Ariana Potter, Second Cycle : Dans la Lumière de la Guerre
Chapitre 79 : XX La Lumière du Cristal
5878 mots, Catégorie: M
Dernière mise à jour 06/08/2021 06:18
CHAPITRE XX : LA LUMIERE DU CRISTAL
Alex et Yergo continuaient leur joute sans relâche. Les échanges de sorts et de coups avaient déjà ravagé une bonne surface du parc naturel, des flammes de diverses couleurs grignotaient la végétation. Le Corbeau mettait toute son énergie dans la bataille, son esprit était totalement concentré sur son adversaire.
Il était difficile de savoir si le combat avait le moindre effet sur le dæmon. Celui-ci n’accusait que peu les coups et ne démontrait aucun signe de fatigue. Il était parvenu à esquiver le fil du sabre jusqu’à maintenant.
Les deux ennemis s’élancèrent l’un sur l’autre. Le sabre parcouru d’éclair s’entrechoqua avec les griffes acérées de Yergo. Alex profita de cette proximité pour lancer un sortilège perforant à l’aide de sa baguette, parvenant à l’atteindre à l’abdomen. Seulement, le dæmon lança un éclair simultanément, le blessant à la cuisse.
Ils s’éloignèrent l’un de l’autre. Yergo jeta un coup d’œil à sa blessure d’où suintait un filet de sang verdâtre. Alex en profita pour examiner sa cuisse rapidement, l’attaque l’avait ouvert et cautérisé en même temps, lui épargnant une hémorragie.
— Ce combat s’éternise, dit Yergo. Notre maître ne doit pas apprécier ça. Sa patience, quoique grande, a des limites.
— J’ai aussi des impératifs importants, répliqua Alex.
Alex décida de tenter le tout pour le tout. Il savait que Yergo ferait de même et n’avait donc pas le choix pour l’emporter. Il concentra son flux magique dans ses deux baguettes, celle dans sa main gauche et celle intégrée à l’intérieur de la poignée de son sabre, les faisant entrer en résonance.
En face de lui, le dæmon faisait crépiter des éclairs violets entre ses griffes, les intensifiant à chaque respiration. Ses yeux écarlates brûlaient d’un éclat sanguinaire. Alex devait finaliser sa technique avant lui. Le premier qui frapperait gagnerait ce duel.
— Alba Flamae !
Des flammes d’une blancheur pure se mirent à danser le long de la lame du sabre, lui donnant une apparence irréelle. Une traînée blanche ardente s’échappait de sa baguette. Il devait frapper vite, ce sort consommait son énergie à une vitesse impressionnante. Les éclairs générés par Yergo produisaient un bruit assourdissant, ils étaient tellement concentrés qu’ils formaient des boules de lumières dans ses mains.
Et d’un coup, ils se jetèrent en avant. Le choc produisit un immense fracas quand le sabre enflammé rencontra les griffes. D’un geste ascendant, Alex voulut braquer le jet de flammes de sa baguette sur son ennemi, mais ce dernier lui opposa son autre main. Le Corbeau sentait que le dæmon ne lâcherait pas, qu’il aimait ce rapport de force et voulait prouver sa supériorité sur ce terrain.
Alex lâcha sa baguette qui vint tomber sur le sol. Yergo en profita pour tenter de venir frapper de sa main libérée, mais il ne rencontra que le vide. L’humain n’avait pas perdu son artefact à cause de la puissance du dæmon, il l’avait fait pour pouvoir poser la main au sol, laissant la puissance physique de Yergo fondre sur lui. En appui sur sa main, il lança son pied pour venir frapper sous le menton du dæmon. Le coup libéra le sabre.
Dès qu’il reposa ses pieds sur le sol, Alex se fendit pour venir pourfendre Yergo de toute la longueur de sa lame. Les flammes vinrent dévorer les organes du dæmon.
Les visages des deux adversaires se trouvaient à quelques centimètres l’un de l’autre. Alex fit taire sa magie, étouffant son feu magique.
— Tu m’as eu, souffla Yergo. Mais tu ne survivras pas.
— C’est probable, répondit Alex. Ce fut un beau combat.
Yergo glissa le long du sabre et s’effondra. Alex tomba à genoux, une blessure sanguinolente lui déchirait le flanc là où le dæmon était parvenu à l’atteindre malgré son coup.
Il tenta d’attraper sa baguette, mais elle demeura hors de sa portée. Et alors qu’il essayait de libérer celle logée dans son sabre, il sentit la tête lui tourner et il s’effondra à son tour, la respiration faible.
Ses yeux se fermèrent alors que sa dernière pensée lui échappait, celle d’une jeune femme qu’il aimait et qu’il laissait seule face à d’incommensurables dangers.
Ignorant tout du sort d’Alex, Ariana continuait à repousser les assauts répétés des légionnaires devant les yeux impassibles de Kraros. Celui-ci savait comment s’était terminé le duel dans la réserve naturelle. D’un geste, il interrompit les attaques de ses créatures, leur ordonnant de retourner contre les parois.
Ariana s’en étonna et en profita pour reprendre son souffle. Elle se tourna vers le maître des Dæmons, lui demandant la raison de cette interruption.
— Je veux vous laisser une dernière chance de réfléchir, annonça-t-il.
— Vous devriez me tuer immédiatement, car jamais je n’accepterais, répondit Ariana.
— Et si c’est pour sauver la vie de la personne la plus chère à vos yeux ? Voyez plutôt…
Surgissant de nulle part, l’image de la réserve ravagée apparut devant Ariana. Elle vit le cadavre de Yergo et près de lui, Alex dont le sang se répandait sur le sol. Elle fut saisie par cette image. Le combat avait dû être terrible pour qu’il soit blessé à ce point.
— Sa blessure est mortelle, dit inutilement Kraros. Mais il n’est pas trop tard pour le sauver. Il vous suffit de vous soumettre et je vous laisserai voler à son secours.
Ariana savait que les secondes étaient comptées. Alex allait mourir. Alors qu’ils venaient à peine de se retrouver… Malgré tout, elle ne pouvait se résigner à ployer le genou devant Kraros et les Dæmons. Alex était prêt depuis longtemps à sacrifier sa vie pour aller au bout de cette guerre et de sa mission. Elle-même avait accepté l’idée de devoir trépasser pour donner ne serait-ce qu’une chance à l’Humanité et aux autres Peuples du système solaire. Une chance à sa fille et sa famille de vivre libre sans devoir se battre.
Alors, pour toute réponse, elle leva sa baguette et lança un sortilège d’Incendio en direction de Kraros, traversant l’image d’Alex gisant dans son sang. La langue de flammes s’étira jusqu’au maître des Dæmons, mais ne l’atteignit pas, arrêtée par une sorte de bouclier.
— Ainsi donc, vous refusez… Soit, alors votre mort sera lente et douloureuse.
Les légionnaires revinrent, encerclant de nouveau Ariana. Le combat reprit aussitôt.
À l’extérieur de l’Arche, l’Ankou continuait de jouer au chat et à la souris avec le croiseur ennemi. Malgré la destruction d’un des deux vaisseaux, le problème restait le même, Yvain Morbrez devait éviter d’être détruit de sorte de pouvoir récupérer les équipes infiltrées.
Seulement, il commençait à en avoir assez de ne faire qu’esquiver les attaques en lançant des contres timides.
— Lieutenant, à ce rythme, on va arriver à court de munitions ! informa un opérateur.
— Et il va nous en falloir pour assurer la couverture lors de l’exfiltration, compléta de lui-même Yvain Morbrez. On doit en finir !
— En économisant les munitions, ça va être dur.
— On va devoir changer de tactique… Je prends les commandes !
Le timonier lui laissa la place. Aussitôt qu’il eut la barre en main, Yvain changea de cap et pointa vers le croiseur ennemi. Il poussa les réacteurs pour fondre vers lui.
— Déployez l’éperon ! ordonna-t-il. Bouclier avant à pleine puissance !
À la proue de l’Ankou, une grande lame d’énergie surgit, prête à déchirer le croiseur. Les tirs de ce dernier ricochaient sur le bouclier, certains parvenant quand même à atteindre la coque. Un opérateur annonçait les avaries dues aux tirs ayant fait but, mais le lieutenant n’écoutait pas, concentré sur son objectif.
— Ils ont renforcé leur bouclier ! On va être pulvérisé !
— Je sais, répondit Yvain Morbrez avec calme.
L’Ankou allait se fracasser sur le bouclier du croiseur quand il disparut dans un flash lumineux… pour réapparaître sur son flanc. Yvain Morbrez poussa encore sur les moteurs. L’éperon du vaisseau pirate vint transpercer le croiseur dæmon, le déchirant en deux.
Sans ralentir, l’Ankou s’éloigna des restes du croiseur dont la partie arrière explosa. La partie avant se contenta de flotter dans le vide, se vidant de son air et de son énergie.
— Rangez l’éperon, timonier à la barre, fit Yvain en quittant la barre. Maintenant, on reste à distance et on attend le signal des nôtres. On s’occupe des avaries. Et amenez-moi un verre d’eau, finit-il en s’asseyant sur le siège du capitaine pour se remettre de ses émotions.
Sorti de l’Araryou Nëmarialey, Joshua se rendit sur la passerelle. Il avisa le lieutenant Morbrez qui buvait tranquillement, sa main tremblant encore.
— Vous avez un sacré cran ! dit Joshua en se laissant tomber sur un siège près de lui. J’ai bien cru que ma dernière heure était arrivée.
— Vous voulez que je vous avoue quelque chose, monsieur Ollivander ? Moi aussi je me voyais déjà mort.
Il but une nouvelle gorgée d’eau.
— J’aurais besoin de quelque chose de plus fort, continua-t-il. Mais ça attendra, on n’en a pas encore fini.
Anthony découvrit la réserve qui fut le théâtre du duel entre Alex et Yergo. Il découvrit vite les corps des deux combattants. Il se pencha immédiatement sur son frère, examinant sa blessure. Son pouls était faible, mais au moins, son cœur battait encore. Plus pour longtemps s’il ne faisait rien.
Tony s’occupa d’abord de refermer la blessure à l’aide d’une potion qu’il appliqua dessus. Il sortit une seconde fiole et força Alex à l’ingurgiter. Il attendit quelques minutes qu’elle fasse effet et pointa sa baguette sur son frère. Le sortilège informulé ne produisit aucun éclair, Alex convulsa comme s’il avait reçu un électrochoc.
— Pas très agréable comme réveil, dit-il faiblement en ouvrant les yeux.
— Désolé, je ne suis pas aussi doux qu’Ariana, répliqua Tony en l’aidant à s’asseoir. Comment te sens-tu ?
— J’ai connu mieux, et je ne pense pas avoir connu pire. J’ai raté quelque chose ?
— Julia est hors de combat, mais vivante. Je l’ai confiée à un groupe STAR que j’ai croisé, ils allaient se regrouper avec Rozenn, Kat et Nayu. Ramus est mort, pour de bon cette fois. J’ai même réussi à lui faire cracher le nom du maître du Serpent Blanc. À part ça, je ne vois rien d’autre de mon côté. Où est Ariana ?
— Elle a continué quand on est tombé sur lui, répondit Alex en désignant Yergo.
— Il faut que tu la rejoignes. Je vais me diriger vers la salle des machines et m’en occuper. Retrouve Ariana et occupez-vous des réservoirs.
— Bon plan. Il me faut juste un coup de fouet.
Alex sortit une fiole et en but le contenu d’une traite.
— Vas-y, dit-il. J’y vais dès que la potion aura fait effet.
Il regarda Tony s’éloigner rapidement.
— Et adieu, mon frère…
Quand le groupe STAR rejoignit Rozenn et ses pirates, un infirmier profita du calme relatif pour examiner Julia Chaldo plus en détail.
— Elle est sonnée, mais elle s’en remettra, dit-il.
— Bien, reste avec elle, ordonna Rozenn. Et maintenant, va falloir penser à l’exfiltration. Faisons confiance aux deux frères Chaldo et à Ariana pour finir la mission et assurons-nous de pouvoir quitter ce vaisseau. On va sécuriser le point de récupération.
— Nayu et moi allons les jalonner, annonça Kat. Continuez de faire du bruit pour attirer le gros des troupes sur vous.
— J’espère qu’ils ne vont pas mettre trop de temps pour en finir.
Tony se déplaçait rapidement dans les couloirs de l’Arche. Il n’avait que faire d’être repéré, le temps lui manquait pour faire dans la prudence. Il était assailli par des messages d’alerte lui apprenant la surchauffe de tel système ou le risque de détérioration de tel autre. Il n’était pas dupe, il savait que son frère Alex avait senti sa fin prochaine.
Ses senseurs lui révélèrent une intense activité énergétique proche. Se doutant de la présence d’ennemis gardant un point névralgique comme le générateur, il décida de ralentir pour plus de discrétion.
Au détour d’un couloir, il jeta une œillade et découvrit une lourde porte blindée devant laquelle se trouvaient deux breakers en sentinelle. Une baguette dans une main, il surgit d’un coup de l’angle et fonça sur les deux créatures massives. La première le remarquant tendit sa patte griffue et lança un puissant éclair que l’agent de la DE n’eut aucun mal à esquiver en se laissant glisser sur le sol. Il se redressa lorsqu’il fut entre les deux monstres, bondissant à la verticale en tournoyant sur lui-même. Sa baguette produisit un rayon rouge qui vint trancher les deux horribles têtes. Les deux cadavres s’effondrèrent dans un bruit sourd.
Tony s’attaqua immédiatement à la porte. Il ne chercha pas à pirater le système de verrouillage, sa connaissance de la technologie dæmonne étant quasi nulle. Il décida d’agir en force et lança un sortilège explosif qui la fit vaciller assez pour qu’il puisse se glisser à l’intérieur.
Le générateur ressemblait plus à un organe qu’à une machine. C’était une masse dégoulinante et suintante suspendue au-dessus du sol d’une couleur rouge et violet sale, parcourue de veines d’un vert vomitif. Le mouvement permanent qui l’animait faisait penser aux battements d’un cœur malformé et hypertrophié. En dessous, finissant comme le resserrement d’un sablier, un unique canal partait dans le sol.
Tony sourit en pensant à ce qu’en dirait Julia et Joshua. Les deux scientifiques pensaient qu’il faudrait lui opposer une force énorme et opposée pour le détruire. Or, Tony, s’il se doutait qu’il faudrait en arriver là, déduisait par son observation que trancher cette partie devrait arrêter l’Arche dans un premier temps. Sûrement pas de manière définitive, mais il y voyait un autre avantage tactique : il attirerait sur lui une majorité des forces ennemies en présence.
Sur le papier, c’était simple, dans les faits, il supposait que ça ne le serait pas autant. Il commença par regarder rapidement autour de lui s’il pouvait barricader la porte, mais mis à part le « cœur », il n’y avait rien dans la pièce. La porte resterait béante.
Il s’approcha au plus près de sa cible et décida d’user du sortilège tranchant le plus puissant qu’il connaissait. On n’avait rien fait de mieux que le Sectumsempra en la matière. Tenant sa baguette à deux mains, il arma son mouvement au plus loin et frappa. Il lui fallut s’y reprendre à trois fois malgré sa force boostée pour parvenir à ses fins. Déjà, les quelques lumières qui l’éclairaient passaient sur une sorte de mode de secours en cas d’avarie.
Le temps lui était compté, tout le vaisseau savait qu’il y avait un problème avec le générateur et bientôt, il serait submergé d’ennemis.
Ariana fatiguait, ses bras devenaient de plus en plus lourds. Elle avait perdu le compte du nombre de légionnaires qu’elle avait abattus. Elle n’en voyait pas la fin. Kraros continuait à la regarder se démener sans sourciller. Elle sentait les coups qu’elle avait pris lui meurtrir la chair, du sang suintait par les quelques estafilades qui la marquaient.
Après une série de nouvelles techniques, elle posa un genou au sol, essoufflée. Tout en reprenant son souffle, elle continuait à surveiller ses adversaires. Elle ne tiendrait plus très longtemps et le savait.
Un monstre se jeta sur elle, mais s’effondra frappé par un Avada Kedavra sortit de nulle part. Ariana se retourna et sourit en voyant Alex courir vers elle en lançant des sorts sur ses agresseurs.
— Ainsi, Yergo a échoué… grogna Kraros. Et le générateur est déconnecté. Maudits humains.
Cet instant de déconcentration suffit à une créature pour projeter la jeune femme violemment. Elle en perdit ses deux baguettes qui roulèrent à plusieurs mètres d’elle. En relevant la tête, elle aperçut celle qu’elle identifia comme sa seconde être broyée sous le pas d’un ennemi. Sa baguette d’origine gisait de l’autre côté de la mêlée et était inaccessible. Elle se remit debout en sortant son pistolet et sa baguette de cristal.
Alors qu’elle tirait, balles et maléfices, sur les légionnaires, se sachant couverte efficacement par Alex dont le sabre tranchait à tour de bras, Ariana parvint à s’approcher de Kraros. Lorsqu’elle fut suffisamment près, elle tendit son artefact magique vers le seigneur des Dæmons, lançant sans une once d’hésitation un sortilège mortel. Kraros réagit immédiatement en levant la main, projetant un éclair. Les deux énergies se percutèrent dans un embrasement formidable, provoquant une onde de choc qui écarta les légionnaires et renvoya Ariana au tapis.
— Vous ne voulez pas comprendre que vous avez perdu, dit Kraros. C’est inéluctable. Je vais vous montrer votre avenir.
Il produisit une lumière étrange qui vint toucher Ariana au front. Alex, trop éloigné et aux prises avec les créatures, ne put rien faire. Il vit Ariana se figer et son regard devenir vague. Il redoubla d’efforts, mais répondant vraisemblablement à un ordre mental de leur maître, les monstres se désintéressèrent de la jeune femme pour tous converger vers lui.
Ariana sentit quelque chose pénétrer son esprit. Ce fut si rapide qu’elle n’eut pas le temps de lever la moindre barrière mentale. Tout devint sombre autour d’elle, les chaos du combat s’atténuèrent jusqu’à disparaître. Des images et autres sensations lui apparurent. Elle vit une ville désolée et grise, elle reconnut Londres en ruine. Des immeubles étaient délabrés, voire effondrés. Les voitures gisaient comme les cadavres de gros insectes. Entre elles, marchant en colonne, les têtes basses, des milliers de personnes avançaient encadrés par les légions. Elle y reconnut avec horreur ses parents, son frère Justin et sa sœur Heather. Sarah pleurait en tenant la main de sa grand-mère.
Ariana aurait voulu agir, au moins courir vers eux, mais elle comprit immédiatement que c’était inutile. Rien n’était réel. Elle se contenta de suivre sa famille durant ce qui lui parut des heures. Que n’aurait-elle pas donné pour pouvoir consoler sa fille ?
Ils arrivèrent finalement à ce qu’elle identifia comme Victoria Park. Ce qui avait été un magnifique espace vert n’était plus qu’une étendue de cendres froides. En son centre se dressait un étrange bâtiment ressemblant à un énorme rocher pointu. La file des prisonniers y entrait par une immense porte triangulaire.
Ariana fut frappée d’horreur. La file se divisait en plusieurs menant à des cabines dans lesquelles les gens rentraient un par un et y disparaissaient quand elles se refermaient sur eux. Ce qui troubla le plus Ariana fut l’absence d’agitation parmi la population. Ils avançaient sans lever les yeux, sans chercher à se soustraire au sort qui les attendait en ce lieu.
Justin réagit tout de même, se mettant à hurler au moment où il devait entre dans la cabine. Il sortit de la colonne, courant vers l’extérieur. Il n’alla pas loin, un flyer lui tomba dessus, le plaquant violemment et d’un coup de griffes arracha la tête de son cou.
Ariana se tourna immédiatement vers le reste de sa famille. Son père avait les yeux exorbités, il esquissa un geste vers le corps de son fils, mais le grognement proche d’un reaper l’arrêta. Heather était tombée à genoux en cachant son visage dans ses mains, elle était secouée de sanglots. Sa mère tournait le dos à la scène macabre, enlaçant Sarah pour l’empêcher de regarder.
Après cette interruption, le mouvement reprit. Les Potter approchaient des cabines.
— Non… souffla Ariana.
Elle se mit à courir vers eux, ne remarquant plus qu’elle traversait les gens sans les toucher, elle ne voulait pas qu’ils disparaissent. Elle se plaça entre eux et leur destination.
Ce fut inutile. Malgré ses suppliques, l’un après l’autre, ils entrèrent dans les cabines sombres.
Ariana, les yeux gorgés de larmes, accompagna sa mère et Sarah qui ne voulait pas lâcher sa grand-mère. La porte se referma sur eux. Une lueur pâle les enveloppa quelques instants. Elle vit la conscience s’effacer de leurs regards et devina que cette machine absorbait leurs esprits, leurs âmes, leurs souvenirs, tout ce qui faisait d’eux qui elles furent.
La porte opposée s’ouvrit. Les gens n’étaient plus en colonnes, ils se répandaient dans le désordre jusqu’à la sortie où des légionnaires les remettaient en ordre. Ariana vit son père et sa sœur s’éloigner sans se préoccuper un seul instant de Juliet et Sarah. La dame lâcha la main de Sarah, se demandant peut-être qui était cette fillette.
Ariana tomba à genoux, les suivant juste du regard. Elle ne voulait pas voir ce qu’il leur arrivait après. À ce moment, ils n’existaient déjà plus, autant que Justin dont le cœur avait cessé de battre. Elle se demandait comment contrer un tel avenir cauchemardesque. Était-ce seulement possible ?
— Il ne tient qu’à toi de changer cela.
Elle se releva, cherchant qui lui avait parlé. C’était un homme âgé assez maigre arborant des cheveux gris et des lunettes rondes. Ariana était sûre de l’avoir déjà vu quelque part. elle écarquilla les yeux quand elle remarqua la fine cicatrice en forme d’éclair qui striait son front.
— Harry Potter ! s’exclama-t-elle. Mais comment… ?
— Il y a tant de mystères dans ce monde… J’ignore comment ça marche. Lorsque je suis allé défier Voldemort, j’ai vécu une expérience similaire, c’est le professeur Dumbledore que j’ai vu alors. Il m’a expliqué les dernières choses que je devais savoir. Peut-être suis-je ici pour ça également ?
Harry observa Sarah. La petite fille ne bougeait pas, regardant autour d’elle sans comprendre, inquiétée par la présence des monstres et de tous ces gens.
— Pauvre petite… soupira-t-il. Sarah, n’est-ce pas ?
— Oui, ma fille, dit Ariana en ravalant un nouveau sanglot. Elle a déjà tant subi à cause des Dæmons. Je ne veux pas qu’elle vive… ça. Comment faire ?
— Si nous changions d’endroit déjà ?
D’un coup tout s’effaça et Ariana fut de nouveau dans l’Arche. Elle se vit à genoux devant Kraros, le rayon de ce dernier la touchant au front. Alex se battait toujours contre les légionnaires. Toute la scène était au ralenti, presque à l’arrêt.
Harry était toujours près d’elle, il observait Alex et un léger sourire nostalgique se dessina sur son visage.
— Il ressemble tellement à son aïeul, dit-il. Physiquement déjà, et je vois la même flamme combative dans son regard. Pour beaucoup, s’ils avaient su, Pierrick n’aurait pas été un humain, mais une chose, une création. Et pourtant, il n’a eu de cesse de combattre toute sa vie pour les autres, démontrant plus d’Humanité que bien d’autres.
— Alex est un homme bien, acquiesça-t-elle. Avec lui, je me sens capable de vaincre n’importe quel adversaire.
— L’Amour est la plus grande des Magies, c’est la leçon la plus importante que m’ait enseignée le professeur Dumbledore. Et je ressens la puissance de cette magie entre vous. Même en combattant, il a les yeux rivés sur toi et ne souhaite à cet instant que te sauver. Mais tu ne peux l’attendre, tu dois te relever seule et repousser ce Kraros.
— Il me tient en son pouvoir. Comment faire pour sortir de cette illusion ? Quel sortilège utiliser ? Suis-je assez puissante ? Alex a la puissance, il pourra le balayer.
— Ce n’est pas à lui de le faire. Tu es la Porteuse de Cristal.
— C’est ce qu’a dit l’Eldyr. À l’époque je n’ai pas compris, et ça n’a pas changé.
— Vois la baguette que tu tiens dans ta main. Elle est de cristal. Parfois on cherche la solution des prophéties loin alors qu’il suffit d’aller au plus simple. Ce fut aussi mon cas. Une prophétie fut faite avant ma naissance. Certains pourraient dire que tout était joué d’avance, mais jamais une prophétie ne donne la conclusion d’une histoire. Elle montre juste un des chemins possibles. Tout dépend de l’importance qu’on lui donne.
— Je ne suis pas la seule à avoir reçu une telle baguette, se défendit Ariana.
— Mais c’est à toi qu’elle a parlé, car c’est une des possibilités de ton avenir qu’elle a perçu.
— Alors je suis aussi la Lumière Salvatrice ? railla-t-elle. Je ne pense pas avoir autant d’importance.
— Et pourtant, tu es là, à combattre, entourée d’amis.
— Avec l’Oiseau-Espoir, finit Ariana en posant un nouveau regard sur Alex, se remémorant les autres paroles de l’Eldyr. Tout se met en place… Et vous avez tort.
— Que veux-tu dire ? questionna Harry.
— Vous dîtes que je dois me relever seule. Je ne suis pas seule. Je les sens tous autour de moi. Julia, Rozenn, Kat, Nayu, Joshua, Tony, Alex. Ils combattent tous d’une manière ou d’une autre. Et plus loin, mes parents, ma sœur, mon frère, mes amis, et Sarah. Eux aussi sont avec moi. Peut-être pas physiquement, mais ils sont là. Je me bats pour eux. Je me bats avec eux. Je ne suis pas la Lumière Salvatrice. Nous sommes tous cette Lumière. Même vous mon cher ancêtre, et celui des Chaldo, sans vous, nous ne serions pas là à défendre ce qui doit l’être. Vous n’êtes plus, mais nous continuons sur le même chemin.
Harry sourit à sa descendante, inclinant légèrement la tête pour acquiescer de la révélation qu’elle venait d’avoir. Une ultime révélation.
— Ce fut une immense joie de te rencontrer, dit-il. Je te souhaite de connaître une vie longue, heureuse et ennuyeuse après autant d’aventures, auprès de ceux à qui tu tiens. Brille de mille feux, concentre leurs Lumières, et deviens la Lumière Salvatrice.
D’un coup, Ariana fut de retour dans son corps. Elle repoussa la présence répugnante et rugueuse de Kraros de son esprit. Son bras se leva, visant le seigneur des Dæmons de l’artefact cristallin.
— Comment as-tu pu te libérer de mon illusion ? ragea-t-il.
La baguette d’Ariana se mit à briller d’un éclat aveuglant, annulant le rayon de Kraros. Ce dernier fut plaqué contre le dossier de son trône.
— J’ai reçu les conseils d’un parent, répondit-elle.
La lumière s’intensifia, faisant visiblement souffrir Kraros. Il lança un appel mental, détournant les légionnaires d’Alex pour les envoyer sur Ariana. Mais le Corbeau n’en laissa aucun s’approcher de sa compagne. Il s’interposa, tranchant les plus rapides puis planta sa baguette dans le sol d’où surgit un immense mur de flammes ardentes.
— Quoique tu veuilles faire Ariana, je suis à tes côtés, lança-t-il sans se retourner. Je serais toujours à tes côtés !
Alex lâcha son sabre et glissa sa main dans celle libre d’Ariana. Leurs mains s’étaient trouvées sans même se chercher. Leurs esprits entrèrent en symbiose, leurs énergies s’entremêlaient de la manière la plus intime qui soit. La jeune femme était en paix. Elle ne cherchait pas à vaincre son ennemi, elle voulait juste défendre ceux qu’elle aimait.
L’onde lumineuse se concentra à l’extrémité de la baguette. Puis une vague d’une intensité insoutenable vint frapper Kraros. Sa peau se mit à fondre, ses muscles à se dissoudre, ses organes s’évaporèrent, puis ses os tombèrent en poussière.
Lorsque la lumière s’atténua, Ariana tomba à genoux de fatigue. Alex fit de même derrière elle. Le mur de flammes qu’il avait dressé s’estompa. Malgré tout, ils se tenaient toujours par la main.
Les légionnaires avaient l’air hébétés par la rupture du contact mental de Kraros. Pour le moment, ils ne se souciaient plus des deux humains, mais cela pouvait ne pas durer.
— Ariana, il faut partir, dit Alex.
— L’Arche n’est pas encore hors d’usage, fit-elle.
— Ne t’en fais pas pour ça, Tony s’en occupe.
— Seul ?
— Il a fait son choix. Viens. Avant qu’ils ne reprennent leur esprit.
Ariana se releva, les jambes flageolantes. Alex l’aida à tenir debout et la fit sortir de la salle du trône. Ils se déplaçaient aussi vite qu’ils le pouvaient.
— Alex, vous êtes encore dans l’Arche ? demanda la voix de Tony dans sa tête.
— En cours d’exfiltration, répondit Alex. Et de ton côté ?
— J’ai eu de la compagnie, un peu trop à mon goût. Mais ils se sont arrêtés d’un coup.
— C’est grâce à Ariana, elle a abattu le maître des Dæmons.
— Alors elle a réussi… Quittez ce vaisseau.
— On y est presque.
— Ariana, merci pour tout, finit Tony.
— Tu vas me manquer Tony, soupira Ariana.
Finalement poursuivis par des légionnaires désorganisés, Ariana et Alex durent forcer le pas alors qu’ils étaient déjà presque à la rupture. Des éclairs les frôlaient, ricochant contre les parois.
— Tir de couverture ! lança une voix devant eux.
Le fracas des armes à feu et celui des maléfices résonna, les légionnaires tombaient frappés mortellement. Une équipe de soldats des STAR vint se placer derrière le couple pour les couvrir plus efficacement.
— Tous à couvert ! ordonna Rozenn.
Les yeux flamboyant d’un éclat doré intense, la dragoniare lança un tourbillon de flammes qui vint éliminer les derniers poursuivants.
— Vous allez bien ? demanda Kat.
— Éreintés, je crois qu’on a mérité des vacances, répondit Alex. Appelle l’Ankou, demanda-t-il à la capitaine pirate. On évacue.
— Moi qui commençais à aimer ce vaisseau… sourit Rozenn.
L’Ankou évita les tirs de défense de l’Arche avec dextérité. Il vint se fixer à sa coque comme au début de la mission. Une fois tout le monde à bord, Yvain Morbrez n’attendit pas et éloigna le vaisseau pirate.
Tony se savait seul à bord de l’immense vaisseau dæmon avec juste la population dæmonne et une partie de leur armée endormie. Il s’approcha du « cœur ». Les traces de sa dernière bataille marquaient son corps. Il perdait du sang et sa peau était brûlée en maint endroit. Mais il ne s’en souciait plus. Sa route s’arrêtait ici, là où celle de ses amis et de sa famille commençait. Loin d’avoir peur de sa fin, il se sentait plus serein que jamais.
Il tendit ses baguettes devant lui et diffusa son énergie vers le générateur, intensifiant son flux à chaque seconde. Il savait qu’il pouvait y arriver, il le devait. Un dernier effort, une dernière poussée de magie et son corps se consuma, devenant lui-même magie pour s’attaquer au générateur.
Un dernier sourire sur ses lèvre, Anthony Chaldo disparut…
De la passerelle de l’Ankou, les pirates et les agents de la DE virent les moteurs de l’Arche exploser dans le silence spatial. La carcasse éventrée de l’immense vaisseau se vida de son air et d’une partie de ses occupants. Tous étaient terrés dans le mutisme. Ariana se serra un peu plus contre Alex, se laissant gagner par les pleurs.
— Ton vol prend fin Corbeau, récita Alex. Un autre vient de prendre son envol. Car rien ne se finit dans la mort. Nous continuerons à nous dresser au combat aussi vrai que notre plumage est noir et notre épée tranchante. Nous ne tomberons jamais à genoux. Nous demeurerons toujours debout.