HP et l'attrait des ténèbres
Snape frappa deux coups à la porte du bureau du Directeur et entra rapidement.
Le vieil homme était assis dans son fauteuil et lui tournait le dos, le regard perdu dans la vue que lui procurait sa place : le parc était calme, et la chaleur étouffante. D'ici, la forêt interdite semblait bien moins menaçante : seuls quelques mouvements étranges des branches des gigantesques arbres laissaient penser que le bois n'était peut-être pas si banal.
- Albus ?
Snape était inquiet. Le directeur ne s'était toujours pas retourné, et il n'avait encore reçu aucune invitation à prendre un bonbon au citron. Il y avait un problème.
- C'est bien pire que ce que je croyais, Severus.
Dumbledore soupira et plaça enfin son siège face au professeur de potions, tout en lui indiquant de prendre place lui aussi. Les lunettes en demi-lunes ne suffisaient plus à rassurer Snape.
- À propos de Potter ?
- Oui, Harry, à propos d'Harry. J'ai fait quelques recherches. Bien sur, un cas tel que celui-ci ne s'est jamais présenté dans l'histoire, mais j'ai bien peur que les informations que j'ai recueillies ne soient guère rassurantes. Il semble que son état, son humeur, et même ses envies vont peu à peu se modifier.
- Je l'ai croisé hier, dans un couloir, grogna Snape, il s'est rapidement mis à hurler lorsque je n'ai pas voulu lui parler du lien. Je croyais que les effets seraient plus tardifs, et disons, moins … violents.
- Severus, j'ai bien peur que cela n'empire. Mes recherches se sont portées sur la médecine moldue. Ne fais pas cette tête Severus, reprit le directeur lorsque l'homme émit un rictus peu aimable, les moldus sont en avance sur nous sur un grand nombre de choses, et la médecine en fait partie.
- J'en suis sûr. Mais quel rapport avec Potter ?
Snape commençait à s'impatienter. Qu'est-ce qu'avait encore inventé le vieux fou ?
- Je me suis intéressé aux maladies psychiatriques de plus près, et notamment aux troubles de la personnalité. Les distinctions faites entre les différentes maladies sont difficiles à cerner. Une partie de l'âme de Voldemort, et je ne sais pas laquelle, est coincée dans l'esprit d'Harry, ceci est une certitude. Si Harry n'arrive pas à s'opposer à cette ''partie'' dirons-nous, j'ai bien peur qu'il soit peu à peu amené à subir un dédoublement de la personnalité.
- Un dédoublement de la personnalité ? Mais Albus, vous déraillez, comment , commença à souffler Snape, au bord du rire nerveux.
- Severus ! le coupa Dumbledore, il ne s'agit malheureusement pas d'une plaisanterie. Selon les études moldues, il s'agirait d'un dédoublement inconscient de la personne, en une voire plusieurs autres personnalités, et ce de manière inconsciente. Notre cas est bien plus compliqué : l'esprit d'Harry est réellement envahi par une partie de celui de Voldemort. Je ne sais pas si cela va évoluer, je ne sais pas si Harry sera conscient de cette évolution, je ne sais même pas à quel point cela peut évoluer.
Le vieux directeur semblait dépassé, ce qui n'était pas pour rassurer Snape.
- Albus, êtes-vous en train de me dire que Potter peut se laisser, disons, dominer par l'esprit du Seigneur des ténèbres ? demanda Snape, blême, et tout à coup plus concentré.
- C'est possible Severus, c'est possible. Mais il faut se souvenir que Voldemort, répondit Dumbledore, accentuant exagérément sur ce nom, n'est pas dans le corps de Harry, non. Seule une partie de son âme, celle qui a permis la connexion avec Harry, est restée coincée dans son esprit. Ce 'morceau' d'âme peut représenter tout et n'importe quoi : peut être la haine, peut être la douleur, l'orgueil, la colère,... peut-être plusieurs choses à la fois. Il est possible qu'il s'agisse aussi de la façon de penser de Tom, son mode de réflexion. Je n'en sais rien à vrai dire. Il s'agira certainement d'un trait de la personnalité de Tom.
Les deux hommes se regardèrent, atterrés. Dumbledore avait l'air choqué par ses propres propos. Il avait peur, tout comme Snape, bien que ce dernier ne s'autoriserait jamais à le montrer de manière aussi ridicule.
- Albus, qu'allons-nous faire ?
- Je n'en sais rien malheureusement. Mais tout ceci doit rester secret. Si le ministère apprend qu'il existe une possibilité que Tom revienne, une fois de plus... Je n'ose pas imaginer les mesures qui pourraient être prises, soupira le vieil Homme. Non. Il faut cacher ce 'détail' au monde sorcier, même à l'Ordre. J'ai la conviction que même mon influence ne pourra protéger Harry des mesures draconiennes qui pourraient être prises par le Ministère.
- Je ne pense pas que Potter se soit vanté de ce fait auprès de qui que ce soit Albus. Il n'avait pas l'air d'aller au mieux.
- Bien sur. Harry se sent certainement honteux de ce détail. Mais si Tom décide de dévoiler son secret …
- Albus ! Est-ce que ça peut aller jusque là ? Et Potter, serait-il conscient de ce changement ?
Le professeur prenait peu à peu conscience de la réalité de situation, et la panique s'avérait plus forte que tout.
-C'est très grave Albus, il faut l'enfermer, je ne sais pas, le confier à un institut spécialisé ou bien…
- Severus ! Comment peux-tu dire des choses pareilles ? Il s'est sacrifié pour nous tous, nous devons le soutenir. Il mérite largement notre aide.
- Mais serrons-nous capables de lui apporter cette fameuse aide Albus ?
Le directeur ne répondit pas. Il tortilla ses longs doigts et attrapa un bonbon au citron, qu'il mit précautionneusement dans sa bouche.
Snape suffoquait. La situation était bien plus dramatique que ce qu'il avait pensé au début : les changements d'humeur et les accès de colère ne seraient peut-être pas les seules ombres au tableau ''Potter''.
Voldemort. Ce foutu Tom. Même mort il continuait d'emmerder les gens.
- Severus ? reprit le directeur
La question brisa l'angoisse dans laquelle s'était réfugiée Snape. Il hocha la tête en un mouvement interrogateur.
- Harry est actuellement avec Sirius. Je n'ai pas été contacté, je suppose donc que rien de terriblement anormal ne s'est produit. Mais il va falloir le surveiller, tu t'en doutes bien mon enfant.
Snape grogna. Mon 'enfant'. Cela ne sentait pas bon. Pas bon du tout.
- Laissez-moi deviner Albus. Je suis l'heureux élu pour jouer le rôle de gardien auprès de ce cher Potter ?
- Severus, j'ai besoin de ton aide. Tu est le seul en qui j'ai assez confiance, et bien plus même, pour jouer ce rôle.
- Black ne pourrait donc pas s'en charger ? C'est le parrain du gosse après tout !
- Sirius ne comprendrait pas, et se laisserait rapidement dépassé. Harry doit être encadré, avec fermeté s'il le faut.
- Il ne va pas comprendre Albus. Il vient d'avoir 17 ans. Il pense être dégagé de toute autorité.
- Je m'occuperais de ça Severus. Il n'a pas vraiment le choix. S'il faut le menacer, je le ferai. Il faudra bien le faire. En attendant, inutile de le faire paniquer. Je pense également que ce serait finalement une erreur de lui révéler ta condition. Si les choses évoluent trop vite, cela pourrait largement jouer en notre défaveur.
- Vous parlez comme si j'avais déjà accepté cette mission Albus.
- Je pense que tu l'as déjà acceptée, oui.
Le silence tomba dans le bureau. La tension était palpable, le plus jeune fixait sévèrement l'ainé.
- Je te considère comme mon fils Severus, même si je ne te le dis pas souvent. Tu es mon seul espoir. Les autres pourraient ne pas comprendre, laisser Harry perdre le contrôle ou bien au contraire le faire souffrir inutilement, en ne voyant plus que Voldemort en lui.
Ah, ça faisait longtemps. La culpabilité. Albus et ses foutus sentiments.
- Albus, vous êtes vraiment un Tyran...
- Severus, mon enfant, tu..
- Très bien – grogna Snape – J'accepte. Je vous soupçonne cependant de voir un avantage certain dans ma...condition, comme vous dites. Je ne pourrai ainsi pas aller trop loin avec lui, n'est-ce pas ?
- Voyons Severus, je n'ai pas un seul instant pensé à cela comme un avantage.
Dumbledore sourit et Snape se renfrogna.
- Diabolique, Albus, vous êtes diabolique.