faisait face à lui-même, avec plusieurs dizaines d’années de plus.

L’apparition eut un sourire rassurant et se mit à lui parler :

— J’ignore dans quelles conditions se passera cette rencontre. Seras-tu jeune ou vieux ? Seras-tu surpris ou non ? J’imagine que oui. Déjà, je tiens à te dire que non, tu ne rêves pas. Je suis toi. Du moins, je suis le toi que tu aurais pu devenir. Ce que j’ai fait à changer ça de manière définitive. Tu ne pourras jamais devenir moi, et c’est tant mieux. Je suis sûr que tu as des milliers de questions. Je vais répondre à certaines mais pas à toutes. Je vais te raconter mon histoire, tel que je l’ai vécu. Elle ressemble sûrement à la tienne sur bien des points.

« La guerre nous ait tombés dessus peu après que mon amie Ariana et moi ayons quitté Hogwarts. Rapidement, nous furent intégrés à la DE, moi au département scientifique, assistant de Julia Chaldo, et elle avec son frère au département d’investigation spéciale. Je découvrais un nouveau champ de recherche avec la technomagie. J’y ai aussi rencontré une femme merveilleuse, Mei-Lin.

« Seulement, la guerre fut terrible et en quelques mois, nous savions que tout était perdu. Les colonies extérieures furent les premières à tomber. Ensuite ce fut Mars malgré une résistance farouche et la rencontre des Anges. Bientôt, la Terre fut assiégée et ils débarquèrent.

« Ariana et Alex avaient déjà été emportés par les combats sur Mars. L’Humanité disparaîtrait bientôt. Mei-Lin me convainquit alors de tenter quelque chose d’inédit, de voyager dans le temps pour doter l’Humanité d’une arme pouvant changer la donne. Une petite chance, c’est tout ce qu’il nous fallait. Même quelque chose d’infime.

« Je ne voulais pas la quitter. Je voulais l’emmener avec moi. Mais nous savions que c’était impossible. Je suis donc parti, seul, sans savoir ce qui allait lui arriver dans cette… ligne temporelle. Car je savais que ce voyage et ce que je m’apprêtais à faire changeraient tout.

« Je suis arrivé en un lieu que j’ai identifié comme étant l’île de Pâques dans le Pacifique. Les autochtones m’ont pris pour un dieu. J’ai eu beaucoup de mal à leur faire comprendre que je n’étais qu’un homme. Et même maintenant, ils me témoignent une déférence qui me gêne souvent, mais dont j’ai pu tirer profit pour mettre en œuvre mon projet.

« J’ai tout préparé durant des années. Mais il me manquait quelque chose. A qui confier cette arme ? Il me fallait quelqu’un de confiance et qui puisse transmettre cette quête à travers les siècles. Et un jour, la chance me sourit. Un navire venu de la lointaine Europe, bien avant toute exploration officielle, s’échoua sur l’île. Nous soignâmes les survivants. Ils s’avérèrent être pour beaucoup des sorciers. Leur capitaine, un certain Morbrez, était un homme d’honneur comme j’en ai rencontré peu. Je lui ai parlé de l’avenir, de la menace qui pesait sur l’Humanité, et de ce que je comptais faire pour la contrer.

« Il accepta de sacrifier son avenir et celui de ses descendants dans l’espoir fou de sauver le Système Solaire. En liant l’Araryou Nëmarialey au sang des Morbrez, j’ai pu apporter la touche finale à cette arme qu’ils appelèrent l’Ankou, en référence au messager de la Mort des légendes bretonnes. La suite, je ne peux la conter. Car j’ignore qu’elles furent les différences que tout cela engendra. J’espère juste que ce fut, ou sera, assez.

« Tu peux également modifier l’Ankou, l’améliorer, le contrôler. Comme tu l’imagine, j’y ai mis une partie de mon âme. Pas comme un horcruxe, je te rassure. Je n’ai pas eu besoin d’assassiner quelqu’un pour la déchirer. Ce ne fut pas un déchirement, ce fut un don. Je t’invite à essayer de te lier à l’Ankou. Vois ce que tu peux faire, ce que tu penses pouvoir améliorer. Tu trouveras la façon de faire très instinctive. Pense, et c’est tout.

« Bonne chance à moi-même. J’espère que tu n’auras pas à effectuer le même voyage que moi. Si c’est le cas, apprend de mes erreurs ou de mes oublis, et corrige-les.

Le vieux Joshua Ollivander s’estompa avec un dernier sourire. Le jeune s’accorda de longues minutes pour réfléchir sur tout ce qu’il venait d’apprendre. Qu’est-ce qu’avait vécu son alter ego pour devoir se sacrifier ainsi ? Il n’osait l’imaginer et ne souhaitait pas en venir à la même chose.

Il n’avait pas de temps à perdre. Il devait savoir où en était l’Ankou, comprendre totalement son fonctionnement et voir s’il pouvait améliorer quelque chose. La moindre avancée pouvait faire la différence entre la victoire et l’annihilation.

Il passa des heures à étudier l’Ankou. Le vaisseau était exceptionnel. Mais il pouvait le rendre encore meilleur. Il décida dans un premier temps d’améliorer ses capacités d’observation et d’analyse. C’était assez facile.

— Capitaine ! s’écria l’opérateur radar. Il y a quelque chose de… bizarre ! Je… je ne sais pas ce qui se passe !

Rozenn s’approcha pour voir ce qui troublait autant son opérateur. Sa console ondulait étrangement, comme si elle n’était qu’une image devenant floue au loin. Un nouvel écran se forma et la console reprit une consistance solide.

— Je crois que monsieur Ollivander a décidé d’effectuer quelques modifications sans nous en parler, dit-elle. Voyons ce qu’il a fait.

— Je crois que… fit l’opérateur en cherchant à faire fonctionner le nouvel appareil. Oui, c’est un capteur très longue distance.

— On en a déjà un pourtant.

— Pas de ce niveau-là. Regardez capitaine.

Nettement à l’écran apparut une sorte de lune blanche.

— Est-ce que c’est… ? commença Rozenn.

— Pluton, oui, confirma-t-il. On distingue même les autres objets de la Ceinture de Kuiper[2]. Mais… Attendez…

Il effectua une série de manipulations. Le fonctionnement de ce nouvel appareillage était des plus instinctifs. Il fit le point sur une masse croisant non loin de Pluton. Sa forme était assez inhabituelle.

— Ce n’est pas un corps naturel, dit-il. C’est un vaisseau spatial.

— Ça ressemble aux vaisseaux des Dæmons.

— Mais en beaucoup plus gros. Il fait le même volume que la Lune !

— Tu te fous de moi !

— J’aimerais bien capitaine.

Rozenn blêmit. Combien de légions dæmoniaques pouvaient se trouver à bord d’un tel vaisseau ? Combien de Dæmons également ?

Elle appela immédiatement Alex, Tony et Kat sur la passerelle.

Ariana avait décidé d’attendre Joshua près du cristal dans lequel il avait pénétré. Une pulsation lumineuse lui annonça que son ami allait en sortir. Il vacilla un peu en traversant le cristal mais parvint à rester debout.

— Ça va ? demanda-t-elle.

— J’ai soif, et faim, avoua-t-il. Et je crois qu’on a un énorme problème. Et je pèse mes mots.

— Enorme à ce point-là ?

— De la taille de la Lune je dirais. Le capitaine Morbrez a réuni Alex, Tony et Kat, rejoignons-les.

[1] Voir « Ariana Potter et le Serment des Eldars ».

[2] Zone du Système Solaire située au-delà de l’orbite de Neptune et à laquelle appartient Pluton et d’autres planétoïdes et corps célestes.