HP et l'attrait des ténèbres
-J'ai ai marre Severus, j'en ai marre ! – hurla Harry.
Le maitre de potions ne s'offusqua pas de l'utilisation de son prénom. Au point où ils en étaient, cela ne changeait pas grand chose.
-Je sais Potter. Mais c'est maintenant que vous devez lutter. Essayez de vous souvenir de tout ce qui se passe, essayez d'interférer avec…
- Je n'en peux plus ! – cria de nouveau le jeune homme - Je n'y arrive pas. J'ai l'impression d'être assassiné à chaque fois qu'il revient. J'ai l'impression d'être criblé de coups de couteau quand il réapparait.
-À ce point ? - lança Snape, d'un ton acerbe et moqueur.
-Ne vous foutez pas de moi Snape. Ne jouez pas à ça- lui répondit Harry, scrutant le regard de son ancien professeur.
Puis il se détourna ; les yeux du jeune homme redevinrent ternes, et le léger sourire qui animait doucement son visage semblait s'être complètement éteint.
-Excusez-moi Potter – souffle Snape, et la difficulté qu'il avait à prononcer ces quelques mots était palpable – Mais je ne veux pas m'apitoyer avec vous sur votre sort. Cela ne vous aidera pas à vous en sortir.
Le gosse hocha faiblement la tête mais ne dit rien.
-Je sais que c'est douloureux mais c'est le signe que la potion fonctionne. Vous avez entièrement dissocié votre propre personne de l'âme de Tom.
Seul un reniflement dédaigneux répondit à Snape.
-Le lord parle à travers moi sans que je n'en aie conscience. C'est ça l'évolution que vous espériez ? La voix du jeune homme était lasse, usée.
-Oui – répondit Snape dans un souffle. Puisque cela signifie que lorsque vous me parlez, je sais qu'il s'agit bien de vous. Vous, pas Tom.
Le jeune homme ne répondit rien, et retourna s'asseoir à même le sol de la cellule. Quelques minutes passèrent ainsi, durant lesquelles Snape tournait et retournait mille pensées dans son esprit. Quand toute cette histoire allait-elle prendre fin ? La potion était-elle assez efficace ? Pourquoi avait-il le sentiment que son cœur se fissurait lorsque Harry disparaissait et que Tom, ou plutôt, l'esprit sombre de Harry, prenait sa place ?
Mais il ne put y songer d'avantage et quelque part Potter s'était mis à gesticuler, et, bien que cela puisse semblait indécent en une pareille situation, il en ressenti un certain soulagement. Potter commença à trembler, et sa tête bascula en arrière, frappant violemment le mur qui le soutenait. Snape soupira, se leva et attacha de nouveau les poignets du jeune homme aux crochets fixés au mur. Cette manœuvre était devenue affreusement banale, routinière dès que le monstre semblait sur le point de se montrer, le mot 'cellule' qui désignait la pièce de Harry prenait toute son ampleur.
Le garçon marmonna des mots inaudibles, et des gouttes se mirent à perler sur son front malade. Severus s'accroupit à hauteur de Potter, posa une main fraiche contre son front essuya la sueur son visage avec un linge propre.
Mais lorsque les yeux de Harry se relevèrent sur lui, Snape sut qu'il ne s'était pas trompé.
-Severus, mon cher ami – siffla le jeune homme.
Snape se redressa alors, tourna le dos au jeune homme et se mit à circuler dans la pièce, les yeux rivés sur le sol poussiéreux. Malgré tout, il lui était encore très difficile de rester dans la pièce lorsque Harry s'en allait. Lorsque cela se produisait, une masse semblait alourdir son âme. Son dos se voutait légèrement, et un profond sentiment d'humiliation s'emparait de lui, sans qu'il ne puisse se contrôler. Il avait mal en sa présence, de la même façon qu'il avait eu mal chaque fois qu'il avait du faire face au Lord Noir. Les plaies qu'il avait cru disparues le soir de la chute de son maître se rouvraient une à une, glaciales, tyranniques, purulentes. Il ne parvenait pas à faire disparaître le sentiment de docilité qui s'emparait de tout son être, faisant fi de sa volonté propre. Il ne pouvait ni faire cesser ces sensations, ni même en amoindrir l'intensité. Lorsque les yeux du double de Harry se posaient sur lui, il avait l'écœurante impression d'être de nouveau à genoux, incliné, soumis, tel un chien. Alors il détournait les yeux. Il tournait en rond dans la cellule. Ce n'était pas très glorieux, mais cela lui permettait de rester auprès du jeune homme malgré tout.
-Regarde moi Severus – siffla le jeune homme, la tête légèrement penchée en avant et les yeux relevés, fixés sur le maitre de potions.
Mais Snape ne répondit pas. Il attendait que ça passe. Il attendait le retour de Harry.
-Tu as de la peine pour ce jeune homme Severus ? Tu voudrais qu'il soit heureux ? – susurra Potter, d'une voix doucereuse et sournoise.
Ces mots qui auraient semblé ridicules aux yeux de Snape eurent en lui un surprenant et douloureux écho. Oui, il voulait que le jeune homme aille bien. Il avait envie de le faire sortir de cette cellule trop grise. Il avait envie de lui montrer des endroits plus doux, des lieux plus chaleureux qui pourraient facilement faire monter un sourire sur les lèvres trop pales du jeune homme.
Un rire caustique résonna alors dans la salle.
-Serais-tu tombé amoureux Severus ? En aimerais-tu un autre que moi ?
Le cruel sourire qu'il arborait déformait les traits habituellement si bienveillants du visage du jeune homme.
-Laisse le. Laisse le – siffla Snape, comme une prière.
-Pourquoi tant de mépris à mon égard Severus ? – demanda d'une voix plus forte le jeune homme, désormais contrarié – Tu me déçois tellement mon enfant. Tu as toujours été mon plus grand échec, ma peine la plus humiliante.
Mais Snape ne répondit rien une fois encore, et le jeune homme s'irritait de plus en plus de ce silence. Sa tête vacillait de gauche à droite, et des sortes de grognements semblaient émaner de lui.
-Peut-être que si je te parlais de lui tu te montrerais plus coopératif – susurra-t-il – Oui, j'en suis même certain.
A ces mots, le professeur de potions tressaillit inconsciemment. Il présageait de ce qu'allait lui dire ce monstre. Il savait que ses mots seraient durs, pénibles. Il remercia Merlin de ne pas laisser de souvenirs à Harry, le vrai, de ces épisodes de dissociation.
-Il pleure comme un enfant Severus. Tu le sais n'est-ce pas ? Il chiale dès que l'envie me prend de le voir si pitoyable, à ma merci la plus totale. Il ne comprend pas que c'est pour son bien. Toi non plus d'ailleurs.
Snape se retint de sortir de la pièce. Il voulait rester. Si quelque part, une parcelle de Harry était toujours consciente, il voulait qu'il sache qu'il n'était pas seul. Il était là lui.
-Il se perd Severus. Il est à chaque instant perdu dans un abîme de douleur et de fièvre. Il sombre dans les doux souvenirs de sa tendre enfance, sous les tendres coups de ceinture de son oncle et l'affable insensibilité de sa tante. Il est en immersion totale, la tête engloutie dans les cendres de ses plus cuisants échecs, de ses innombrables déceptions. Tu as même le privilège d'en faire partie Severus.
Un abject sourire se forma sur les lèvres du garçon, et il reprit :
-Il y pense tellement souvent Severus, que je crois qu'il aime ça.
Et le rire gras résonna de nouveau dans la pièce, alors que les nerfs de Severus se tendaient et que les jointures de ses mains devenaient trop blanches à force de serrer les poings.
-Il aime la souffrance Severus. Tu l'as aimée aussi il me semble. Je ne fais que l'aider à assouvir sa passion. Je ne fais qu'enfoncer mes doigts dans des plaies déjà béantes.
-ARRÊTE! tonna Snape, en s'approchant tout à coup du jeune homme.
-Sinon quoi Severus ? s'amusa celui-ci – Comment crois-tu pouvoir m'atteindre ?
Et en une fraction de seconde, la voix du garçon s'était métamorphosée en un son guttural, rauque, loin de la voix de Harry. La baguette de Snape, rangée jusque là dans la poche avant de sa robe noire, vola à travers la pièce et avant que le professeur ne puisse reprendre sa respiration, la main droite de Potter s'était déliée de ses chaines et ses doigts ses tendirent en direction de l'Homme en noir, lui arrachant un cri de douleur.
La marque des ténèbres était incandescente sous la manche de l'ancien mangemort la flamme brulait sa peau, rongeait sa chair et il sentit le sang s'écouler à grand flot alors que sa esprit se perdait dans ses cris de douleur et que sa vision devenait trouble. Il lui sembla voir le jeune homme non plus assis par terre mais debout, devant lui, cet affreux sourire toujours collé à ses lèvres.
-ARRÊTE ! hurla alors à nouveau le maitre des potions et alors qu'il faisait fonctionner son cerveau à vive allure à la recherche d'une façon de ce sortir de ce pétrin, il vit les yeux du garçon se révulser et Potter s'effondra devant lui. Severus remercia Merlin et sortit en vitesse de la cellule, qu'il prit tout de même soin de refermer à clef.
-D'où vient tout ce sang Severus ? Cria Black, qui accourait dans la direction du potionniste. Severus jura intérieurement. Il avait fallu que Black se ramène maintenant, alors que sa manche était calcinée, et son bras à feu et à sang.
-Il m'a blessé au bras – marmonna Severus qui s'adossa contre le mur, en espérant que Sirius cesse rapidement de lui prêter attention. Mais ce fut peine perdue. Sirius s'était déjà approché de lui et avait saisi son bras, avant d'entreprendre le retrait des morceaux de tissus qui s'étaient imprégnés dans la peau de l'ancien mangemort. Severus, déjà nauséeux et sur le point de s'évanouir, ne put le repousser. Il ne fut pas surpris lorsqu'il sentit Sirius cesser de toucher son bras et qu'il vit celui-ci reculer de plusieurs mètres.
-Mais, c'est la marque ? – demanda Sirius, abasourdi
-Hm.. – grogna Severus, qui ne savait que trop bien que la situation allait encore une fois déraper.
-Tu as toujours la marque ?- demanda de nouveau Sirius, qui semblait d'avantage se parler à lui même que poser une réelle question à Snape.
-Je ne comprends rien- reprit-il - je croyais qu'elle s'était effacée après la chute de Voldemort ! – Sirius criait désormais, sans même s'en rendre compte car il était complètement perdu. Pourquoi seul Severus aurait conservé la marque ? Et pourquoi était-elle en sang ?
-C'est assez compliqué Black et là tout de suite, je préfèrerais …
Mais la fin de sa phrase mourut entre ses lèvres : le regard de l'animagus naviguait entre la porte close de la cellule et le bras en sang de l'ancien mangemort.
-Tu es relié à Harry ? – la voix de Sirius ne semblait être qu'un murmure après le violent vacarme qui avait envahi le couloir quelques secondes plus tôt.
Snape ne répondit rien il se contenta de fixer Black une seconde avant de retourner à la contemplation de son bras mutilé.
Le choc s'afficha tout d'abord sur le visage de l'animagus, avant qu'une âpre colère ne vienne déformer ses traits.
-J'aurai du me douter que tu n'étais là que pour sauver ta peau - cracha-t-il au visage de Snape, dans un murmure hostile.
Ses mains tremblaient légèrement, et la déception qui se lisait dans ses yeux atteignit Severus plus qu'il ne voudrait jamais l'admettre.
-Je ne suis pas resté pour ça Black. Pas seulement en tout cas – lança-t-il tout en tentant de compresser de sa main valide la plaie qui ne cessait de saigner abondamment.
Le rire hargneux de Sirius résonna alors dans le couloir, et celui-ci s'avança de nouveau vers le potionniste, d'un pas lent, mesuré, hostile.
-Ne te fous pas de ma gueule Snape – lâcha-t-il à voix basse, la mâchoire serrée – tu es là par amour pour moi ? Pour Harry ? - Snape se fit la réflexion que le mélange de colère et d'ironie ne sciait pas à Black. Par amour pour lui ? Il leva les yeux au ciel sans même s'en rendre compte.
-J'aurais tout aussi bien pu me contenter de préparer la potion et refuser de venir ici, - répondit Snape, ignorant les propos sarcastiques de Sirius, - Mais je suis venu, et je suis encore là Black, alors évite de te lancer sur ce terrain-là.
-Alors pourquoi Snape ? – hurla tout à coup l'animagus - Qu'est-ce que tu fous encore là ?
Il s'était de nouveau rapproché de Severus et celui-ci pouvait presque sentir son souffle sur sa peau. Les poings serrés le long du corps de Black ne rassuraient pas le potionniste, qui avait jusqu'alors eu le sentiment que leur relation s'était transformée, passant d'un chaos irrémédiable à une calme courtoisie, voire à du respect. Bien que ni l'un ni l'autre n'avaient oublié leur houleux passé commun, une nouvelle page semblait avoir été écrite. Une page blanche, sereine, et ce nouvel affrontement attrista l'homme en noir, qui avait presque appris à apprécier la présence d'autres personnes dans la même pièce que lui. Il n'arrivait cependant pas à être déçu de l'animagus il aurait pensé la même chose à sa place, et les mêmes mots seraient sortis de sa bouche s'il avait été dans sa situation. Il força son esprit à reprendre pied : Potter le transformait en guimauve.
-J'ai mes raisons – rétorqua-t-il alors, - et elles sont toutes dans l'intérêt de Potter. Alors lâche-moi avec cette histoire. Je pisse le sang au cas où tu ne l'aurais pas remarqué.
Sirius plissa les yeux et même le plus optimiste et pacifique des hommes aurait pu voir à quel point il se retenait pour ne pas casser la gueule du maitre de potions.
-Tu devrais aller voir ton filleul Black – lui dit alors Snape, qui voyait là son unique chance de ne pas finir complètement meurtri ce soir.
Et – Severus se promit de remercier Merlin pendant une semaine – Sirius détourna les yeux et s'engouffra dans la cellule de son filleul.
Lorsqu'une heure plus tard, ils se retrouvèrent dans le petit salon de la maison, Sirius, qui semblait légèrement plus calme, jeta un long regard inquisiteur à son acolyte. Et au bout d'un temps qui sembla interminable à Severus, il prit le siège face au maitre de potions et remplit les verres du scotch qui était posé sur la table basse. La guerre attendra encore un peu.