Ariana Potter, Second Cycle : Dans la Lumière de la Guerre

Chapitre 68 : IX Le jour où le ciel s'effondra

2593 mots, Catégorie: M

Dernière mise à jour 08/08/2020 07:53

CHAPITRE IX : LE JOUR OU LE CIEL S’EFFONDRA

Aucun autre vaisseau ennemi ne fut repéré dans le ciel de la Terre. Les forces spatiales maintenaient la surveillance, attendant patiemment que l’ennemi se jette dans la nasse qu’ils avaient mise en place.

Le général Chünger, chef d’état-major des forces spatiales européennes et désigné à la tête de la zone espace des forces terrestres s’était rendu au poste de commandement avancé sur la Lune. Pour être au plus proche de la bataille et donner ses ordres.

— Au rapport ! ordonna-t-il. Quelle est leur position ?

— Toujours en approche général, répondit un opérateur radar. D’après nos estimations, ils devraient atteindre l’orbite terrestre dans six heures.

— S’ils maintiennent leur vitesse actuelle, ajouta un capitaine. Mais s’ils accélèrent à celle qu’on déjà constaté par des appareils du même type, ils pourraient y arriver en moins d’une heure. Et forcément, à mesure qu’ils approchent, ce délai diminue.

— Nos forces ont déjà le doigt sur le bouton, dit le général. S’ils accélèrent, nous ne serons pas surpris. Nous sommes prêts. Et sur Terre ?

— Ils sont prêts également. Toutes les forces armées… normales, et les forces… magiques.

Le général ricana.

— Pensiez-vous un jour utiliser ces termes dans un rapport à un supérieur hiérarchique capitaine ?

— Pas du tout général, sourit-il. Le monde a changé d’un coup.

— Nous avons tant de choses à découvrir ! Mais pour cela, il faut défendre ce monde et survivre à cette guerre.

Le général alla s’asseoir à son bureau, étudiant une fois de plus les différentes manœuvres ennemies qui avaient été jugées probables. Il n’oubliait pas que cet ennemi n’était pas humain, et donc pensait d’une tout autre manière.

Et le monde n’avait pas connu de guerre promettant d’être aussi violente depuis longtemps.

Le manoir Chaldo était en ébullition. Bien sûr, les membres de la famille qui appartenaient à la DE ou à tout autre organismes tenaient leurs postes. Pour les autres, ce fut un rassemblement presque général.

Sébastien Chaldo avait assuré son vieil ami Hector Guillou de son concours. D’une certaine manière, tous les Chaldo aptes à se battre étaient devenus des membres honoraires de la DE. Et quand certains dirent qu’il leur faudrait de l’équipement pour se battre, Sébastien Chaldo avait échangé avec son grand-père un sourire.

Le manoir Chaldo recélait bien des secrets dont seuls quelques-uns connaissaient la teneur. Il comportait officiellement deux sous-sols.

Le premier servait de zone d’entrainement modifiable à volonté. On pouvait en faire de multiples salles pour l’instruction, un parcours, ou la configurer pour s’entrainer au combat en tout milieu. Cela permettait d’entrainer les Chaldo dans le plus grand secret.

Le second servait surtout de stockage divers genre garde-manger. Il y avait là de quoi tenir un siège en denrées. C’était là aussi qu’il y avait la cave à vin et à alcool, pour les réceptions et les fêtes de famille.

Et en dessous, se trouvait un troisième sous-sol dont l’entrée était dissimulée. Les Chaldo y conservaient des artefacts magiques récupérés depuis des siècles dans le monde entier. Ces objets avaient été mis en sécurité à cause de leur dangerosité. La plupart était classée dans la catégorie « Magie Noire ». Mais les trois quarts de ce niveau recélait une armurerie où des équipements, magiques ou non, étaient stockés.

Surpris n’aurait pas été le mot pour qualifier le sentiment des Chaldo qui découvraient cet endroit. Ils avaient tellement l’habitude des secrets de leur famille qu’ils se doutaient tous que mis à part le conseil familiale, personne ne les connaîtrait tous. Et tous l’acceptaient. Ou presque.

Alors qu’il passait en revue les équipements stockés, William soupira profondément. Il se retourna quand son oncle Sébastien l’interpela.

— Tu n’as pas l’air dans ton assiette William, dit-il.

— Ça va, répondit le jeune homme sèchement.

— Je n’en ai pas l’impression. Tu sais que tu peux me parler si quelque chose te gêne.

— Qui est au courant pour tout ça ?

— Uniquement les membres du conseil de famille. Tu sais ce que c’est : moins il n’y a de personne au courant d’un secret, moins il peut-être révélé.

— Les Corbeaux le savent alors ?

— Bien entendu.

— Et si un Corbeau décide de passer la main, sa mémoire est effacée ?

— Non, on fait confiance aux nôtres.

— Pas suffisamment à ce que je vois. J’étais un potentiel Corbeau, exact ? Alors pourquoi n’ai-je pas été mis dans la confidence ?

— Tu viens de le dire : tu étais un potentiel Corbeau. Et tu l’es toujours d’ailleurs. C’est une fois après avoir reçu ce titre que les secrets de la famille lui sont révélés.

— Ne me fais pas croire qu’Alex n’en a jamais parlé à son frère avant de mourir ! J’en ai souvent marre de cette famille et de son goût du secret. Et ce titre de Corbeau, quelle fumisterie ! Soi-disant qu’il couronne le meilleur combattant.

— Tu n’as jamais compris. Pourtant nous te l’avons expliqué tant de fois. Ce n’est pas le meilleur combattant qui reçoit ce titre, c’est celui qui défend le mieux nos idéaux. Et malheureusement, tu ne les as jamais pris au sérieux. Je reconnais ta valeur au combat. Nous la reconnaissons tous. Ta victoire aux Championnats du Monde de Duel de Sorciers est la preuve de ton expertise dans ce domaine. Et je ne doute pas qu’en situation réelle, tu seras un atout sérieux. Mais tu passes à côté de ce pour quoi notre famille se bat depuis Pierrick Chaldo. Et même avant.

— Je vois surtout que ça vous arrange bien que je sois là. Je vais enfin être utile à la famille !

— Nous sommes tous libres de nos choix. Il ne tenait qu’à toi de faire les bons. Certes oui, si tu restes, tu seras utile. Mais pas à la famille, au monde. Quoiqu’il arrive, tu es libre. Si tu veux partir, te terrer jusqu’à la fin de cette guerre, quelle que soit cette fin, tu peux. Personne ne te retiendra.

William regarda son oncle au fond des yeux. Puis il se détourna et commença à s’éloigner de lui.

— William, appela Sébastien. Si tu décides de partir, sache que ce sera la dernière fois. Tu ne remettras plus jamais les pieds au manoir, et tu ne seras plus considéré comme l’un des nôtres.

— C’est ça la liberté ?

— Si tu pars, tu ne te contenterais pas seulement de ne pas défendre nos valeurs, tu les rejetterais en bloc. Tu es libre de ton choix, je devais juste te présenter les conséquences. En temps normal, ton choix importerait peu, nous le respecterions. Mais nous sommes en guerre. Tu serais donc un déserteur. Je te laisse, j’ai encore beaucoup à faire. Et au fait : Alex est vivant.

William sortit dans le parc du manoir. Il se tourna vers la bâtisse où il avait passé tant de temps avec sa famille, en particulier avec ses cousins Alex et Tony. Il se souvenait des jeux qu’ils inventaient enfant. Ils s’imaginaient vivant d’extraordinaires aventures, combattant divers ennemis, bataillant pour obtenir le précieux sésame : le titre de Corbeau. Il avait toujours rêvé de le posséder. Mais à quinze ans déjà, il savait qu’il ne l’obtiendrait pas.

Contrairement à ses cousins qui s’entrainaient déjà dans l’optique d’entrer à la DE et de protéger le monde, il ne souhaitait pas mettre sa force au service des autres. Non, seule la gloire l’intéressait. Lorsque le conseil de famille comprit ça, son entrainement se fit moins rigoureux que les autres.  Et au final, malgré son investissement personnel, il savait qu’Alex et Tony progressaient plus vite et plus loin que lui.

Au lieu de se remettre en question, il s’était entêté dans cette voie. Et maintenant, il était à la croisée des chemins. Soit il continuait sur sa lancée et coupait les ponts avec sa famille, comme venait de lui dire son oncle, ce serait une désertion. Soit il mettait sa force et son talent au service des autres dans une famille pour laquelle la gloire n’était qu’accessoire.

Il allait se diriger vers la sortie du domaine quand une voix l’interpela. Il se retourna pour faire face à une jeune fille d’à peine dix-sept ans équipée comme pour aller à la bataille.

— Jeanne, tu as choisi de combattre avec la famille à ce que je vois, dit-il.

— Et toi non, fit-elle remarquer.

— Ils pourront se passer de moi. Je me battrai si on m’attaque.

— Et si on attaque quelqu’un devant toi, tu laisseras les gens mourir sans rien faire ?

— Ne sois pas idiote, bien sûr que non.

— Alors pourquoi tu ne te bats avec nous dès maintenant ? Chaque baguette aura son importance !

— Si j’étais si important que ça, je serais le Corbeau.

— Mais arrête d’être obsédé par ce titre à la noix ! s’écria-t-elle. Ça n’a jamais été le plus important ! C’est juste une carotte pour nous attirer vers le haut, toujours plus haut. Personnellement, je n’ai pas besoin de ça. Je m’entraine et je m’améliore parce que je sais que je peux faire des choses importantes, pour les autres. Et en faisant des choses pour les autres, je les fais…

— … Pour moi ! finit-il. Oui je connais cette vieille rengaine que nous sort tout le temps notre père.

— Tu n’y as jamais cru. Moi si. Fais comme tu veux. Tu es libre, mais cela ne m’empêchera pas de te juger.

Il rit doucement.

— Tu savais que les Corvus, nos « ancêtres », avaient une devise. Quis Iudices Diffidam.

— Qui me juge me défie, traduisit-elle. Je connais. Mais toi en comprends-tu le sens ?

— Qu’on ne doit pas se laisser juger.

— Oui, d’une certaine manière. Mais pas seulement. C’était une très vieille lignée de sorciers qui n’a jamais pratiqué la règle du sang-pur, épousant des moldus et vivant parmi eux. Et cela leur a valu des conflits avec d’autres familles sorcières qui n’hésitaient pas à leur faire des procès d’intention ou à les attaquer. Et ils répliquaient en se jetant dans la bataille si besoin, relevant le défi. Et protégeant les moldus des mauvaises intentions de certains sorciers. Déjà à l’époque, nos « ancêtres » étaient tournés vers les autres.

— Une excuse pour se battre.

— Quelle est la tienne pour ne pas te battre ?

William n’osa pas regarder sa sœur dans les yeux. Il allait se détourner d’elle et se diriger vers la sortie du domaine quand un bruit retentit, semblant venir de partout. Sa sœur et lui échangèrent un regard.

Ils savaient ce que cela signifiait.

— A toutes les forces en orbite : détruisez l’ennemi, pas de quartier ! ordonna le général Chünger.

— Les forces se déploient sur leur base de défense et commencent leur tir de barrage ! informa un opérateur. La chasse en protection rapprochée !

Les explosions illuminèrent les ténèbres de l’espace. Elles furent même vues du sol où elles provoquèrent à la fois de la fascination hébétée et de la panique. Les forces de l’ordre, qui organisaient déjà la mise à l’abri de la population depuis des heures, peinaient à maintenir le calme pour poursuivre leur mission. Les gens savaient que loin au-dessus de leurs têtes, on se battait.

L’ennemi était là.

Un premier vaisseau ennemi, sur lequel un flotte américaine concentra ses tirs, explosa avant même de se mettre en orbite. La clameur de victoire retentit dans le poste de commandement du général Chünger.

— On se calme et on reste concentré ! harangua-t-il. La bataille est loin d’être gagnée. Il reste quatre vaisseaux.

— Général ! Deux vaisseaux ennemis ne suivent pas une trajectoire de mise en orbite !

— Que font-ils ? Je veux des estimations de leurs trajectoires !

— Calcul en cours ! Oh merde !

— Alors ? s’impatienta le général.

— Trajectoires directes vers la Terre ! Ils foncent vers le sol !

— Ils vont se pulvériser dans l’atmosphère ! C’est bon pour nous !

— Général, intervint un officier livide. Je ne pense pas que ça soit bon.

— Expliquez-vous capitaine !

— Ils peuvent certainement résister à l’entrée dans l’atmosphère. Ils l’ont fait sur Mars. Ils veulent précipiter leur débarquement. Et l’impact des vaisseaux va leur dégager la zone de mise à terre.

— Je vois. Il me faut les zones d’impact ! Et il me les faut pour hier !

— Premier impact : Golfe du Mexique ! Pour le second : Golfe de Gascogne ! informa un opérateur.

— Ils veulent amortir leur arrivée avec l’eau, reprit le capitaine. Mais pour nous le problème reste entier : l’impact va provoquer une onde de choc !

— Et donc des raz de marée, conclut le général. Prévenez le commandement des forces terrestres ! À toutes les forces spatiales : destruction prioritaire de ces deux vaisseaux !

— Un troisième prend une trajectoire pénétrante ! Plus large ! Direction l’Océanie !

— Et le quatrième fonce vers le Golfe de Guinée !

— Scheiße ! jura le général

Malgré les efforts de plusieurs flottes, les vaisseaux ennemis atteignirent les couches supérieures de l’atmosphère terrestre. Celui fonçant vers l’Amérique du Nord avait été suffisamment endommagé pour que l’entrée lui fût fatale. Il se désagrégea et finit par exploser.

Les populations n’ayant pas pu se mettre à l’abri virent avec effroi les vaisseaux ennemis, de gigantesques boules de feu fumantes, fuser vers l’horizon au-dessus de la mer, laissant de sinistres trainées noires derrière elles. Un terrible fracas accompagna l’impact. Sur l’horizon, une immense vague roulait en direction des côtes. Les cris paniqués ne parvenaient pas à couvrir le grondement du tsunami s’approchant.

Puis ce fut le silence lorsque la vague s’abattit, pénétrant profondément à l’intérieur des terres.

Les quelques témoins survivants de ces catastrophes eurent l’impression que le ciel venait de s’effondrer sur eux. Et pourtant, ce n’était que le début.


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